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29/01/2019 | FRANCE | N°17-87428

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 janvier 2019, 17-87428


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. D... Y... ,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 4-11, en date du 24 novembre 2017, qui, dans la procédure suivie à son encontre pour pratiques commerciales agressives, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 décembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme INGALL-MONTAGNIER, conseil

ler rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. D... Y... ,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 4-11, en date du 24 novembre 2017, qui, dans la procédure suivie à son encontre pour pratiques commerciales agressives, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 décembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme INGALL-MONTAGNIER, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de Mme le conseiller INGALL-MONTAGNIER , les observations de la société civile professionnelle BORÉ, SALVE DE BRUNETON et MÉGRET, la société civile professionnelle ROUSSEAU et TAPIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 1382 devenu 1240 du code civil, L. 122-15 devenu L. 132-10 et R. 631-1 du code de la consommation, L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire, 2, 3, 418, 464, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale ;

"en ce que l'arrêt a condamné M. Y... à verser à M. Yannick Z... la somme de 58 600 euros, à M. Alain A..., venant aux droits de M. B... et Mme E... A..., la somme de 37 120 euros, et à Mme Claire F... C... , venant aux droits de M. H... C... et en qualité de tutrice de Mme X... C..., la somme de 55 226 euros ;

"aux motifs propres qu'au vu de la radiation d'office de la société Bel Habitat Français 91 au registre du commerce et des sociétés, aucune demande ne peut plus être formée à son encontre ; que la cour note que l'ensemble des parties civiles ont régulièrement déclaré leurs créances entre les mains du liquidateur de cette société ainsi que cela résulte des pièces versées par toutes les parties ; que l'article L. 122-15 (devenu L. 132-10) du code de la consommation, expose "lorsqu'une pratique commerciale agressive aboutit à la conclusion d'un contrat, celui-ci est nul et de nul effet" ; que l'application des dispositions de l'article 464 du code de procédure pénale, à savoir le renvoi devant une composition statuant sur les intérêts civils n'exclut pas de faire application des dispositions du code de la consommation, la juridiction se bornant, eu égard aux condamnations prononcées, à constater la nullité des contrats frauduleux ; qu'il n'y a pas lieu, pour les victimes, d'engager une instance tendant à voir prononcer la nullité d'un contrat, soumise aux règles classiques de la prescription puisque les contrats frauduleux sont nuls et de nul effet du seul fait de la condamnation pénale intervenue à l'égard de M. Y... pour des faits pénalement répréhensibles ; que le préjudice matériel subi par les victimes, signataires des contrats frauduleux, correspond au coût des travaux inutiles préconisés par les salariés de l'entreprise et notamment par M. Y... dont le rôle particulièrement actif et insistant a été noté par l'ensemble des victimes et ce, quel qu'en soit le mode de financement, chèques encaissés directement ou contrats de prêts proposés ainsi que pour l'une d'entre elles au coût des réparations rendues nécessaires par les malfaçons résultant de l'intervention de la société ; qu'à ce titre, eu égard à la radiation intervenue, M. Y... n'est pas recevable à titre personnel à solliciter la restitution de matériaux, propriété de la société BHF91 ; qu'en l'absence de tout élément invoqué pour critiquer l'appréciation faite par les premiers juges du dommage subi par les parties civiles, la cour dispose, au vu des pièces soumises à son appréciation, des éléments suffisants pour évaluer le préjudice réel et certain résultant pour les consorts A..., C..., Z... de la commission par M. Y... des infractions reprochées et confirmer le jugement entrepris, le tribunal ayant justement apprécié les dommages ; que l'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à chaque partie civile une indemnité de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale et de leur allouer une nouvelle indemnité de 1 000 euros sur le même fondement pour les frais exposés par en cause d'appel ;

"et aux motifs adoptés que l'absence de mise en cause du liquidateur par M. et Mme A... n'entraîne aucunement la prescription de leur action contre M. Y... condamné par le jugement du 12 octobre 2011 ; que l'article L. 122-15 énonce que lorsqu'une pratique commerciale agressive aboutit à la conclusion d'un contrat, celui-ci est nul et de nul effet ; que compte tenu de cet article et du jugement du 12 octobre 2011, les contrats conclus par les requérants avec la société Bel Habitat Français sont donc nuls ; que les demandes des requérants apparaissent fondées en leur principe et ne sont pas contestées en leur quantum s'agissant de sommes versées dans le cadre desdits contrats ; que la société Bel Habitat Français étant en liquidation judiciaire, aucune condamnation ne saurait être prononcée contre elle ; que le tribunal peut seulement fixer les créances à son encontre en leur principe et montant pour M. Z... et M. et Mme C... qui ont produit au passif de la liquidation ; que l'équité commande de faire application de l'article 475-1 du code de procédure pénale au profit des requérants à hauteur de 1 000 euros chacun ; que l'exécution provisoire ne se justifie pas par la nature du litige, vu ses difficultés juridiques ;

"1°) alors que le juge répressif statuant sur les intérêts civils est compétent pour réparer le dommage causé par l'infraction mais ne peut, sans excéder ses pouvoirs, connaître d'une demande qui ressortit de la compétence exclusive des juridictions civiles ; qu'en constatant la nullité des contrats frauduleux et en condamnant par conséquent M. Y... à restituer les sommes versées par les parties civiles en exécution de ces contrats annulés, quand cette décision relevait de la compétence exclusive des juridictions civiles, la cour d'appel a excédé sa compétence et violé les textes susvisés ;

"2°) alors que le juge répressif statuant sur les intérêts civils doit réparer le dommage causé par l'infraction sous forme de dommages-intérêts et non sous forme de restitutions ; qu'en se bornant à constater la nullité des contrats frauduleux, pour condamner ensuite M. Y... à restituer les sommes versées par les parties civiles en exécution de ces contrats, la cour d'appel s'est abstenue d'évaluer le préjudice résultant de l'infraction dont M. Y... avait été déclaré coupable, et a violé les textes susvisés ;

"3°) alors qu'en toute hypothèse le juge répressif statuant sur les intérêts civils doit réparer le dommage causé par l'infraction sans perte ni profit pour la partie civile ; qu'en évaluant le préjudice des parties civiles aux sommes versées en exécution des contrats de travaux conclus frauduleusement sans s'expliquer sur l'avantage tiré par les parties civiles des travaux réalisés et des matériaux qu'elles avaient conservés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 1382 devenu 1240 du code civil, L. 122-15 devenu L. 132-10 du code de la consommation, 2, 3, 418, 464, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a condamné M. Y... à verser à M. Alain A..., venant aux droits de M. B... et Mme E... A..., la somme de 37 120 euros, et à Mme Claire F... C... , venant aux droits de H... C... et en qualité de tutrice de Mme X... C..., la somme de 55 226 euros ;

"aux motifs propres qu'au vu de la radiation d'office de la société Bel Habitat Français 91 au registre du commerce et des sociétés, aucune demande ne peut plus être formée à son encontre ; que la cour note que l'ensemble des parties civiles ont régulièrement déclaré leurs créances entre les mains du liquidateur de cette société ainsi que cela résulte des pièces versées par toutes les parties ; que l'article L. 122-15 (devenu L. 132-10) du code de la consommation, expose "lorsqu'une pratique commerciale agressive aboutit à la conclusion d'un contrat, celui-ci est nul et de nul effet" ; que l'application des dispositions de l'article 464 du code de procédure pénale, à savoir le renvoi devant une composition statuant sur les intérêts civils n'exclut pas de faire application des dispositions du code de la consommation, la juridiction se bornant, eu égard aux condamnations prononcées, à constater la nullité des contrats frauduleux ; qu'il n'y a pas lieu, pour les victimes, d'engager une instance tendant à voir prononcer la nullité d'un contrat, soumise aux règles classiques de la prescription puisque les contrats frauduleux sont nuls et de nul effet du seul fait de la condamnation pénale intervenue à l'égard de M. Y... pour des faits pénalement répréhensibles ; que le préjudice matériel subi par les victimes, signataires des contrats frauduleux, correspond au coût des travaux inutiles préconisés par les salariés de l'entreprise et notamment par M. Y... dont le rôle particulièrement actif et insistant a été noté par l'ensemble des victimes et ce, quel qu'en soit le mode de financement, chèques encaissés directement ou contrats de prêts proposés ainsi que pour l'une d'entre elles au coût des réparations rendues nécessaires par les malfaçons résultant de l'intervention de la société ; qu'à ce titre, eu égard à la radiation intervenue, M. Y... n'est pas recevable à titre personnel à solliciter la restitution de matériaux, propriété de la société BHF91 ; qu'en l'absence de tout élément invoqué pour critiquer l'appréciation faite par les premiers juges du dommage subi par les parties civiles, la cour dispose, au vu des pièces soumises à son appréciation, des éléments suffisants pour évaluer le préjudice réel et certain résultant pour les consorts A..., C..., Z... de la commission par M. Y... des infractions reprochées et confirmer le jugement entrepris, le tribunal ayant justement apprécié les dommages ; que l'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à chaque partie civile une indemnité de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale et de leur allouer une nouvelle indemnité de 1 000 euros sur le même fondement pour les frais exposés par en cause d'appel ;

"et aux motifs adoptés que l'absence de mise en cause du liquidateur par M. et Mme A... n'entraîne aucunement la prescription de leur action contre M. Y... condamné par le jugement du 12 octobre 2011 ; que l'article L. 122-15 énonce que lorsqu'une pratique commerciale agressive aboutit à la conclusion d'un contrat, celui-ci est nul et de nul effet ; que compte tenu de cet article et du jugement du 12 octobre 2011, les contrats conclus par les requérants avec la société Bel Habitat Français sont donc nuls ; que les demandes des requérants apparaissent fondées en leur principe et ne sont pas contestées en leur quantum s'agissant de sommes versées dans le cadre desdits contrats ; que la société Bel Habitat Français étant en liquidation judiciaire, aucune condamnation ne saurait être prononcée contre elle ; que le tribunal peut seulement fixer les créances à son encontre en leur principe et montant pour M. Z... et M. et Mme C... qui ont produit au passif de la liquidation ; que l'équité commande de faire application de l'article 475-1 du code de procédure pénale au profit des requérants à hauteur de 1 000 euros chacun ; que l'exécution provisoire ne se justifie pas par la nature du litige, vu ses difficultés juridiques ;

"alors que le juge répressif statuant sur l'action publique peut renvoyer l'affaire à une date ultérieure pour statuer sur l'action civile afin de permettre à la partie civile d'apporter les justificatifs de ses demandes ; que le juge répressif est alors lié par les demandes sur lesquelles il a sursis à statuer et ne peut faire droit aux demandes complémentaires formées tardivement par la partie civile ; qu'en faisant droit aux demandes complémentaires d'indemnisation formées par les consorts A... et C..., qui n'avaient pas été initialement soumises au juge répressif ayant sursis à statuer, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que par jugement du 12 octobre 2011, le tribunal correctionnel a déclaré M. Y... coupable de pratiques commerciales agressives au préjudice de M. Z... et des époux C... et A..., l'a condamné à payer à chacune des parties civiles une somme en réparation de leur préjudice moral et a sursis à statuer sur le surplus de leurs demandes en renvoyant à une audience ultérieure ; que les époux A... et H... C... étant décédés, l'instance a été reprise respectivement par M. Alain A... venant aux droits des époux A... et par Mme Claire F... C... , venant aux droits de H... C... et en qualité de tutrice de sa veuve ; que statuant, sur intérêts civils, par jugement du 10 décembre 2015, le tribunal correctionnel a condamné M. Y... à verser 58 600 euros à M. Z..., 37120 euros à M. A... et 55 226 euros à Mme F... C... ; que M. Y... et M. A... ont relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que le préjudice matériel subi par les victimes correspond au coût des travaux inutiles préconisés par M. Y..., ainsi que pour l'une d'entre elles au coût des réparations rendues nécessaires par les malfaçons ; que les juges ajoutent qu'en l'absence de tout élément invoqué pour critiquer l'appréciation faite par les premiers juges du dommage subi par les parties civiles, la cour dispose, au vu des pièces soumises à son appréciation, d'éléments suffisants pour évaluer le préjudice réel et certain résultant pour les parties civiles de la commission des infractions reprochées à M. Y..., lequel n'est pas recevable à solliciter la restitution de matériaux, qui n'étaient pas sa propriété ;

Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deux premières branches du premier moyen, la cour d'appel qui a ordonné, non la restitution de sommes, mais le paiement de dommages-intérêts en réparation des préjudices sur lesquels il avait été sursis à statuer, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens qui ne tendent pour le surplus qu'à remettre en question le pouvoir souverain de la cour d'appel d'apprécier, dans la limite des conclusions des parties, le montant des indemnités leur revenant, ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que M. Y... devra payer à M. Alain A... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf janvier deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-87428
Date de la décision : 29/01/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 jan. 2019, pourvoi n°17-87428


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.87428
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