LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2017), que les la SCI Madison (la SCI), propriétaire d'un logement situé [...] loué à M. et Mme X..., les a assignés en paiement de charges locatives pour les années 2011 à 2015 ;
Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient que la SCI, se bornant à indiquer que les locataires ne retirent pas les lettres recommandées qui leur sont adressées en versant aux débats deux lettres recommandées de février 2011 et de septembre 2013, ne justifie pas avoir transmis à M. et Mme X..., ainsi que le prescrit l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989, le mode de répartition des charges et un décompte par nature de charges pour les années considérées ;
Qu'en statuant ainsi, sans examiner la lettre du 15 juillet 2015 par laquelle la SCI alléguait avoir communiqué les décomptes et états de répartition des charges régularisées pour les années 2011 à 2014, le décompte des charges pour l'année 2015 et les pièces produites pour en justifier, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la SCI Madison au titre des charges locatives pour les années 2011 à 2015, l'arrêt rendu le 19 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme X... à payer à la SCI Madison la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me B..., avocat aux Conseils, pour la société Madison.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Madison de sa demande en paiement au titre des charges locatives ;
AUX MOTIFS QUE : « Sur la demande en paiement des charges locatives : les époux X..., pour s'opposer à cette demande en paiement, font valoir qu'elle n'est pas justifiée du fait qu'ils n'ont pas reçu de décomptes des sommes dues au titre des charges locatives ; que la SCI Madison réplique que les décomptes de charges ont bien été adressés aux époux X... et que, contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge pour les débouter de leurs demande en paiement de charges, le décompte de charges établis par M. Z... est parfaitement explicite et suffisamment détaillé ; qu'il ressort des dispositions de l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989 que le bailleur doit adresser à son locataire un décompte des charges par nature de charge et tenir à sa disposition les pièces justificatives ; qu'en l'espèce, et comme l'a exactement relevé le premier juge, la SCI Madison ne justifie pas, contrairement à ce qu'elle soutient, avoir transmis à ses locataires, pour les années 2011 à 2015, le mode de répartition des charges et un décompte par nature de charges, la SCI appelante se bornant à indiquer que les époux X... ne retirent pas les lettres recommandées qui leur sont adressées en versant aux débats deux courriers recommandés de février 2011 et de septembre 2013, dont on ne sait à quoi ils se rapportent et d'un l'un a été expédié à l'adresse de Thiais ; que dès lors que la SCI appelante ne justifie pas avoir respecté les deux étapes successives de la régularisation prescrites par l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989 - fourniture du décompte et mise à disposition des pièces justificatives - la cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il a refusé d'accueillir la demande en paiement de charges formée par la SCI Madison » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Sur les charges récupérables : la société Madison réclame à ce titre la somme de 6 840 euros aux époux X... ; que pour parvenir à ce chiffre, la SCI Madison s'appuie sur la grille de répartition établie par M. Z..., l'appartement des époux X... se voit attribuer 131 tantièmes de charges ; que les charges générales de l'immeuble se sont élevées en 2011 à 15 601,89 €, celles des époux X... seraient de 2 043,85 €, soit 510,96 € par trimestre ; pour la même période, les époux X... ont payé 84 € par trimestre, soit 339,17 € ; qu'en 2012, 2013 et 2014 des provisions sur charges de 274,87 € ont été appelés, les époux X... ont continué à payer la même somme ; que leur dette s'établirait donc à 274€ - 84€ = 190€ x 36 trimestres = 6 840 € ; que si le mode de répartition proposée n'appelle pas de critique particulière, encore est-il nécessaire pour que ces sommes soient exigibles que ce mode de répartition et le décompte par nature des charges ait été communiqués aux locataires ; qu'or, contrairement à ses affirmations, la SCI Madison ne fait pas la démonstration de cette communication requise ; que le courrier du 27 décembre 2010 adressé par la SCI Madison aux époux X... relatif à la régularisation des charges pour 2010 ne transmet aucun décompte précis, ni mode de répartition, celui du 25 mai 2012 mentionne des justificatifs de la régularisation des charges qui ne sont pas versés aux débats ; que la SCI Madison soutient que les époux X... ne retirent pas leurs recommandés et apporte pour preuve de cette affirmation un courrier de février 2011 dont on ne sait pas à quoi il se rapporte et un courrier de septembre 2013 envoyé à l'adresse de Thiais ; qu'enfin, et en tout état de cause, l'état de répartition des charges locatives pour 2011 établi par M. Z... en décembre 2012 est très général en ce qui concerne les différentes catégories de charges » ;
ALORS QUE 1°) les juges du fond ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la société Madison faisait valoir, à l'appui de preuves circonstanciées, que les époux X... recevaient annuellement un compte récapitulatif et de réajustement, mais qu'ils ne retiraient pas ces courriers recommandés, que la quote-part de leur appartement avait été calculée par un géomètre-expert, que les catégories de charges étaient identifiées et précisées dans les décomptes établis par M. Z..., lesquels permettaient, grâce à un état de répartition précis, de déterminer au plus juste les sommes dont les époux X... étaient redevables au regard des tantièmes correspondant à leur logement ; qu'en affirmant que la société Madison se bornait à indiquer que les époux X... ne retiraient pas les lettres recommandées qui leur étaient adressées, la Cour d'appel a dénaturé, par omission, les conclusions d'appel de la société Madison et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS QUE 2°) les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en affirmant que la société Madison se bornait à indiquer que les époux X... ne retiraient pas les lettres recommandées qui leur étaient adressées et ne versaient aux débats que deux courriers recommandés de février 2011 et de septembre 2013, alors qu'il ressortait du bordereau de communication de pièces du 10 novembre 2016 que la société Madison produisait, outre les lettres recommandées non retirées par les époux X..., deux lettres relatives à la justification des régularisations des charges de 2011 (pièces n° 14 et 17), l'état de répartition par lot des charges locatives de l'année 2011 (pièce n° 23), les décomptes de charges des années 2012 à 2014 (pièces n° 50, 51 et 52), une lettre relative à l'état de répartition des charges pour les années 2011 à 2014 (pièce n°53), l'état descriptif de division (pièce n° 63), les pièces justificatives des charges annuelles et le détail des charges pour l'année 2015 (pièces n° 64 et 64 bis), la Cour d'appel a dénaturé, par omission, le bordereau de communication de pièces du 10 novembre 2016, en violation de l'article 1134 du code civil et du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;
ALORS QUE 3°) les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en n'examinant pas les deux lettres relatives à la justification des régularisations des charges de 2011 (pièces n° 14 et 17), l'état de répartition par lot des charges locatives de l'année 2011 (pièce n° 23), les décomptes de charges des années 2012 à 2014 (pièces n° 50, 51 et 52), une lettre relative à l'état de répartition des charges pour les années 2011 à 2014 (pièce n° 53), l'état descriptif de division (pièce n° 63), les pièces justificatives des charges annuelles et le détail des charges pour l'année 2015 (pièces n° 64 et 64 bis), la Cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.