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23/01/2019 | FRANCE | N°17-26878

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 janvier 2019, 17-26878


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué ( Versailles, 4 octobre 2017 ), que M. Y... a été engagé en qualité de réalisateur par la société Multithématiques, filiale du groupe Canal plus, suivant une cinquantaine de contrats à durée déterminée d'août 2006 à août 2013, entrecoupés d'une période non travaillée entre mars 2011 et avril 2013 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et l

a condamnation de la société au paiement de diverses indemnités ;

Attendu que l'empl...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué ( Versailles, 4 octobre 2017 ), que M. Y... a été engagé en qualité de réalisateur par la société Multithématiques, filiale du groupe Canal plus, suivant une cinquantaine de contrats à durée déterminée d'août 2006 à août 2013, entrecoupés d'une période non travaillée entre mars 2011 et avril 2013 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et la condamnation de la société au paiement de diverses indemnités ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier les contrats à durée déterminée d'usage en contrat à durée indéterminée à compter du 24 août 2006, de dire que la rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement d'une indemnité de requalification et de diverses indemnités de rupture, alors, selon le moyen :

1°/ que manifeste une volonté claire et non équivoque de démissionner, le salarié qui cesse de fournir une prestation de travail pendant plusieurs années et qui, durant cette période, a une activité professionnelle, a fortiori à l'étranger, où il a élu domicile ; que l'employeur n'a pas à justifier, dans de telles conditions, qu'il a cessé de lui fournir du travail ; qu'en considérant que la société n'aurait pas été fondée à se prévaloir de ce que le départ de M. Y... pour les Etats-Unis, où il était parti vivre et travailler, s'analysait en une démission et que, de plus, la société n'établissait pas que l'installation de M. Y... à l'étranger ne résultait pas de l'absence de fourniture de travail sur cette période, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ subsidiairement, que la requalification de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée prenant effet au jour de la première embauche ne peut être prononcée que si, sur la période considérée, les relations entre les parties n'ont pas été rompues ; que la « période interstitielle » ou « intercalaire » séparant des contrats à durée déterminée requalifiés, postérieurement à leur exécution, en contrat à durée indéterminée, s'entend de la période séparant deux contrats à durée déterminée et dont, ni la durée, ni le comportement des parties durant ladite période ne remettent en cause la relation de travail dans son existence même ; qu'en l'espèce, il était constant qu'entre le 24 août 2006 et le 3 mars 2011, la société Multithématiques et M. Y... avaient conclu des contrats à durée déterminée d'usage confiant au salarié des fonctions de « réalisateur », pour des durées variant entre quatre et quarante-trois jours par an ; qu'il était non moins constant qu'entre le 3 mars 2011 et 8 avril 2013, les parties avaient cessé toute relation contractuelle, le salarié étant parti s'installer et travailler aux Etats-Unis ; que le salarié ne soutenait pas que, durant cette période, il se serait tenu à la disposition de l'employeur ; que, pour procéder à la requalification des contrats conclus entre M. Y... et la société Multithématiques en contrat à durée indéterminée à compter du 24 août 2006 et condamner l'exposante au paiement de sommes à titre d'indemnités de rupture, indemnité de requalification, dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, et remboursement des indemnités de chômage, toutes condamnations prononcées sur la base d'une ancienneté remontant au 24 août 2006, la cour d'appel a retenu qu'entre le 24 août 2006 et le 22 août 2013, M. Y... avait été employé de façon régulière, à hauteur d'environ deux cent jours sur cette période, entrecoupés de périodes intercalaires, que ces contrats avaient pour objet de pourvoir durablement à un poste lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et qu'en conséquence le salarié était fondé à demander la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 24 août 2006, la société Multithématiques ne « pouv(ant) utilement soulever que la période intercalaire de mars 2011 (à avril) 2013 au cours de laquelle Monsieur Y... a (eu) une activité professionnelle aux Etats-Unis d'Amérique s'analyse pas une démission ou une suspension du contrat de travail » et que « la société n'établit pas que l'installation de M. Y... à l'étranger est imputable au salarié et ne résulte pas de l'absence de fourniture de travail sur cette période » ; qu'en statuant ainsi, quand il s'inférait de ses constatations que les parties avaient cessé toute relation durant deux ans et que le salarié, qui ne soutenait pas s'être tenu à la disposition de l'employeur, s'était installé aux Etats Unis pour y travailler, en sorte qu'aucune relation salariée ne pouvait avoir perduré durant cette période, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1231-1, L. 1245-1, L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1243-5, L. 1234-9, L. 1235-1 du code du travail dans leur rédaction alors applicable, ainsi que l'article 1103, anciennement 1134, du code civil ;

3°/ subsidiairement, qu'à tout le moins, il revenait à la cour d'appel de rechercher si la cessation de toute relation entre les parties, compte tenu de sa durée, du comportement des parties pendant cette période et, plus généralement, des circonstances de la cause, était susceptible de s'analyser comme une « période interstitielle » séparant deux contrats à durée déterminée non successifs, ou comme ayant mis un terme à la relation salariée ayant débuté au premier contrat à durée déterminée conclu entre les parties ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si la relation contractuelle ayant débuté, selon elle, le 24 août 2006, n'avait pas été rompue le 3 mars 2011, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1231-1, L. 1245-1, L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1243-5, L. 1234-9, L. 1235-1 du code du travail dans leur rédaction alors applicable, ainsi que l'article 1103, anciennement 1134, du code civil ;

4°/ subsidiairement, que lorsque les parties sont en désaccord sur le point de savoir si le contrat a été rompu, il revient aux juges déterminer si tel a ou non été le cas ; qu'en l'espèce, la société Multithématiques soutenait qu'à admettre qu'un contrat à durée indéterminée ait existé entre les parties à compter du 24 août 2006, il avait été rompu par la démission du salarié intervenue le 4 mars 2011 ; que, de son côté, M. Y... contestait avoir démissionné, et faisait remonter son ancienneté au 24 août 2006 ; qu'en se bornant à affirmer que la société n'aurait pu se prévaloir de l'existence d'une démission, et n'établissait pas que l'installation du salarié aux Etats-Unis ne résultait pas de l'absence de fourniture de travail par l'employeur, sans rechercher si, indépendamment de la question de l'imputabilité d'une rupture, cette dernière n'était pas intervenue, la cour d'appel, qui n'a pas exercé son office, a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

5°/ subsidiairement, que l'employeur n'est pas tenu de fournir du travail au salarié à l'issue d'un contrat à durée déterminée ou entre deux contrats à durée déterminée ; qu'ainsi, lorsque les parties sont en désaccord sur l'imputabilité de l'interruption des relations contractuelles, la charge de la preuve ne repose pas particulièrement sur l'employeur ; qu'en l'espèce, l'exposante soutenait que M. Y... n'avait pas permis la poursuite des relations contractuelles entre mars 2011 et avril 2013 en partant s'installer et vivre aux Etats-Unis ; que, de son côté, le salarié faisait valoir qu'il aurait quitté la France dans la mesure où la société Multithématiques aurait cessé de lui fournir du travail ; qu'en retenant, pour dire que les parties étaient liées par un contrat de travail remontant au 24 août 2006, qu' « en tout état de cause, la société n'établit pas que l'installation de M. Y... à l'étranger est imputable au salarié et ne résulte pas de l'absence de fourniture de travail sur cette période », la cour d'appel a violé les articles 1353, anciennement 1315, 1103, anciennement 1134, du code civil, ensemble les articles L. 1121-1, L. 1221-1, L. 1231-1, L. 1245-1, L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1243-5, L. 1234-9, et L. 1235-1du code du travail dans leur rédaction alors applicable ;

6°/ qu'en affirmant qu'entre le 24 août 2006 et le 22 août 2013, M. Y... avait collaboré de « façon régulière » avec la société, quand elle avait constaté que durant deux ans, M. Y... n'avait eu aucune activité pour la société, et qu'il était constant qu'à l'issue de cette période non travaillée, M. Y... n'avait travaillé que durant quelques jours pour l'exposante, en sorte que la collaboration entre les parties ne pouvait être considérée comme ayant été régulière, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constations, a violé les articles L. 1221-1, L. 1231-1, L. 1245-1, L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1243-5, L. 1234-9, L. 1235-1 du code du travail dans leur rédaction alors applicable, ainsi que l'article 1103, anciennement 1134 du code civil ;

7°/ plus subsidiairement, qu'une insuffisance de motivation équivaut à une absence de motivation ; qu'en l'espèce, la société avait fait valoir, qu'à titre subsidiaire, la période de deux années durant laquelle les relations entre les parties avaient été totalement interrompues - le salarié ne travaillant pas et l'employeur ne le rémunérant pas -, ne pouvait que s'analyser en une période de suspension du contrat ayant vocation à être prise en considération dans la fixation de l'indemnité de licenciement ; que la cour d'appel a considéré que cette période ne constituait pas en une période de suspension du contrat ; qu'en statuant ainsi, sans préciser pour quelle raison cette période de non-exécution des obligations du contrat ne relevait pas d'une telle qualification, ni comment elle devait, en conséquence, s'analyser, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant retenu, par des motifs non critiqués, que le salarié avait été engagé irrégulièrement à compter du 24 août 2006, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à des recherches qui ne lui étaient pas demandées ou que ses constatations rendaient inopérantes visées aux troisième et quatrième branches, a, abstraction faite de motifs surabondants critiqués aux cinquième et sixième branches, exactement décidé que par l'effet de cette requalification depuis le jour de l'engagement du salarié par un contrat à durée déterminée irrégulier, l'intéressé était en droit de se prévaloir d'une ancienneté remontant à cette date, nonobstant une interruption dans la relation de travail de mars 2011 à avril 2013 ; que le moyen, qui, en ses première et septième branches, est inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Multithématiques aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros et rejette sa propre demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Multithématiques

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR requalifié les contrats à durée déterminée d'usage conclus entre Monsieur Y... et la société MULTITHEMATIQUES en contrat à durée indéterminée à compter du 24 août 2006, d'AVOIR dit que la rupture de la relation de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse, d'AVOIR condamné la société MULTITHEMATIQUES à verser à Monsieur Y... les sommes de 1.522,77 € à titre d'indemnité de requalification, 4.568,31 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 456,83 € au titre des congés payés afférents, 2.131,87 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 9.200 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, et 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR ordonné à la société MULTITHEMATIQUES de remettre à Monsieur Y... une attestation Pôle emploi rectifiée et un certificat de travail conformes à sa décision, d'AVOIR ordonné le remboursement par la société MULTITHEMATIQUES aux organismes concernés des indemnités de chômage éventuellement versées à Monsieur Y... dans la limite de six mois d'indemnités ;

AUX MOTIFS QUE « M. Philippe Y... a été engagé en qualité de réalisateur par la société Multithématiques (filiale du groupe Canal Plus, spécialisée dans l'édition de chaînes de télévision thématiques diffusées par câble et satellite sur le bouquet Canal Plus) par le biais d'une cinquantaine de contrats à durée déterminée d'usage, dénommés "lettres d'engagement", entre août 2006 et août 2013, entrecoupés de périodes intercalaires notamment entre mars 2011 et avril 2013. La relation de travail était soumise à la convention collective de la télédiffusion et à la convention d'entreprise Canal Plus. Au terme du dernier contrat de travail, la société Multithématiques employait habituellement au moins onze salariés et la rémunération moyenne mensuelle de M. Y... s'élevait à la somme de 1 522,77 euros brut selon ce dernier et à 1 116,21 euros brut selon l'employeur (
) ; sur la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée : Considérant que M. Y... soutient que l'ensemble des contrats à durée déterminée d'usage conclus avec la société Multithématiques doit être requalifié en un contrat à durée indéterminée à compter du ler août 2006 aux motifs que : le formalisme imposé par les articles L. 1242-12 et suivants du code du travail n'a pas été respecté à de multiples reprises notamment en ce que certains contrats n'ont pas été établis par écrit et d'autres contrats lui ont été transmis après le délai de deux jours imposé par la loi ; ces nombreux contrats avaient pour objet de pourvoir un emploi de réalisateur de bandes-annonces au sein de l'entité dénommée la "BA Factory" lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et aucun usage constant de ne pas recourir à des contrats à durée indéterminée pour l'emploi de réalisateur en cause n'est établi par l'employeur ; Que la société Multithématiques, pour conclure au débouté, soutient que son activité dans le secteur audiovisuel fait partie de celles pour lesquelles la loi autorise expressément le recours aux contrats à durée déterminée d'usage et qu'il est d'usage constant dans ce secteur de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée pour l'emploi de réalisateur comme mentionné dans l'accord national professionnel interbranche du 12 octobre 1998 ou les conventions collectives du secteur de l'audiovisuel ; que la signature d'accords collectifs par les partenaires sociaux qui ont une connaissance exacte et précise des emplois concernés doit être regardée comme une raison objective au sens de la clause 5 de l'accord-cadre européen sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999 mis en oeuvre par la directive n°1999/70 du 28 juin 1999 ; qu'en tout état de cause, M. Y... n'a travaillé que 210 jours sur les quatre dernières années et demi, ce qui établit le caractère par nature temporaire de son emploi ; Considérant que s'il résulte de la combinaison des articles L.1242-1, L.1242-2, L.1245-1 et D. 1242-1 du code du travail que, dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n°1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de ces contrats est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi ; la détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d'usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l'existence de ces raisons objectives ; Qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la société Multithématiques a une activité dans le secteur de l'audiovisuel qui relève des dispositions des articles L.1242-2 et D.1242-1 mentionnés ci-dessus et que l'accord national professionnel interbranche du 12 octobre 1998 ayant fait l'objet d'un arrêté ministériel d'extension du 15 janvier 1999 permet le recours aux contrat à durée déterminée d'usage pour les fonctions de réalisateur exercées par M. Y... ; Que par ailleurs, il ressort des pièces versées aux débats et notamment de la cinquantaine de contrats à durée déterminée d'usage conclus entre les parties et des fiches de paie de M. Y... que ce dernier a été employé dans le même emploi de réalisateur de façon régulière entre le 24 août 2006 et le 22 août 2013 à hauteur d'environ 200 jours de travail sur cette période, avec des périodes intercalaires ; que son travail consistait à réaliser au sein d'une entité appelée la "BA Factory" des bandes-annonces de films, de documentaires ou d'émissions destinés à être diffusés quotidiennement sur les chaînes de télévision du groupe Canal Plus ; qu'il n'est pas établi ni même allégué que le salarié est intervenu pour une émission particulière ; que la société intimée ne conteste pas que d'autres emplois de réalisateur de bandes-annonces étaient également pourvus au sein de l'entreprise au moyen de contrat à durée indéterminée ; que cette activité de réalisateur de bandes-annonces était ainsi rattachée à une activité pérenne de l'entreprise qui diffuse quotidiennement des programmes sur ses antennes et corrélativement des bandes-annonces pour les différentes chaînes du groupe Canal Plus ; Que dans ces conditions, l'ensemble des contrats en cause avait bien pour objet de pourvoir durablement un poste lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et l'employeur ne justifie pas de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi de réalisateur en litige ; Considérant au surplus, qu'aux termes de l'article L1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et qu'à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée ; qu'en l'espèce, la société Multithématiques ne justifie pas que certains contrats, notamment celui conclu pour la période de septembre 2006 ou ceux conclus pour la période du 10 au 16 mai 2008 ont fait l'objet d'un écrit ; Considérant qu' en conséquence, M. Y... est fondé à demander la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée ; Considérant que par l'effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier ; Qu'il s'ensuit que la société Multithématiques ne peut utilement soulever que la période intercalaire de mars 2011 et mars 2013 au cours de laquelle M. Y... a une activité professionnelle aux Etats-Unis d'Amérique s'analyse en une démission ou une suspension du contrat de travail ; que de plus, et en tout état de cause, la société n'établit pas que l'installation de M. Y... à l'étranger est imputable au salarié et ne résulte pas de l'absence de fourniture de travail sur cette période ; que dans ces conditions, il y a lieu de prononcer la requalification de la relation de travail à compter du 24 août 2006, jour de l'engagement de M. Y... par contrat à durée déterminée irrégulier ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il déboute M. Y... de sa demande de requalification ; Sur l'indemnité de requalification : Considérant qu'en application de l'article L. 1245-2 du code du travail, en cas de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, le salarié a droit à une indemnité ne pouvant être inférieure à un mois de salaire ; qu'eu égard aux pièces du dossier et notamment aux bulletins de paie versés aux débats montrant une fluctuation de la rémunération versée à M. Y... sur les derniers mois de la relation contractuelle, il y a lieu de retenir une moyenne mensuelle de 1 522,77 euros brut; laquelle est la plus -favorable au salarié ; qu'en conséquence, il y a lieu d'allouer à M. Y... une somme de 1 522,77 euros à ce titre ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ; Sur la rupture de la relation de travail à durée indéterminée : Considérant que lorsqu'un contrat à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée, en cas de rupture ultérieure des relations contractuelles à l'initiative de l'employeur, égard aux pièces du dossier et notamment aux bulletins de paie versés aux débats montrant une fluctuation de la rémunération versée à M. Y... sur les derniers mois de la relation contractuelle, il y a lieu de retenir une moyenne mensuelle de 1 522,77 euros brut; laquelle est la plus -favorable au salarié ; qu'en conséquence, il y a lieu d'allouer à M. Y... une somme de 1 522,77 euros à ce titre ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ; Sur la rupture de la relation de travail à durée indéterminée : Considérant que lorsqu'un contrat à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée, en cas de rupture ultérieure des relations contractuelles à l'initiative de l'employeur, les règles applicables au licenciement doivent être respectées ; qu'en l'espèce, la relation de travail entre les parties a cessé le 22 août 2013, au terme de son dernier contrat, sans qu'une procédure de rupture n'ait été engagée et notamment sans qu'une lettre de licenciement ne lui soit adressée ; qu'en conséquence, la rupture de la relation de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit au salarié aux indemnités de rupture ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ; Que, sur l'indemnité compensatrice de préavis, eu égard à sa durée de trois mois et à la moyenne mensuelle de salaire mentionnée ci-dessus, M. Y... est fondé à réclamer la somme de 4 568,31 euros à ce titre, outre la somme 456,83 euros au titre des congés payés afférents ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ; Que, sur l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'ancienneté de M. Y... doit être fixée au 24 août 2006, jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier ainsi qu'il a été dit ci-dessus ; qu'en conséquence, ce dernier est fondé à réclamer une somme de 2 131,87 euros à ce titre, par application des stipulations de la convention collective d'entreprise applicable ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ; Que, sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au moment de la rupture de son contrat de travail, M. Y... avait au moins deux années d'ancienneté dans l'entreprise, ainsi qu'il vient d'être dit, et que la société Multithématiques employait habituellement au moins onze salariés ; qu'en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, le salarié peut ainsi prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu'il aperçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement ; qu'eu égard à son âge (né le [...] ), à son ancienneté dans l'entreprise, aux circonstances de la rupture, à l'absence d'éléments précis sur sa situation professionnelle depuis la rupture, il convient de lui allouer une somme de 9 200 euros à ce titre ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point (
) Sur l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail, Considérant, qu'en application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par la société Multithématiques à Pôle emploi des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié licencié, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ; Sur les autres demandes : Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il convient d'ordonner la remise par la société d'une attestation pour Pôle Emploi et d'un certificat de travail conformes à la présente décision, sans qu'il soit necessaire de prévoir toutefois une astreinte » ;

1. ALORS QUE manifeste une volonté claire et non équivoque de démissionner, le salarié qui cesse de fournir une prestation de travail pendant plusieurs années et qui, durant cette période, a une activité professionnelle, a fortiori à l'étranger, où il a élu domicile ; que l'employeur n'a pas à justifier, dans de telles conditions, qu'il a cessé de lui fournir du travail ; qu'en considérant que l'exposante n'aurait pas été fondée à se prévaloir de ce que le départ de Monsieur Y... pour les Etats Unis, où il était parti vivre et travailler, s'analysait en une démission et que, de plus, la société MULTITHEMATIQUES n'établissait pas que l'installation de Monsieur Y... à l'étranger ne résultait pas de l'absence de fourniture de travail sur cette période, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2. ALORS subsidiairement QUE la requalification de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée prenant effet au jour de la première embauche ne peut être prononcée que si, sur la période considérée, les relations entre les parties n'ont pas été rompues ; que la « période interstitielle » ou « intercalaire » séparant des contrats à durée déterminée requalifiés, postérieurement à leur exécution, en contrat à durée indéterminée, s'entend de la période séparant deux contrats à durée déterminée et dont, ni la durée, ni le comportement des parties durant ladite période ne remettent en cause la relation de travail dans son existence même ; qu'en l'espèce, il était constant qu'entre le 24 août 2006 et le 3 mars 2011, la société MULTITHEMATIQUES et Monsieur Y... avaient conclu des contrats à durée déterminée d'usage confiant au salarié des fonctions de « réalisateur », pour des durées variant entre 4 et 43 jours par an ; qu'il était non moins constant qu'entre le 3 mars 2011 et 8 avril 2013, les parties avaient cessé toute relation contractuelle, le salarié étant parti s'installer et travailler aux Etats-Unis ; que le salarié ne soutenait pas que, durant cette période, il se serait tenu à la disposition de l'employeur ; que, pour procéder à la requalification des contrats conclus entre Monsieur Y... et la société MULTITHEMATIQUES en contrat à durée indéterminée à compter du 24 août 2006 et condamner l'exposante au paiement de sommes à titre d'indemnités de rupture, indemnité de requalification, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, et remboursement des indemnités de chômage, toutes condamnations prononcées sur la base d'une ancienneté remontant au 24 août 2006, la cour d'appel a retenu qu'entre le 24 août 2006 et le 22 août 2013, Monsieur Y... avait été employé de façon régulière, à hauteur d'environ 200 jours sur cette période, entrecoupés de périodes intercalaires, que ces contrats avaient pour objet de pourvoir durablement à un poste lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et qu'en conséquence le salarié était fondé à demander la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 24 août 2006, la société MULTITHEMATIQUES ne « pouv(ant) utilement soulever que la période intercalaire de mars 2011 (à avril) 2013 au cours de laquelle Monsieur Y... a (eu) une activité professionnelle aux Etats-Unis d'Amérique s'analyse pas une démission ou une suspension du contrat de travail » et que « la société n'établit pas que l'installation de Monsieur Y... à l'étranger est imputable au salarié et ne résulte pas de l'absence de fourniture de travail sur cette période » ; qu'en statuant ainsi, quand il s'inférait de ses constatations que les parties avaient cessé toute relation durant deux ans et que le salarié, qui ne soutenait pas s'être tenu à la disposition de l'employeur, s'était installé aux Etats Unis pour y travailler, en sorte qu'aucune relation salariée ne pouvait avoir perduré durant cette période, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1231-1, L. 1245-1, L.1242-1, L. 1242-2, L.1243-5, L. 1234-9, L. 1235-1 du code du travail dans leur rédaction alors applicable, ainsi que l'article 1103, anciennement 1134, du code civil ;

3. ALORS subsidiairement QU'à tout le moins, il revenait à la cour d'appel de rechercher si la cessation de toute relation entre les parties, compte tenu de sa durée, du comportement des parties pendant cette période et, plus généralement, des circonstances de la cause, était susceptible de s'analyser comme une « période interstitielle » séparant deux contrats à durée déterminée non successifs, ou comme ayant mis un terme à la relation salariée ayant débuté au premier contrat à durée déterminée conclu entre les parties ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si la relation contractuelle ayant débuté, selon elle, le 24 août 2006, n'avait pas été rompue le 3 mars 2011, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1231-1, L. 1245-1, L.1242-1, L. 1242-2, L.1243-5, L. 1234-9, L. 1235-1 du code du travail dans leur rédaction alors applicable, ainsi que l'article 1103, anciennement 1134, du code civil ;

4. ALORS subsidiairement QUE lorsque les parties sont en désaccord sur le point de savoir si le contrat a été rompu, il revient aux juges déterminer si tel a ou non été le cas ; qu'en l'espèce, la société MULTITHEMATIQUES soutenait qu'à admettre qu'un contrat à durée indéterminée ait existé entre les parties à compter du 24 août 2006, il avait été rompu par la démission du salarié intervenue le 4 mars 2011 ; que, de son côté, Monsieur Y..., contestait avoir démissionné, et faisait remonter son ancienneté au 24 août 2006 ; qu'en se bornant à affirmer que l'exposante n'aurait pu se prévaloir de l'existence d'une démission, et n'établissait pas que l'installation du salarié aux Etats-Unis ne résultait pas de l'absence de fourniture de travail par l'employeur, sans rechercher si, indépendamment de la question de l'imputabilité d'une rupture, cette dernière n'était pas intervenue, la cour d'appel, qui n'a pas exercé son office, a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

5. ALORS subsidiairement QUE l'employeur n'est pas tenu de fournir du travail au salarié à l'issue d'un contrat à durée déterminée ou entre deux contrats à durée déterminée ; qu'ainsi, lorsque les parties sont en désaccord sur l'imputabilité de l'interruption des relations contractuelles, la charge de la preuve ne repose pas particulièrement sur l'employeur ; qu'en l'espèce, l'exposante soutenait que Monsieur Y... n'avait pas permis la poursuite des relations contractuelles entre mars 2011 et avril 2013 en partant s'installer et vivre aux Etats Unis ; que, de son côté, le salarié faisait valoir qu'il aurait quitté la France dans la mesure où la société MULTITHEMATIQUES aurait cessé de lui fournir du travail ; qu'en retenant, pour dire que les parties étaient liées par un contrat de travail remontant au 24 août 2006, qu' « en tout état de cause, la société n'établit pas que l'installation de Monsieur Y... à l'étranger est imputable au salarié et ne résulte pas de l'absence de fourniture de travail sur cette période », la cour d'appel a violé les articles 1353, anciennement 1315, 1103, anciennement 1134, du code civil, ensemble les articles L. 1121-1, L. 1221-1, L. 1231-1, L. 1245-1, L.1242-1, L. 1242-2, L.1243-5, L. 1234-9, et L. 1235-1 du code du travail dans leur rédaction alors applicable ;

6. ALORS subsidiairement QU'en affirmant qu'entre le 24 août 2006 et le 22 août 2013, Monsieur Y... avait collaboré de « façon régulière » avec l'exposante, quand elle avait constaté que durant deux ans, Monsieur Y... n'avait eu aucune activité pour l'exposante, et qu'il était constant qu'à l'issue de cette période non travaillée, Monsieur Y... n'avait travaillé que durant quelques jours pour l'exposante, en sorte que la collaboration entre les parties ne pouvait être considérée comme ayant été régulière, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constations, a violé les articles L. 1221-1, L. 1231-1, L. 1245-1, L.1242-1, L. 1242-2, L.1243-5, L. 1234-9, L. 1235-1 du code du travail dans leur rédaction alors applicable, ainsi que l'article 1103, anciennement 1134 du code civil ;

7. ALORS PLUS SUBSIDIAIREMENT QU'une insuffisance de motivation équivaut à une absence de motivation ; qu'en l'espèce, l'exposante avait fait valoir, qu'à titre subsidiaire, la période de deux années durant laquelle les relations entre les parties avaient été totalement interrompues - le salarié ne travaillant pas et l'employeur ne le rémunérant pas -, ne pouvait que s'analyser en une période de suspension du contrat ayant vocation à être prise en considération dans la fixation de l'indemnité de licenciement ; que la cour d'appel a considéré que cette période ne constituait pas en une période de suspension du contrat ; qu'en statuant ainsi, sans préciser pour quelle raison cette période de non-exécution des obligations du contrat ne relevait pas d'une telle qualification, ni comment elle devait, en conséquence, s'analyser, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-26878
Date de la décision : 23/01/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 04 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 jan. 2019, pourvoi n°17-26878


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.26878
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