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06/02/2019 | FRANCE | N°17-26494

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 06 février 2019, 17-26494


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 26 février 2007, la société Finovia, devenue Arrow capital solutions (la société ACS), a donné en location à la société Cegedim onze licences "Oracle", avec maintenance, et un serveur, pour une durée de vingt-quatre mois, prenant effet le 1er avril 2007 ; que le 3 avril 2007, la société ACS a cédé le contrat à la sociÃ

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 26 février 2007, la société Finovia, devenue Arrow capital solutions (la société ACS), a donné en location à la société Cegedim onze licences "Oracle", avec maintenance, et un serveur, pour une durée de vingt-quatre mois, prenant effet le 1er avril 2007 ; que le 3 avril 2007, la société ACS a cédé le contrat à la société ING Lease France qui a prélevé les redevances jusqu'au terme du contrat ; qu'après cette date, la société ACS a repris les prélèvements, en invoquant la rétrocession du contrat par la société ING Lease France à son profit et sa tacite reconduction à défaut, pour la société Cegedim, d'avoir dénoncé le contrat quatre mois avant son échéance ; que la société Cegedim estimant que le contrat avait pris fin au terme des vingt-quatre mois, a assigné la société ACS en remboursement des loyers prélevés postérieurement à ce terme ;

Attendu que pour dire que le contrat conclu le 26 février 2007 entre les sociétés ACS et Cegedim était un contrat de location à durée déterminée d'une durée de vingt-quatre mois, non renouvelable, condamner la société ACS à rembourser à la société Cegedim la somme de 400 350,73 euros et rejeter ses demandes reconventionnelles, l'arrêt, après avoir relevé que l'article 10 des conditions générales prévoyait qu'à défaut pour le locataire d'avoir fait connaître, quatre mois avant l'expiration de la période irrévocable de la location, précisée aux conditions particulières, son intention de ne pas poursuivre le contrat, celui-ci se poursuivrait par tacite reconduction par période d'un an minimum, retient que ces stipulations sont en contradiction avec les conditions particulières qui prévoient une durée ferme et irrévocable de la location de vingt-quatre mois ; qu'il retient encore que les conditions particulières d'un contrat priment sur ses conditions générales et que cette primauté est corroborée par la commune intention des parties ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait des clauses du contrat, non contradictoires entre elles, que celui-ci avait été conclu pour une durée de vint-quatre mois irrévocable et qu'il était renouvelable par tacite reconduction, sauf manifestation de volonté du locataire de ne pas le poursuivre, quatre mois avant son terme, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ce contrat, a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Cegedim aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Arrow capital solutions la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Arrow capital solutions (ACS)

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que le contrat signé le 26 février 2007 entre les sociétés Arrow Capital Solutions et Cegedim était un contrat de location à durée déterminée de 24 mois non renouvelable et d'avoir condamné la société Arrow Capital Solutions à payer à la SA Cegedim la somme de 400.350,73 € avec intérêts légaux à compter de chaque prélèvement et d'avoir débouté la société Arrow Capital Solutions de ses demandes reconventionnelles ;

AUX MOTIFS d'une part QUE le 26 février 2007, la société Cegedim a contracté, auprès de la société Arrow Capital Solutions, un contrat de location afin de financer 11 licences perpétuelles "Processeurs entreprise Edition Oracles", pour une durée de 24 mois ; que l'objet du contrat consistait dans le financement de l'acquisition de licences Oracle et de la maintenance associée comprenant : - 11 licences perpétuelles Processeurs Entreprise Edition ; - 11 supports annuel Processeur Entreprise Edition-redevance annuelle ; - un serveur X 320 IBM (offert) ; que le coût total des licences et services financés était de 200.175,36 euros TTC, les loyers étant calculés sur la base du prix des équipements ; que le loyer mensuel s'élevait à 6.973,78 euros HT ; que le procès-verbal de réception et de mise en service des licences Oracle a été signé le 27 mars 2007 ; que ACS a cédé ce contrat à ING Lease le 3 avril 2007 ; qu'au terme des 24 mois, ING Lease a rétrocédé ledit contrat à ACS pour le prix de 17,94 euros ; qu'ACS a continué à percevoir les loyers pendant une durée de 48 mois supplémentaires, pour un montant total de 400.350,73 euros TTC ; que Cegedim soutient que cette somme a été perçue indûment par ACS puisque le contrat avait pris fin au terme des 24 mois ; que la société ACS réplique qu'il s'agissait d'un contrat de location à durée déterminée et qu'en application de l'article 10 des conditions générales du contrat prévoyant un mécanisme de reconduction tacite à la fin de cette période, à moins que le locataire n'ait exprimé expressément sa volonté de ne pas reconduire le contrat quatre mois avant son terme, le contrat avait été reconduit ; qu'elle estime donc qu'elle était parfaitement en droit de continuer à percevoir les loyers ; considérant que les conditions particulières d'un contrat priment sur ses conditions générales ; qu'en l'espèce, l'article 2 des conditions particulières « Durée de la location », stipule que « La durée ferme et irrévocable de la location sera de 24 mois et prendra effet le premier jour du trimestre civil suivant la réception de la totalité des équipements conformément à l'article 3 des conditions générales », et cela en contradiction avec l'article 10 des conditions générales « Fin de location- reconduction » qui stipule : « 4 mois avant l'expiration de la période irrévocable de location précisées aux conditions particulières, le locataire devra faire connaître à Finovia, par lettre recommandée avec accusé de réception, son intention de ne pas poursuivre le contrat. A défaut d'avoir fait connaître son intention, la location se poursuivra par tacite reconduction aux conditions prévues au présent contrat et sur la base du dernier loyer par période d'un an minimum ; le locataire ou Finovia pourra y mettre fin avec un préavis de 4 mois avant le terme du contrat » ; que la primauté des conditions particulières est corroborée par la commune intention des parties, portant sur l'acquisition, par Cegedim, des licences Oracles et au financement de cette acquisition par 24 loyers de 8.340,64 euros TTC correspondant au prix d'achat des licences d'un montant de 200.175,36 euros ; que la société Oracle a confirmé cette intention en écrivant : "On l'a déjà spécifié dans le document rédigé au moment de l'acquisition des licences en question. Le document en votre possession (ci-joint) mentionne clairement que les produits ont été acquis pour le client final Cegedim qui devient ainsi propriétaires de ces licences." ; qu'Oracle ajoute : « la société Logix a bien fait l'acquisition auprès d'Oracle France de 11 licences processeur Oracle Database Entreprise Edition-/Full use/ « perpetual » en date du 28/02/07 en vue de leur revente à la société Cegedim » ; qu'ainsi au terme des 24 mois, la société Cegedim est devenue propriétaire desdites licences ; que c'est donc à juste titre qu'elle estime avoir réglé indûment à ACS des loyers supplémentaires pendant une durée de 48 mois, ces loyers ne pouvant porter sur des services de maintenance déjà facturés par Oracle ; que par ailleurs, ACS n'établit pas, par la seule production d'une facture avec ING Lease d'un montant de 17,94 euros portant uniquement sur le serveur X 320 IBM - serveur offert pour permettre de contourner la société Oracle comme Arrow Capital Solutions l'écrivait elle-même « J'ai besoin d'inclure dans le financement un peu de matériel IBM ce qui nous dispense du document signé par Oracle. En conséquence, je vous propose de vous offrir un serveur Xseries" - être devenue propriétaire des licences et, par là-même, ne démontre aucune cession de créance à son profit ; qu'en conséquence, il convient de constater que le contrat était un contrat de location à durée déterminée d'une durée de 24 mois sans renouvellement possible ; qu'en application de l'article 1235 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, « Tout payement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition » ; que la somme de 400.350,73 euros TTC, portant sur 48 loyers indûment prélevés après la cessation du contrat, est donc due par ACS ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris par substitution de motifs en ce qu'il a condamné la société ACS à payer à la société Cegedim la somme de 400.350,73 euros TTC, outre intérêts, le taux d'intérêts de 1,5 % de l'article 4.6 des conditions générales du contrat n'étant applicable qu'en cas de retard dans le paiement de sommes dues par le locataire ;

1°) ALORS QUE l'article 3 « DUREE » des conditions générales du contrat de location stipulait : « la location prend effet le premier jour du trimestre civil suivant la réception de la totalité des équipements (= date d'effet). Cette location est consentie pour une période irrévocable dont la durée en mois est précisée aux Conditions Particulières » ; que l'article 10 « FIN DE LOCATION- RECONDUCTION » des conditions générales du contrat de location stipulait : « Quatre (4) mois avant l'expiration de la période irrévocable de location précisée aux Conditions Particulières, le Locataire devra faire connaître à FINOVIA, par lettre recommandée avec accusé de réception, son intention de ne pas poursuivre le contrat. A défaut d'avoir fait ainsi connaître son intention, la location se poursuivra par tacite reconduction aux conditions prévues au présent contrat et sur la base du dernier loyer par période d'un an minimum ; le Locataire ou FINOVIA pourra y mettre fin avec un préavis de quatre (4) mois avant le terme du contrat » ; que l'article 2 DUREE DE LA LOCATION des conditions particulières stipulait que « la durée ferme et irrévocable de la location sera de 24 mois et prendra effet le premier jour du trimestre civil suivant la réception de la totalité des équipements conformément à l'article 3 des conditions générales » ; que les conditions particulières du contrat de location ne comportaient aucune disposition venant écarter la faculté de tacite reconduction stipulée à l'article 10 des conditions générales ; qu'il résultait de ces clauses, dépourvues de toute ambiguïté, que la convention avait été conclue pour une durée de 24 mois irrévocable et qu'elle était renouvelable par tacite reconduction, sauf manifestation de volonté du locataire de ne pas poursuivre le contrat, quatre mois avant l'expiration de la période irrévocable de location précisée aux conditions particulières (soit 24 mois) ; qu'en jugeant que l'article 2 des conditions particulières était en contradiction avec l'article 10 des conditions générales et que cette contradiction lui conférait un pouvoir d'interprétation du contrat et en retenant, à la lumière d'éléments extrinsèques à l'acte, que le contrat de location était un contrat de location à durée déterminée de 24 mois non renouvelable, la cour d'appel a dénaturé les clauses 3 et 10 des conditions générales et 2 des conditions particulières du contrat, violant l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code ;

2/ ALORS, subsidiairement QUE les clauses d'un contrat ambigu s'interprètent en considération de la commune intention des parties ; que pour retenir que le contrat de location était à durée déterminée de 24 mois non renouvelable, la cour d'appel s'est fondée sur des propos de la société Oracle, tiers au contrat de location conclu entre Cegedim et Finovia, devenue la société Arrow Capital Solutions, rapportés dans une lettre adressée par Oracle à Cegedim et dont la société Arrow Capital Solutions n'était pas destinataire ; qu'en statuant par des motifs impropres à caractériser l'intention commune des parties au contrat de location du 26 février 2007, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du code civil, ensemble l'article 1156, devenu l'article 1188, du même code ;

3/ ALORS subsidiairement QUE la société Arrow Capital Solutions faisait valoir que l'existence d'une contrat de location d'une durée de 24 mois renouvelable par tacite reconduction était établie non seulement au regard des termes clairs et précis du contrat mais également au regard du comportement ultérieur des parties ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le silence de la société Cegedim à réception du courrier adressé par la société Arrow Capital Solutions le 2 mars 2009, lui indiquant que le contrat avait été tacitement renouvelé à défaut pour Cegedim d'avoir dénoncé le contrat, le silence de cette dernière à réception des factures émises trimestriellement par la société Arrow Capital Solutions depuis la reconduction du contrat et mentionnant expressément la prolongation du contrat, la perception des loyers sans contestation pendant près de trois années et la non restitution par Cegedim du matériel loué, n'établissaient pas l'existence d'un contrat à durée déterminée de 24 mois renouvelable et renouvelé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code, ensemble l'article 1156 du même code, devenu l'article 1188 du même code ;

ET AUX MOTIFS d'autre part QUE ACS n'établit pas, par la seule production d'une facture avec ING Lease d'un montant de 17,94 euros portant uniquement sur le serveur X 320 IBM - serveur offert pour permettre de contourner la société Oracle comme Arrow Capital Solutions l'écrivait elle-même « J'ai besoin d'inclure dans le financement un peu de matériel IBM ce qui nous dispense du document signé par Oracle. En conséquence, je vous propose de vous offrir un serveur Xseries" - être devenue propriétaire des licences et, par là-même, ne démontre aucune cession de créance à son profit ;

4/ ALORS QU'en jugeant que la société Arrow Capital Solutions n'établissait pas, par la seule production d'une facture ING Lease, être devenue propriétaire des licences quand les lettres adressées par ING Lease les 16 juin 2014 et 26 octobre 2016, régulièrement versées aux débats (pièces 10 et 27), attestaient de la cession des licences au profit de Arrow Capital Solutions, la cour d'appel a dénaturé, par omission, les lettres des 16 juin 2014 et 26 octobre 2016, et méconnu le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

5/ ALORS QUE la propriété des équipements informatiques objet du contrat de location était établie au profit de la société Arrow Capital Solutions par l'acte de cession du 28 mars 2007 (pièce n° 9) aux termes duquel elle s'était engagée à racheter les équipements informatiques à la société ING Lease, la facture émise par ING Lease en date du 16 mars 2009 au titre de cette cession (pièce n° 8), la lettre d'ING Lease du 16 juin 2014 attestant du paiement de ladite facture par la société Arrow Capital Solutions (pièce 10) et la lettre d'ING Lease du 26 octobre 2016 (pièce 27) attestant de l'objet de la cession ; que la société Arrow Capital Solutions faisait valoir à cet égard que si la facture (pièce n° 8) ne mentionnait que l'indication du serveur IBM, il s'agissait d'une simple omission matérielle, la facture faisant clairement référence, en bas de page, au « matériel informatique occasion -CT Cegedim 453070211 », soit le serveur IBM et les licences, et les lettres d'ING Lease (pièces 10 et 27) attestant de ce que la rétrocession avait porté sur « l'ensemble des équipements informatiques objet du contrat ; que pour considérer que la société Arrow Capital Solutions n'établissait pas être devenue propriétaire des licences et détenir une créance à ce titre, la cour d'appel s'est bornée à relever que la seule production de la facture portant sur le serveur IBM ne démontrait pas la propriété des licences ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur la valeur probante des lettres émanant de la société ING Lease (pièces 10 et 27), la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

6/ ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société Arrow Capital Solutions faisait valoir que la question de la propriété des équipements était indifférente, le bail, qui peut porter sur la chose d'autrui, produisant effet entre le bailleur et le preneur tant que ce dernier a la jouissance paisible des biens loués ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, pourtant décisif, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-26494
Date de la décision : 06/02/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 06 fév. 2019, pourvoi n°17-26494


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.26494
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