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30/01/2019 | FRANCE | N°17-21279

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 janvier 2019, 17-21279


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier et le second moyen, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 29 mars 2017), que le 19 février 2013, M. Y... a signé un acte intitulé "garantie à première demande" au profit de la société Cuisines design industries ; que cette société a déclaré une créance de 86 165,08 euros au passif de la société Euro cuisines bain 2000, mise en redressement judiciaire, et dont M. Y... était le gérant ; qu'après la conversion du redressement en liquidation judiciaire, la société

Cuisines design industries a assigné M. Y... en exécution de son engagement ; que ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier et le second moyen, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 29 mars 2017), que le 19 février 2013, M. Y... a signé un acte intitulé "garantie à première demande" au profit de la société Cuisines design industries ; que cette société a déclaré une créance de 86 165,08 euros au passif de la société Euro cuisines bain 2000, mise en redressement judiciaire, et dont M. Y... était le gérant ; qu'après la conversion du redressement en liquidation judiciaire, la société Cuisines design industries a assigné M. Y... en exécution de son engagement ; que celui-ci a soutenu que cet engagement devait être qualifié de cautionnement et qu'il n'avait pas été mis en garde ;

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société Cuisines design industries, créancière, la somme de 86 165,08 euros et de retenir que cette dernière n'avait pas manqué à son devoir de mise en garde alors, selon le moyen :

1°/ qu'en dépit de l'intitulé de l'acte, constitue un cautionnement l'engagement portant sur l'obligation du débiteur principal ; que l'arrêt infirmatif attaqué a constaté qu'il était inscrit dans l'acte que M. Y... s'engagerait à payer le créancier dès réception d'une lettre demandant un paiement et lui notifiant la défaillance de la débitrice principale ; qu'en retenant que l'engagement litigieux constituait une garantie autonome après avoir constaté qu'il portait sur l'obligation du débiteur principal, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 2298 et 2321 du code civil ;

2°/ qu'en dépit de l'intitulé de l'acte, constitue un cautionnement la garantie souscrite à titre solidaire et indivisible et signée par une seule personne ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt infirmatif attaqué que l'acte litigieux n'avait été signé que par M. Y... qui s'était engagé solidairement et indivisiblement envers le créancier ; qu'il en résultait nécessairement que l'engagement en cause constituait un cautionnement, de sorte que, en décidant le contraire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 2298 et 2321 du code civil ;

3°/ que seul celui qui signe un acte de garantie s'engage au titre de cette garantie ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt infirmatif attaqué que l'acte litigieux n'avait été signé que par M. Y... qui s'était engagé solidairement et indivisiblement envers le créancier ; qu'en statuant par des motifs impropres à établir que la solidarité et l'indivisibilité prévues à l'acte concernaient les garants entre eux et faisaient de l'acte une garantie autonome, quand il résultait de ses constatations que seul M. Y... avait signé l'acte, la cour d'appel a violé les articles 2298 et 2321 du code civil ;

4°/ qu'un gérant de société n'est pas nécessairement un cocontractant averti ; qu'en affirmant que M. Y... était averti sans motiver sa décision plus avant sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que le premier paragraphe des mentions dactylographiées de l'acte signé par M. Y... décrit un engagement des "garants" autonome et indépendant des relations contractuelles existant entre la société Cuisines design industries et la société Euro cuisines bain 2000, que le deuxième paragraphe de ces mentions précise que les garants s'engagent à paiement dès réception d'une demande de paiement du bénéficiaire par lettre recommandée avec accusé de réception notifiant la défaillance de la société Euro cuisines bain 2000 dans ses obligations, "étant bien entendu que l'effectivité ou le bien-fondé du manquement dénoncé est totalement indifférent à l'exécution de notre engagement de garantie", et que, dans le troisième paragraphe, les garants s'interdisent d'opposer une quelconque nullité, exception, objection, fin de non-recevoir tirée des relations juridiques ou d'affaires entre ces deux sociétés, enfin, qu'il est clairement ajouté dans un paragraphe suivant que la garantie n'est pas un cautionnement, l'arrêt retient que ces mentions sont suivies d'une mention manuscrite de M. Y... ainsi rédigée : "Bon pour garantie à première demande, solidaire et indivisible à hauteur de 100 000 euros en principal frais et accessoires en sus à compter du jour des présentes et jusqu'au 31 mars 2014" ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'interprétation d'un acte ambigu que la cour d'appel a retenu que l'engagement de M. Y... n'avait pas pour objet la propre dette du débiteur mais s'analysait en un appel motivé par l'inexécution par le débiteur de ses obligations, de sorte que le garant, à réception de cette demande, ne pouvait en différer le paiement ni soulever de contestation pour quelque motif que ce soit ; qu'ainsi, en dépit des mentions "solidaire et indivisible" et du fait que l'acte désignant "les garants" a été signé par M. Y... seul, elle a légalement justifié sa décision de qualifier l'engagement de garantie à première demande ;

Et attendu, en second lieu, que le créancier bénéficiaire d'une garantie à première demande n'est débiteur d'aucune obligation de mise en garde à l'égard du garant autonome ; que la quatrième branche est inopérante ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Cuisines design industries la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné une caution (M. Y..., l'exposant) à payer au créancier (la société Cuisines Design Industries) la somme de 86 165,08 € avec intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2014 ;

AUX MOTIFS QUE les mentions dactylographiées de l'acte signé de M. Y... exprimaient clairement la volonté de ce dernier de consentir à la société Cuisines Design Industries une garantie indépendante de l'obligation principale contractée par la société débitrice ; que le premier paragraphe décrivait « un engagement des garants autonome et indépendant des relations contractuelles existant entre la société Cuisines Design Industries et la société Euro Cuisines Bain 2000, pour un montant de 100 000 euros dans les conditions décrites au paragraphe suivant » ; que le deuxième paragraphe précisait que les garants s'engageaient à paiement dès réception d'une demande de paiement du bénéficiaire par lettre recommandée avec accusé de réception notifiant la défaillance de la société Euro Cuisines Bain 2000 dans ses obligations, « étant bien entendu que l'effectivité ou le bien-fondé du manquement dénoncé ét(ait) totalement indifférent à l'exécution de notre engagement de garantie » ; qu'il s'ensuivait que la garantie ne remettait pas en cause le caractère autonome de celle-ci dès lors que le garant ne pouvait exercer aucun contrôle sur le bien-fondé de l'allégation du créancier ni en contester la véracité ; que, dans le troisième paragraphe, les garants s'interdisaient d'opposer une quelconque nullité, exception, objection, fin de non-recevoir tirée des relations juridiques ou d'affaires entre la société Cuisines Design Industries et la société Euro Cuisines Bain 2000 ; qu'il était clairement ajouté dans un paragraphe suivant que la garantie n'était pas un cautionnement ; que ces mentions étaient suivies d'une mention manuscrite de l'exposant ainsi rédigée : « Bon pour garantie à première demande, solidaire et indivisible à hauteur de 100 000 euros en principal frais et accessoires en sus à compter du jour des présentes et jusqu'au 31/03/3014 » ; que seule une même dette pouvait avoir plusieurs débiteurs solidaires et indivisibles, de telle sorte que la référence à ces deux notions semblait à première vue en totale contradiction avec le reste de l'acte, en ce que la garantie aurait engagé son auteur solidairement avec la société débitrice ; qu'il apparaissait toutefois que l'acte tel que préparé était destiné à plusieurs garants ; qu'ainsi la mention d'une garantie solidaire et indivisible était destinée à engager solidairement et indivisiblement les garants entre eux, pour la même dette qu'ils avaient contractée ;

ALORS QUE, en dépit de l'intitulé de l'acte, constitue un cautionnement l'engagement portant sur l'obligation du débiteur principal ; que l'arrêt infirmatif attaqué a constaté qu'il était inscrit dans l'acte que l'exposant s'engagerait à payer le créancier dès réception d'une lettre demandant un paiement et lui notifiant la défaillance de la débitrice principale ; qu'en retenant que l'engagement litigieux constituait une garantie autonome après avoir constaté qu'il portait sur l'obligation du débiteur principal, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 2298 et 2321 du code civil ;

ALORS QUE, en outre, en dépit de l'intitulé de l'acte, constitue un cautionnement la garantie souscrite à titre solidaire et indivisible et signée par une seule personne ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt infirmatif attaqué que l'acte litigieux n'avait été signé que par l'exposant qui s'était engagé solidairement et indivisiblement envers le créancier; qu'il en résultait nécessairement que l'engagement en cause constituait un cautionnement, de sorte que, en décidant le contraire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 2298 et 2321 du code civil ;

ALORS QUE, enfin, seul celui qui signe un acte de garantie s'engage au titre de cette garantie ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt infirmatif attaqué que l'acte litigieux n'avait été signé que par l'exposant qui s'était engagé solidairement et indivisiblement envers le créancier; qu'en statuant par des motifs impropres à établir que la solidarité et l'indivisibilité prévues à l'acte concernaient les garants entre eux et faisaient de l'acte une garantie autonome, quand il résultait de ses constatations que seul l'exposant avait signé l'acte, la cour d'appel a violé les articles 2298 et 2321 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir retenu qu'un créancier (la société Cuisines Design Industries) n'avait pas manqué à son devoir de mise en garde et d'avoir en conséquence condamné la caution (M. Y..., l'exposant) à lui payer la somme de 86 165,08 € avec intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2014 ;

AUX MOTIFS QUE, sous couvert d'un défaut de mise en garde, l'exposant faisait en réalité reproche à la société Cuisines Design Industries d'avoir obtenu de lui un tel engagement quand elle avait connaissance de la situation obérée de la société Euro Cuisines Bain 2000 et de la sienne propre en menaçant de mettre un terme aux relations contractuelles ; que toutefois l'exposant ne produisait aucune preuve de ce qu'il avançait, celle-ci ne pouvant se déduire du seul constat de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Euro Cuisines Bain 2000 en août 2013 ; que, par ailleurs, le devoir de mise en garde ne pouvait être dû, l'exposant, averti, ne prétendant pas que la créancière détenait sur la situation de la débitrice des informations qu'il n'aurait pas connues ;

ALORS QU'un gérant de société n'est pas nécessairement un cocontractant averti ; qu'en affirmant que l'exposant était averti sans motiver sa décision plus avant sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-21279
Date de la décision : 30/01/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

BANQUE - Garantie à première demande - Créancier bénéficiaire d'une garantie à première demande - Obligation de mise en garde - Absence

Le créancier bénéficiaire d'une garantie à première demande n'est débiteur d'aucune obligation de mise en garde à l'égard du garant autonome


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 29 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 30 jan. 2019, pourvoi n°17-21279, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Zribi et Texier

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.21279
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