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29/01/2019 | FRANCE | N°16-85746

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 janvier 2019, 16-85746


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- La société Laur'Tech 2,
- La société Elle et Lui,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ORLÉANS, chambre correctionnelle, en date du 6 juin 2016, qui, pour exercice illégal de la médecine, a condamné la première à 1 500 euros d'amende, la seconde à 1 000 euros d'amende avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18décembre2018 où étaient présents dans la formation prév

ue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Harel-Dutirou, con...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- La société Laur'Tech 2,
- La société Elle et Lui,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ORLÉANS, chambre correctionnelle, en date du 6 juin 2016, qui, pour exercice illégal de la médecine, a condamné la première à 1 500 euros d'amende, la seconde à 1 000 euros d'amende avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18décembre2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Harel-Dutirou, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire HAREL-DUTIROU, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, de la société civile professionnelle GADIOU et CHEVEALLIER et de la société civile professionnelle FABIANI, LUC-THALER et PINATEL, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite d'un constat d'huissier, en date du 19 mai 2014, effectué dans des salons d'esthétique exploités à Orléans par les sociétés Laur'Tech 2 et Elle et Lui, et décrivant la présence d'informations publicitaires relatives à la dépilation à la lumière pulsée, ces sociétés ont été citées par plusieurs cabinets médicaux et syndicats professionnels de médecins devant le tribunal correctionnel pour exercice illégal de la médecine pour avoir pratiqué l'épilation par lumière pulsée ; que le tribunal les a déclarées coupables des faits reprochés ; que les prévenues ont interjeté appel du jugement ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour la société Elle et Lui, pris de la violation de l'article 49 du traite de fonctionnement de l'Union européenne, de l'article 2 5° de l'arrêté du 6 janvier 1962, des articles L. 4161-5, L. 4161-1, L. 4111-l, L. 4111-2, L. 4111-3, L. 4111-3-1, L. 411l-4, L. 4112-1, L. 4112-7, L. 4124-6, L. 4131-1, L. 4131-2, L. 4131-4, L. société 4161-5 du code de la santé publique, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la prévenue coupable du délit d'exercice illégal de la profession de médecin en pratiquant l'épilation à la lumière pulsée et l'a condamnée à payer une amende d'un certain montant assortie du sursis et a statué sur les réparations civiles en la condamnant solidairement avec d'autres à payer certaines sommes aux parties civiles ;

"aux motifs que le litige dont est saisi la cour a trait à l'application des dispositions de l'article L. 4161-5 du code de la santé publique et de l'arrêté du 6 janvier 1962, qui n'a subi aucune modification depuis lors, qu'il oppose des personnes morales de droit français, qu'aucune de ces personnes morales n'exerce son activité dans un autre pays membre de l'Union européenne autorisant la pratique libre de l'épilation à la lumière pulsée, l'objet du débat judiciaire étant de déterminer si des esthéticiennes exerçant leur activité en France, non titulaires d'un diplôme de médecine, peuvent ou non recourir à la technique de l'épilation par lumière pulsée ; qu'ainsi, le renvoi préjudiciel, se heurte-t-il à l'absence d'élément d'extranéité, la Cour de justice de l'Union européenne considérant en effet qu'elle n'est pas compétente lorsque tous les éléments du litige sont cantonnés à l'intérieur d'un seul Etat membre ; que l'article 168 paragraphe § 7 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne dispose : « l'action de l'Union est menée dans le respect des responsabilités des états membres en ce qui concerne la définition de leur politique de santé ainsi que l'organisation et la fourniture de services de santé et de soins médicaux » ; qu'il s'ensuit que les règles relatives à la santé publique relèvent de la compétence des états membres qui apprécient librement les mesures de protection qu'ils entendent ériger afin de garantir la santé de leur population, pourvu que les mesures adoptées soient proportionnées et non discriminatoires ; qu'ainsi, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive « la communauté n'intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent être réalisés de manière suffisante par les états membres, et peuvent donc en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire » ; que l'article 35 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose encore que : « toute personne a le droit d'accéder à la prévention en matière de santé et de bénéficier de soins médicaux dans les conditions établies par les législations et pratiques nationales. Un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en oeuvre de toutes les politiques et actions de l'union » ; que l'Union européenne reconnaît ainsi une compétence partagée avec les états membres en matière de santé publique, dans un objectif de protection optimale de la santé humaine ; que la Cour de justice des Communautés européennes a également considéré, dans une affaire ayant trait à l'exercice illégal de la profession de médecin par un masseur kinésithérapeute, pratiquant l'ostéopathie à titre professionnel sur la foi d'un diplôme obtenu en Angleterre, qu'en l'absence de réglementation communautaire de l'activité d'ostéopathie à titre professionnel, il appartenait à chaque Etat membre de réglementer l'exercice de cette activité sans discrimination entre ses ressortissants et ceux des autres états membres ; que l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne dispose encore que : « Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites » ; que l'article 52 du traité prévoit que : « les prescriptions du présent chapitre et les mesures prises en vertu de celles-ci ne préjugent pas l'applicabilité des dispositions législatives, réglementaires et administratives prévoyant un régime spécial pour les ressortissants étrangers, et justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique » ; que l'article 56 du traité prohibant les restrictions à la libre prestation de services à l'intérieur de l'union européenne est tempéré par l'article 62 du même traité qui prévoit que les dispositions de l'article 52 précité sont applicables à la libre prestation de services et que des restrictions à la libre prestation de services justifiées par des mesures de protection de la santé publique sont donc envisageables, chaque Etat membre disposant de la liberté de définir lui-même à quel niveau il entend assurer la protection de la santé publique et les moyens pour y parvenir ; que la Cour de justice des Communautés européennes a d'ores et déjà tranché la question de l'atteinte au libre établissement et à la libre prestation de services dans une espèce ayant trait au monopole de la profession de pharmacien où elle a considéré que « les non pharmaciens n'ont pas, par définition, une formation, une expérience et une responsabilité équivalentes à celles des pharmaciens. Dans ces conditions, il convient de constater qu'ils ne présentent pas les mêmes garanties que celles fournies par les pharmaciens. Par conséquent, un Etat membre peut estimer ( . .) que, à la différence d'une officine exploitée par un pharmacien, l'exploitation d'une pharmacie par un non pharmacien peut présenter un risque pour la santé publique, en particulier pour la sûreté et la qualité de la distribution des médicaments au détail, puisque la recherche de bénéfices dans le cadre d'une telle exploitation ne comporte pas d'éléments modérateurs tels que ceux (. .) qui caractérisent l'activité des pharmaciens » ; que le fait pour un Etat de réserver certains soins à une catégorie de professionnels disposant de qualifications spécifiques constitue donc un moyen apte à atteindre l'objectif de protection de la santé publique et, en l'absence de définition au niveau communautaire des actes réservés aux titulaires d'un diplôme de médecin, chaque état membre, conformément à sa conception de la santé publique, peut décider de ne pas autoriser des praticiens ne disposant pas d'un tel diplôme, à exercer des activités considérées comme étant de nature médicale ; que l'interdiction édictée par l'arrêté de 1962 ne peut être considérée comme disproportionnée, ainsi que le soutient la défense de la société Elle, au motif que la dépilation par lumière pulsée, réalisée dans des conditions normales, ne présenterait aucun danger pour la santé humaine, le seul fait d'alléguer de l'innocuité de ce procédé dans des conditions normales d'utilisation démontrant au contraire que le risque subsiste, précisément en cas d'utilisation non conforme, et l'absence d'encadrement par les pouvoirs publics de l'exercice par les esthéticiennes et non médecins de ce mode d'épilation faisant courir un risque potentiel à l'usager qui ne bénéficie d'aucune protection légale ou réglementaire ; qu'il doit toutefois être relevé qu'au même titre que les dispositions garantissant la libre concurrence, les règles du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne sont pas applicables en l'absence d'élément d'extranéité ; que dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré, par décision du 28 octobre 2014, n'y avoir lieu à saisine de la Cour de Justice de l'Union européenne des questions préjudicielles ainsi posées, la restriction par l'Etat français, de la possibilité de pratiquer l'épilation à la lumière pulsée aux seules personnes titulaires d'un diplôme de médecine, relevant d'impératifs de santé publique et ne portant pas atteinte aux principes de libre concurrence, de libre établissement et de libre prestation de services instaurés par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

"1°) alors que l'article 49 du Traité de fonctionnement de l'Union européenne fait obstacle à une mesure nationale qui est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice, par les citoyens de l'Union européenne, de la liberté d'établissement garantie par le traité ; qu'en l'occurrence, la cour d'appel n'a pas recherché comme il le lui était demandé dans les écritures de la société Elle et Lui (p. 19 et suiv.) si l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962 qui dispose que ne peuvent être pratiqués que par les docteurs en médecine les actes médicaux suivants « 5° tout mode d'épilation, sauf les épilations à la pince ou à la cire » ne portait pas atteinte à la liberté d'établissement en empêchant un citoyen de l'Union européenne de s'établir en France pour pratiquer l'épilation à la lumière pulsée et n'a donc pas légalement justifié sa décision au regard des textes précités ;

"2°) alors que la condition d'extranéité est remplie lorsqu'elle est potentielle en ce que la réglementation nationale est susceptible d'affecter l'établissement des opérateurs économiques d'autres états membres sur le territoire de l'Etat en cause ; que la cour d'appel ne pouvait affirmer que les règles du traité de fonctionnement de l'Union européenne n'étaient pas applicables en l'absence d'extranéité sans rechercher si l'article 2 5° de l'arrêté du 6 janvier 1962 n'était pas susceptible d'affecter le libre établissement d'opérateurs économiques d'autres états membres et n'a ainsi pas légalement justifié sa décision au regard de cet arrêté et de l'article 49 du traité de fonctionnement ;

"3°) alors que la cour d‘appel, qui a constaté l'innocuité de la dépilation par lumière pulsée, ne pouvait considérer que la législation nationale ne portait pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'établissement en raison du risque d'utilisation non conforme et a dès lors violé l'article 49 du traité précité ;

"4°) alors que la cour d‘appel, qui a constaté l'innocuité de la dépilation par lumière pulsée, aurait dû rechercher si le risque d'une utilisation non conforme suffisait à constituer des raisons impérieuses d'intérêt général fondant l'interdiction faite de la dépilation par lumière pulsée à toute autre personne qu'un docteur en médecine ; que l'arrêt attaqué n'est dès lors pas légalement justifié au regard de l'article 49 du Traité de fonctionnement" ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour la société Laur'Tech 2, pris de la violation des articles 49 et 52 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception d'illégalité de l'article L. 4161-1 du code de la santé publique incriminant le délit d'exercice illégal de la profession de médecin et a déclaré la société Laur'Tech 2 coupable de ce délit ;

"aux motifs que force est de constater cependant que le litige dont est saisi la Cour a trait à l'application des dispositions de l'article L. 4161-5 du code de la santé publique et de l'arrêté du 6 janvier 1962, qui n'a subi aucune modification depuis lors, qu'il oppose des personnes morales de droit français, qu'aucune de ces personnes morales n'exerce son activité dans un autre pays membre de l'Union européenne autorisant la pratique libre de l'épilation à la lumière pulsée, l'objet du débat judiciaire étant de déterminer si des esthéticiennes exerçant leur activité en France, non titulaires d'un diplôme de médecine, peuvent ou non recourir à la technique de l'épilation par lumière pulsée ; qu'ainsi, le renvoi préjudiciel, se heurte-t-il à l'absence d'élément d'extranéité, la Cour de justice de l'Union européenne considérant en effet qu'elle n'est pas compétente lorsque tous les éléments du litige sont cantonnés à l'intérieur d'un seul Etat membre ; que surabondamment, l'article 168, paragraphe § 7 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dispose : « L'action de l'Union est menée dans le respect des responsabilités des états membres en ce qui concerne la définition de leur politique de santé ainsi que l'organisation et la fourniture de services de santé et de soins médicaux » ; qu'il s'ensuit que les règles relatives à la santé publique relèvent de la compétence des états membres qui apprécient librement les mesures de protection qu'ils entendent ériger afin de garantir la santé de leur population, pourvu que les mesures adoptées soient proportionnées et non discriminatoires ; qu'ainsi, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive la communauté n'intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent être réalisés de manière suffisante par les états membres, et peuvent donc en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire » ; que l'article 35 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose encore que : « toute personne a le droit d'accéder à la prévention en matière de santé et de bénéficier de soins médicaux dans les conditions établies par les législations et pratiques nationales. Un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en oeuvre de toutes les politiques et actions de l'union» ; que l'Union européenne reconnaît ainsi une compétence partagée avec les états membres en matière de santé publique, dans un objectif de protection optimale de la santé humaine ; que la Cour de justice des Communautés européennes a également considéré, dans une affaire ayant trait à l'exercice illégal de la profession de médecin par un masseur kinésithérapeute, pratiquant l'ostéopathie à titre professionnel sur la foi d'un diplôme obtenu en Angleterre, qu'en l'absence de réglementation communautaire de l'activité d'ostéopathie à titre professionnel, il appartenait à chaque Etat membre de réglementer l'exercice de cette activité sans discrimination entre ses ressortissants et ceux des autres états membres ; que l''article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dispose encore que : « Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites (
) » ; que l'article 52 du traité prévoit que : « les prescriptions du présent chapitre et les mesures prises en vertu de celles-ci ne préjugent pas l'applicabilité des dispositions législatives, réglementaires et administratives prévoyant un régime spécial pour les ressortissants étrangers, et justifiées pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique » ; que l'article 56 du traité prohibant les restrictions à la libre prestation de services à l'intérieur de l'Union européenne est tempéré par l'article 62 du même traité qui prévoit que les dispositions de l'article 52 précité sont applicables à la libre prestation de services et que des restrictions à la libre prestation de services justifiées par des mesures de protection de la santé publique sont donc envisageables, chaque Etat membre disposant de la liberté de définir lui-même à quel niveau il entend assurer la protection de la santé publique et les moyens pour y parvenir ; que la Cour de justice des Communautés européennes a d'ores et déjà tranché la question de l'atteinte au libre établissement et à la libre prestation de services dans une espèce ayant trait au monopole de la profession de pharmacien où elle a considéré que « les non pharmaciens n'ont pas, par définition, une formation, une expérience et une responsabilité équivalentes à celles des pharmaciens. Dans ces conditions, il convient de constater qu'ils ne présentent pas les mêmes garanties que celles fournies par les pharmaciens. Par conséquent, un Etat membre peut estimer (...) que, à la différence d'une officine exploitée par un pharmacien, l'exploitation d'une pharmacie par un non pharmacien peut présenter un risque pour la santé publique, en particulier pour la sûreté et la qualité de la distribution des médicaments au détail, puisque la recherche de bénéfices dans le cadre d'une telle exploitation ne comporte pas d'éléments modérateurs tels que ceux (...) qui caractérisent l'activité des pharmaciens » ; que le fait pour un Etat de réserver certains soins à une catégorie de professionnels disposant de qualifications spécifiques constitue donc un moyen apte à atteindre l'objectif de protection de la santé publique et, en l'absence de définition au niveau communautaire des actes réservés aux titulaires d'un diplôme de médecin, chaque état membre, conformément à sa conception de la santé publique, peut décider de ne pas autoriser des praticiens ne disposant pas d'un tel diplôme, à exercer des activités considérées comme étant de nature médicale ; qu'or, l'interdiction édictée par l'arrêté de 1962 ne peut être considérée comme disproportionnée, ainsi que le soutient la défense de la société Elle et Lui, au motif que la dépilation par lumière pulsée, réalisée dans des conditions normales, ne présenterait aucun danger pour la santé humaine, le seul fait d'alléguer de l'innocuité de ce procédé dans des conditions normales d'utilisation démontrant au contraire que le risque subsiste, précisément en cas d'utilisation non conforme, et l'absence d'encadrement par les pouvoirs publics de l'exercice par les esthéticiennes et non médecins de ce mode d'épilation faisant courir un risque potentiel à l'usager qui ne bénéficie d'aucune protection légale ou réglementaire ; qu'il doit toutefois être relevé qu'au même titre que les dispositions garantissant la libre concurrence, les règles du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne sont pas applicables en l'absence d'élément d'extranéité ; que dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré, par décision du 28 octobre 2014, n'y avoir lieu à saisine de la Cour de Justice de l'Union européenne des questions préjudicielles ainsi posées, la restriction par l'Etat français, de la possibilité de pratiquer l'épilation à la lumière pulsée aux seules personnes titulaires d'un diplôme de médecine, relevant d'impératifs de santé publique et ne portant pas atteinte aux principes de libre concurrence, de libre établissement et de libre prestation de services instaurés par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

"1°) alors qu'en vertu de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites ; que cette liberté doit être garantie pour toute activité qui pourraient intéresser les ressortissants d'autres états membres ; qu'en l'espèce, dès lors que l'établissement en vue de l'exercice l'activité de soin esthétique comprenant l'épilation à la lumière pulsée peut intéresser les ressortissants d'autres états membres, la cour d'appel qui s'estime incompétente pour statuer sur la question préjudicielle soulevée a méconnu l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

"2°) alors qu'en vertu de l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites ; qu'en vertu des articles 4 et 52 dudit traité, les restrictions destinées à assurer la protection de la santé publique autorisées ; qu'il appartient au juge national de s'assurer de la pertinence du motif de protection de la santé publique et de la proportionnalité des mesures prises à cette fin ; que l'article L. 4161-1 du code de la santé publique qui sanctionne le non-respect d'un arrêté qui ne précise pas les critères justifiant de réserver aux médecins un certain nombre d'actes qui ne sont pas de diagnostic ou de traitement des maladies, ne permet pas d'apprécier la pertinence de l'entrave à la liberté d'établissement que constitue le fait qu'il réserve aux médecins l'épilation notamment à la lumière pulsée ; qu'ainsi l'article L. 4161-1 du code de la santé publique, en ce qu'il ne précise pas les critères permettant au ministre de la santé de définir une nomenclature d'actes réservés aux médecins, méconnaît la liberté d'établissement telle que garantie par l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

"3°) alors qu'en tout état de cause, la cour d'appel a estimé que l'arrêté du 6 janvier 1962 réservant aux médecins l'épilation par la lumière pulsée constituait une entrave justifiée à la liberté d'établissement, en raison du risque potentiel qu'elle représentait pour la santé humaine ; qu'en se prononçant par un motif purement hypothétique, sans expliquer quel risque serait en cause et sans plus expliquer en quoi les médecins disposeraient de compétences spécifiques pour empêcher la réalisation éventuelle d'un tel risque, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles précités" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour écarter l'exception d'incompatibilité des dispositions de l'article L. 4161-5 du code de la santé publique et de l'arrêté du 6 janvier 1962 avec le principe de libre concurrence posé par l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dire n'y avoir lieu de poser à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle sur ce point, l'arrêt relève qu'il suit des dispositions de l'article 168, § 7, dudit traité que les règles relatives à la santé publique relèvent de la compétence des Etats membres qui apprécient librement les mesures de protection qu'ils entendent ériger afin de garantir la santé de leur population pourvu que les mesures adoptées soient proportionnées et non discriminatoires ; que les juges ajoutent que des restrictions à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services justifiées par des mesures de protection de la santé publique sont envisageables, notamment pour réserver certains soins à une catégorie de professionnels disposant de qualifications spécifiques, et décider ainsi, en l'absence de définition au niveau communautaire des actes réservés aux titulaires d'un diplôme de médecin, de ne pas autoriser des praticiens ne disposant pas d'un tel diplôme à exercer des activités considérées comme de nature médicale ; qu'ils retiennent que l'interdiction édictée par l'arrêté de 1962 ne peut être considérée comme disproportionnée dès lors que le risque pour la santé humaine lié au procédé de dépilation par lumière pulsée subsiste en cas d'utilisation non conforme, et que l'absence d'encadrement par les pouvoirs publics de l'exercice par les esthéticiennes et non médecins de ce mode d'épilation fait courir un risque potentiel à l'usager qui ne bénéficie d'aucune protection légale ou réglementaire ; que la cour d'appel en déduit que la restriction par l'Etat français, de la possibilité de pratiquer l'épilation à la lumière pulsée aux seules personnes titulaires d'un diplôme de médecine, relève d'impératifs de santé publique et ne porte pas atteinte aux principes de libre concurrence, de libre établissement et de libre prestation de services instaurés par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Attendu qu'en statuant par ces seuls motifs, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de soumettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne sur la portée des textes précités, dont elle a fait l'exacte appréciation, et qui, sans insuffisance ni contradiction, répondant aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle, a constaté que lesdites dispositions n'excédaient pas ce qui était nécessaire pour atteindre des objectifs légitimes de santé publique, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour la société Laur'Tech 2, pris de la violation des articles 4 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 34 de la Constitution, 111-5 du code pénal, L. 4161-1 et L. 4161-5 du code de la santé publique, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception d'illégalité soulevée et a déclaré la société Laur'Tech 2 coupable d'exercice illégal de la médecine ;

"aux motifs que, sur l'exception d'illégalité de l'article 2 5° de l'arrêté du 6 janvier 1962, la société Radical Epil excipe de la violation par l'article 2 5° de l'arrêté du 6 janvier 1962 des articles 6 et 8 à 11 de la CEDH, au motif que ce texte ne serait pas prévisible et intelligible et que le pouvoir réglementaire ne pourrait procéder à la détermination d'un délit, par le biais d'un texte de nature réglementaire au motif que, selon l'article 34 de la constitution, les crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables sont fixés par la loi ; qu'il est ainsi soutenu qu'en renvoyant à un arrêté la détermination de la nomenclature des actes médicaux qui, en raison de leur importance, auraient dû figurer dans un texte législatif, le législateur, qui n'aurait pas épuisé sa compétence, aurait violé le principe de légalité des délits et des peines tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel ; qu'or, cette argumentation a été expressément écartée par un arrêt du 3 août 2011, en matière d'exercice illégal de l'art dentaire, la chambre criminelle ayant retenu que : « le principe de légalité des délits et des peines énoncé à l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 implique que le législateur, compétent en application de l'article 34 de la constitution pour fixer les règles concernant la procédure pénale, détermine lui-même le champ d'application de la loi pénale ; les dispositions critiquées répondent à cette exigence, dès lors qu'elles incriminent les différents modes d'exercice illégal de l'art dentaire, lequel est précisément défini par l'article L. 4141-1 du code de la santé publique » qui renvoie à l'exigence de respect des modalités fixées par le code de déontologie de la profession de dentiste, lui-même fixé par décret ; qu'encore, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité similaire, la chambre criminelle, après avoir relevé que la question posée n'était pas nouvelle et qu'elle ne présentait pas à l'évidence un caractère sérieux dès lors que la rédaction des textes en cause (articles L. 5432-1 et L. 5132-8 du code de la santé publique) était conforme aux principes de clarté, d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi pénale dont elle permettait de déterminer le champ d'application sans porter atteinte au principe constitutionnel de la légalité des délits et des peines, a dit n'y avoir lieu de renvoyer la question au Conseil Constitutionnel ; que la chambre criminelle a également jugé, dans deux arrêts du 12 et du 15 juin 2011, à propos de l'article L. 4161-1 du code de la santé publique, qui définit l'exercice illégal de la médecine en renvoyant à des actes relevant du pouvoir réglementaire, qu'il n'y avait pas lieu de soumettre ce texte à la censure du conseil constitutionnel ; qu'il se déduit de la jurisprudence que le renvoi en matière délictuelle au domaine réglementaire n'est pas inconstitutionnel ; que de surcroît le renvoi au domaine réglementaire est très fréquent en matière délictuelle, nombre de dispositions visant des obligations prévues par la loi ou le règlement ou renvoyant expressément à un décret, à un arrêté ou à un règlement (droit pénal du travail, droit pénal de l'environnement, droit pénal de l'urbanisme, délits involontaires, circulation routière, professions réglementées ...) de sorte que l'exception soulevée tend en réalité à remettre en cause l'arborescence complexe du droit pénal général et du droit pénal spécial, alors qu'aucune disposition n'interdit au pouvoir réglementaire de préciser les modalités de mise en oeuvre d'une incrimination instituée par le législateur, en particulier lorsqu'elle requiert, comme en matière de santé publique, domaine particulièrement évolutif, des connaissances et compétences particulières ; qu'ainsi le délit d'exercice illégal de la médecine prévu et réprimé par les articles L. 4161-1 à L. 4161-5 du code de la santé publique sanctionne « toute personne qui prend part habituellement ou par direction suivie, même en présence d'un médecin, à l'établissement d'un diagnostic ou au traitement de maladies congénitales ou acquises, réelles ou supposées, par actes personnels, consultations verbales ou écrites ou par tout autre procédé quel qu'il soit, ou pratique l'un des actes professionnels prévus dans la nomenclature fixée par arrêté du ministre de la santé pris après avis de l'académie nationale de médecine, sans être titulaire d'un diplôme, certificat ou autres titres mentionnés à l'article L. 4131 est exigé pour l'exercice de la profession de médecin, ou sans être bénéficiaire des dispositions spéciales mentionnées aux articles L. 4111-2 à L. 4111-4, L. 411-7, L. 4112-6, L. 4131-2 à L. 4131-5 » ; que l'article 2 5° de l'arrêté du 6 janvier 1962 modifié par l'arrêté du 13 avril 2007, prévoit que ne peut être pratiqué que par des docteurs en médecine, conformément à l'article L. 372 (1), les actes médicaux suivants : « tout mode d'épilation, sauf les épilations à la pince ou à la cire » ; que l'article L. 4161-1 du code de la santé publique renvoyant au domaine réglementaire définit très clairement les éléments constitutifs de l'infraction de sorte qu'il ne peut non plus être allégué par la défense de son imprécision et de son imprévisibilité ; qu'en effet, cette disposition définit l'auteur de l'infraction comme toute personne non titulaire des diplômes et certificats exigés pour l'exercice de la profession de médecin, sans ambiguïté possible et tous les actes caractérisant l'élément matériel de l'infraction ; qu'il est ensuite fait référence aux « actes professionnels prévus dans la nomenclature fixée par arrêté du ministre de la santé pris après avis de l'académie nationale de médecine » définissant la liste des actes et pratiques médicales réservés à la profession de médecin ; que la cour observe en outre que l'exception d'illégalité soulevée, tend en réalité à remettre en cause l'élément légal du délit d'exercice illégal de la profession de médecin reprochée aux trois prévenues poursuivies pour des actes d'épilation à lumière pulsée réservée au monopole des médecins, alors que c'est davantage l'inconstitutionnalité de l'article L.4161-1 qui est soutenue, argumentation qui se heurte toutefois aux nombreuses décisions rendues par la chambre criminelle ; qu'ainsi, l'exception d'illégalité soulevée par la défense des trois prévenues ne saurait utilement prospérer ; que sur l'abrogation par désuétude de l'arrêté du 6 janvier 1962 : la société Laur'Tech 2 soutient que l'arrêté du 6 janvier 1962 serait désuet car pris à une époque où les techniques et méthodes nouvelles d'épilation n'existaient pas, créant un vide juridique ; qu'il doit être rappelé que l'abrogation par désuétude d'un texte réglementaire n'existe pas, un acte relevant du pouvoir réglementaire ne pouvant être supprimé ou abrogé que par un autre acte réglementaire ou une norme supérieure ; qu'il s'évince ensuite des dispositions de l'article 2 5° de l'arrêté du 6 janvier 1962, que « tout mode d'épilation, sauf les épilations à la pince ou à la cire », relèvent du monopole de la profession de médecin ; que ce texte visant expressément les actes autorisés aux non médecins, sont interdits tous les modes d'épilation qui n'entrent pas dans cette catégorie, telle l'épilation à la lumière pulsée, quand bien même cette méthode n'était pas utilisée en 1962 ; que c'est ce qu'a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 8 janvier 2008 ; « il importe peu que l'utilisation du laser pour pratiquer l'épilation n'ait pas existé à cette date puisque l'interdiction étant posée en principe, seule une nouvelle disposition expresse et dérogatoire prise par le pouvoir réglementaire aurait pu soustraire l'épilation au laser à cette interdiction ; qu'ainsi le moyen soulevé ne saurait utilement prospérer ;

"et aux motifs que dans un avis du 3 juillet 2014, la Commission de sécurité des consommateurs a souligné les risques photo biologiques élevés des appareils à lumière pulsée pour l'oeil et la peau, l'exposition de l'oeil à la lumière pulsée, directe ou indirecte, pouvant provoquer une destruction irréversible de certaines cellules de la rétine ; qu'ont également été constatés des dépôts de pigment de lentilles de contact sur la cornée après usage de la lumière pulsée ; que les températures atteintes par les appareils peuvent également entraîner des brûlures de la peau ainsi qu'en témoignent les études réalisées ; que l'étude de dix appareils commercialisés sur le marché, confiée par la Commission de sécurité des consommateurs au laboratoire national de métrologie et d'essais a mis en évidence le fait que les systèmes de sécurité équipant ces appareils n'étant pas suffisamment performants pour empêcher une fuite de rayonnement en direction des yeux ;

"1°) alors que la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 4161-1 du code de la santé publique en tant qu'il renvoie à un arrêté du ministre chargé de la santé publique la définition de certains actes réservés aux médecins qui ne manquera pas d'intervenir, emportera cassation de l'arrêt attaqué ;

"2°) alors qu'en tout état de cause, l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962 pris pour l'application de l'article L. 4161-1 du code de la santé publique incriminant l'exercice illégal de la médecine, qui réserve aux médecins un certain nombre d'actes, dont l'épilation sauf celle pratiquée à la cire ou à la pince, sans qu'ils apparaissent en lien avec le diagnostic et le traitement de maladie, seul objectif visé par l'incrimination, méconnaît tant l'objet de l'article L. 4161-1 du code de la santé publique que la liberté d'entreprendre, telle que garantie par l'article 4 de la Constitution ;

"3°) alors qu'à tout le moins, seuls les actes pour lesquels la compétence particulière d'un médecin s'impose, à l'exclusion de l'intervention de toute autre personne, peut justifier qu'ils soient inscrits dans l'arrêté du 6 janvier 1962 : que l'article 2, 5° de l'arrêté du 6 janvier 1962 qui réserve aux médecins la pratique de l'épilation, sauf si elle est pratiquée à la pince et la cire, sans qu'il soit établi que cette pratique présente des risques tels pour la santé des personnes, lorsqu'elle consiste dans l'utilisation de la lumière pulsée, qu'elle doit être réservée à des médecins, le seul fait qu'un appareil puisse présenter certains risques n'étant pas suffisant pour justifier de réserver aux médecins ce type d'épilation, le ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation rendant l'article 2, 5° du l'arrêté précité illégal au regard de la liberté d'entreprendre" ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour la société Elle et Lui, pris de la violation de l'article 2 5° de l'arrêté du 6 janvier 1962, des articles 111-5 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception d'illégalité dudit arrêté et a donc déclaré la prévenue coupable du délit d'exercice illégal de la profession de médecin en pratiquant l'épilation à la lumière pulsée et l'a condamnée à payer une amende d'un certain montant assortie du sursis et a statué sur les réparations civiles en la condamnant solidairement avec d'autres à payer certaines sommes aux parties civiles ;

"aux motifs que la société Radical Epil excipe de la violation par l'article 2 5° de l'arrêté du 6 janvier 1962 des articles 6 et 8 à 11 de la CEDH, au motif que ce texte ne serait pas prévisible et intelligible et que le pouvoir réglementaire ne pourrait procéder à la détermination d'un délit, par le biais d'un texte de nature réglementaire au motif que, selon l'article 34 de la constitution, les crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables sont fixés par la loi ; qu'en renvoyant à un arrêté la détermination de la nomenclature des actes médicaux qui, en raison de leur importance, auraient dû figurer dans un texte législatif, le législateur, qui n'aurait pas épuisé sa compétence, aurait violé le principe de légalité des délits et des peines tel qu'interprété par le conseil constitutionnel ; que cette argumentation a été expressément écartée par un arrêt du 3 août 20Il, en matière d'exercice illégal de l'art dentaire, la chambre criminelle ayant retenu que : « le principe de légalité des délits et des peines énoncé à l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 implique que le législateur, compétent en application de l'article 34 de la constitution pour fixer les règles concernant la procédure pénale, détermine lui-même le champ d'application de la loi pénale ; les dispositions critiquées répondent à cette exigence, dès lors qu'elles incriminent les différents modes d'exercice illégal de l'art dentaire, lequel est précisément défini par l'article L. 4141-1 du code de la santé publique » qui renvoie à l'exigence de respect des modalités fixées par le code de déontologie de la profession de dentiste, lui-même fixé par décret ; qu'en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité similaire, la chambre criminelle, après avoir relevé que la question posée n'était pas nouvelle et qu'elle ne présentait pas à l'évidence un caractère sérieux dès lors que la rédaction des textes en cause (articles L. 5432-1 et L. 5132-8 du code de la santé publique) était conforme aux principes de clarté, d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi pénale dont elle permettait de déterminer le champ d'application sans porter atteinte au principe constitutionnel de la légalité des délits et des peines, a dit n'y avoir lieu de renvoyer la question au Conseil Constitutionnel ; que la chambre criminelle a également jugé, dans deux arrêts du 12 et du 15 juin 20Il, à propos de l'article L. 4161-1 du code de la santé publique, qui définit l'exercice illégal de la médecine en renvoyant à des actes relevant du pouvoir réglementaire, qu'il n'y avait pas lieu de soumettre ce texte à la censure du conseil constitutionnel ; qu'il se déduit de la jurisprudence que le renvoi en matière délictuelle au domaine réglementaire n'est pas inconstitutionnel ; que de surcroît le renvoi au domaine réglementaire est très fréquent en matière délictuelle, nombre de dispositions visant des obligations prévues par la loi ou le règlement ou renvoyant expressément un décret, à un arrêté ou à un règlement (droit pénal du travail, droit pénal de l'environnement, droit pénal de l'urbanisme, délits involontaires, circulation routière, professions réglementées ...) de sorte que l'exception soulevée tend en réalité à remettre en cause l'arborescence complexe du droit pénal général et du droit pénal spécial, alors qu'aucune disposition n'interdit au pouvoir réglementaire de préciser les modalités de mise en oeuvre d'une incrimination instituée par le législateur, en particulier lorsqu'elle requiert, comme en matière de santé publique, domaine particulièrement évolutif, des connaissances et compétences particulières ; qu'ainsi le délit d'exercice illégal de la médecine prévu et réprimé par les articles L. 4161-1 à L. 4161-5 du code de la santé publique sanctionne « doute personne qui prend part habituellement ou par direction suivie, même en présence d'un médecin, à l'établissement d'un diagnostic ou au traitement de maladies congénitales ou acquises, réelles ou supposées, par actes personnels, consultations verbales ou écrites ou par tout autre procédé quel qu'il soit, ou pratique l'un des actes professionnels prévus dans la nomenclature fixée par arrêté da ministre de la santé pris après avis de l'académie nationale de médecine, sans être titulaire d'un diplôme, certificat ou autres titres mentionnés à l'article L. 4131 est exigés pour l'exercice de la profession de médecin, ou sans être bénéficiaire des dispositions spéciales mentionnées aux articles L. 4111-2 à L. 4111-4, L. 411-7, L. 41J2-6, L. 4131-2 à L. 413/-5 » ; que l'article 2 5° de l'arrêté du 6 janvier 1962 modifié par l'arrêté du 13 avril 2007, prévoit que ne peut être pratiqué que par des docteurs en médecine, conformément à l'article L. 372 (1 °), les actes médicaux suivants : « tout mode d'épilation, sauf les épilations à la pince ou à la cire » ; que l'article L. 4161-1 du code de la santé publique renvoyant au domaine réglementaire définit très clairement les éléments constitutifs de l'infraction de sorte qu'il ne peut non plus être allégué par la défense de son imprécision et de son imprévisibilité ; que cette disposition définit l'auteur de l'infraction comme toute personne non titulaire des diplômes et certificats exigés pour l'exercice de la profession de médecin, sans ambiguïté possible et tous les actes caractérisant l'élément matériel de l'infraction ; qu'il est ensuite fait référence aux « actes professionnels prévus dans la nomenclature fixée par arrêté du ministre de la santé pris après avis de l'académie nationale de médecine » définissant la liste des actes et pratiques médicales réservés à la profession de médecin ; que la Cour observe en outre que l'exception d'illégalité soulevée, tend en réalité à remettre en cause l'élément légal du délit d'exercice illégal de la profession de médecin reprochée aux trois prévenues poursuivies pour des actes d'épilation à lumière pulsée réservée au monopole des médecins, alors que c'est davantage l'inconstitutionnalité de l'article L. 4161-1 qui est soutenue, argumentation qui se heurte toutefois aux nombreuses décisions rendues par la chambre criminelle ; qu'ainsi, l'exception d'illégalité soulevée par la défense des trois prévenues ne saurait utilement prospérer ;

"alors que, dans ses écritures d'appel, la société Elle et Lui avait pour sa part invoqué l'illégalité de l'article 2 5°dudit arrêté en faisant valoir que l'interdiction aux personnes non titulaires d'un doctorat en médecine de pratiquer lé dépilation par lumière pulsée, telles les esthéticiennes, constituait une mesure disproportionnée par rapport aux exigences de santé publique ; que la cour d'appel n'a pas examiné ce moyen des conclusions d'appel en se concentrant uniquement sur les arguments des deux autres prévenues, notamment la société Radical Epil, et n'a donc pas répondu aux conclusions de la société Elle et Lui, privant en outre sa décision de base légale au regard dudit arrêté pour n'avoir pas recherché si l'interdiction constituait une mesure disproportionnée par rapport aux exigences de santé publique par suite illégale" ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour la société Elle et Lui, pris de la violation de l'article 2 5° de l'arrêté du 6 janvier 1962, des articles L. 1151-2 du code de la santé publique, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen tiré de l'abrogation tacite dudit arrêté et a donc déclaré la prévenue coupable du délit d'exercice illégal de la profession de médecin en pratiquant l'épilation à la lumière pulsée et l'a condamnée à payer une amende d'un certain montant assortie du sursis et a statué sur les réparations civiles en la condamnant solidairement avec d'autres à payer certaines sommes aux parties civiles ;

"aux motifs que la société Elle et Lui soutient que la loi du 21 juillet 2009 codifiée à l'article L. 1151-2 du code de la santé publique, visant à définir par décret les règles applicables aux actes à visée esthétique, médicaux ou non, aurait abrogé tacitement l'arrêté du 6 janvier 1962 et que l'épilation à la lumière pulsée, acte à visée purement esthétique, serait donc depuis lors de pratique libre ; que l'article L. 1151-2 du code de la santé publique édicte un certain nombre de règles destinées à encadrer les actes médicaux en les soumettant à des règles de bonnes pratiques ; qu'ainsi, selon ce texte : « La pratique des actes, procédés, techniques et méthodes avisées diagnostiques ou thérapeutiques, ainsi que la prescription de certains dispositifs médicaux nécessitant un encadrement spécifique pour des raisons de santé publique ou susceptible d'entraîner des dépenses injustifiées peuvent être soumis à des règles relatives, - à la formation et à la qualification des professionnels pouvant les prescrire ou les mettre en oeuvre conformément au code de déontologie médicale, - aux conditions techniques de leur réalisation. Elles peuvent également être soumises à des règles de bonnes pratiques (... ) » ; que ce texte n'a donc ni la même nature ni le même objectif que l'arrêté du 6 janvier 1962 auquel renvoie l'article L. 4161-1, puisqu'il ne détermine aucun délit, aucune peine ; qu'encore, à la question écrite d'un sénateur, le ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a réaffirmé, dans une réponse du 26 novembre 2015, l'application conciliée de ces dispositions dans les termes suivants : « l'arrêté du 6 janvier 1962 réserve la pratique de l'épilation, en dehors de la pince de la cire, aux seuls titulaires d'un diplôme de docteur en médecine. Par ailleurs, l'article L. 1151-2 du code de la santé publique permet d'encadrer les actes à visée esthétique présentant des risques sérieux pour la santé » ; que le moyen tiré de l'abrogation tacite de l'arrêté du 6 janvier 1962 est par conséquent inopérant ;

"1°) alors que cessent d'être applicables aux poursuites en cours les dispositions des lois et règlements, même non expressément abrogées, dans la mesure où elles sont inconciliables avec celles d'une loi nouvelle ; qu'aux termes de l'article L. 1151-2 du code de la santé publique, issue de la loi du 21 juillet 2009, « La pratique des actes, procédés, techniques et méthodes à visée esthétique autres que ceux relevant de l'article L. 6322-1 peut, si elle présente des risques sérieux pour la santé des personnes, être soumise à des règles, définies par décret, relatives à la formation et la qualification des professionnels pouvant les mettre en oeuvre, à la déclaration des activités exercées et à des conditions techniques de réalisation. Elle peut également être soumise à des règles de bonnes pratiques de sécurité fixées par arrêté du ministre chargé de la santé » ; que ces dispositions, en ce qu'elles prévoient que la pratique des actes, procédés, techniques et méthodes à visée esthétique qui présente des risques sérieux pour la santé des personnes peut être soumise à des règles définies par décret ont eu pour conséquence d'abroger les textes antérieurs épars qui avaient pu en leur temps encadrer certaines pratiques à visée esthétique dont l'arrêté du 6 janvier 1962 qui, en son article 2 5°, réservait l'épilation autre qu'à la pince ou à la cire aux docteurs en médecine ; qu'en statuant autrement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2°) alors qu'une réponse ministérielle, sauf en matière fiscale et par l'effet d'un texte express, n'a aucune valeur réglementaire ou législative de sorte qu'est inopérante à justifier légalement l'arrêt attaqué la réponse du ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes" ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour la société Laur'Tech 2, pris de la violation des articles L. 4161-1 et L.4161-5 du code de la santé publique, L. 1151-2 et L. 1151-3 du code de la santé publique, 121-2 du code pénal, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société Laur'Tech 2 coupable d'exercice illégal de la médecine et l'a condamnée pénalement et civilement ;

"aux motifs que le délit d'exercice illégal de la médecine prévu et réprimé par les articles L. 4161-1 à L. 4161-5 du code de la santé publique sanctionne « toute personne qui prend part habituellement ou par direction suivie, même en présence d'un médecin, à l'établissement d'un diagnostic ou au traitement de maladies congénitales ou acquises, réelles ou supposées, par actes personnels, consultations verbales ou écrites ou par tout autre procédé quel qu'il soit, ou pratique l'un des actes professionnels prévus dans la nomenclature fixée par arrêté du ministre de la santé pris après avis de l'académie nationale de médecine, sans être titulaire d'un diplôme, certificat ou autres titres mentionnés à l'article L. 4131 est exigés pour l'exercice de la profession de médecin, ou sans être bénéficiaire des dispositions spéciales mentionnées aux articles L. 4111-2 à L. 4111-4, L. 411-7, L. 4112-6, L.4131-2 à L. 4131-5 » ; que l'article 2 5° de l'arrêté du 6 janvier 1962 modifié par l'arrêté du 13 avril 2007, prévoit que ne peuvent être pratiqués que par des docteurs en médecine, conformément à l'article L. 372 (1°), les actes médicaux suivants : « tout mode d'épilation, sauf les épilations à la pince ou à la cire » ; que la chambre criminelle s'est prononcée à plusieurs reprises sur la pratique illégale de l'épilation au laser par des non médecins (arrêt du 8 janvier 2008 notamment) ; qu'elle a également relevé que : « il importe peu que l'utilisation du laser pour pratiquer l'épilation n'ait pas existé à cette date puisque l'interdiction étant posée en principe, seule une nouvelle disposition expresse et dérogatoire prise par le pouvoir réglementaire aurait pu soustraire l'épilation au laser à cette interdiction » ; qu'elle a encore précisé que « toute différence entre les lasers à usage médical et les autres est inopérante et inutile » ; qu'ainsi l'argumentation de la défense selon laquelle l'épilation au laser serait plus dangereuse que l'épilation à la lumière pulsée est tout aussi inopérante, l'interdiction ne portant pas sur la technique du laser ou de la lumière pulsée, mais sur tout mode d'épilation autre que la pince ou la cire ; que la chambre criminelle rappelle en outre que l'interdiction de l'épilation au laser par un non médecin est posée en principe et que « seule une disposition expresse et dérogatoire prise par le pouvoir réglementaire aurait pu soustraire le prévenu à la condamnation pour exercice illégal de la médecine » ; que c'est encore la position qui a été retenue par la chambre criminelle dans un arrêt du 4 juin 2013 portant cette fois sur la technique de l'épilation à la lumière pulsée ; qu'en outre, dans un arrêt du 28 mars 2013 le Conseil d'État, confirmant la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins, a rappelé que : « des actes d'épilation doivent être pratiqués par des docteurs en médecine, à la seule exception des épilations pratiquées à la pince ou à la cire » ; que les trois prévenues soutiennent encore que les appareils permettant l'épilation à la lumière pulsée, utilisés à des fins esthétiques, n'excèdent pas une puissance de 20 joules et qu'il s'agit d'appareils en vente libre ; que dans un avis du 3 juillet 2014, la Commission de sécurité des consommateurs a souligné les risques photo biologiques élevés des appareils à lumière pulsée pour l'oeil et la peau, l'exposition de l'oeil à la lumière pulsée, directe ou indirecte, pouvant provoquer une destruction irréversible de certaines cellules de la rétine ; qu'ont également été constatés des dépôts de pigment de lentilles de contact sur la cornée après usage de la lumière pulsée ; que les températures atteintes par les appareils peuvent également entraîner des brûlures de la peau ainsi qu'en témoignent les études réalisées ; que l'étude de dix appareils commercialisés sur le marché, confiée par la Commission de sécurité des consommateurs au laboratoire national de métrologie et d'essais a mis en évidence le fait que les systèmes de sécurité équipant ces appareils n'étant pas suffisamment performants pour empêcher une fuite de rayonnement en direction des yeux ; qu'il est également apparu que seuls deux appareils étaient commercialisés avec une paire de lunettes de protection dont l'une était inadaptée ; qu'encore, le fait que ces appareils soient en vente libre n'autorise en rien, en l'état actuel du droit positif, leur utilisation sur l'être humain à des fins esthétiques par des personnes non titulaires d'un diplôme de médecine et l'absence de réglementation de cette activité lorsqu'elle est exercée par des non médecins ne permet pas de garantir l'utilisation, sans risque pour les usagers, d'un tel procédé ; que les prévenues ne peuvent davantage arguer de leur méconnaissance de la loi ou encore de leur absence d'intention coupable ; qu'en effet la société Laur'Tech 2 a déjà été condamnée et le site Internet des centres franchisés Depil Tech, dont fait partie la prévenue, mentionne très clairement que ces centres franchisés pratiquent l'épilation à la lumière pulsée ; que la société Elle et Lui a été destinataire d'une lettre de mise en demeure de M. X..., médecin, en date du 12 mai 2014 ; que la société Radical Epil diffuse quant à elle des flyers faisant la publicité de la méthode de dépilation à la lumière pulsée, sous le libellé suivant : « fini la corvée des épilations, faites une dépilation à la lumière pulsée) ; qu'ainsi l'infraction étant caractérisée à l'encontre des trois prévenues en tous ses éléments constitutifs, c'est à juste titre que le tribunal correctionnel d'Orléans les a déclarées coupables des faits visés dans la citation directe ;

"et aux motifs que, sur l'abrogation tacite de l'arrêté du 6 janvier 1962, la société Elle et lui soutient que la loi du 21 juillet 2009 codifiée à l'article L. 1151-2 du code de la santé publique, visant à définir par décret les règles applicables aux actes à visée esthétique, médicaux ou non, aurait abrogé tacitement l'arrêté du 6 janvier 1962 et que l'épilation à la lumière pulsée, acte à visée purement esthétique, serait donc depuis lors de pratique libre ; que l' article L. 1151-2 du code de la santé publique édicte un certain nombre de règles destinées à encadrer les actes médicaux en les soumettant à des règles de bonnes pratiques ; qu'ainsi, selon ce texte : « La pratique des actes, procédés, techniques et méthodes à visées diagnostiques ou thérapeutiques, ainsi que la prescription de certains dispositifs médicaux nécessitant un encadrement spécifique pour des raisons de santé publique ou susceptible d'entraîner des dépenses injustifiées peuvent être soumis à des règles relatives, - à la formation et à la qualification des professionnels pouvant les prescrire ou les mettre en oeuvre conformément au code de déontologie médicale, - aux conditions techniques de leur réalisation. Elles peuvent également être soumises à des règles de bonnes pratiques (...) » ; que ce texte n'a donc pas la même nature ni le même objectif que l'arrêté du 6 janvier 1962 auquel renvoie l'article L. 4161-1, puisqu'il ne détermine aucun délit, aucune peine ; qu'encore, à la question écrite d'un Sénateur, le ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a réaffirmé, dans une réponse du 26 novembre 2015, l'application conciliée de ces dispositions dans les termes suivants : « l'arrêté du 6 janvier 1962 réserve la pratique de l'épilation, en dehors de la pince de la cire, aux seuls titulaires d'un diplôme de docteur en médecine. Par ailleurs, l'article L. 1151-2 du code de la santé publique permet d'encadrer les actes à visée esthétique présentant des risques sérieux pour la santé » ; que le moyen tiré de l'abrogation tacite de l'arrêté du 6 janvier 1962 est par conséquent inopérant ;

"1°) alors que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que le législateur n'a pu interdire des pratiques qui n'existaient pas avant son entrée en vigueur ; que dès lors qu'elle admettait que l'épilation à la lumière pulsée n'existait à l'époque à laquelle l'arrêté du 6 janvier 1962 avait été adopté, sans constater une réévaluation de l'utilité de réserver aux médecins l'épilation, autre qu'à la cire et à la pince depuis 40 ans, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 4161-1 du code de la santé publique ;

"2°) alors qu'une incrimination est abrogée par toute disposition autorisant les actes qu'elle sanctionnait pénalement ; qu'il résulte de l'article L. 1151-2 du code de la santé publique, tel que résultant de la loi du 21 juillet 2009, que les actes à visée esthétique sont autorisés, sauf prescriptions spécifiques ou interdiction prévue par décret en cas de danger grave pour la santé de la personne ; que cette disposition a nécessairement abrogé l'incrimination de l'exercice illégal de la médecine, en tant qu'elle réserve aux médecins, par renvoi à l'article 2 5° de l'arrêté du 6 janvier 1962, l'épilation autre que celle pratiquée à la pince ou à la cire, toute épilation ayant seulement une visée esthétique ; qu'en estimant que la loi du 21 juillet 2009 n'avait pas abrogé l'article 2 5 de l'arrêté précité, aux motifs qu'une réponse à une question écrite l'excluait, la cour d'appel a méconnu l'article L. 1151-2 du code de la santé publique ;

"3°) alors que les juges ne peuvent se prononcer que sur les faits visés à la prévention ; que si la cour d'appel constate que les prévenus ont reconnu pratiquer l'épilation à la lumière pulsée, elle n'a pas constaté en relevant qu'un constat d'huissier du 19 mai 2014 avait mentionné l'existence de publicités portant sur l'épilation définitive, que la prévenue pratiquait alors l'épilation à la lumière pulsée ; que dès lors, faute d'avoir constaté la pratique de l'épilation à la lumière pulsée pendant la période visée à la prévention, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément matériel de l'infraction qui aurait été commise entre le 12 et 20 mai 2014 ;

"4°) alors que les personnes morales ne sont pénalement responsables que des infractions commises par un représentant ou organes en leur nom et pour leur compte ; que par l'arrêt qui condamne la société Laur'Tech 2 pour exercice illégal de la médecine, sans avoir recherché quel organe ou représentant agissant en son nom et pour son compte avait commis l'infraction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Les moyens étant réunis ;

Sur le premier moyen proposé pour la société Laur'Tech 2, pris en sa première branche ;

Attendu que le grief est devenu sans objet, la Cour de cassation ayant dit n'y avoir lieu à transmettre au Conseil Constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article L. 4161-1 du code de la santé publique ;

Sur le premier moyen proposé pour la société Laur'Tech 2, pris en sa troisième branche, et le deuxième moyen proposé pour la société Elle et Lui ;

Attendu que, pour écarter le grief pris de l'illégalité de l'arrêté du 6 janvier 1962, l'arrêt retient qu'aucune disposition n'interdit au pouvoir réglementaire de préciser les modalités de mise en oeuvre d'une incrimination instituée par le législateur, en particulier lorsqu'elle requiert, comme en matière de santé publique, domaine particulièrement évolutif, des connaissances et compétences particulières ; que les juges ajoutent que l'article L. 4161-1 du code de la santé publique renvoyant au domaine réglementaire définit très clairement les éléments constitutifs du délit d'exercice illégal de la médecine, en indiquant l'auteur de l'infraction comme toute personne non titulaire des diplômes et certificats exigés pour l'exercice de la profession de médecin et en donnant la liste des actes et pratiques médicales réservés à celle-ci par référence aux « actes professionnels prévus dans la nomenclature fixée par arrêté du ministre de la santé pris après avis de l'académie nationale de médecine », ce dont il résulte qu'il ne peut être allégué de son imprécision et de son imprévisibilité ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le grief doit être écarté ;

Sur le troisième moyen proposé pour la société Elle et Lui et le troisième moyen présenté pour la société Laur'Tech 2, pris en ses première et deuxième branches ;

Attendu que, pour écarter le grief pris de l'abrogation de l'arrêté du 6 janvier 1962, l'arrêt, après avoir énoncé que l'abrogation par désuétude d'un texte réglementaire n'existe pas, un acte relevant du pouvoir réglementaire ne pouvant être supprimé ou abrogé que par un autre acte réglementaire ou une norme supérieure, retient que l'article 2-5° de cet arrêté visant expressément les actes autorisés aux non médecins, les épilations à la pince ou à la cire, il en résulte que sont interdits tous les modes d'épilation qui n'entrent pas dans cette catégorie, telle l'épilation à la lumière pulsée, quand bien même cette méthode n'était pas utilisée en 1962 ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision dès lors qu'il importe peu que l'utilisation du laser pour pratiquer l'épilation n'ait pas existé à cette date puisque l'interdiction étant posée en principe, seule une nouvelle disposition expresse et dérogatoire prise par le pouvoir réglementaire pouvait soustraire l'épilation au laser à cette interdiction ;

D'où il suit que le grief doit être écarté ;

Sur le troisième moyen proposé pour la société Laur'Tech 2, pris en sa troisième branche ;

Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable d'exercice illégal de la médecine, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que les griefs, qui reviennent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;

Sur le troisième moyen proposé pour la société Laur'Tech 2, pris en sa quatrième branche ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt et du jugement qu'il confirme qu'il ressort d'une part, des débats d'audience que les représentantes légales des prévenues ont répondu "oui" à la question suivante: "pratiquez vous des épilations autres qu'à la cire ou à la pince ?", d'autre part, des pièces fournies par les parties civiles que de tels actes ont été pratiqués par lesdites représentantes, lesquelles ont indiqué avoir suivi une formation à cette fin et contracté une assurance pour couvrir leur responsabilité civile ;

Attendu qu'il résulte de ces mentions que l'infraction a bien été commise par le représentant de la société pour le compte de celle-ci ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Fixe à 3000 euros la somme globale que la société Laur'Tech 2 devra payer à la société cabinet médical docteur Cadic Philippe, la société docteur Dominique X... et le syndicat national des centres laser en dermatologie au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf janvier deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-85746
Date de la décision : 29/01/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 06 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 jan. 2019, pourvoi n°16-85746


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:16.85746
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