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16/01/2019 | FRANCE | N°17-85230

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 janvier 2019, 17-85230


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Michel X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 5 juillet 2017, qui, pour complicité d'escroquerie, l'a condamné à douze mois d'emprisonnement avec sursis , 10.000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 21 novembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard,

président, M. Y..., conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Gref...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Michel X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 5 juillet 2017, qui, pour complicité d'escroquerie, l'a condamné à douze mois d'emprisonnement avec sursis , 10.000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 21 novembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Y..., conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Darcheux ;

Sur le rapport de M. le conseiller Y..., les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Z... ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-6, 121-7, 313-1 du code pénal, 388, 591, 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a déclaré M. X... coupable de complicité d'escroquerie par fourniture d'instructions ;

"aux motifs que, par jugement du 1er octobre 2008, le tribunal de commerce d'Avignon prononçait la liquidation judiciaire de la société A... laquelle commercialisait des panneaux solaires photovoltaïques et avait M. Patrice B... pour gérant ; que, selon le rapport de Maître C..., liquidateur, la société ne disposait d'aucun actif et son passif déclaré s'élevait à la somme de 6 428 033,73 euros ; que, créée vingt-et-un mois plus tôt, la société A... avait pourtant embauché jusqu'à dix sept salariés et connu un développement très rapide grâce aux incitations fiscales et au prix attractif de rachat par EDF de l'électricité produite ; que, le 27 mars 2007, elle avait conclu avec la société Franfinance un contrat d'agrément l'autorisant à proposer à ses clients de faire financer le matériel acheté par des crédits à la consommation consentis par cet organisme ; qu'aux termes de cette convention, les fonds empruntés n'étaient libérés entre les mains de la société A... qu'après expiration du délai de rétractation et remise d'une attestation de livraison du matériel cosignée par le vendeur et l'emprunteur ; qu'à compter de septembre 2008, Franfinance recevait de nombreux appels de clients de la société A... se plaignant du défaut de livraison du matériel acheté alors que les attestations de livraison remises préalablement au déblocage de chaque crédit certifiaient le contraire ; que les informations recueillies par l'organisme financier auprès des plaignants ainsi que les investigations des enquêteurs mettaient à jour la pratique frauduleuse mise en oeuvre par la société pour percevoir sans délai de Franfinance les fonds empruntés avant même que le matériel ne soit livré et installé, des travaux de raccordement au réseau d'électricité étant en effet le plus souvent nécessaires au fonctionnement des panneaux solaires livrés ; que les clients de la A... expliquaient ainsi qu'après avoir établi le bon de commande et l'offre de crédit accessoire à la vente, le commercial de la société les invitait à présigner l'attestation de livraison ; que les salariés de la société confirmaient que l'attestation de livraison était signée par le contractant le jour même de la commande et que la date de livraison était ensuite complétée par les services administratifs hors la présence du client ; que ce procédé permettait à la société, laquelle venait d'être créée et disposait de faibles capitaux propres, de se constituer une trésorerie afin d'acheter les panneaux solaires à ses fournisseurs et de payer les salaires de ses employés ; que de fait, du 28 octobre 2007 au 17 octobre 2008, une somme totale de 6 281 300, 98 euros, provenant pour l'essentiel de virements émis par Franfinance, était créditée sur le compte de la société ; qu'embauché en qualité de directeur commercial en juin 2007, M. X... animait un réseau de quinze commerciaux et percevait une rémunération mensuelle composée d'un salaire fixe de 3 500 euros et d'une prime égale à 2% du chiffre d'affaires réalisé par la société ; que son revenu atteignait ainsi à compter de janvier 2008 la somme de 12 700 euros par mois ; que M. B... déclarait que M. X... l'avait mis en contact avec M. Gérard D..., conseiller financier employé par Franfinance puis lui avait proposé, pour hâter la libération des fonds, d'envoyer à l'organisme de crédit les attestations de livraison signées par les clients avant que le matériel ne soit effectivement livré ; que M. X... a confirmé qu'il avait inspiré au gérant de la société A... la mise en place de ce procédé frauduleux pour se procurer de la trésorerie, lequel était d'usage courant dans la précédente entreprise qui l'avait employé durant quinze ans ; qu'il admettait par ailleurs avoir personnellement donné aux commerciaux qu'il supervisait des instructions pour faire signer en blanc aux clients les attestations de livraison ; que le prévenu a fait conclure à sa relaxe, n'étant personnellement jamais intervenu dans l'émission, la rédaction, la signature et la transmission des faux bons de livraison ou des fausses factures alors que la prévention le concernant vise, au titre des manoeuvres frauduleuses qu'il aurait commises, la présentation à la société Franfinance des dossiers de demande de déblocage de fonds comportant notamment des faux bons de livraison d'installations de panneaux photovoltaïques et des fausses factures ; que si M. X... n'a pas personnellement établi les faux bons de livraison et les fausses factures, il est néanmoins à l'origine du système frauduleux destiné à obtenir le déblocage des fonds avant même la livraison et l'installation du matériel ; que les faits poursuivis sous la qualification d'escroqueries seront donc requalifiés en complicité d'escroqueries par instructions, ladite requalification ayant été évoquée lors des débats ; que les mobiles étant indifférents à la caractérisation de l'élément intentionnel, la seule conscience du prévenu de tromper l'organisme financier sur la réalité de la livraison du matériel suffit à l'établir, peu important par ailleurs qu'il n'ait pas voulu, comme il le soutient, léser les clients ou Franfinance mais seulement obtenir de la trésorerie pour acheter le matériel, payer les travaux de raccordements ainsi que les salaires des commerciaux et des techniciens ; que la cour déclarera donc le prévenu appelant coupable des faits de complicité d'escroqueries par instructions ;

"1°) alors que s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition de n'y rien ajouter ou de ne pas substituer des faits distincts à ceux de la prévention, sauf acceptation expresse par le prévenu d'être jugé sur des faits et circonstances non compris dans la poursuite ; qu'en l'espèce, M. X... a été poursuivi pour avoir, « par des manoeuvres frauduleuses, en l'espèce en présentant à la société Franfinance des dossiers de demande de déblocage des fonds comportant notamment des faux bons de livraisons d'installations photovoltaïques et des fausses factures, trompé la société Franfinance afin de la déterminer à lui verser les financements correspondant aux installations promises à ses clients » ; que la cour d'appel qui, après avoir constaté que le prévenu n'avait pas personnellement établi les faux bons de livraison et les fausses factures, l'a déclaré coupable de complicité d'escroquerie par instructions, sans constater qu'il avait expressément accepté d'être jugé pour ces faits non compris dans la poursuite, a excédé les limites de sa saisine en violation de l'article 388 du code de procédure pénale ;

"2°) alors que ne caractérisent pas des instructions au sens de l'article 121-7 du code pénal le simple fait, pour un subordonné, de soumettre à son supérieur hiérarchique l'idée de mettre en place une pratique commerciale ; qu'en déclarant M. X... coupable de complicité d'escroquerie par instructions, motifs pris qu'il avait « proposé » au gérant de l'entreprise « d'envoyer à l'organisme de crédit les attestations de livraison signées par les clients avant que le matériel ne soit effectivement livré » et lui avait ainsi « inspiré » la mise en place de ce système, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article susvisé ;
"3°) alors qu'en tout état de cause, la complicité par instructions n'est punissable que si les instructions ont été données en vue de commettre l'infraction principale ; que la cour d'appel, qui constatait que M. X... soutenait ne pas avoir voulu « léser les clients ou Franfinance mais seulement obtenir de la trésorerie pour acheter le matériel, payer les travaux de raccordements ainsi que les salaires des commerciaux et des techniciens » et qui relevait que le procédé commercial litigieux « était d'usage courant dans la précédente entreprise qui l'avait employé durant quinze ans », ne pouvait le déclarer coupable de complicité d'escroquerie par instructions sans établir qu'il avait conscience du caractère frauduleux dudit procédé" ;

Vu l'article 388 du code de procédure pénale;

Attendu que s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition de n'y rien ajouter ou de ne pas substituer des faits distincts à ceux de la prévention, sauf acceptation expresse par le prévenu d'être jugé sur des faits et circonstances non compris dans la poursuite ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et de la procédure que M. M .Michel X... a été poursuivi pour avoir, courant 2007 et 2008, dans diverses villes des départements des Bouches du Rhône, de Vaucluse et de l'Herault, par des manoeuvres frauduleuses, en présentant à la société Franfinance des dossiers de demande de déblocage des fonds comportant notamment des faux bons de livraisons d'installations photovoltaïques et des fausses factures, trompé la société Franfinance afin de la déterminer à lui verser les financements correspondant aux installations promises aux clients de la société Ofter ; qu'au cours du rapport, la cour d'appel, le prévenu étant assisté par son conseil, a mis dans le débat la requalification des faits poursuivis en complicité d'escroquerie ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de complicité d'escroquerie, les juges retiennent que malgré les dénégations du prévenu, les faits sont établis puisque M. X..., directeur commercial, a proposé à M. B..., gérant de la société Ofter, d'utiliser le moyen frauduleux décrit ci-dessus et donné des instructions aux commerciaux de faire signer en blanc aux clients les attestations de livraison ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que les faits d'instructions au gérant et aux commerciaux pouvant caractériser la complicité d'escroquerie n'étaient pas visés dans la poursuite et qu'il ne résulte pas de l'arrêt que le prévenu, seulement informé d'une éventuelle requalification, ait expressément accepté d'être jugé sur ces faits, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les second et troisième moyens proposés :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 5 juillet 2017, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Aix en Provence, autrement composée à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize janvier deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-85230
Date de la décision : 16/01/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 05 juillet 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 jan. 2019, pourvoi n°17-85230


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.85230
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