LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2017), que la société Acumass, qui intervient auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) pour effectuer, pour le compte de ses clients, le paiement des annuités afférentes aux brevets, a émis à cette fin, le 30 juin 2016 sur le site internet de l'INPI, un ordre de prélèvement d'un montant de 389 400 euros, à partir de son compte client, qui n'a pas été suivi d'effet, faute de provision suffisante ; qu'elle a, le 7 juillet 2016, formé un recours gracieux et demandé à l'INPI de prendre en compte un règlement à la date du 30 juin 2016 et de l'exonérer du paiement du supplément de redevance pour paiement tardif ; que, par décision du 29 juillet 2016, le directeur général de l'INPI a rejeté cette demande ; que la société Acumass a formé un recours contre cette décision ;
Attendu que la société Acumass fait grief à l'arrêt de rejeter son recours alors, selon le moyen :
1°/ que le moment de la réception est celui où l'ordre de paiement est reçu par la prestataire de service de paiement du payeur, que le montant de l'opération de paiement est crédité sur le compte du prestataire de services de paiement du bénéficiaire au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant le moment de réception de l'ordre de paiement et que la date de valeur d'une somme portée au crédit du compte du bénéficiaire ne peut être postérieure à celle du jour ouvrable au cours duquel le montant de l'opération de paiement est crédité sur le compte du prestataire de services de paiement du bénéficiaire ; qu'en décidant que le compte de la société Acumass ouvert auprès du Trésor public ne pouvait en aucun cas être crédité à la date du 30 juin 2016, et qu'il l'avait été le 1er juillet 2016 afin de retenir un paiement tardif des annuités, la cour d'appel a fixé au 30 juin la date de l'ordre de paiement donné par la société Acumass, cependant qu'il résultait clairement du relevé bancaire régulièrement produit, ainsi que du détail de l'eurovirement sepa, que la « date opération » attribuée au virement de 410 000 euros en faveur du compte INPI était le « 28/06/2016 » et qu'il avait été porté en date de valeur au « 30/06/2016 », de sorte que l'ordre de paiement avait été reçu par l'établissement teneur de compte de la société Acumass le 28 juin, date opération, et devait être crédité sur le compte de la société Acumass ouvert auprès du Trésor public au plus tard le 30 juin, date de valeur ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 612-9 du code de la propriété intellectuelle, L. 133-9, alinéa 1, L. 133-13 I et L. 113-14 I du code monétaire et financier ;
2°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Acumass invoquait l'illégalité de la décision n° 2016-36 du 26 février 2016 du directeur de l'INPI en ce qu'elle ne soumettait le compte client intermédiaire sur lequel les règlements des annuités de brevet transitaient à aucune règle de date d'opération ni aucun moyen de contrôle en violation des règles édictées par le code monétaire et financier ; qu'en estimant que la société Acumass soutenait que la décision critiquée était illégale « en ce qu'elle imposait de payer par prélèvement sur un compte client de sorte que seule la date de crédit au compte interne de l'usager permet de procéder à un règlement dans les délais », la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société Acumass et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°/ que constitue une pénalité assimilable à une sanction administrative, la fixation du supplément de redevance dû par le breveté prévu par l'article L. 612-9 du code de la propriété intellectuelle à un taux de 50 % du montant de la redevance impayée devant être acquitté au cours du délai de grâce, de sorte qu'en décidant le contraire pour refuser de reconnaître que l'arrêté du 24 avril 2008 relatif aux redevances de procédures perçues par l'INPI méconnaissait le principe de proportionnalité et devait s'appliquer, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que les relevés bancaires produits par la société Acumass mettaient en évidence qu'elle avait procédé à deux virements et que les dates de débit de ceux-ci étaient différentes, 28 juin pour celui de 100 000 euros et 30 juin pour celui de 410 000 euros, de sorte que ce dernier virement ne pouvait pas figurer sur son compte ouvert sur le portail de l'INPI le même jour, la cour d'appel en a exactement déduit que le compte client de la société Acumass à l'INPI, ouvert auprès du Trésor public, avait été crédité le 1er juillet 2016 et ne pouvait l'avoir été à la date du 30 juin 2016, comme il eût été nécessaire pour payer à temps les annuités dues ;
Attendu, d'autre part, qu'après avoir indiqué que la société Acumass prétendait que la décision du directeur général de l'INPI du 26 février 2016 fixant les modalités de paiement des annuités de brevet était illégale, en ce qu'elle imposait de payer celles-ci par prélèvement sur un compte client, de sorte que seule la date de crédit au compte interne de l'usager permettait de procéder à un règlement dans les délais, c'est sans dénaturer ces écritures que la cour d'appel, ayant relevé que cette décision prévoyait une alternative, à savoir un prélèvement sur compte client ou un règlement par carte bancaire, et que, par ailleurs, le compte client pouvait être alimenté en numéraire ou par carte bancaire auprès des guichets de l'INPI, ou encore par chèque libellé à l'ordre de l'agent comptable de l'INPI, ou enfin par virement à son ordre, a retenu qu'il n'était pas démontré que ces modalités de paiement fussent contraires aux dispositions du code monétaire et financier et qu'il appartenait à la société Acumass de tenir compte des dates d'effet différentes des modes de paiement, prévues par ce code ;
Et attendu, enfin, qu'ayant retenu que le supplément de redevance pour paiement tardif n'avait pas pour objet de sanctionner une faute du titulaire du brevet mais de lui permettre de conserver ses droits, dont il encourait la déchéance, et que, fixée à 50 % du montant de la redevance impayée, ce supplément suivait dans une proportion identique les annuités de maintien en vigueur, qui augmentent avec l'âge du brevet, la cour d'appel en a à juste titre déduit qu'il ne portait pas atteinte au principe de proportionnalité ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Acumass aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Acumass.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le recours formé par la société Acumass à l'encontre de la décision rendue le 29 juillet 2016 par le directeur général de l'Institut Nationale de la Propriété Industrielle.
AUX MOTIFS QUE la société Acumass est une société spécialisée dans la prestation de services en lien avec la propriété industrielle et à ce titre, elle intervient auprès de l'INPI pour procéder, pour le compte de ses clients, au paiement des redevances de maintien en vigueur dites [sic] annuités, afférentes à de nombreux brevets ; que le maintien en vigueur de 2055 de ces brevets était subordonné au paiement d'annuités venant à échéance le 30 juin 2016 ; que le 30 juin 2016, la société Acumass a procédé sur le site internet de l'INPI à un ordre de prélèvement d'un montant de 384.400 € à partir de son compte client lequel n'a pas été effectué faute de provision suffisante ; que le 7 juillet 2016, la société Acumass a demandé à l'INPI de prendre néanmoins en compte un paiement à la date du 30 juin 2016 et de l'exonérer du paiement d'un supplément de redevance dû en cas de paiement tardif soit 200.000 € à verser dans les 6 mois à compter du 30 juin 2016 afin d'éviter la déchéance des brevets ; que la société Acumass expose avoir le 28 juin 2016 approvisionné son compte sur le portail de l'INPI par deux virements, l'un de 100.000 €, l'autre de 410.000 € et affirme que le 30 juin, ces deux virements avaient été effectués quand bien même seul celui de 100.000 € est apparu à cette date, l'autre ayant été porté à son compte seulement le 4 juillet 2016 ; que l'article L. 612-9 du code de la propriété intellectuelle dispose que : "Toute demande de brevet ou tout brevet donne lieu au paiement de redevances annuelles qui doivent être acquittées au plus tard au jour fixé par décret en Conseil d'État ; lorsque le paiement d'une redevance annuelle n'a pas été effectué à la date prévue à l'alinéa précédent, ladite redevance peut être valablement versée dans un délai de grâce de six mois moyennant le paiement d'un supplément dans le même délai" ; que la société Acumass fait grief à la décision rejetant son recours de ne pas comporter la signature du directeur de l'INPI ; que la cour constate que celle-ci a été signée par M. A... en qualité de responsable du contentieux et que celui-ci bénéficie d'une délégation de signature pour les décisions relatives aux recours administratifs en vertu de l'article 33 de la décision n° 2016-556 du 15 avril 2016 publiée au Bopi 16/17 du 29 avril suivant ; qu'en conséquence la décision est parfaitement régulière ; que la société Acumass soutient que la décision prononce une sanction disciplinaire et qu'elle n'est pas suffisamment motivée en ce qu'elle ne lui permet pas de connaître les griefs articulés à son encontre et les motifs exacts de la sanction ; que la décision entreprise étant une décision de rejet d'un recours administratif, elle ne peut être qualifiée de décision prononçant une sanction ; que l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration dispose que "la motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision" ; qu'en l'espèce, la décision est parfaitement motivée en ce qu'elle cite les dispositions applicables et les faits qui ont conduit à la décision de refus de prendre en compte une date d'effet du paiement au 30 juin et d'accorder une remise ou minoration du supplément de redevance pour paiement tardif ; que la société Acumass invoque à sa décharge le mode de paiement qu'elle a adopté affirmant avoir donné ordre à sa banque de procéder au virement de la somme de 510.000 € le 28 juin 2016 soit deux jours avant la fin du délai légal pour verser les annuités ; que les relevés bancaires qu'elle produit mettent en évidence qu'elle a procédé à deux virement et que les dates de débit de ceux-ci sont différents, celui de 100.000 € étant au 28 juin alors que celui de 410.000 € est au 30 juin de sorte que ce dernier ne pouvait pas figurer sur son compte ouvert sur le portail de l'INPI le même jour ; qu'il importe peu de connaître les motifs du décalage entre les deux virements, cette question relevant des relations entre la société Acumass et sa banque et n'avait pas lieu d'être prise en compte par l'INPI ; que l'article L. 133-13 du code monétaire et financier dispose que "
le montant de l'opération de paiement est crédité sur le compte (de la banque) du bénéficiaire au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant le moment de réception de l'ordre de paiement tel que défini à l'article L. 133-9" ; qu'en conséquence le compte de la société Acumass ouvert auprès du Trésor public a été crédité le 1er juillet 2016 et il ne pouvait en aucun cas l'être à la date du 30 juin 2016 comme il eût été nécessaire pour payer à temps les annuités dues ; que la société Acumass prétend que la décision du directeur de l'INPI du 26 février 2016, qui a fixé les modalités de paiement électronique des annuités de brevet, est illégale en ce qu'elle impose de payer par prélèvement sur un compte client de sorte que seule la date de crédit au compte interne de l'usager permet de procéder à un règlement dans les délais ; qu'or la décision du 26 février 2016 prévoit une alternative, à savoir un prélèvement sur compte client ou un règlement par carte bancaire ; que par ailleurs, le compte client peut être alimenté en numéraire ou par carte bancaire auprès des guichets de l'INPI, ou par chèque libellé à l'ordre de l'agent comptable de l'INPI ou par virement à son ordre ; qu'en conséquence, la société Acumass ne démontre pas que ces dispositions relatives aux modalités de paiement seraient contraires au code monétaire et financier ; que si ces différents modes de paiement ont des dates d'effet différentes, celles-ci résultent des dispositions du code monétaire et financier et il appartenait à la société Acumass qui est un professionnel d'en tenir compte ; que la société Acumass affirme enfin que le supplément des redevances s'apparente à une sanction administrative contraire au principe de proportionnalité ; qu'une sanction administrative est motivée par un comportement fautif qu'elle réprime ; qu'or la redevance pour paiement tardif ne vise pas à sanctionner mais à permettre au titulaire du brevet de conserver ses droits alors qu'il encourt leur déchéance ; que le montant des annuités de maintien en vigueur augmente avec l'âge du brevet de sorte que la redevance perçue en cas de retard de paiement suivra une proportion identique, soit 50 % du montant de la redevance concernée ;
ALORS DE PREMIERE PART QUE le moment de la réception est celui où l'ordre de paiement est reçu par la prestataire de service de paiement du payeur, que le montant de l'opération de paiement est crédité sur le compte du prestataire de services de paiement du bénéficiaire au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant le moment de réception de l'ordre de paiement et que la date de valeur d'une somme portée au crédit du compte du bénéficiaire ne peut être postérieure à celle du jour ouvrable au cours duquel le montant de l'opération de paiement est crédité sur le compte du prestataire de services de paiement du bénéficiaire ; qu'en décidant que le compte de la société Acumass ouvert auprès du Trésor Public ne pouvait en aucun cas être crédité à la date du 30 juin 2016, et qu'il l'avait été le 1er juillet 2016 afin de retenir un paiement tardif des annuités, la cour d'appel a fixé au 30 juin la date de l'ordre de paiement donné par la société Acumass, cependant qu'il résultait clairement du relevé bancaire régulièrement produit, ainsi que du détail de l'eurovirement sepa, que la « date opération » attribuée au virement de 410.000 € en faveur du compte INPI était le « 28/06/2016 » et qu'il avait été porté en date de valeur au « 30/06/2016 », de sorte que l'ordre de paiement avait été reçu par l'établissement teneur de compte de la société Acumass le 28 juin (date opération) et devait être crédité sur le compte de la société Acumass ouvert auprès du Trésor Public au plus tard le 30 juin (date de valeur) ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 612-9 du code de la propriété intellectuelle, L. 113-9, al. 1er, L. 133-13 I et L. 113-14 I du code monétaire et financier ;
ALORS DE DEUXIEME PART QUE dans ses conclusions d'appel, la société Acumass invoquait l'illégalité de la décision n° 2016-36 du 26 février 2016 du Directeur de l'INPI en ce qu'elle ne soumettait le compte client intermédiaire sur lequel les règlements des annuités de brevet transitaient à aucune règle de date d'opération ni aucun moyen de contrôle en violation des règles édictées par le code monétaire et financier ; qu'en estimant que la société Acumass soutenait que la décision critiquée était illégale « en ce qu'elle imposait de payer par prélèvement sur un compte client de sorte que seule la date de crédit au compte interne de l'usager permet de procéder à un règlement dans les délais », la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société Acumass et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
ALORS DE TROISIEME ET DERNIERE PART QUE constitue une pénalité assimilable à une sanction administrative, la fixation du supplément de redevance dû par le breveté prévu par l'article L. 612-9 du code de la propriété intellectuelle à un taux de 50 % du montant de la redevance impayée devant être acquitté au cours du délai de grâce, de sorte qu'en décidant le contraire pour refuser de reconnaître que l'arrêté du 24 avril 2008 relatif aux redevances de procédures perçues par l'INPI méconnaissait le principe de proportionnalité et devait s'appliquer, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.