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17/01/2019 | FRANCE | N°17-27408

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 17 janvier 2019, 17-27408


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 30 juin 2017), que Mme Z... a saisi l'ordre des chirurgiens-dentistes de La Réunion (l'ordre) d'une plainte à l'encontre de M. A..., orthodontiste qui lui avait prodigué des soins, en sollicitant le prononcé d'une sanction disciplinaire ; que M. A..., qui l'avait assignée en paiement d'honoraires, lui a demandé réparation du préjudice moral qu'il estimait avoir subi en raison de cette plainte, rejetée par une déc

ision définitive de la chambre disciplinaire de première instance de l'ord...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 30 juin 2017), que Mme Z... a saisi l'ordre des chirurgiens-dentistes de La Réunion (l'ordre) d'une plainte à l'encontre de M. A..., orthodontiste qui lui avait prodigué des soins, en sollicitant le prononcé d'une sanction disciplinaire ; que M. A..., qui l'avait assignée en paiement d'honoraires, lui a demandé réparation du préjudice moral qu'il estimait avoir subi en raison de cette plainte, rejetée par une décision définitive de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre ;

Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. A... une somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que l'exercice d'une action disciplinaire ou judiciaire est un droit qui ne peut engager la responsabilité civile de son auteur qu'en présence d'une faute de nature à faire dégénérer ce droit en abus et l'absence de production d'éléments probants au soutien d'une demande ne caractérise pas un abus du droit d'agir ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait condamner Mme Z... au paiement de dommages-intérêts au prétexte que l'action disciplinaire engagée avait été rejetée faute pour cette dernière d'établir les graves accusations portées contre M. A... ce qui caractériserait une légèreté blâmable constitutive d'une faute quasi délictuelle car, ce faisant, la cour d'appel n'a pas caractérisé une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit d'ester en justice, violant ainsi l'article 1382, devenu 1240 du code civil, ensemble l'article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par refus d'application, et l'article 1383, devenu 1241 du code civil, par fausse application ;

2°/ qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait condamner Mme Z... au paiement de dommages-intérêts en se bornant à énoncer que les « dénonciations de faits graves, nullement étayées par des éléments de preuve ont causé un préjudice au docteur A... en mettant en cause sa probité et ses pratiques et en jetant ainsi le doute à son égard auprès de ses confrères » et que « c'est à juste titre que le tribunal a fixé l'indemnisation de ce préjudice à 1 500 euros », sans relever que la plaignante avait agi de mauvaise foi, avec malice ou dans l'intention de nuire, de sorte qu'elle n'a pas constaté l'existence d'une faute de nature à caractériser l'abus du droit d'agir devant la juridiction ordinale disciplinaire, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que Mme Z... avait, dans sa plainte, reproché à M. A... des manquements aux devoirs élémentaires de sa profession, tels que le non-respect des règles d'hygiène, le refus de soins et la délégation à ses assistantes d'actes médicaux qui étaient de sa seule compétence, ainsi qu'à la déontologie, tels que des comportements inhumains et dégradants envers sa patiente, outre des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale, tels que la confection de courriers antidatés pour engager des poursuites financières sans fondement, mais qu'il ressortait de la décision de la chambre disciplinaire de l'ordre que ces accusations ne reposaient que sur ses affirmations, alors que leur gravité et l'importance des conséquences qu'elles pouvaient entraîner pour celui qui en était l'objet imposaient pourtant qu'elle ait été en mesure de les étayer par des éléments sérieux, la cour d'appel, qui a pu retenir qu'elle avait engagé une instance disciplinaire avec une légèreté blâmable et a ainsi caractérisé la faute ayant fait dégénérer en abus son droit d'agir, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ; la condamne à payer à M. A... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour Mme Z...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR condamné Madame Z... Y... à payer à Monsieur A... Bernard une somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts et aux frais irrépétibles et dépens ;

« L'action en indemnisation de Monsieur A... est fondée non pas sur le fait que Madame Z... aurait eu à son encontre des propos diffamatoires, mais sur la faute civile qu'elle aurait commise en saisissant, de mauvaise foi ou avec une légèreté blâmable, la chambre disciplinaire de première instance de l'Ordre de chirurgiens-dentistes de La Réunion-Mayotte d'une demande de sanction à l'encontre de celui-ci et d'indemnisation, fondée sur des accusations mensongères et nullement étayées. Ainsi que l'a rappelé le premier juge, les articles 1382 et 1383 du code civil en leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016 énoncent que tout fait de l'homme qui cause un dommage à autrui oblige celui par la faute duquel il est arrivé de le réparer, et que l'on est également responsable du fait que l'on a causé par son imprudence ; si l'exercice d'une action en justice est un droit, il peut, sur ces fondements, en cas de mauvaise foi, d'erreur grossière ou d'action téméraire être retenu comme fautif et entraîner la responsabilité de son auteur. En l'espèce, il résulte de la décision de la chambre disciplinaire en date du 21 août 2014 qu'a l'appui de sa demande, Madame Z... soutenait notamment que Monsieur A... avait violé le secret professionnel, qu'il avait délégué des soins à des assistantes et n'avait pas procédé aux soins ultérieurs que nécessitait pourtant son état, qu'il ne respectait pas les règles d'hygiène les plus élémentaires, qu'il avait fait preuve d'un comportement inhumain et dégradant à son encontre, qu'il avait antidaté des courriers pour engager des poursuites financières sans fondement. Ainsi que l'a relevé le premier juge, de telles accusations étaient particulièrement graves puisqu'il était ainsi imputé à ce chirurgien-dentiste dans le cadre d'une instance disciplinaire devant ses pairs des manquements aux devoirs élémentaires de sa profession (non-respect des règles d'hygiène, refus de soins, délégation de certains actes à des personnes non habilitées) des manquements à la déontologie (comportements inhumains et dégradants à l'encontre d'une patiente), et des comportements pouvant être pénalement répréhensibles (confection de courriers faux comme antidates). Or, il résulte de la décision de la chambre disciplinaire que toutes ces accusations, malgré leur gravité, n'étaient nullement étayées ; c'est ainsi qu'il est mentionné dans cette décision : - qu'il ne résulte d'aucune des pièces du dossier que le docteur A... aurait refusé de prodiguer des soins nécessaires à l'état de sa patiente ; que Madame Z... « se borne à soutenir sans l'établir » que le docteur A... aurait porté à son encontre des accusations diffamantes et calomnieuses, qu'il aurait délégué à ses assistantes des actes médicaux relevant de la seule compétence d'un orthodontiste, qu'il aurait méconnu les règles d'hygiène les plus élémentaires, et qu'il aurait antidaté des courriers pour engager des poursuites financières sans fondement à son encontre. Madame Z... a donc engagé une instance disciplinaire et sollicité des sanctions à l'encontre de Monsieur A... en articulant certaines accusations particulièrement graves sans qu'aucun élément de preuve ne vienne étayer celles-ci ; la légèreté blâmable dont elle a ainsi fait preuve est constitutive d'une faute quasi délictuelle, et Monsieur A... est fondé, comme l'a retenu le premier juge, à solliciter l'indemnisation du préjudice consécutif à cette faute. C'est par des motifs pertinents que le premier juge a retenu que ces dénonciations de faits graves, nullement étayées par des éléments de preuves ont causé un préjudice au docteur A... en mettant en cause sa probité et ses pratiques et en jetant ainsi le doute à son égard auprès de ses confrères, et c'est à juste titre que le tribunal a fixé l'indemnisation de ce préjudice à 1 500 euros et condamné Madame Z... à verser cette somme à Monsieur A... » ;

ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QU' « Aux termes des dispositions de l'article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. L'article 1383 du code civil ajoute que chacun est également responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou son imprudence. L'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus de droit qu'en cas de mauvaise foi ou d'erreur grossière. La témérité d'une plainte est également à elle seule susceptible d'entraîner la responsabilité de son auteur. Il résulte de la lecture de la décision du conseil de l'ordre de chirurgiens-dentistes en date du 8 avril 2014 que Madame Z... a déposé plainte à l'encontre du docteur A... devant son instance disciplinaire en lui reprochant de graves manquements à sa déontologie et des attitudes malhonnêtes et dangereuses, sans apporter aucun élément sérieux et probant à l'appui de ses affirmations. Le conseil de l'ordre a rejeté toutes les demandes formées par Madame Z... au motif que celles-ci n'étaient fondées que sur des affirmations sans preuves. L'engagement d'une procédure disciplinaire à l'encontre d'un chirurgien-dentiste auprès des pairs de celui-ci constitue à l'évidence un droit pour tout patient. Cependant, la gravité des dénonciations ainsi formées nécessite une prudence élémentaire et la nécessité d'étayer les faits dénoncés par des preuves sérieuses qui manifestement n'ont jamais été produites en l'espèce par Madame Z.... Madame Z... ne pouvait ignorer la gravité des conséquences que ses accusations pouvaient entraîner à l'encontre du docteur A... et devait nécessairement faire preuve de sérieux et de prudence. Elle a par une dénonciation intempestive causé manifestement un préjudice au docteur A... en mettant en cause sa probité et ses pratiques, jetant le doute à son égard auprès de ses confrères. Il convient d'indemniser ce préjudice à hauteur de 1 500 euros » ;

1°/ ALORS QUE l'exercice d'une action disciplinaire ou judiciaire est un droit qui ne peut engager la responsabilité civile de son auteur qu'en présence d'une faute de nature à faire dégénérer ce droit en abus et l'absence de production d'éléments probants au soutien d'une demande ne caractérise pas un abus du droit d'agir ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait condamner Mme Z... au paiement de dommages et intérêts au prétexte que l'action disciplinaire engagée avait été rejetée faute pour cette dernière d'établir les graves accusations portées contre le Dr. A... ce qui caractériserait une légèreté blâmable constitutive d'une faute quasi-délictuelle car, ce faisant, la cour d'appel n'a pas caractérisé une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit d'ester en justice, violant ainsi l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme par refus d'application, et l'article 1383, devenu 1241 du code civil, par fausse application ;

2/ ALORS QU'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait condamner Mme Z... au paiement de dommages et intérêts en se bornant à énoncer que les « dénonciations de faits graves, nullement étayées par des éléments de preuve ont causé un préjudice au docteur A... en mettant en cause sa probité et ses pratiques et en jetant ainsi le doute à son égard auprès de ses confrères » et que « c'est à juste titre que le tribunal a fixé l'indemnisation de ce préjudice à 1.500 € » (arrêt, p. 5, dernier §), sans relever que la plaignante avait agi de mauvaise foi, avec malice ou dans l'intention de nuire, de sorte qu'elle n'a pas constaté l'existence d'une faute de nature à caractériser l'abus du droit d'agir devant la juridiction ordinale disciplinaire, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-27408
Date de la décision : 17/01/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 30 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 17 jan. 2019, pourvoi n°17-27408


Composition du Tribunal
Président : M. Savatier (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.27408
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