LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Claude X...,
- M. Michel Y...,
- M. Daniel Z...,
- M. Michel A...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-12, en date du 23 janvier 2017, qui a condamné, le premier, pour complicité de détournement de fonds publics et recel, à deux ans d'emprisonnement dont un avec sursis mise à l'épreuve, 75 000 euros d'amende et cinq ans d'interdiction d'exercice d'une fonction publique, le deuxième, pour détournement de fonds publics, à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis mise à l'épreuve, le troisième, pour recel, à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis mise à l'épreuve et 30 000 euros d'amende, et le quatrième, pour recel, à un an d'emprisonnement avec sursis mise à l'épreuve, 40 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 décembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme B..., conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller B..., les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général C...;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
I - Sur le pourvoi formé par M. A... :
Attendu que M. A... s'est régulièrement pourvu en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 23 janvier 2017 ;
Attendu que le demandeur n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation ; qu'il y a lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale ;
II - Sur les autres pourvois
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 27 février 2013, une perquisition était diligentée au domicile de M. X... à l'occasion d'une procédure distincte et qu'étaient alors découverts des bons de commandes et une vingtaine de factures afférents à des achats de mobiliers d'intérieur faisant état de paiement en espèces pour une somme totale de 47 614 euros ; que M. X... a déclaré au sujet de ces pièces qu'il a procédé aux règlements qui y sont mentionnés par des sommes issues des primes de cabinet qui lui avaient été remises en liquide par le ministère de l'intérieur, notamment lorsqu'il y avait été directeur de cabinet du 8 mai 2002 au 1er avril 2004 ; que, le 10 juin 2013, le ministre de l'intérieur transmettait au procureur de la République un rapport conjoint établi par l'inspection générale de l'administration et l'inspection générale de la police nationale auxquelles il avait donné pour mission, le 2 mai 2013, de rechercher l'usage fait des frais d'enquête et de surveillance de la police nationale depuis 2002 ; que, le 14 juin 2013, le ministère public saisissait aux fins d'enquête préliminaire l'office national de la lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales ; qu'entendu, M. Y..., directeur général de la police nationale de juin 2002 à mai 2007, déclarait avoir accepté, à compter de 2002, de verser, tous les mois, à M. X... 10 000 euros en espèces prélevés sur des fonds qu'il détenait affectés à la prise en charge de frais d'enquête et de surveillance exposés lors d'opérations de police ; qu'il apparaissait à la suite de plusieurs auditions des prévenus que M. X... conservait par devers lui une partie de cette somme et remettait l'autre à ses trois directeurs-adjoints de cabinet, dont M. Z..., afin que lui-même et ces derniers soient plus complètement rémunérés de contraintes inhérentes à leur appartenance à un cabinet ministériel, l'indemnité de sujétions particulière officielle versée à ce titre et instituée par le décret n° 2001-1148 du 5 décembre 2001 lui ayant semblé d'un montant insuffisant ; que le 15 janvier 2014, le procureur général près la Cour des comptes transmettait au Garde des sceaux un rapport établi par cette juridiction estimant que les faits de l'espèce étaient susceptibles de recevoir une qualification pénale ;
Attendu que M. X... a été poursuivi des chefs, d'une part, de complicité de détournement de fonds publics pour avoir ordonné à M. Y..., qui la détenait à raison de ses fonctions, de lui remettre, en espèces, une somme totale de 210 000 euros calculée sur toute la période de prévention, soit du 1er juillet 2002 au 30 mars 2004, et issue de fonds destinés à couvrir des frais d'enquête et de surveillance puis, d'autre part, de recel de ce délit pour avoir détenu ces deniers en connaissance de leur origine frauduleuse, cela au préjudice du ministère de l'intérieur ; que M. Y... a été cité pour avoir détourné ces fonds à des fins étrangères à leur destination en violation des textes réglementaires applicables ; que M. Z... a été poursuivi pour avoir sciemment recelé, du 1er juillet 2002 au 31 août 2003, une somme totale estimée entre 21 000 et 28 000 euros qui lui avait été remise par M. X... et qu'il savait provenir des fonds d'enquête et de surveillance ; que déclaré coupables des faits qui leur sont reprochés par le tribunal, les prévenus ont interjeté appel de cette décision, de même que le ministère public ;
En cet état ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour M. X... ;
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que le moyen n'est pas de nature à être admis ;
Sur le cinquième moyen de cassation proposé pour M. X... ;
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que le moyen n'est pas de nature à être admis ;
Sur le sixième moyen de cassation proposé pour M. Y... ;
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que le moyen n'est pas de nature à être admis ;
Sur le cinquième moyen de cassation pour M. Z... ;
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que le moyen n'est pas de nature à être admis ;
Sur le premier moyen proposé pour M. Z..., pris de la violation des articles 432-15 du code pénal, 203, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré M. Z... coupable de recel de détournement de fonds publics ;
"alors que l'article 203 du code de procédure pénale, qui fait l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité est l'un des fondements textuels de la poursuite ; qu'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra et qui interdira toute déclaration de culpabilité, l'arrêt attaqué se trouvera privé de fondement juridique" ;
Attendu que le moyen est devenu sans objet dès lors que la Cour de cassation a dit, par arrêt du 6 décembre 2017, n'y avoir lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 459, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a implicitement joint les exceptions de prescription de l'action publique au fond et refusé de statuer par arrêt distinct ;
"aux motifs que Maître D..., conseil de M. Y..., prévenu, a fait connaître son accord, ainsi que tous les autres avocats et l'avocat général, à ce que les conclusions portant sur la prescription de l'action publique ne soient pas examinées in limine litis mais avec le fond, après l'instruction à l'audience, lors de la discussion par les parties ;
"alors que, il résulte des pièces de la procédure qu'avant toute défense au fond, le lundi 28 novembre 2016, la défense de M. Y... a déposé des conclusions afin que soit jugée acquise la prescription des faits poursuivis et demandé qu'un arrêt avant-dire-droit soit rendu sur cette exception ; qu'en jugeant que M. Y... a donné son accord pour que les incidents ne soient pas examinés in limine litis, la cour d'appel affirme un fait en contradiction avec les pièces de la procédure" ;
Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt, qui font foi jusqu'à inscription de faux, que le conseil de M. Y... a fait connaître son accord pour que ses conclusions soutenant la prescription de l'action publique soient examinées non pas in limine litis mais avec le fond de l'affaire et après instruction à l'audience ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour M. X..., pris de la violation des articles 112-2 et 432-15 du code pénal, 7, 8, 9-1 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a écarté l'exception de prescription de l'action publique des chefs de détournement de fonds publics et recel de détournement de fonds publics ;
"aux motifs que si, en règle générale, les dispositifs ordinaires de contrôle en cours au sein de la comptabilité publique sont de nature à révéler des détournements pouvant résulter de l'examen des livres comptables et de leurs pièces justificatives, il en est autrement, d'une part, lorsque ceux-ci sont dissimulés par de fausses écritures, d'autre part, lorsque les règles particulières de la matière excluent toute tenue de comptabilité ; qu'au cas d'espèce, s'agissant des fonds d'enquête et de surveillance, il est acquis que ceux-ci, sauf une ligne dans le budget de l'Etat, ne faisaient l'objet d'aucune tenue de comptabilité, sauf un cahier que détenait Mme Henriette E... que celle-ci détruisait en fin d'année et auquel nul n'avait accès ; qu'il en découle que dans cette matière particulière, le point de départ du délai de prescription d'un détournement de fonds publics doit être fixé non au jour de la commission des faits mais à celui où ce détournement est apparu et a pu être constaté ; qu'en définitive, que seule la perquisition réalisée le 27 février 2013 et les déclarations effectuées le même jour par M. X... ont fait ressortir que celui-ci avait reçu des primes en espèces à l'époque où il était directeur de cabinet du ministre de l'intérieur ; que la prescription, partant du 27 février 2013, qui a été interrompue par le mandement d'enquête du procureur de la République de Paris du 14 juin 2013, n'est donc pas acquise ; que la prescription de l'action publique n'étant pas acquise pour le détournement de fonds publics, la cour dira qu'il en est de même pour le recel des fonds provenant de ce délit » ; et que « Pour le tribunal, il ne saurait être déduit de cet arrêt [Crim. , 2 décembre 2009 n° 09-81.967] que la suspension de la prescription ne peut résulter de circonstances simplement occultes, mais doivent en plus s'accompagner d'une volonté de dissimulation de l'auteur ; que dans ce même arrêt du 2 décembre 2009 n° 09-81.967, la Cour de cassation a en effet confirmé le principe selon lequel « le détournement de fonds publics est une infraction occulte dont la prescription ne court qu'à compter du jour où il a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique » ; qu'il convient donc de s'attacher à déterminer la date à laquelle les faits ont pu être constatés dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; que les faits de détournements de fonds publics reprochés à M. Y... et ceux de complicité de détournements de fonds publics reprochés à M. X... s'inscrivent, par leur nature même, dans un cadre occulte caractérisé par les spécificités du régime de paiement en espèces des FES qui, notamment, ne prévoit la conservation d'aucun document de nature à rendre compte de l'emploi des fonds ; que dans le cadre de ce fonctionnement dérogatoire au droit commun, les espèces concernant les FES sont remises sans pièces comptables en lien avec l'ordonnancement ou la liquidation de ces sommes et de manière discrétionnaire par le directeur général de la police nationale chargé de les répartir entre les différents services ; qu'au surplus, MM. Y... et X... ont déclaré n'avoir signé ou fait signer de registre, de cahier ou de reçu de ces sommes en espèces, à aucun stade de la circulation de ces fonds entre eux et les différents bénéficiaires membres du cabinet ; que les sommes perçues en provenance de ces FES n'ont pas non plus été déclarées aux services fiscaux par les bénéficiaires, ni déposées sur des comptes bancaires, mais ont, au contraire, circulé dans des « enveloppes», remises de la main à la main, sans aucun témoin ; que les déclarations de M. X... en date du 27 février 2013, à l'occasion de la perquisition effectuée à son domicile, ont révélé pour la première fois la perception de sommes en espèces, entre juillet 2002 et mars 2004, par les membres du cabinet du ministre de l'intérieur, provenant des FES ; que les faits sont donc demeurés parfaitement occultes jusqu'à leur révélation fortuite par M. X... au détour d'autres procédures ; que les faits ayant donné lieu aux poursuites n'ont donc pu être constatés dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique qu'à partir des déclarations de M. X... à l'occasion de la perquisition de son domicile et la découverte de factures faisant mention de paiements en espèces, le 27 février 2013 ; que le point de départ de la prescription se retrouve donc retardé à la date du 27 février 2013 ; que par soit-transmis du 14 juin 2013, premier acte interruptif de prescription, le parquet de Paris a ordonné une enquête préliminaire ; qu'à cette date, les faits n'étaient pas prescrits à l'égard de M. Y..., auteur principal du délit de détournement de fonds publics » ;
"1°) alors que la prescription de l'action publique est de trois années révolues à compter du jour où le délit a été commis si, dans cet intervalle, il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite ; que, par exception, le point de départ de la prescription du délit de détournement de biens ou fonds publics, qui n'est pas une infraction occulte ou clandestine par nature, est retardé, en cas de dissimulation des faits, au jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement de l'action publique ; que cette dissimulation doit résulter de manoeuvres de la part des prévenus, procédant d'une volonté de dissimulation, distinctes des faits eux-mêmes, et non, comme en l'espèce, de la simple mise en oeuvre d'un régime spécifique, dérogatoire du droit commun, applicable aux fonds considérés et parfaitement officiel ; qu'en se déterminant par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une dissimulation des faits de nature à retarder le point de départ de la prescription, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2°) alors qu'une loi ou une interprétation nouvelle de la loi, modifiant la computation d'un délai de prescription, n'est pas applicable aux actions déjà prescrites ; qu'en vertu d'une jurisprudence constante, le détournement de fonds publics est un délit instantané qui se prescrit à compter du jour où les faits le consommant ont été commis, à moins que les énonciations des juges du fond caractérisent, sans insuffisance ni contradiction, l'existence d'une dissimulation des faits par le prévenu de nature à retarder le point de départ de la prescription au jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement de l'action publique ; qu'en créant de manière prétorienne un nouveau cas de report du point de départ de la prescription, en cas « de circonstances simplement occultes », « lorsque les règles particulières de la matière excluent toute tenue de comptabilité », cependant qu'en vertu des dispositions législatives applicables et conformément à leur interprétation jurisprudentielle constante, faute de dissimulation des faits de nature à retarder le point de départ de la prescription, la prescription était acquise le 31 mars 2007 et en tous cas, le 14 juin 2013, les juges du fond n'ont pas mieux justifié leur décision ; que la cassation interviendra sans renvoi ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 7, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a rejeté les exceptions de prescription de l'action publique ;
"aux motifs que, sur la prescription de l'action publique, la cour n'aborde cette question qu'en dernier lieu car elle estime que son appréciation suppose la connaissance préalable des circonstances exactes de commission du détournement de fonds publics dont M. Y... est prévenu ; que pour soutenir que l'action publique est couverte par la prescription, M. Y... fait valoir, à titre principal, que les faits poursuivis ne constituent pas une infraction occulte par nature, qu'en l'absence de manoeuvres de dissimulation, le délit de détournement de fonds publics ne présente pas de caractère clandestin ; que dans ces conditions, le point de départ du délai de prescription ne peut être reporté et, les faits ayant été commis jusqu'au 30 mars 2004, la prescription est acquise depuis le 31 mars 2007 ; qu'à titre subsidiaire, que les faits objets de la prévention ont été révélés publiquement au plus tard le 8 février 2006 par la parution de l'ouvrage "Place Beauvau : la face cachée de la police", ainsi que par la publication de nombreux articles de presse commentant ce livre ; que les faits révélés par cet ouvrage ont donné lieu à une enquête de l'IGPN ainsi qu'à des actions en diffamation contre les journalistes auteurs de sorte que le parquet ne pouvait en ignorer le contenu ; qu'en conséquence, la prescription est acquise depuis 2009 ; mais de première part, que si, en règle générale, les dispositifs ordinaires de contrôle en cours au sein de la comptabilité publique sont de nature à révéler des détournements pouvant résulter de l'examen des livres comptables et de leurs pièces justificatives, il en est autrement, d'une part, lorsque ceux-ci sont dissimulés par de fausses écritures, d'autre part, lorsque les règles particulières de la matière excluent toute tenue de comptabilité ; qu'au cas d'espèce, s'agissant des fonds d'enquête et de surveillance, il est acquis que ceux-ci, sauf une ligne dans le budget de l'État, ne faisaient l'objet d'aucune tenue de comptabilité, sauf un cahier que détenait Mme E... que celle-ci détruisait en fin d'année et auquel nul n'avait accès ; qu'il en découle que dans cette matière particulière, le point de départ du délai de prescription d'un détournement de fonds public doit être fixé non au jour de la commission des faits mais à celui où ce détournement est apparu et a pu être constaté ; de seconde part, que si l'usage extensif de l'utilisation des fonds d'enquête et de surveillance a pu être commenté, notamment le 8 février 2006 par la parution de l'ouvrage "Place Beauvau : la face cachée de la police", il n'en reste pas moins que cet ouvrage ne fait pas état, non plus qu'aucun autre article de presse soumis à la cour, de ce que postérieurement au décret du 5 décembre 2001 instituant l'indemnité pour sujétions particulières et à la suppression le 31 décembre 2001 des indemnités en liquidités remises aux membres des cabinets ministériels, les fonds d'enquête et de surveillance ont postérieurement été utilisés pour rétablir le versement de primes en espèces, non déclarées fiscalement et socialement, au bénéfice des membres du cabinet du ministre de l'intérieur, ou de tout autre ministre ; que seuls de tels faits faisant l'objet de la présente procédure, le point de départ de la prescription n'a pas lieu d'être fixé au 8 février 2006 ; en définitive, que seule la perquisition réalisée le 27 février 2013 et les déclarations effectuées le même jour par M. X... ont fait ressortir que celui-ci avait reçu des primes en espèces à l'époque où il était directeur de cabinet du ministre de l'intérieur ; que la prescription, partant du 27 février 2013, qui a été interrompue par le mandement d'enquête du procureur de la République de Paris du 14 juin 2013, n'est donc pas acquise ; dès lors que M. Y... sera déclaré coupable dans les termes de la prévention et le jugement confirmé ;
"1°) alors que la seule affirmation que les règles particulières en matière de fonds d'enquête et de surveillance excluent toute tenue de comptabilité, sauf une ligne dans le budget de l'Etat, ne saurait suffire à caractériser l'existence d'une dissimulation, c'est-à-dire de manoeuvres particulières perpétrées volontairement par l'auteur de l'infraction pour dissimuler son forfait, de nature à reporter le point de départ du délai de prescription du détournement de fonds publics, infraction qui n'est pas occulte par nature ;
2°) alors qu' il résulte de ses propres constatations que dès le 8 février 2007 paraissait un ouvrage intitulé « Place Beauvau : la face cachée de la police », qui révélait l'usage extensif de l'utilisation des fonds d'enquête et de surveillance, cette circonstance établissant la révélation d'éventuels détournements de fonds publics au sens où la cour d'appel a voulu entendre cette infraction ; qu'en jugeant néanmoins que ni cet ouvrage, ni les articles de presse soumis à la cour ne font état de ce que postérieurement au décret du 5 décembre 2001, des fonds d'enquête et de surveillance ont été utilisés pour remettre des primes non déclarées fiscalement et socialement aux membres des cabinets ministériels, seuls faits objets des poursuites, lorsque ces faits étaient nécessairement compris dans les pratiques plus larges révélées par l'ouvrage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
"3°) alors que la cour d'appel ne pouvait, pour rejeter l'exception de prescription de l'action publique, s'abstenir de répondre au moyen péremptoire de défense qui faisait valoir que la parution du livre intitulé « Place Beauvau : la face cachée de la police », avait entraîné l'ouverture d'une enquête de l'IGPN dont le rapport avait été transmis au parquet de Paris par le ministre de l'Intérieur et a été suivie d'actions en diffamation contre les auteurs qui ont abouties à deux décisions du TGI de Paris en 2008, circonstances de nature à établir, de plus fort, la révélation des prétendus détournements de fonds publics" ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour M. Z..., pris de la violation des articles 7, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a rejeté les exceptions de prescription de l'action publique ;
"aux motifs que, sur la prescription de l'action publique, la cour n'aborde cette question qu'en dernier lieu car elle estime que son appréciation suppose la connaissance préalable des circonstances exactes de commission du détournement de fonds publics dont M. Y... est prévenu ; que pour soutenir que l'action publique est couverte par la prescription, M. Y... fait valoir, à titre principal, que les faits poursuivis ne constituent pas une infraction occulte par nature, qu'en l'absence de manoeuvres de dissimulation, le délit de détournement de fonds publics ne présente pas de caractère clandestin ; que dans ces conditions, le point de départ du délai de prescription ne peut être reporté et, les faits ayant été commis jusqu'au 30 mars 2004, la prescription est acquise depuis le 31 mars 2007 ; qu'à titre subsidiaire, que les faits objets de la prévention ont été révélés publiquement au plus tard le 8 février 2006 par la parution de l'ouvrage "Place Beauvau : la face cachée de la police", ainsi que par la publication de nombreux articles de presse commentant ce livre ; que les faits révélés par cet ouvrage ont donné lieu à une enquête de 1TGPN ainsi qu'à des actions en diffamation contre les journalistes auteurs de sorte que le parquet ne pouvait en ignorer le contenu ; qu'en conséquence, la prescription est acquise depuis 2009, mais que de première part, que si, en règle générale, les dispositifs ordinaires de contrôle en cours au sein de la comptabilité publique sont de nature à révéler des détournements pouvant résulter de l'examen des livres comptables et de leurs pièces justificatives, il en est autrement, d'une part, lorsque ceux-ci sont dissimulés par de fausses écritures, d'autre part, lorsque les règles particulières de la matière excluent toute tenue de comptabilité ; qu'au cas d'espèce, s'agissant des fonds d'enquête et de surveillance, il est acquis que ceux-ci, sauf une ligne dans le budget de l'État, ne faisaient l'objet d'aucune tenue de comptabilité, sauf un cahier que détenait Mme E... que celle-ci détruisait en fin d'année et auquel nul n'avait accès ; qu'il en découle que dans cette matière particulière, le point de départ du délai de prescription d'un détournement de fonds public doit être fixé non au jour de la commission des faits mais à celui où ce détournement est apparu et a pu être constaté ; que de seconde part, si l'usage extensif de l'utilisation des fonds d'enquête et de surveillance a pu être commenté, notamment le 8 février 2006 par la parution de l'ouvrage "Place Beauvau : la face cachée de la police", il n'en reste pas moins que cet ouvrage ne fait pas état, non plus qu'aucun autre article de presse soumis à la cour, de ce que postérieurement au décret du 5 décembre 2001 instituant l'indemnité pour sujétions particulières et à la suppression le 31 décembre 2001 des indemnités en liquidités remises aux membres des cabinets ministériels, les fonds d'enquête et de surveillance ont postérieurement été utilisés pour rétablir le versement de primes en espèces, non déclarées fiscalement et socialement, au bénéfice des membres du cabinet du ministre de l'intérieur, ou de tout autre ministre ; que seuls de tels faits faisant l'objet de la présente procédure, le point de départ de la prescription n'a pas lieu d'être fixé au 8 février 2006 ; en définitive, que seule la perquisition réalisée le 27 février 2013 et les déclarations effectuées le même jour par M. X... ont fait ressortir que celui-ci avait reçu des primes en espèces à l'époque où il était directeur de cabinet du ministre de l'intérieur ; que la prescription, partant du 27 février 2013, qui a été interrompue par le mandement d'enquête du procureur de la République de Paris du 14 juin 2013, n'est donc pas acquise ; que dès lors que M. Y... sera déclaré coupable dans les termes de la prévention et le jugement confirmé ; que sur la prescription, que concernant la prévention de complicité de détournement de fonds publics, que M. X... soulève des moyens identiques à ceux qui l'ont été par M. Y... ; que pour les mêmes motifs qu'énoncés ci-dessus, ils seront rejetés et la cour dira que la prescription de l'action publique n'est pas acquise ; que concernant la prévention de recel, et alors que la cour, par un arrêt distinct et préalable de ce jour, a dit n'y avoir lieu à transmettre la question prioritaire de constitutionnalité déposée par M. Z..., il convient de rappeler qu'il est de droit constant, par application de l'article 203 du code de procédure pénale, que le recel du produit d'un détournement de fonds publics ne saurait commencer à se prescrire avant que l'infraction dont il procède soit apparue et ait pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; que la prescription de l'action publique n'étant pas acquise pour le détournement de fonds publics, la cour dira qu'il en est de même pour le recel des fonds provenant de ce délit ; que concernant le moyen tiré de la prescription, alors que les moyens soulevés par M. Z... sont les mêmes que ceux soulevés par M. X... et par M. Y..., et alors que le prévenu ne justifie pas de l'emploi qu'il a fait des sommes reçues, que pour les mêmes motifs qu'énoncés ci-dessus, ils seront rejetés et la cour dira que la prescription de l'action publique n'est pas acquise » ;
"1°) alors que, la seule affirmation que les règles particulières en matière de fonds d'enquête et de surveillance excluent toute tenue de comptabilité, sauf une ligne dans le budget de l'Etat ne saurait suffire à caractériser l'existence d'une dissimulation, c'est-à-dire de manoeuvres particulières perpétrées volontairement par l'auteur de l'infraction pour dissimuler son forfait, de nature à reporter le point de départ du délai de prescription du détournement de fonds publics, infraction qui n'est pas occulte par nature ;
"2°) alors qu'il résulte de ses propres constatations que dès le 8 février 2007 paraissait un ouvrage intitulé « Place Beauvau : la face cachée de la police », qui révélait l'usage extensif de l'utilisation des fonds d'enquête et de surveillance, cette circonstance établissant la révélation d'éventuels détournements de fonds publics au sens où la cour d'appel a voulu entendre cette infraction ; qu'en jugeant néanmoins que ni cet ouvrage, ni les articles de presse soumis à la cour ne font état de ce que postérieurement au décret du 5 décembre 2001, des fonds d'enquête et de surveillance ont été utilisés pour remettre des primes non déclarées fiscalement et socialement aux membres des cabinets ministériels, seuls faits objets des poursuites, lorsque ces faits étaient nécessairement compris dans les pratiques plus larges révélées par l'ouvrage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
"3°) alors que la cour d'appel ne pouvait, pour rejeter l'exception de prescription de l'action publique, s'abstenir de répondre au moyen péremptoire de défense qui faisait valoir que la parution du livre intitulé « Place Beauvau : la face cachée de la police », avait entraîné l'ouverture d'une enquête de l'IGPN dont le rapport avait été transmis au parquet de Paris par le ministre de l'Intérieur et a été suivie d'actions en diffamation contre les auteurs qui ont abouties à deux décisions du TGI de Paris en 2008, circonstances de nature à établir, de plus fort, la révélation des prétendus détournements de fonds publics" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour écarter la prescription de l'action publique, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les fonds d'enquête et de surveillance ne figuraient sur aucune pièce comptable sauf un cahier détenu par un gestionnaire qui le détruisait en fin d'année et auquel nul ne pouvait accéder, et n'étaient pas portés au crédit des comptes bancaires de leurs bénéficiaires lesquels ne les ont jamais déclarés aux services fiscaux ; que les juges précisent que des enveloppes contenant ces fonds étaient remises de la main à la main, sans témoin, par M. X..., qui les recevaient, sans plus de publicité, de M. Y..., directeur général de la police nationale, à ses directeurs-adjoints ; qu'ils ajoutent que le livre "Place Beauvau", publié en février 2006 et portant sur le thème général de la circulation de liquidités au sein de la police nationale, ne révélant en rien les faits visés dans la prévention relatifs au versement de primes en espèces à certains membres du cabinet du ministre de l'intérieur, n'a pas eu d'incidence sur la prescription de l'action publique qu'il n'a pas fait courir ; que les juges en déduisent que les faits de détournement de fonds publics, datés dans la prévention de juillet 2002 à mars 2004, ayant donné lieu aux poursuites sont en conséquence restés occultes et n'ont donc pu être constatés dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique qu'à partir des déclarations du 27 février 2013 de M. X... qui les a révélés, de la perquisition diligentée à son domicile à cette date et de la découverte concomitante de factures faisant état de paiements en liquide de mobiliers d'intérieur, ces espèces provenant des fonds qu'il a ainsi reçus ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dont il résulte que l'affectation des fonds d'enquête et de surveillance, dont il importe peu que leur comptabilité n'ait pas été obligatoire, a été tenue secrète, leurs bénéficiaires demeurant anonymes et les sommes par eux perçues, non formellement justifiées en leur principe, ni quantifiables en leur montant, la cour d'appel, qui a souverainement, sans insuffisance, ni contradiction, et sans excéder sa saisine, caractérisé la dissimulation imputée aux prévenus des flux d'espèces et de leurs allocataires et qui, ayant répondu à tous les chefs péremptoires de conclusions, n'était pas tenue de suivre ces derniers dans le détail de leur argumentation, a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour M. X..., pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 111-3, 111-4, 121-6, 121-7, 432-15 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable de complicité de détournement de fonds publics et de recel de ce délit ;
"aux motifs que pour soutenir que les remises de fonds ont été licites, M. Y... soutient qu'aux termes des textes les régissant, à savoir les décrets du 15 juin 1926, du 16 mai 1945 et du 5 novembre 1993, les frais d'enquête et de surveillance sont susceptibles d'être remis en numéraire à tout fonctionnaire du ministère de l'intérieur pour l'exécution de sa mission, ce qui a été le cas pour les remises effectuées entre 2002 et 2004 à M. X... ; que le détournement de l'article 432-15 du code pénal ne peut s'apprécier qu'au regard des finalités réglementaires des fonds concernés, en vigueur à l'époque des faits, et non par référence à une norme morale abstraite ; que les remises d'espèces considérées n'ont dès lors aucun caractère irrégulier au regard des dispositions réglementaires fixant le régime spécifique des frais d'enquête et de surveillance ; que selon les déclarations mêmes de MM. X..., Z... et A..., les frais d'enquête et de surveillance qui ont été remis par M. Y... ont été utilisés, au moins pour l'essentiel, pour compléter l'indemnité pour sujétions particulières qui leur était versée, laquelle s'était révélée, selon eux, insuffisante ou "étriquée" pour leur permettre de bénéficier d'un "régime indemnitaire correspondant à leurs responsabilités" ; qu'il en découle nécessairement que ces sommes, qui ont été destinées à rémunérer les sujétions particulières que ces membres du cabinet du ministre de l'intérieur supportaient dans l'exercice de leurs fonctions, et dont le montant a été déterminé en fonction de la nature et de l'importance des sujétions auxquelles est astreint le bénéficiaire, avaient, selon les dispositions des articles 1 et 2 du décret 2001-1148 du 5 décembre 2001 la nature d'indemnité pour sujétions particulières des personnels des cabinets ministériels, au sens de ce texte ; que, de première part, qu'en puisant dans le budget distinct des fonds d'enquête et de surveillance pour attribuer une indemnité pour sujétion particulière, alors que, selon l'article 1 du décret précité, elle ne pouvait l'être que dans la limite des crédits ouverts à cet effet, le prévenu a contrevenu au texte susvisé ; que de deuxième part, que cette nouvelle réglementation, faisant suite au rapport Logerot du 10 octobre 2001, avait pour objectif déclaré de mettre fin à une irrégularité choquante, en l'espèce la distribution de rémunérations complémentaires non déclarées à l'administration fiscale et ne supportant pas les prélèvements sociaux, du fait qu'elles sont versées en espèces provenant des comptes de fonds sociaux, compléments de rémunérations versés à des agents publics, sur fonds publics, en dehors de toutes règles et contrôles, la pratique des versements en espèces qui permettent à leurs bénéficiaires, pour des montants qui peuvent être élevés, de faire échapper à l'impôt sur le revenu el aux cotisations sociales (CSG, CRDS, contribution de solidarité) une part de leurs rémunérations accessoires ; que, de fait, M. Daniel F..., le ministre de l'intérieur, a mis fin à cette pratique de remise d'espèces aux membres de son cabinet du 1er janvier 2002 jusqu'à son départ le 8 mai 2002 ; qu'en revenant à cette pratique pour remettre, à compter du mois de juillet 2002, à M. X... des fonds en liquidités permettant à des membres du cabinet du ministre de l'intérieur de faire échapper pour des montants élevés à l'impôt sur le revenu et aux cotisations sociales (CSG, CRDS, contribution de solidarité) une part de leurs rémunérations accessoires, le prévenu a accompli un acte contraire aux objectifs poursuivis par le décret 2001-1148 du 5 décembre 2001 ; que de troisième part, que cette réglementation a été mise en oeuvre par le secrétariat général du gouvernement dans les termes suivants : à cette fin, le Premier ministre fixe le montant de la dotation annuelle de chaque cabinet ministériel, en fonction des besoins sollicités pour les membres de cabinet et pour les personnels chargés des fonctions support ; que le montant est notifié à chaque ministre, par un courrier signé du chef de cabinet du Premier ministre, qui précise la répartition de l'enveloppe entre les membres de cabinet et les personnels de soutien ; que le ministre chargé du budget reçoit copie de cette notification ; que le montant des indemnités de sujétions particulières est retracé, pour chaque membre du gouvernement, dans une annexe spécifique au projet de loi de finances intitulée "jaune-personnels affectés dans les cabinets ministériels" ; que ce document précise également le nombre de bénéficiaires de cette indemnité ; qu'au sein des ministères, les règles d'attribution des indemnités de sujétion particulières sont variables ; que les plus souvent elles relèvent du chef de cabinet ; que ces indemnités étant une des composantes de la rémunération, elles apparaissent sur le bulletin de salaires des personnels ; qu'il en résulte qu'en remettant des fonds permettant d'attribuer un complément d'indemnité pour sujétions particulières sans qu'il en soit référé au cabinet du premier ministre, le prévenu a outrepassé les pouvoirs qui étaient les siens ; que dès lors, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner la conformité des versements d'espèces considérés aux finalités des décrets du 15 juin 1926, du 16 mai 1945 et du 5 novembre 1993, la cour estime qu'en remettant à M. X... des fonds publics issus des frais d'enquête et de surveillance permettant de verser à des membres du cabinet des compléments d'indemnités pour sujétions particulières en violation de la réglementation résultant du décret 2001-1148 du 5 décembre 2001, M. Y... a consommé l'élément matériel du délit de détournement de fonds publics ; que la cour estime que l'illégalité de l'acte commandé était manifeste ; que M. Y..., en sa qualité de DGPN, disposait de tous les éléments pour connaître les circonstances dans lesquelles, à compter du 31 décembre 2001, il avait été mis fin à l'attribution de FES pour indemniser les membres du cabinet du ministre et pourquoi dès lors leur rétablissement était manifestement contraire aux dispositions et aux objectifs du décret du 5 décembre 2001 ; que le moyen selon lequel les textes réglementant les FES auraient été imprécis et n'auraient pas interdit le versement d'indemnités à la date des faits est inopérant dès lors que la cour fonde la culpabilité des prévenus non sur l'irrespect des dispositions des décrets du 15 juin 1926, 16 mai 1945 et 5 novembre 1993 régissant ces fonds, mais sur la violation de la réglementation résultant du décret 2001-1148 du 5 décembre 2001 ; que cette violation, retenue par le jugement de première instance, a été pleinement mise dans les débats, ci-dessus repris, lors de l'audience devant la cour ; que le moyen sera écarté ; que le moyen selon lequel la note du 3 février 1998 signée par M. X... en qualité de DGPN serait dépourvue de pouvoir normatif et n'aurait pas de pouvoir contraignant est lui aussi inopérant dès lors que la cour ne fonde pas non plus la culpabilité des prévenus sur ce texte ; qu'il sera lui aussi écarté ; que le moyen selon lequel le décret du 5 décembre 2001, qui aurait eu pour seul objet de réformer les modalités de la rémunération des membres des cabinets ministériels au titre de leurs compléments de rémunération à partir des fonds spéciaux gérés par le premier ministre, n'aurait pas supprimé ou remplacé les compléments de rémunération versés au seul sein du ministère de l'intérieur et provenant des FES est infondé ; qu'en effet, s'il est exact que ce décret a été pris par M. Lionel G..., le premier ministre, à la suite de polémiques publiques concernant l'usage qui avait été fait des fonds spéciaux gérés par le premier ministre, ses dispositions, qui ne font état ni de ces fonds spéciaux ni des fonds d'enquête et de surveillance administrés par le ministère de l'intérieur, sont générales et s'appliquent à toutes les indemnités pour sujétions particulières des personnels des cabinets ministériels, qu'il s'agisse du ministère de l'intérieur ou de tout autre ministère ; que la cour, en tant que de besoin, se réfère expressément à ses motifs exposés ci-dessus à l'occasion de l'examen de la responsabilité de M. Y... ; que le moyen selon lequel ce versement aux membres du cabinet aurait eu pour seul objet de compenser l'insuffisance de la dotation budgétaire en ISP, loin d'exonérer le prévenu, caractérise l'infraction dès lors qu'il met en évidence le fait que les fonds en question avaient la nature d'indemnités pour sujétions particulières et étaient soumis au décret du 5 décembre 2001 ; en définitive, qu'en donnant à M. Y... des instructions de lui remettre des fonds publics issus des frais d'enquête et de surveillance lui permettant de verser à des membres du cabinet du ministre de l'intérieur des compléments d'indemnités pour sujétions particulières en violation de la réglementation résultant du décret 2001-1148 du 5 décembre 2001, M. X... s'est rendu coupable de complicité du délit de détournement de fonds publics commis par ce dernier » ; et que la perception de rémunérations en espèces par le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur, son directeur de cabinet-adjoint et son chef de cabinet, serait-ce au motif de l'insuffisance des crédits budgétaires ouverts pour l'ISP, en l'absence de tout texte réglementaire ou législatif, constitue une violation des dispositions légales et réglementaires concernant la rémunération des membres de cabinet ministériels, en l'espèce hauts fonctionnaires » ;
"1°) alors que nul ne peut être puni pour un fait qui n'est pas pénalement qualifié et réprimé par la loi pénale ; que le décret n° 2001-1148 du 5 décembre 2001 instituant une indemnité pour sujétions particulières des personnels des cabinets ministériels se borne à autoriser « dans la limite des crédits ouverts à cet effet » le versement d'une telle indemnité et à en définir le régime ; que ce texte ne comporte aucune interdiction d'emploi de quelque autre crédit que ce soit susceptible d'être ouvert aux mêmes fins et notamment aucune interdiction d'emploi des frais d'enquête et de surveillance à des fins indemnitaires au titre de sujétions particulières des personnels des cabinets ministériels ; qu'en retenant « qu'en puisant dans le budget distinct des fonds d'enquête et de surveillance pour attribuer une indemnité pour sujétion particulière, alors que, selon l'article 1 du décret précité, elle ne pouvait l'être que dans la limite des crédits ouverts à cet effet, le prévenu a contrevenu au texte susvisé » pour en déduire l'existence du délit de détournement de fonds publics, la cour d'appel a violé le décret n° 2001-1148 du 5 décembre 2001, ensemble le principe de légalité des délits et des peines ;
"2°) alors que toute infraction doit être définie en termes clairs et précis pour exclure l'arbitraire et permettre au prévenu de régler sa conduite ; que le décret n° 2001-1148 du 5 décembre 2001 instituant une indemnité pour sujétions particulières des personnels des cabinets ministériels ne saurait, en raison de son imprécision, constituer la base légale de la déclaration de culpabilité du chef de détournement de fonds publics ; que la cour a violé le principe de légalité des délits et des peines ;
"3°) alors qu'il n'y a pas de complicité sans fait principal punissable ; que l'article 432-15 du code pénal incrimine le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, de détourner des fonds publics remis en raison de ses fonctions ou de sa mission ; qu'en se fondant sur le caractère irrégulier de la pratique des remises de fonds en espèces prélevées sur les frais d'enquête et de surveillance en tant que ces sommes échappaient à l'impôt sur le revenu et aux cotisations sociales, faits distincts non poursuivis, la cour d'appel a statué par un motif impropre à caractériser un détournement de ces fonds eu égard à leur destination ;
"4°) alors que le délit de détournement de fonds publics n'est constitué que si les fonds remis à une personne dépositaire de l'autorité publique, en raison de ses fonctions ou de sa mission, ont été utilisés à des fins étrangères à leur destination ; qu'en se fondant sur le fait que M. Y... se serait abstenu d'en référer au cabinet du premier ministre, la cour d'appel a statué par un motif impropre à caractériser un détournement de ces fonds eu égard à leur destination ;
"5°) alors que le délit de détournement de fonds publics n'est constitué que si les fonds remis à une personne dépositaire de l'autorité publique, en raison de ses fonctions ou de sa mission, ont été utilisés à des fins étrangères à leur destination, laquelle s'apprécie eu égard aux textes qui les régissent ; qu'en estimant qu'il n'était pas nécessaire d'examiner la conformité des versements d'espèces prélevées sur les « frais d'enquête et de surveillance » aux finalités des décrets des 21 août 1926, 16 mai 1945 et n° 93-1224 du 5 novembre 1993 en régissant l'emploi non plus que de répondre au moyen tiré de leur imprécision et dont il était tiré la non conformité au principe de légalité criminelle d'une condamnation pénale pour détournement de fonds publics sur un tel fondement, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale" ;
Attendu que, pour déclarer M. X... coupable de complicité de détournement de fonds publics et de recel de ce délit, l'arrêt énonce notamment, par motifs propres et adoptés, qu'en violation de l'article 1er du décret n° 2001-1148 du 5 décembre 2001 instituant, dans la limite des seuls crédits ouverts à cet effet, une indemnité forfaitaire portée sur les bulletins de salaire, soumise à cotisations sociales et fiscalisée, tendant à rémunérer les sujétions particulières que supportent les membres des cabinets ministériels dans l'exercice de leur fonction, il a reçu à sa demande de M. Y..., directeur général de la police nationale, conservé pour partie, et distribué à ses directeurs-adjoints pour une autre, des espèces prélevées sur des fonds distincts destinés à couvrir des frais de surveillance et d'enquête afin, selon ses propres déclarations, de renflouer ladite indemnité qui lui apparaissait étriquée en regard de la dotation globale correspondante ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui a caractérisé le détournement de destination des fonds publics prélevés sur ceux afférents à la surveillance et aux enquêtes qui n'avaient pas vocation à la financer, et en tous leurs autres éléments, tant matériel qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en ses troisième, quatrième et cinquième branches, ne saurait être admis ;
Sur le troisième moyen subsidiaire de cassation proposé pour M. X..., pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 111-3, 111-4, 121-6, 121-7, 432-15 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable de complicité de détournement de fonds publics et de recel de ce délit ;
"aux motifs, éventuellement adoptés, que (jugement, p. 75 à 79 et p. 90 et 91) : « Le tribunal observe que la réponse du ministre de l'intérieur publiée au JO Sénat du 26 juin 2014 à la question d'un député faisant suite au rapport de la Cour des comptes de 2013 sur les frais d'enquête et de surveillance, citée par le conseil de M. Z..., paraît très claire et précise notamment : « si la question de l'usage de ces fonds pouvait légitimement être posée, il doit être souligné que ces versements sont dotés d'une base légale, et que leur utilité n'est ni contestable ni contestée par l'IGA : ils sont destinés aux services de police et répondent à des objectifs opérationnels d'efficacité et de discrétion» ; que les frais d'enquêtes et de surveillance (FES) sont des fonds publics dont le régime et l'emploi sont régis par l'article 4 du décret du 15 juin 1926, intitulé « l'allocation d'indemnité (sûreté générale) » maintenu en vigueur par l'article 4 du décret 2004-731 du 21 juillet 2004 ; qu'on peut rappeler que cet article dispose : « les frais d'enquête et de sûreté générale comportent toutes les autres dépenses que celles entrant dans la catégorie des frais de missions que le fonctionnaire peut être appelé à engager pour l'exécution de la mission qui lui est confiée ; que ces frais essentiellement variables sont soumis à l'approbation personnelle du directeur de la sûreté, qui en certifiera l'utilité et l'exactitude, et font l'objet dans chaque cas d'espèce, d'une décision du ministre de l'intérieur » ; qu'il ressort sans ambiguïté du titre de cet article datant de près de 90 ans qu'il concerne la « sûreté générale » que la sûreté générale, ancêtre de la DGPN, est donc incontestablement l'autorité chargée de la police au niveau national, et non le ministère de l'intérieur, contrairement à ce que les prévenus laissent discrètement suggérer dans leurs conclusions ; que c'est la raison pour laquelle l'article 4 du décret prévoit que ces frais sont soumis à l'approbation personnelle du directeur de la sûreté, devenu DGPN, et non du ministre ; qu'ainsi le décret de 1926 concerne l'indemnisation (frais de mission et frais d'enquête et de surveillance) des fonctionnaires de police placés sous l'autorité de la direction générale de la police nationale et aucunement celle des membres du cabinet du ministre ; que la lecture de l'intégralité des articles du décret du 15 juin 1926 confirme sans ambiguïté que ce décret concerne effectivement l'indemnisation de policiers (frais de mission) et non celle de membres du cabinet ministériel ; que c'est d'ailleurs l'approche retenue sans hésitation par le rapport de l'IGA/IGPN qui fait figurer dans le chapitre du rapport consacré à « l'utilisation des frais d'enquête et de surveillance de la police à d'autres fins que celles pour lesquelles ils ont été créés » (page 19) les seuls versements de la DGPN vers le cabinet du ministre de l'intérieur postérieurs au 1er janvier 2002, c'est à dire les faits de la poursuite ; que la lettre de mission du ministre, Manuel H..., à l'IGA, figurant en annexe 1 du rapport, intitulée « mission sur l'usage des frais d'enquête et de surveillance » est également assez claire : « La destination et la gestion des frais d'enquête et de surveillance attribués à la police nationale au cours de la dernière décennie ont été mises en cause. Institués par l'article 4 du décret du 15 juin 1926 validé par l'article 7 du décret du 16 mai 1945, dispositions toujours en vigueur, ces frais sont destinés à permettre aux services de police d'être plus efficaces dans leur combat contre différentes formes de délinquance et de criminalité ; qu'ainsi, ils permettent notamment de rechercher des renseignements, de rémunérer des informateurs ou encore de mettre en oeuvre des moyens d'investigation qui ne peuvent être acquis ou fournis dans le cadre des procédures administratives et comptables habituelles, compte tenu de la nature, de l'urgence ou de la nécessaire confidentialité caractérisant les missions à accomplir ; qu'ils permettent également aux enquêteurs de mener des enquêtes ou filatures en déplacement dans des contraintes compatibles avec la discrétion nécessaire au succès de ces missions » ; que les frais d'enquête et de surveillance sont donc confiés, par une décision d'attribution ministérielle au DGPN, successeur du directeur de la sûreté, afin qu'il les répartisse entre les différentes directions et services de police en vue de leur permettre de répondre à des objectifs opérationnels d'efficacité et de discrétion ; que le reversement d'une partie de ces sommes au cabinet du ministre les détourne de leur objet ; qu'il est dès lors, pour le tribunal, établi que l'utilisation de frais d'enquête et de surveillance de la police nationale aux fins de rémunération complémentaire en espèces, ou d'enrichissement personnel, du directeur de cabinet du ministre, du directeur de cabinet-adjoint et du chef de cabinet constitue un détournement de fonds publics ; que les déclarations de M. X... pour justifier par des « missions de police » la remise par le DGPN d'une somme mensuelle de 10 000 euros prélevée sur les FES sont hypothétiques, imprécises et inopérantes ; qu'en effet, les permanences, les réunions de coordination ou de cabinet alléguées relèvent pleinement, même si elles sont en lien avec des activités de police, de l'exercice de ses fonctions administratives de directeur du cabinet du ministre de l'intérieur et ne peuvent constituer des missions de police, il convient de rappeler que le cabinet ministériel est un organisme restreint, formé de collaborateurs personnels choisis par le ministre, ayant pour mission de l'assister et de le conseiller dans la réalisation de l'ensemble de ses missions ; que les autres justifications avancées, déjeuners avec des informateurs ou recherche active de certains terroristes par M. X... lui-même, sont dépourvues de toute base textuelle ou de justification institutionnelle ; qu'il n'est pas fonctionnaire de police ni officier de police judiciaire, ni informateur et dispose d'une enveloppe de remboursement de frais par le cabinet ministériel ; qu'il ne s'agit pas de mettre en doute le rôle actif ni l'engagement que M. X... a pu déployer notamment pour organiser l'interpellation de certains terroristes ; que néanmoins, ces missions restent dans le cadre de ses fonctions de directeur de cabinet du ministre de l'intérieur et ne sont pas, selon le tribunal, de nature à permettre le prélèvement de sommes en espèces sur les FES de la police ; que les différents témoins interrogés sur d'éventuelles missions de police qui seraient accomplies par un membre du cabinet du ministre semblaient presque étonnés de la question ; que M. I... déclarait : « Non, puisqu'il s'agit de missions de nature différente. Le travail du cabinet du ministre n'est pas un travail de police, c'est un travail administratif ou politique, vous n'exercez pas un travail de policier, on participe à la mise en place de politiques de sécurité, c'est autre chose » ; qu'ou encore, sur la question de savoir si les missions des membres du cabinet du ministre entrent dans les critères d'attribution des FES : « Au vu de ces textes, la réponse est non, et me semble évidente. De mon expérience, qui est multiple, je n'ai jamais rempli de mission de police aux cabinets de MM. J... et K.... Chacun son rôle » ; qu'il n'a en outre jamais vu de membre du cabinet du ministre gérer des informateurs, Mme Martine L..., ancienne directrice centrale de la police judiciaire entendue comme témoin à la demande de M. Y..., déclarait n'avoir jamais vu un membre du cabinet du ministre, ni même un membre du cabinet du DGPN effectuer une mission de police ; que ces explications sont en tout en état de cause en contradiction avec la position de M. X... concernant les insuffisances de l'ISP et le caractère indemnitaire des sommes prélevées revendiqué à l'occasion de la perquisition à son domicile ; que M. X... a en effet reconnu avoir utilisé les espèces remises, non déclarées fiscalement, à des fins personnelles et domestiques » ;
"1°) alors que nul ne peut être puni pour un fait qui n'est pas pénalement qualifié et réprimé par la loi pénale ; que le décret du 15 juin 1926 relatif à « l'allocation d'indemnité (sûreté générale) » en son article 4, se borne à indiquer que « les frais d'enquête et de sûreté générale » sont « toutes les autres dépenses que celles entrant dans la catégorie des frais de mission que le fonctionnaire peut être appelé à engager pour la mission qui lui est confiée » et que « ces frais essentiellement variables sont soumis à l'approbation personnelle du directeur de la sûreté, qui en certifiera l'utilité et l'exactitude, et font l'objet dans chaque cas d'espèce, d'une décision du ministre de l'intérieur» ; que faute de toute interdiction d'emploi des « frais de sûreté générale » à des fins indemnitaires venant rémunérer des sujétions particulières en lien avec des activités de police supportées par des fonctionnaires relevant du ministère de l'intérieur, y compris au cabinet du ministre, la déclaration de culpabilité du chef de détournement de fonds publics méconnaît le principe de légalité des délits et des peines ;
"2°) alors, en toute hypothèse, que toute infraction doit être définie en termes clairs et précis pour exclure l'arbitraire et permettre au prévenu de régler sa conduite ; que les dispositions précitées de l'article 4 décret du 15 juin 1926, mêmes rapprochées des autres articles du décret, ne peuvent, en raison de leur imprécision quant aux potentiels bénéficiaires et aux types de dépenses concernées au titre des « frais de sûreté générale », servir de fondement à une déclaration de culpabilité du chef de détournements de fonds publics au titre du versement, par le directeur de la DGPN, d'une partie de ces fonds, à des fins indemnitaires, venant rémunérer des sujétions particulières en lien avec des activités de police supportées par des fonctionnaires relevant du ministère de l'intérieur, au motif qu'ils sont membres du cabinet du ministre de l'intérieur ; que le principe de légalité a été méconnu ;
"3°) alors que le ministre de l'intérieur, en charge de la sécurité intérieure, a autorité sur la direction générale de la police nationale ; qu'il est assisté, pour l'exercice de ces attributions, d'un cabinet ministériel restreint ; que le jugement constate qu' « il ne s'agit pas de mettre en doute le rôle actif ni l'engagement que M. X... a pu déployer notamment pour organiser l'interpellation de certains terroristes » et que « les permanences, les réunions de coordination ou de cabinet alléguées (
) sont en lien avec des activités de police » ; qu'en qualifiant néanmoins ces activités de « travail administratif » et en leur déniant la nature d'une activité susceptible d'entrer dans le champ d'application de l'article 4 du décret du 15 juin 1926, les juges du fond ont violé le décret n° 2002-889 du 15 mai 2002 relatif aux attributions du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales alors applicable, ensemble l'article 4 du décret du 15 juin 1926 ;
"4°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'il ne pouvait, sans contradiction, être retenu que les textes réglementant les frais d'enquête et de sûreté générale en permettent un usage discrétionnaire (jugement, p. 83) puis que ces fonds ne peuvent être versés qu'à des policiers placés sous l'autorité de la DGPN" ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3, 111-4, 122-4, 432-15 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré M. Y... coupable de détournement de fonds publics ;
"aux motifs qu'au regard de l'enquête et à l'issue de l'instruction à l'audience, il convient de rappeler que jusqu'au 31 décembre 2001, les membres des cabinets ministériels ont été, de manière complémentaire à leur salaire déclaré, rémunérés par une indemnité versée en numéraire, non mentionnée sur leur bulletin de salaire, et ne faisant l'objet d'aucune déclaration fiscale ou sociale ; qu'au ministère de l'intérieur, ces liquidités étaient abondées, de première part, par les fonds secrets dépendant du premier ministre, de seconde part, par des frais d'enquête et de surveillance mis à la disposition du Directeur Général de la police nationale ; qu'à la suite de polémiques publiques concernant l'usage qui était fait des fonds secrets, notamment à la Présidence de la République, M. Lionel G..., le Premier ministre, après avoir commandé un rapport qui lui était déposé le 10 octobre 2001 par le premier président de la Cour des comptes, a, par un décret n° 2001-1148 du 5 décembre 2001, institué "une indemnité pour sujétions particulières des personnels des cabinets ministériels" dans les termes suivants :
Art. 1er. - Dans la limite des crédits ouverts à cet effet, il peut être attribué aux personnels, titulaires ou non titulaires : 1° Qui sont membres des cabinets des ministres, ou qui concourent au fonctionnement ou aux activités de ces cabinets une indemnité forfaitaire destinée à rémunérer les sujétions particulières qu'ils supportent dans l'exercice de ces fonctions ;
Art. 2. - Le montant des attributions individuelles ainsi que le rythme, mensuel, semestriel ou annuel, de leur versement sont déterminés en fonction de la nature et de l'importance des sujétions auxquelles est astreint le bénéficiaire ;
Art. 3. - Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la ministre de l'emploi et de la solidarité, la garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de l'intérieur sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret ; que pour ce qui concerne le ministère de l'intérieur, M. Daniel F..., le ministre, après des réunions de travail de son chef de cabinet M. Jean-Christophe M..., bilatérales avec le chef de cabinet du Premier ministre, mais aussi multilatérales avec l'ensemble des chefs de cabinet des autres ministères, a mis fin dès le 1er janvier 2002 à la remise aux membres de son cabinet d'indemnités en numéraire, qu'elles proviennent des fonds spéciaux ou des frais d'enquête et de surveillance, les remplaçant par le versement d'ISP, payées par virement, mentionnées sur leurs bulletins de paie et déclarées aux administrations fiscales et sociales ; qu'ainsi, entre le mois de janvier et le mois d'avril 2002, M. Bernard N..., le directeur de cabinet et M. Michel O..., son directeur adjoint, percevaient, sur bulletins de paie, une ISP mensuelle déclarée de 1 524 euros brute, et le chef de cabinet, M. M..., de 1 372 euros ; qu'ils ont tous deux précisé à l'audience d'appel que cette indemnité compensait, en montant net, celle versée antérieurement en liquidités, fonds secrets de Matignon et fonds police confondus ; qu'il est encore établi qu'au mois de mai 2002, à la suite d'un changement de gouvernement, M. Jean-Pierre P... a été nommé premier ministre et M. Nicolas Q... ministre de l'intérieur ; que le 8 mai 2002, M. X... est devenu directeur de cabinet du ministre de l'intérieur, M. Z..., directeur de cabinet adjoint et M. A... chef de cabinet ; que tous trois ont déclaré qu'ils ont estimé alors que le montant de l'ISP de 2 002 euros qui leur était allouée était insuffisant, "étriqué" selon les termes du premier d'entre eux ; que c'est dans ces conditions que M. X..., du mois de juillet 2002 au mois de mars 2004, demandait et obtenait de M. Y..., nouvellement nommé directeur général de la police nationale, le versement d'une enveloppe mensuelle de 10 000 euros, tirée sur les frais d'enquête et de surveillance dont ce dernier avait la responsabilité ; qu'il répartissait cette somme entre lui-même (5 000 euros), son directeur de cabinet adjoint (3 000 euros), M. Z... jusqu'au 31 août 2003 (qui déclare avoir perçu une somme de 2 000 euros mensuelle) puis M. Gérard R... à compter du 1er septembre 2003, et son chef de cabinet (2 000 euros) ; qu'il a été confirmé à l'audience d'appel que ni l'accord du premier ministre M. P... ni celui de son chef de cabinet n' ont été sollicités et que ces sommes n'ont fait l'objet ni de fiches de paie, ni de déclarations fiscales et sociales ; qu'il est enfin avéré que le 1er avril 2004, M. Dominique T... est devenu ministre de l'intérieur et M. Pierre S... a remplacé M. X... comme directeur de cabinet ; que M. R... et M. A... sont restés à leurs postes, le premier jusqu'au mois de novembre 2004, le second jusqu'au mois de juillet 2004 ; que les versements de compléments d'indemnités en espèces ont cessé immédiatement ; que M. S... a soutenu à l'audience d'appel qu'il n'avait pas été informé de cette pratique du cabinet précédent ; que pour ces faits, M. Y... est prévenu de détournement de fonds publics, X... de complicité et de recel de ce délit, MM. Z..., Gérard R... et A... de recel de ce délit ; que concernant M. Y..., M. Y... est prévenu d'avoir à Paris, entre le 1er juillet 2002 et le 30 mars 2004, étant dépositaire de l'autorité publique en sa qualité de directeur général de la police nationale, détourné des fonds publics qui lui avaient été remis à raison de ses fonctions, en l'espèce une somme de 210 000 euros, fonds provenant des frais d'enquête et de surveillance, aux fins de les remettre à M. X..., directeur de cabinet du ministre de l'intérieur, à des fins étrangères à leur destination et en violation des textes réglementaires applicables à l'époque des faits, et ce au préjudice du ministère de l'intérieur, faits prévus et réprimés par les articles 432-15 et 432-17 du code pénal ; qu'il est acquis, de première part, que M. Y..., qui du mois de juillet 2002 au mois de juillet 2007 a exercé les fonctions de directeur général de la police nationale, étant dépositaire de l'autorité publique ; qu'en cette qualité, il était responsable de la gestion des fonds d'enquête et de surveillance, soumis, selon l'article du décret du 21 août 1926 à l'approbation personnelle du directeur de la sûreté générale qui en certifiera l'utilité et la certitude ; de deuxième part, qu'entre le 1er juillet 2002 et le 30 mars 2004, M. Y... a remis chaque mois à M. X..., directeur de cabinet du ministre de l'intérieur une enveloppe contenant une somme de 10 000 euros en liquidités provenant de ces fonds, soit au total sur cette période une somme de 210 000 euros ; de troisième part, que, pour l'essentiel, sauf une somme mensuelle de 1 000 euros dont M. X... a indiqué sans en justifier qu'elle lui aurait servi à exécuter lui même des actes de police, tels que la rémunération d'informateurs dans des dossiers de terrorisme, ces fonds ont été utilisés à verser à trois membres du cabinet du ministre de l'intérieur, le directeur de cabinet, le directeur adjoint de cabinet et le chef de cabinet, des primes en espèces tendant à compenser selon eux l'insuffisance des indemnités de sujétion particulière qui leur était allouée ; que, pour contester la prévention, M. Y... soutient successivement que les faits sont couverts par la prescription, que les remises de fonds issus des frais d'enquête et de surveillance sont licites, que ces faits sont justifiés par le commandement de l'autorité légitime, qu'en tout état de cause il n'a pas eu connaissance de la destination des fonds ;
1 - Sur la licéité des remises de fonds : que pour soutenir que les remises de fonds ont été licites, M. Y... soutient qu'aux termes des textes les régissant, à savoir les décrets du 15 juin 1926, du 16 mai 1945 et du 5 novembre 1993, les frais d'enquête et de surveillance sont susceptibles d'être remis en numéraire à tout fonctionnaire du ministère de l'intérieur pour l'exécution de sa mission, ce qui a été le cas pour les remises effectuées entre 2002 et 2004 à M. X... ; que le détournement de l'article 432-15 du code pénal ne peut s'apprécier qu'au regard des finalités réglementaires des fonds concernés, en vigueur à l'époque des faits, et non par référence à une norme morale abstraite ; que les remises d'espèces considérées n'ont dès lors aucun caractère irrégulier au regard des dispositions réglementaires fixant le régime spécifique des frais d'enquête et de surveillance ; que selon les déclarations mêmes de M. X..., de M. Z... et de M. A... les frais d'enquête et de surveillance qui ont été remis par M. Y... ont été utilisés, au moins pour l'essentiel, pour compléter l'indemnité pour sujétions particulières qui leur était versée, laquelle s'était révélée, selon eux, insuffisante ou "étriquée" pour leur permettre de bénéficier d'un "régime indemnitaire correspondant à leurs responsabilités" ; qu'il en découle nécessairement que ces sommes, qui ont été destinées à rémunérer les sujétions particulières que ces membres du cabinet du ministre de l'intérieur supportaient dans l'exercice de leurs fonctions, et dont le montant a été déterminé en fonction de la nature et de l'importance des sujétions auxquelles est astreint le bénéficiaire, avaient, selon les dispositions des articles 1 et 2 du décret 2001-1148 du 5 décembre 2001 la nature d'indemnité pour sujétions particulières des personnels des cabinets ministériels, au sens de ce texte ; de première part, qu'en puisant dans le budget distinct des fonds d'enquête et de surveillance pour attribuer une indemnité pour sujétion particulière, alors que, selon l'article 1 du décret précité, elle ne pouvait l'être que dans la limite des crédits ouverts à cet effet, le prévenu a contrevenu au texte susvisé ; de deuxième part, que cette nouvelle réglementation, faisant suite au rapport Logerot du 10 octobre 2001, avait pour objectif déclaré de mettre fin à une irrégularité choquante, en l'espèce la distribution de rémunérations complémentaires non déclarées à l'administration fiscale et ne supportant pas les prélèvements sociaux, du fait qu'elles sont versées en espèces provenant des comptes de fonds sociaux, compléments de rémunérations versés à des agents publics, sur fonds publics, en dehors de toutes règles et contrôles, la pratique des versements en espèces qui permettent à leurs bénéficiaires, pour des montants qui peuvent être élevés, de faire échapper à l'impôt sur le revenu et aux cotisations sociales (CSG, CRDS, contribution de solidarité) une part de leurs rémunérations accessoires ; que, de fait, le ministre de l'intérieur M. F... a mis fin à cette pratique de remise d'espèces aux membres de son cabinet du 1er janvier 2002 jusqu'à son départ le 8 mai 2002 ; qu'en revenant à cette pratique pour remettre, à compter du mois de juillet 2002, à M. X... des fonds en liquidités permettant à des membres du cabinet du ministre de l'intérieur de faire échapper pour des montants élevés à l'impôt sur le revenu et aux cotisations sociales (CSG, CRDS, contribution de solidarité) une part de leurs rémunérations accessoires, le prévenu a accompli un acte contraire aux objectifs poursuivis par le décret 2001-1148 du 5 décembre 2001 ; de troisième part, que cette réglementation a été mise en oeuvre par le secrétariat général du gouvernement dans les termes suivants : à cette fin, le Premier ministre fixe le montant de la dotation annuelle de chaque cabinet ministériel, en fonction des besoins sollicités pour les membres de cabinet et pour les personnels chargés des fonctions support ; que le montant est notifié à chaque ministre, par un courrier signé du chef de cabinet du Premier ministre, qui précise la répartition de l'enveloppe entre les membres de cabinet et les personnels de soutien ; que le ministre chargé du budget reçoit copie de cette notification ; que le montant des indemnités de sujétions particulières est retracé, pour chaque membre du gouvernement, dans une annexe spécifique au projet de loi de finances intitulée "jaune-personnels affectés dans les cabinets ministériels " ; que ce document précise également le nombre de bénéficiaires de cette indemnité ; qu'au sein des ministères, les règles d'attribution des indemnités de sujétion particulières sont variables ; que le plus souvent elles relèvent du chef de cabinet ; que ces indemnités étant une des composantes de la rémunération, elles apparaissent sur le bulletin de salaires des personnels ; qu'il en résulte qu'en remettant des fonds permettant d'attribuer un complément d'indemnité pour sujétions particulières sans qu'il en soit référé au cabinet du premier ministre, le prévenu a outrepassé les pouvons qui étaient les siens ; que dès lors, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner la conformité des versements d'espèces considérés aux finalités des décrets du 15 juin 1926, du 16 mai 1945 et du 5 novembre 1993, la cour estime qu'en remettant à M. X... des fonds publics issus des frais d'enquête et de surveillance permettant de verser à des membres du cabinet des compléments d'indemnités pour sujétions particulières en violation de la réglementation résultant du décret 2001-114S du 5 décembre 2001, M. Y... a consommé l'élément matériel du délit de détournement de fonds publics ;
2 - Sur l'élément intentionnel ; que dans ses conclusions, M. Y... soutient qu'il ignorait totalement la destination réservée aux fonds remis à M. X... ; qu'il précise que dans ses auditions sous le régime de la garde à vue, il l'a déclaré à 11 reprises ; de première part, qu'en sa qualité de directeur général de la police nationale, héritier du directeur de la sûreté générale, les frais d'enquête et de surveillance étaient soumis à son approbation personnelle et il devait en certifier l'utilité et la certitude ; que cette exigence reposant sur la responsabilité et l'intégrité d'un seul homme, loin d'être un voeu pieux, s'imposait particulièrement alors qu'il s'agissait de fonds secrets ne faisant l'objet d'aucune tenue de comptabilité ; de deuxième part, alors que M. X... lui demandait au mois de juillet 2002 la remise d'une enveloppe mensuelle de 10 000 euros, et que depuis le 1er janvier 2002 le précédent DGPN ne remettait plus de liquidités au cabinet du ministre de l'intérieur, il avait dès lors l'obligation légale de vérifier l'utilité et la certitude des fonds qui lui étaient demandés ; de troisième part, à supposer que M. X... n'ait pas voulu l'éclairer sur la destination des fonds, il avait la possibilité d'interroger Mme E..., laquelle, connaissant les usages passés, l'aurait informé de ce que la remise d'espèces au cabinet du ministre de l'intérieur jusqu'au 31 décembre 2001 avait pour destination le versement d'indemnités aux membres dudit cabinet, et que cette pratique avait depuis cessé à la suite du décret du 5 décembre 2001 ; de quatrième part, et en tout état de cause, qu'il a été rappelé lors des débats d'appel les déclarations contradictoires que M. Y... a tenues devant les services de police, soutenant tour à tour que M. X... l'avait informé de la destination indemnitaire des fonds remis, puis du travail de police effectué par les membres du cabinet pour enfin soutenir avoir tout ignoré ; que la cour note cependant qu'il a tenu les propos suivants : la dotation initiale de l'ordre de 430 000 euros était insuffisante et c'est la raison pour laquelle j'ai accepté, à la demande du directeur de cabinet du ministre, de manière transitoire, de lui verser, comme cela se pratiquait auparavant 10 000 euros par mois de juillet 2002 à mars 2004 puis M. X... m'a demandé un montant pour faire fonctionner le cabinet, le montant de l‘ISP n'étant pas suffisant ; qu'il m'avait indiqué que c'était transitoire" ; que ces propos impliquent nécessairement que M. X... l'avait informé de la destination des fonds ; de cinquième part, que les termes du rapport de la Cour des comptes sont explicites : "Sans avoir été préalablement questionné à ce sujet, M. Y... a indiqué à la cour qu'à la demande de M. X..., directeur de cabinet du ministre de l'intérieur, il avait accepté à compter de 2002 de verser à ce dernier 10 000 euros par mois en espèces, prélevés sur les fonds détenus à son cabinet ; que selon lui le but de ce versement était de maintenir le niveau des primes de cabinet ministériel après la suppression du recours aux fonds spéciaux et l'institution de l'indemnité de sujétion particulière, M. Y... a toutefois dit ignorer si M. X... avait distribué ces sommes aux autres membres de cabinet ou les avait conservées par devers lui" ; de sixième part, que M. X... a déclaré devant les services de police : "J'ai effectivement demandé au DGPN, M. Y..., de me remettre une somme qui, si mes souvenirs sont exacts, était de 10 000 euros afin de faire face à ce problème inextricable devant lequel je me trouvais qui était, compte tenu de l'insuffisance de la dotation en ISP, de pouvoir faire bénéficier d'un régime indemnitaire satisfaisant certains membres du cabinet, dont moi-même", puis : "M. Y... a fait l'objet de ma part d'une demande. Il en connaissait les raisons et ça s'est fait tout naturellement" ; que si à l'audience d'appel, M. Y... a contesté ces déclarations, M. X... a préféré prudemment déclarer qu'aujourd'hui il ne pouvait pas être catégorique ; que la cour estime qu'il ressort suffisamment de l'ensemble de ces éléments que M. Y... a été informé de la destination indemnitaire au profit des membres du cabinet du ministre de l'intérieur des fonds qui lui étaient demandés ; que n'ignorant pas la réforme du 3 décembre 2001 et le fait que cette pratique avait cessé depuis le 31 décembre 2001, c'est donc en pleine connaissance de cause qu'il a détourné les fonds publics dont il avait la garde ;
"1°) alors que le décret du 5 décembre 2001 ne comporte aucune disposition interdisant, limitant ou encadrant les frais d'enquête et de surveillance (FES), dont l'usage, qui était autorisé par les décrets du 15 juin 1926 et du 5 novembre 1993, n'a été interdit par décret que le 30 décembre 2015 ; qu'en jugeant qu'il n'était pas nécessaire d'examiner la conformité des versements litigieux aux finalités de ces textes qui pourtant en réglementaient l'usage et en se bornant, pour fonder la culpabilité des prévenus, à constater seulement la prétendue violation des règles relatives au versement d'une indemnité pour sujétions particulières des personnels (ISP) des cabinets ministériels, la cour d'appel n'a pas caractérisé le détournement de fonds publics poursuivi ;
"2°) alors que la loi pénale étant d'interprétation stricte, il appartient aux juges du fond d'examiner à la lumière de ce principe les textes réglementaires dont la violation établirait une infraction pénale ; qu'en jugeant que le versement des FES caractériserait une violation du décret du 5 décembre 2001, et, en conséquence, un détournement de fonds publics, lorsque ce texte se borne à instituer une indemnité pour sujétion particulière (ISP) sans interdire les frais d'enquête et de surveillance (FES), la cour d'appel a, pour conclure à la violation de ce décret, support de l'infraction poursuivie, interprété largement ce texte en lui prêtant une interdiction qu'il ne prévoit pas explicitement ;
"3°) alors qu'en jugeant qu'il n'est pas nécessaire d'examiner la conformité des versements litigieux aux finalités des décrets du 15 juin 1926, du 16 mai 1945 et du 5 novembre 1993, tout en retenant, pour écarter le commandement de l'autorité légitime, que le décret de 1926 conférait à M. Y... des pouvoirs propres dans la gestion des frais d'enquête et de surveillance, exclusifs d'un pouvoir hiérarchique en la matière, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires ;
"4°) alors qu'enfin, le détournement de fonds publics consiste à utiliser à des fins étrangères à celles prévues les fonds publics ou privés remis au dépositaire public en raison de ses fonctions ou de sa mission ; qu'en relevant, pour déclarer la remise des fonds illicite et constitutive d'un détournement de fonds publics, que le décret de 2001 avait pour objectif déclaré de mettre fin à une irrégularité choquante consistant à distribuer des rémunérations complémentaires non déclarées à l'administration fiscale et ne supportant pas les prélèvements sociaux, lorsque cette circonstance, qui n'est qu'une conséquence de la pratique des frais d'enquête et de surveillance, n'établit absolument pas un usage des fonds à des fins étrangères à celles prévues, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants" ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour M. Z..., pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3, 111-4, 122-4, 432-15 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré M. Z... coupable de recel de détournement de fonds publics ;
"aux motifs qu'au regard de l'enquête et à l'issue de l'instruction à l'audience, il convient de rappeler que jusqu'au 31 décembre 2001, les membres des cabinets ministériels ont été, de manière complémentaire à leur salaire déclaré, rémunérés par une indemnité versée en numéraire, non mentionnée sur leur bulletin de salaire, et ne faisant l'objet d'aucune déclaration fiscale ou sociale ; qu'au ministère de l'intérieur, ces liquidités étaient abondées, de première part, par les fonds secrets dépendant du premier ministre, de seconde part, par des frais d'enquête et de surveillance mis à la disposition du directeur général de la police nationale ; qu'à la suite de polémiques publiques concernant l'usage qui était fait des fonds secrets, notamment à la Présidence de la République, le Premier ministre M. Lionel G..., après avoir commandé un rapport qui lui était déposé le 10 octobre 2001 par le premier président de la Cour des comptes, a, par un décret n° 2001-l 148 du 5 décembre 2001, institué "une indemnité pour sujétions particulières des personnels des cabinets ministériels" dans les termes suivants :
Art. 1er. - Dans la limite des crédits ouverts à cet effet, il peut être attribué aux personnels, titulaires ou non titulaires :
1° Qui sont membres des cabinets des ministres, ou qui concourent au fonctionnement ou aux activités de ces cabinets une indemnité forfaitaire destinée à rémunérer les sujétions particulières qu'ils supportent dans l'exercice de ces fonctions ;
Art. 2. - Le montant des attributions individuelles ainsi que le rythme, mensuel, semestriel ou annuel, de leur versement sont déterminés en fonction de la nature et de l'importance des sujétions auxquelles est astreint le bénéficiaire ;
Art. 3. - Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la ministre de l'emploi et de la solidarité, la garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de l'intérieur sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret ; que pour ce qui concerne le ministère de l'intérieur, le ministre M. F..., après des réunions de travail de son chef de cabinet M. M..., bilatérales avec le chef de cabinet du Premier ministre, mais aussi multilatérales avec l'ensemble des chefs de cabinet des autres ministères, a mis fin dès le 1er janvier 2002 à la remise aux membres de son cabinet d'indemnités en numéraire, qu'elles proviennent des fonds spéciaux ou des frais d'enquête et de surveillance, les remplaçant par le versement d'ISP, payées par virement, mentionnées sur leurs bulletins de paie et déclarées aux administrations fiscales et sociales ; qu'ainsi, entre le mois de janvier et le mois d'avril 2002, le directeur de cabinet M. N... et son directeur adjoint M. O... percevaient, sur bulletins de paie, une ISP mensuelle déclarée de 1 524 euros brute, et le chef de cabinet, M. M..., de 1 372 euros ; qu'ils ont tous deux précisé à l'audience d'appel que cette indemnité compensait, en montant net, celle versée antérieurement en liquidités, fonds secrets de Matignon et fonds police confondus ; qu'il est encore établi qu'au mois de mai 2002, à la suite d'un changement de gouvernement, M. P... a été nommé premier ministre et M. Q... ministre de l'intérieur ; que le 8 mai 2002, M. X... est devenu directeur de cabinet du ministre de l'intérieur, M. Z..., directeur de cabinet adjoint et M. A... chef de cabinet ; que tous trois ont déclaré qu'ils ont estimé alors que le montant de l'ISP de 2 002 euros qui leur était allouée était insuffisant, "étriqué" selon les termes du premier d'entre eux ; que c'est dans ces conditions que M. X..., du mois de juillet 2002 au mois de mars 2004, demandait et obtenait de M. Y..., nouvellement nommé Directeur Général de la Police Nationale, le versement d'une enveloppe mensuelle de 10 000 euros, tirée sur les frais d'enquête et de surveillance dont ce dernier avait la responsabilité ; qu'il répartissait cette somme entre lui-même (5 000 euros), son directeur de cabinet adjoint (3 000 euros), M. Z... jusqu'au 31 août 2003 (qui déclare avoir perçu une somme de 2 000 euros mensuelle) puis M. R... à compter du 1er septembre 2003, et son chef de cabinet (2 000 euros) ; qu'il a été confirmé à l'audience d'appel que ni l'accord du premier ministre M. P... ni celui de son chef de cabinet n'ont été sollicités et que ces sommes n'ont fait l'objet ni de fiches de paie, ni de déclarations fiscales et sociales ; qu'il est enfin avéré que le 1er avril 2004, M. T... est devenu ministre de l'intérieur et M. S... a remplacé M. X... comme directeur de cabinet ; que MM. R... et A... sont restés à leurs postes, le premier jusqu'au mois de novembre 2004, le second jusqu'au mois de juillet 2004 ; que les versements de compléments d'indemnités en espèces ont cessé immédiatement ; que M. S... a soutenu à l'audience d'appel qu'il n'avait pas été informé de cette pratique du cabinet précédent ; que pour ces faits, M. Y... est prévenu de détournement de fonds publics, M. X... de complicité et de recel de ce délit, MM. Z..., R... et A... de recel de ce délit ;
- que concernant M. Y..., M. Y... est prévenu d'avoir à Paris, entre le 1er juillet 2002 et le 30 mars 2004, étant dépositaire de l'autorité publique en sa qualité de directeur général de la Police Nationale, détourné des fonds publics qui lui avaient été remis à raison de ses fonctions, en l'espèce une somme de 210 000 euros, fonds provenant des frais d'enquête et de surveillance, aux fins de les remettre à M. X..., directeur de cabinet du ministre de l'intérieur, à des fins étrangères à leur destination et en violation des textes réglementaires applicables à l'époque des faits, et ce au préjudice du ministère de l'intérieur, faits prévus et réprimés par les articles 432-15 et 432-17 du code pénal ; qu'il est acquis, de première part, que M. Y..., qui du mois de juillet 2002 au mois de juillet 2007 a exercé les fonctions de directeur général de la police nationale, étant dépositaire de l'autorité publique ; qu'en cette qualité, il était responsable déjà gestion des fonds d'enquête et de surveillance, soumis, selon l'article du décret du 21 août 1926 à l'approbation personnelle du directeur de la sûreté générale qui en certifiera l 'utilité et la certitude ; de deuxième part, qu'entre le 1er juillet 2002 et le 30 mars 2004, M. Y... a remis chaque mois à M. X..., directeur de cabinet du ministre de l'intérieur une enveloppe contenant une somme de 10 000 euros en liquidités provenant de ces fonds, soit au total sur cette période une somme de 210 000 euros ; de troisième part, que, pour l'essentiel, sauf une somme mensuelle de 1 000 euros dont M. X... a indiqué sans en justifier quel le lui aurait servi à exécuter lui-même des actes de police, tels que la rémunération d'informateurs dans des dossiers de terrorisme, ces fonds ont été utilisés à verser à trois membres du cabinet du ministre de l'intérieur, le directeur de cabinet, le directeur adjoint de cabinet et le chef de cabinet, des primes en espèces tendant à compenser selon eux l'insuffisance des indemnités de sujétion particulière qui leur était allouée ; que, pour contester la prévention, M. Y... soutient successivement que les faits sont couverts par la prescription, que les remises de fonds issus des frais d'enquête et de surveillance sont licites, que ces faits sont justifiés par le commandement de l'autorité légitime, qu'en tout état de cause il n'a pas eu connaissance de la destination des fonds ;
1 - Sur la licéité des remises de fonds : que pour soutenir que les remises de fonds ont été licites, M. Y... soutient qu'aux termes des textes les régissant, à savoir les décrets du 15 juin 1926, du 16 mai 1945 et du 5 novembre 1993, les frais d'enquête et de surveillance sont susceptibles d'être remis en numéraire à tout fonctionnaire du ministère de l'intérieur pour l'exécution de sa mission, ce qui a été le cas pour les remises effectuées entre 2002 et 2004 à M. X... ; que le détournement de l'article 432-15 du code pénal ne peut s'apprécier qu'au regard des finalités réglementaires des fonds concernés, en vigueur à l'époque des faits, et non par référence à une norme morale abstraite ; que les remises d'espèces considérées n'ont dès lors aucun caractère irrégulier au regard des dispositions réglementaires fixant le régime spécifique des frais d'enquête et de surveillance ; que selon les déclarations mêmes de MM. X..., Z... et A... les frais d'enquête et de surveillance qui ont été remis par M. Y... ont été utilisés, - au moins pour l'essentiel, pour compléter l'indemnité pour sujétions particulières qui leur était versée, laquelle s'était révélée, selon eux, insuffisante ou "étriquée" pour leur permettre de bénéficier d'un "régime indemnitaire correspondant à leurs responsabilités" ; qu'il en découle nécessairement que ces sommes, qui ont été destinées à rémunérer les sujétions particulières que ces membres du cabinet du ministre de l'intérieur supportaient dans l'exercice de leurs fonctions, et dont le montant a été déterminé en fonction de la nature et de l'importance des sujétions auxquelles est astreint le bénéficiaire, avaient, selon les dispositions des articles 1 et 2 du décret 2001-1148 du 5 décembre 2001 la nature d'indemnité pour sujétions particulières des personnels des cabinets ministériels, au sens de ce texte ; de première part, qu'en puisant dans le budget distinct des fonds d'enquête et de surveillance pour attribuer une indemnité pour sujétion particulière, alors que, selon l'article 1 du décret précité, elle ne pouvait l'être que dans la limite des crédits ouverts à cet effet, le prévenu a contrevenu au texte susvisé ; de deuxième part, que cette nouvelle réglementation, faisant suite au rapport Logerot du 10 octobre 2001, avait pour objectif déclaré de mettre fin à une irrégularité choquante, en l'espèce la distribution de rémunérations complémentaires non déclarées à l'administration fiscale et ne supportant pas les prélèvements sociaux, du fait qu'elles sont versées en espèces provenant des comptes de fonds sociaux, compléments de rémunérations versés à des agents publics, sur fonds publics, en dehors de toutes règles et contrôles, (...) la pratique des versements en espèces qui permettent à leurs bénéficiaires, pour des montants qui peuvent être élevés, de faire échapper à l'impôt sur le revenu et aux cotisations sociales (CSG, CRDS, contribution de solidarité) une part de leurs rémunérations accessoires ; que, de fait, le ministre de l'intérieur M. F... a mis fin à cette pratique de remise d'espèces aux membres de son cabinet du 1er janvier 2002 jusqu'à son départ le 8 mai 2002 ; qu'en revenant à cette pratique pour remettre, à compter du mois de juillet 2002, à M. X... des fonds en liquidités permettant à des membres du cabinet du ministre de l'intérieur de faire échapper pour des montants élevés à l'impôt sur le revenu et aux cotisations sociales (CSG, CRDS, contribution de solidarité) une part de leurs rémunérations accessoires, le prévenu a accompli un acte contraire aux objectifs poursuivis par le décret 2001-1148 du 5 décembre 2001 ; de troisième part, que cette réglementation a été mise en oeuvre par le secrétariat général du gouvernement dans les termes suivants : à cette fin, le Premier ministre fixe le montant de la dotation annuelle de chaque cabinet ministériel, en fonction des besoins sollicités pour les membres de cabinet et pour les personnels chargés des fonctions support ; que le montant est notifié à chaque ministre, par un courrier signé du chef de cabinet du Premier ministre, qui précise la répartition de l'enveloppe entre les membres de cabinet et les personnels de soutien ; que le ministre chargé du budget reçoit copie de cette notification ; que le montant des indemnités de sujétions particulières est retracé, pour chaque membre du gouvernement, dans une annexe spécifique au projet de loi de finances intitulée "jaune-personnels affectés dans les cabinets ministériels " ; que ce document précise également le nombre de bénéficiaires de cette indemnité ; qu'au sein des ministères, les règles d 'attribution des indemnités de sujétion particulières sont variables ; que le plus souvent elles relèvent du chef de cabinet ; que ces indemnités étant une des composantes de la rémunération, elles apparaissent sur le bulletin de salaires des personnels ; qu'il en résulte qu'en remettant des fonds permettant d'attribuer un complément d'indemnité pour sujétions particulières sans qu'il en soit référé au cabinet du premier ministre, le prévenu a outrepassé les pouvons qui étaient les siens ; que dès lors, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner la conformité des versements d'espèces considérés aux finalités des décrets du 15 juin 1926, du 16 mai 1945 et du 5 novembre 1993, la cour estime qu'en remettant à M. X... des fonds publics issus des frais d'enquête et de surveillance permettant de verser à des membres du cabinet des compléments d'indemnités pour sujétions particulières en violation de la réglementation résultant du décret 2001-114 du 5 décembre 2001, M. Y... a consommé l'élément matériel du délit de détournement de fonds publics ;
2 - Sur l'élément intentionnel : que dans ses conclusions, M. Y... soutient qu'il ignorait totalement la destination réservée aux fonds remis à M. X... ; qu'il précise que dans ses auditions sous le régime de la garde à vue, il l'a déclaré à 11 reprises ; de première part, qu'en sa qualité de directeur général de la police nationale, héritier du directeur de la sûreté générale, les frais d'enquête et de surveillance étaient soumis à son approbation personnelle et il devait en certifier l'utilité et la certitude ; que cette exigence reposant sur la responsabilité et l'intégrité d'un seul homme, loin d'être un voeu pieux, s'imposait particulièrement alors qu'il s'agissait de fonds secrets ne faisant l'objet d'aucune tenue de comptabilité ; de deuxième part, alors que M. X... lui demandait au mois de juillet 2002 la remise d'une enveloppe mensuelle de 10 000 euros, et que depuis le 1er janvier 2002 le précédent DGPN ne remettait plus de liquidités au cabinet du ministre de l'intérieur, il avait dès lors l'obligation légale de vérifier l'utilité et la certitude des fonds qui lui étaient demandés ; de troisième part, à supposer que M. X... n'ait pas voulu l'éclairer sur la destination des fonds, il avait la possibilité d'interroger Mme E..., laquelle, connaissant les usages passés, l'aurait informé de ce que la remise d'espèces au cabinet du ministre de l'intérieur jusqu'au 31 décembre 2001 avait pour destination le versement d'indemnités aux membres dudit cabinet, et que cette pratique avait depuis cessé à la suite du décret du 5 décembre 2001 ; de quatrième part, et en tout état de cause, qu'il a été rappelé lors des débats d'appel les déclarations contradictoires que M. Y... a tenues devant les services de police, soutenant tour à tour que M. X... l'avait informé de la destination indemnitaire des fonds remis, puis du travail de police effectué par les membres du cabinet pour enfin soutenir avoir tout ignoré ; que la cour note cependant qu'il a tenu les propos suivants : la dotation initiale de l'ordre de 430 000 euros était insuffisante et c'est la raison pour laquelle j'ai accepté, à la demande du directeur de cabinet du ministre, de manière transitoire, de lui verser, comme cela se pratiquait auparavant. 10 000 euros par mois de juillet 2002 à mars 2004 puis M. X... m'a demandé un montant pour faire fonctionner le cabinet, le montant de l‘ISP n'étant pas suffisant. Il m'avait indiqué que c 'était transitoire ; que ces propos impliquent nécessairement que M. X... l'avait informé de la destination des fonds ; de cinquième part, que les termes du rapport de la Cour des comptes sont explicites : "sans avoir été préalablement questionné à ce sujet, M. Y... a indiqué à la Cour qu'à la demande de M. X..., directeur de cabinet du ministre de l'intérieur, il avait accepté à compter de 2002 de verser à ce dernier 10 000 euros par mois en espèces, prélevés sur les fonds détenus à son cabinet ; que selon lui le but de ce versement était de maintenir le niveau des primes de cabinet ministériel après la suppression du recours aux fonds spéciaux et l'institution de l'indemnité de sujétion particulière, M. Y... a toutefois dit ignorer si M. X... avait distribué ces sommes aux autres membres de cabinet ou les avait conservées par devers lui" ; de sixième part, que M. X... a déclaré devant les services de police : "J'ai effectivement demandé au DGPN, M. Y..., de me remettre une somme qui, si mes souvenirs sont exacts, était de 10 000 euros afin de faire face à ce problème inextricable devant lequel je me trouvais qui était, compte tenu de l'insuffisance de la dotation en ISP, de pouvoir faire bénéficier d'un régime indemnitaire satisfaisant certains membres du cabinet, dont moi-même", puis : "M. Y... a fait l'objet de ma part d'une demande. Il en connaissait les raisons et ça s'est fait tout naturellement" ; que si à l'audience d'appel, M. Y... a contesté ces déclarations, M. X... a préféré prudemment déclarer qu'aujourd'hui il ne pouvait pas être catégorique ; que la cour estime qu'il ressort suffisamment de l'ensemble de ces éléments que M. Y... a été informé de la destination indemnitaire au profit des membres du cabinet du ministre de l'intérieur des fonds qui lui étaient demandés ; que n'ignorant pas la réforme du 3 décembre 2001 et le fait que cette pratique avait cessé depuis le 31 décembre 2001, c'est donc en pleine connaissance de cause qu'il a détourné les fonds publics dont il avait la garde ;
3 - Sur le fait justificatif tiré du commandement de l'autorité légitime : que selon l'article 122-4 du code pénal, n'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l'autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal ; que M. Y... soutient que tel est le cas en l'espèce alors que M. X... était son supérieur hiérarchique et que eu égard au flou juridique entourant le régime des frais d'enquête et de surveillance, l'illégalité alléguée n'avait rien d'évident ou manifeste ; de première part, que s'il n'est pas contesté que M. X... était le supérieur hiérarchique de M. Y... , la cour rappelle que le décret du 15 juin 1926 lui conférait des pouvoirs propres dans la gestion des fonds d'enquête et de surveillance lui imposant de les approuver personnellement et d'en certifier l'utilité et la certitude, exclusifs d'un pouvoir hiérarchique en cette matière ; de deuxième part, que M. X... n'était pas le seul supérieur hiérarchique de M. Y... ; qu'il lui appartenait d'en référer au ministre de l'intérieur, M. Q..., voire même, compte tenu du lien évident avec l'insuffisance alléguée des indemnités de sujétion particulière, avec le premier ministre M. P... ou son chef de cabinet ; qu'il n'en a rien fait ; de troisième part, que contrairement à ce qui est allégué, la cour estime que l'illégalité de l'acte commandé était manifeste ; que M. Y..., en sa qualité de DGPN, disposait de tous les éléments pour connaître les circonstances dans lesquelles, à compter du 31 décembre 2001, il avait été mis fin à l'attribution de FES pour indemniser les membres du cabinet du ministre et pourquoi dès lors leur rétablissement était manifestement contraire aux dispositions et aux objectifs du décret du 3 décembre 2001 ; que la cour estime dès lors que les faits ne sont pas couverts par le commandement de l'autorité légitime ;
Sur la qualification de l'infraction : que parmi les fonctions du DGPN, figure la gestion des crédits des frais d'enquête et de surveillance, lesquels font partie de l'ensemble des crédits du programme 176 police nationale ; que les frais d'enquête et de surveillance étaient, à l'époque des faits, régis par l'article 4 du décret du 21 août 1926 selon lequel : "frais d'enquête et de sûreté générale - ils comportent toutes les autres dépenses que celles entrant dans ta catégorie des frais de mission que le fonctionnaire peut être appelé à engager pour l'exécution de la mission qui lui est confiée ; que ces frais, essentiellement variables, sont soumis à l'approbation personnelle du directeur de la sûreté générale, qui en certifiera l'utilité et l'exactitude" ; que ce texte a notamment été complété par le décret n° 93-1224 du 5 novembre 1993 qui prévoit que les frais d'enquête et de surveillance "peuvent être payés directement en numéraire par un régisseur de l'Etat entre les mains d'un agent bénéficiaire nominativement désigné par la décision d'attribution prise par l'autorité administrative" ; qu'en pratique, les fonds en espèces étaient débloqués tout au long de l'année en vertu de décisions ministérielles signées, pour chaque régie d'avance, par le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur et cosignée par le DGPN, au bénéfice de fonctionnaires désignés par leur nom, grade, service, service ou direction d'appartenance ; que ces décisions étaient ensuite mises en oeuvre par des décisions d'attribution, signes par le DGPN et cosignées par le chef de service de l'entité bénéficiaire qui » par quadrimestre, allouaient les fonds aux fonctionnaires bénéficiaires, eux-mêmes responsables de haut niveau » lesquels en disposaient ensuite au sein de leurs services ; que tant M. Y... que son prédécesseur M. I..., entendu par les services de police puis par la cour, ont déclaré que les FES, d'un montant de l'ordre de 13 millions d'euros, étaient gérés, perçus et distribués par le DGPN et étaient de sa responsabilité ; qu'il ressort donc des textes qui précèdent et de leur application que les Fonds d'Enquête et de Surveillance, après décision de déblocage, étaient détenus par le Directeur Général de la Police Nationale qui exerçait la responsabilité de les gérer, les percevoir et de les distribuer ; que toute distribution contraire aux textes en vigueur pouvait engager sa responsabilité personnelle, notamment pénale, à titre d'auteur ; que M. X... , qui, en qualité de directeur du cabinet du ministre, n'intervenait que lors de la décision préalable de déblocage, ne disposait d'aucun pouvoir propre au stade de la mise en oeuvre des décisions d'attribution ; que dès lors, sa responsabilité pénale, qui ne peut être engagée comme auteur ou coauteur du détournement de fonds, doit être envisagée selon les termes de la prévention sans qu'il y ait lieu de requalifier ;
2 - Sur la prévention de complicité de détournement de fonds publics : qu'il a été examiné ci-dessus que M. Y... s'est rendu coupable de détournement de fonds publics en remettant à M. X... des fonds publics issus des frais d'enquête et de surveillance permettant de verser à des membres du cabinet du ministre de l'intérieur des compléments d'indemnités pour sujétions particulières en violation de la réglementation résultant du décret 2001-1148 du 5 décembre 2001 ; qu'il n'est pas contesté que c'est à la demande et sur les instructions de son supérieur hiérarchique M. X... qu'il a commis cette infraction ; que le moyen selon lequel les textes réglementant les FES auraient été imprécis et n'auraient pas interdit le versement d'indemnités à la date des faits est inopérant dès lors que la cour fonde la culpabilité des prévenus non sur l'irrespect des dispositions des décrets du 15 juin 1926,16 mai 1945 et 5 novembre 1993 régissant ces fonds, mais sur la violation de la réglementation résultant du décret 2001-1148 du 5 décembre 2001 ; que cette violation, retenue par le jugement de première instance, a été pleinement mise dans les débats, ci-dessus repris, lors de l'audience devant la cour ; que le moyen sera écarté ; que le moyen selon lequel la note du 3 février 1998 signée par M. X... en qualité de DGPN serait dépourvue de pouvoir normatif et n'aurait pas de pouvoir contraignant est lui aussi inopérant dès lors que la cour ne fonde pas non plus la culpabilité des prévenus sur ce texte ; qu'il sera lui aussi écarté ; que le moyen selon lequel le décret du 5 décembre 2001, qui aurait eu pour seul objet de réformer les modalités de la rémunération des membres des cabinets ministériels au titre de leurs compléments de rémunération à partir des fonds spéciaux gérés par le premier ministre, n'aurait pas supprimé ou remplacé les compléments de rémunération versés au seul sein du ministère de l'Intérieur et provenant des FES est infondé ; qu'en effet » s'il est exact que ce décret a été pris par M. G..., le premier ministre, à la suite de polémiques publiques concernant l'usage qui avait été fait des fonds spéciaux gérés par le premier ministre, ses dispositions, qui ne font état ni de ces fonds spéciaux ni des fond d'enquête et de surveillance administrés par le ministère de l'Intérieur, sont géniales et s'appliquent à toutes les indemnités pour sujétions particulières des personnels des cabinets ministériels, qu'il s'agisse du ministère de l'intérieur ou de tout autre ministère ; que la cour, en tant que de besoin, se réfère expressément à ses motifs exposés ci-dessus à l'occasion de l'examen de la responsabilité de M. Y... ; que le moyen selon lequel ce versement aux membres du cabinet aurait eu pour seul objet de compenser l'insuffisance de la dotation budgétaire en ISP, loin d'exonérer le prévenu, caractérise l'infraction dès lors qu'il met en évidence le fait que les fonds en question avaient la nature d'indemnités pour sujétions particulières et étaient soumis au décret du 5 décembre 2001 ; en définitive, qu'en donnant à M. Y... des instructions de lui remettre des fonds publics issus des frais d'enquête et de surveillance lui permettant de verser à des membres du cabinet du ministre de l'intérieur des compléments d'indemnités pour sujétions particulières en violation de la réglementation résultant du décret 2001-1148 du 5 décembre 2001, M. X... s'est rendu coupable de complicité du délit de détournement de fonds publics commis par ce dernier ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
3 - Sur la prévention de recel de détournement de fonds publics : qu'il est acquis qu'entre le 1er juillet 2002 et le 30 mars 2004 M. X... a reçu, détenu et réparti entre son directeur adjoint, son chef de cabinet et lui-même une somme de 210 000 euros qu'il savait provenir du délit de détournement de fonds publics commis par M. Y... ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déclaré coupable de ce chef de prévention ;
-que concernant M. Z... ; que M. Z... est prévenu d'avoir à Paris, entre le 1er juillet 2002 et le 31 août 2003, en sa qualité de directeur de cabinet adjoint du ministre de l'intérieur, sciemment recelé une somme estimée entre 21 000 euros et 28 000 euros au plus qui lui avait été remise par M. X..., directeur de cabinet du ministre de l'intérieur, et qu'il savait provenir du détournement des frais d'enquêtes et de surveillance, fonds publics, par une personne dépositaire de l'autorité publique et ce à des seules fins d'enrichissement personnel, fonds publics, au préjudice du ministère de l'intérieur, faits prévus et réprimés par les articles 43 2-15,432-17,321-1,321-3.3 21-4, 321-9, 321-10 du code pénal ; qu'il est acquis que M. Z..., qui a exercé les fonctions de directeur adjoint du cabinet de M. Q... entre le 8 mai 2002 et le 31 août 2003, a perçu chaque mois à compter du mois de juillet 2002 des mains du directeur de cabinet, une enveloppe contenant des liquidités ; que selon M. X..., elle était de 3 000 euros et selon le prévenu, de 2 000 euros ; que ces sommes venaient, selon ses propres déclarations, compenser partiellement une dotation en ISP jugée insuffisante ; que pour contester la prévention, M. Z... fait successivement valoir que les infractions de détournement de fonds publics et de recel de ce délit sont couvertes par la prescription ; que l'infraction de détournement de fonds publics n'est pas constituée en l'absence de fondement légal sur un prétendu usage prohibé des FES selon les décrets du 15 juin 1926 et du 5 novembre 1993 ; que son intention frauduleuse et sa connaissance de l'origine illicite des fonds ne sont pas établies ; (
) que le moyen tiré de l'absence de fondement légal sur un prétendu usage prohibé des FES selon les décrets du 15 juin 1926 et du 5 novembre 1993 est inopérant dès lors que la cour fonde la culpabilité des prévenus non sur l'irrespect des dispositions des décrets du 15 juin 1926, 16 mai 1945 et 5 novembre 1993 régissant ces fonds, mais sur la violation de la réglementation résultant du décret 2001-1148 du 5 décembre 2001 : que cette violation, retenue par le jugement de première instance, a été pleinement mise dans les débats, ci-dessus repris, lors de l'audience devant la cour ; que le moyen sera écarté ; que concernant l'élément intentionnel, la cour estime qu'il est particulièrement caractérisé dès lors que c'est précisément parce que le prévenu estimait que le montant de son indemnité de sujétion particulière était insuffisant qu'il a demandé à M. X... de la compléter ; qu'alors qu'eu égard à ses fonctions passées dans la haute fonction publique il n'ignorait pas que depuis le 31 décembre 2001 et en raison du décret du 3 décembre 2001, les membres des cabinets ministériels étaient rémunérés exclusivement par une indemnité de sujétion figurant sur un bulletin de paie et déclarée aux organismes sociaux et fiscaux, c'est de particulière mauvaise foi qu'il a accepté une indemnité complémentaire versée en liquidités, sans bulletins de paie et sans aucune déclaration aux organismes fiscaux et sociaux ; que la cour confirmera le jugement sur sa déclaration de culpabilité dans les termes de la prévention » ;
"1°) alors que, le décret du 5 décembre 2001 ne comporte aucune disposition interdisant, limitant ou encadrant les frais d'enquête et de surveillance (FES), dont l'usage, qui était autorisé par les décrets du 15 juin 1926 et du 5 novembre 1993, n'a été interdit par décret que le 30 décembre 2015 ; qu'en jugeant qu'il n'était pas nécessaire d'examiner la conformité des versements litigieux aux finalités de ces textes qui pourtant en réglementaient l'usage et en se bornant, pour fonder la culpabilité des prévenus, à constater seulement la prétendue violation des règles relatives au versement d'une indemnité pour sujétions particulières des personnels (ISP) des cabinets ministériels, la cour d'appel n'a pas caractérisé le détournement de fonds publics poursuivi ;
"2°) alors que la loi pénale étant d'interprétation stricte, il appartient aux juges du fond d'examiner à la lumière de ce principe les textes réglementaires dont la violation établirait une infraction pénale ; qu'en jugeant que le versement des FES caractériserait une violation du décret du 5 décembre 2001, et, en conséquence, un détournement de fonds publics, lorsque ce texte se borne à instituer une indemnité pour sujétion particulière (ISP) sans interdire les frais d'enquête et de surveillance (FES), la cour d'appel a, pour conclure à la violation de ce décret, support de l'infraction poursuivie, interprété largement ce texte en lui prêtant une interdiction qu'il ne prévoit pas explicitement ;
"3°) alors qu' en jugeant qu'il n'est pas nécessaire d'examiner la conformité des versements litigieux aux finalités des décrets du 15 juin 1926, du 16 mai 1945 et du 5 novembre 1993, tout en retenant, pour écarter le commandement de l'autorité légitime, que le décret de 1926 conférait à M. Y... des pouvoirs propres dans la gestion des frais d'enquête et de surveillance, exclusifs d'un pouvoir hiérarchique en la matière, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires ;
"4°) alors que le détournement de fonds publics consiste à utiliser à des fins étrangères à celles prévues les fonds publics ou privés remis au dépositaire public en raison de ses fonctions ou de sa mission ; qu'en relevant, pour déclarer la remise des fonds illicite et constitutive d'un détournement de fonds publics, que le décret de 2001 avait pour objectif déclaré de mettre fin à une irrégularité choquante consistant à distribuer des rémunérations complémentaires non déclarées à l'administration fiscale et ne supportant pas les prélèvements sociaux, lorsque cette circonstance, qui n'est qu'une conséquence de la pratique des frais d'enquête et de surveillance, n'établit absolument pas un usage des fonds à des fins étrangères à celles prévues, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants.
"5°) alors que pour juger l'élément intentionnel caractérisé, la cour d'appel ne pouvait se borner à relever que M. Z... avait demandé à M. X... que son ISP soit complétée, sans répondre aux conclusions régulièrement déposées par le prévenu qui faisaient valoir que, dès lors que les FES n'étaient pas formellement interdites à l'époque des faits, et compte tenu de l'absence de réglementation précise qui ne définissait pas clairement les usages des FES, il ne pouvait pas savoir que leur utilisation était interdite et, partant, ne pouvait connaître l'origine frauduleuse des fonds ;
"6°) alors qu'enfin la cour d'appel ne pouvait, pour écarter le fait justificatif du commande de l'autorité légitime, retenir qu'était manifeste l'illégalité de l'acte commandant le versement des frais d'enquête et de surveillance, M. Y... disposant de tous les éléments pour connaître les circonstances dans lesquelles, à compter du 31 décembre 2001, il avait été mis fin à l'attribution des frais d'enquête et de surveillance pour indemniser les membres du cabinet des ministres, lorsque ces frais n'ont été formellement interdits qu'en décembre 2015 et que la réglementation applicable à l'époque des faits ne définissait pas clairement leur usage" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer M. X..., directeur de cabinet du ministre de l'intérieur, qui a reçu au temps de la prévention, à sa demande, de M. Y..., directeur général de la police nationale, une somme totale de 210 000 euros en espèces, par mensualités fixes de 10 000 euros, issue de crédits destinés à couvrir des frais d'enquête et de surveillance, qu'il a gardée pour partie et distribuée pour une autre à ses trois directeurs-adjoints, coupable de complicité de détournement de fonds publics et de recel de ce délit, M. Y... de détournement de fonds publics, et M. Z... de recel de la même infraction, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens et énonce notamment, après analyse des diverses auditions et interrogatoires, qu'il résulte de l'ensemble des circonstances de la cause que les deniers publics consacrés à la couverture des frais d'enquête et de surveillance avaient été sciemment détournés de leur destination à la suite des faits reprochés aux prévenus puisque ils les ont affectés clandestinement, en méconnaissance du décret n° 2001-1148 du 5 décembre 2001, au renflouement de l'indemnité de sujétions particulières qu'ils ont jugée insuffisante en son montant, officialisée et fiscalisée, laquelle, servie aux membres des cabinets ministériels pour les indemniser de contraintes liées à leur mission spécifique, ne pouvait provenir que de la seule ligne de crédit spéciale et dédiée et non pas d'une ligne budgétaire autre ;
Que les juges ajoutent que M. Y..., en ce qu'investi par le décret du 15 juin 1926 de pouvoirs propres de gestion autonome des fonds d'enquête et de surveillance et personnellement chargé, comme directeur général de la police nationale de certifier, les affectant aux services, l'utilité et l'exactitude des frais qu'ils étaient destinés à couvrir, ne saurait justifier de tels détournements par l'ordre de les commettre à lui donné par son supérieur hiérarchique, M. X... ; qu'ils relèvent encore que M. Z..., a reçu une somme d'au moins 2 000 euros par mois obtenue de mauvaise foi afin de compléter l'indemnité de sujétions particulière qu'il considérait comme insuffisante et que, compte tenu de ses fonctions au sein de l'administration publique, celui-ci n'ignorait pas que depuis le 31 décembre 2001 et à raison du décret du 3 décembre 2001, sa rémunération complémentaire destinée à l'indemniser de ses contraintes comme membre d'un cabinet ministériel ne pouvait provenir que de ladite indemnité inscrite sur son bulletin de paie et fiscalisée et non pas de liquidités prélevées sur une autre ligne budgétaire ;
Attendu qu'ayant caractérisé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, le détournement de fonds publics par M. Y..., qui disposait de pouvoir propres pour les gérer sans que M. X... ne puisse légitimement s'immiscer dans cette gestion en lui donnant l'ordre, au surplus manifestement illégal, de les lui remettre à des fins indemnitaires, et la connaissance qu'en avaient MM X... et Z... à l'occasion de la détention de cet argent, la cour d'appel, qui ne s'est pas contredite, et qui n'avait pas à rechercher, au soutien de la déclaration de culpabilité de MM. X..., Y... et Z..., dès lors qu'elle a souverainement constaté que l'indemnité de sujétions particulière avait été frauduleusement majorée par des fonds qui n'étaient pas destinés à la financer même pour fraction, si les membres du cabinet du ministère de l'intérieur avaient ou non vocation à recevoir des espèces en provenance des fonds d'enquête et de surveillance et si, en les percevant, ils ont enfreint la loi pénale en considération du décret du 15 juin 1926 qui les a institués, a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3, 111-4, 122-4, 432-15 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a condamné le prévenu en écartant le fait justificatif de commandement de l'autorité légitime ;
"aux motifs que sur le fait justificatif tiré du commandement de l'autorité légitime, que selon l'article 122-4 du code pénal, n'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l'autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal ; que M. Y... soutient que tel est le cas en l'espèce alors que M. X... était son supérieur hiérarchique et que eu égard au flou juridique entourant le régime des frais d'enquête et de surveillance, l'illégalité alléguée n'avait rien d'évident ou manifeste ; de première part, que s'il n'est pas contesté que M. X... était le supérieur hiérarchique de M. Y..., la cour rappelle que le décret du 15 juin 1926 lui conférait des pouvoirs propres dans la gestion des fonds d'enquête et de surveillance lui imposant de les approuver personnellement et d'en certifier l'utilité et la certitude, exclusifs d'un pouvoir hiérarchique en cette matière ; de deuxième part, que M. X... n'était pas le seul supérieur hiérarchique de M. Y... ; qu'il lui appartenait d'en référer au ministre de l'intérieur, M. Q..., voire même, compte tenu du lien évident avec l'insuffisance alléguée des indemnités de sujétion particulière, avec le premier ministre M. P... ou son chef de cabinet ; qu'il n'en a rien fait ; de troisième part, que contrairement à ce qui est allégué, la cour estime que l'illégalité de l'acte commandé était manifeste ; que M. Y..., en sa qualité de DGPN, disposait de tous les éléments pour connaître les circonstances dans lesquelles, à compter du 31 décembre 2001, il avait été mis fin à l'attribution de FES pour indemniser les membres du cabinet du ministre et pourquoi dès lors leur rétablissement était manifestement contraire aux dispositions et aux objectifs du décret du 3 décembre 2001 ; que la cour estime dès lors que les faits ne sont pas couverts par le commandement de l'autorité légitime ;
"alors que la cour d'appel ne pouvait, pour écarter le fait justificatif du commande de l'autorité légitime, retenir qu'était manifeste l'illégalité de l'acte commandant le versement des frais d'enquête et de surveillance, M. Y... disposant de tous les éléments pour connaître les circonstances dans lesquelles, à compter du 31 décembre 2001, il avait été mis fin à l'attribution des frais d'enquête et de surveillance pour indemniser les membres du cabinet des ministres, lorsque ces frais n'ont été formellement interdits qu'en décembre 2015 et que la réglementation applicable à l'époque des faits ne définissait pas clairement leur usage" ;
Attendu que, pour rejeter le moyen soutenu par M. Y... tendant à se voir déclarer pénalement irresponsable au motif qu'il a commis, en remettant à M. X... des espèces en provenance des fonds d'enquête et de surveillance, un acte, dont l'illégalité ne lui est pas apparue manifeste, commandé par ce dernier, autorité légitime comme étant le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur et d'un rang hiérarchique supérieur au sien, l'arrêt énonce notamment que directeur général de la police nationale, M. Y... était, aux termes de l'article 4 du décret du 15 juin 1926, le gestionnaire désigné de ces fonds publics, personnellement chargé d'en certifier l'utilité en les affectant aux services pour des montants par nature variables en fonction des frais exposés lors de missions de police opérationnelles particulières qu'ils étaient destinés à couvrir, et que donc investi quant à leur utilisation de pouvoirs propres excluant l'exercice d'un pouvoir hiérarchique, il disposait au surplus de tous les éléments nécessaires pour mesurer la contrariété flagrante audit décret et à celui du 3 décembre 2001 de remises occultes de liquidités issues des fonds en cause à son directeur de cabinet par mensualités d'un montant fixe qui lui étaient demandées pour majorer, ce qu'il savait, l'indemnité de sujétions particulière de quelques membres du cabinet du ministre de l'intérieur laquelle n'est financée que par les seuls crédits portés sur une ligne budgétaire spécifique ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui caractérisent l'illégalité manifeste de l'ordre reçu ainsi que la réalité et la plénitude des pouvoirs propres du directeur général de la police nationale en tant que gestionnaire des fonds d'enquête et de surveillance dans l'exercice desquels la position hiérarchique du directeur de cabinet du ministre n'a pas d'incidence, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le sixième moyen de cassation proposé pour M. X..., pris de la violation des articles 432-15 du code pénal, 1382 ancien et 1240 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a confirmé les dispositions civiles du jugement et condamné M. X... à payer solidairement avec les autres prévenus à l'Agent judiciaire de l'Etat la somme de 210 000 euros au titre de dommages intérêts ;
"aux motifs que « c'est par des motifs pertinents qu'elle fait siens que les premiers juges ont à bon droit retenu que ces infractions ont occasionné à la partie civile un préjudice direct et certain qu'ils ont exactement évalué ; alors que l'Etat, par le décret du 5 décembre 2001, avait pris des mesures appropriées pour moraliser la rémunération des membres des cabinets ministériels, et que c'est en connaissance de cause que les condamnés les ont violées, aucun partage de responsabilité ne saurait être envisagé ;
"alors que lorsque plusieurs fautes ont concouru à la production du dommage, la responsabilité de leurs auteurs se trouve engagée dans une mesure dont l'appréciation appartient souverainement aux juges du fond ; que la cour d'appel ne pouvait condamner M. X... solidairement avec d'autres prévenus à payer à l'agent judiciaire du Trésor la somme de 210 000 euros en se bornant à relever que l'Etat ayant pris, par le décret du 5 décembre 2001, des mesures pour moraliser la rémunération des membres des cabinets ministériels, aucun partage de responsabilité ne saurait être envisagé, sans mieux s'expliquer sur le fait qu'il appartenait aux services de l'Etat de procéder aux contrôles nécessaires sur l'utilisation des FES ou de les supprimer explicitement, ce qui ne sera fait que par le décret du 30 décembre 2015, circonstances de nature à établir une négligence fautive de l'Etat ayant contribué à la réalisation de son propre dommage ;
Sur le cinquième moyen de cassation proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 432-15 du code pénal, 1382 ancien et 1240 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a confirmé les dispositions civiles du jugement et condamné M. Y... à payer solidairement avec les autres prévenus à l'Agent judiciaire de l'Etat la somme de 210 000 euros au titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que c'est par des motifs pertinents qu'elle fait siens que les premiers juges ont à bon droit retenu que ces infractions ont occasionné à la partie civile un préjudice direct et certain qu'ils ont exactement évalué ; qu'alors que l'Etat, par le décret du 5 décembre 2001, avait pris des mesures appropriées pour moraliser la rémunération des membres des cabinets ministériels, et que c'est en connaissance de cause que les condamnés les ont violées, aucun partage de responsabilité ne saurait être envisagé ; que la cour confirmera en conséquence le jugement déféré sur les dispositions civiles et, ajournant, condamnera chaque prévenu à payer à la partie civile une somme de 1 500 euros pour les frais exposés en procédure d'appel ;
"alors que lorsque plusieurs fautes ont concouru à la production du dommage, la responsabilité de leurs auteurs se trouve engagée dans une mesure dont l'appréciation appartient souverainement aux juges du fond ; que la cour d'appel ne pouvait condamner M. Y... à payer à l'Agent judiciaire de l'Etat la somme de 210 000 euros en se bornant à relever que l'Etat ayant pris, par le décret du 5 décembre 2001, des mesures pour moraliser la rémunération des membres des cabinets ministériels, aucun partage de responsabilité ne saurait être envisagée, sans répondre au moyen de défense qui faisait valoir qu'il appartenait aux services de l'Etat de procéder aux contrôles nécessaires sur l'utilisation des FES ou de les supprimer explicitement, ce qui ne sera fait que par le décret du 30 décembre 2015, circonstances de nature à établir une négligence fautive ayant contribué à la réalisation de son propre dommage" ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour M. Z..., pris de la violation des articles 432-15 du code pénal, 1382 ancien et 1240 du cde civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a confirmé les dispositions civiles du jugement et condamné M. Z... à payer solidairement avec les autres prévenus à l'agent judiciaire du Trésor la somme de 210 000 euros au titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que c'est par des motifs pertinents qu'elle fait siens que les premiers juges ont à bon droit retenu que ces infractions ont occasionné à la partie civile un préjudice direct et certain qu'ils ont exactement évalué ; qu'alors que l'Etat, par le décret du 5 décembre 2001, avait pris des mesures appropriées pour moraliser la rémunération des membres des cabinets ministériels, et que c'est en connaissance de cause que les condamnés les ont violées, aucun partage de responsabilité ne saurait être envisagé ; que la cour confirmera en conséquence le jugement déféré sur les dispositions civiles et, ajournant, condamnera chaque prévenu à payer à la partie civile une somme de 1 500 euros pour les frais exposés en procédure d'appel ;
"alors que lorsque plusieurs fautes ont concouru à la production du dommage, la responsabilité de leurs auteurs se trouve engagée dans une mesure dont l'appréciation appartient souverainement aux juges du fond ; que la cour d'appel ne pouvait condamner M. Z... à payer à l'Agent judiciaire de l'Etat la somme de 210 000 euros en se bornant à relever que l'Etat ayant pris, par le décret du 5 décembre 2001, des mesures pour moraliser la rémunération des membres des cabinets ministériels, aucun partage de responsabilité ne saurait être envisagée, sans se prononcer sur le point de savoir s'il appartenait aux services de l'Etat de procéder aux contrôles nécessaires sur l'utilisation des FES ou de les supprimer explicitement, ce qui ne sera fait que par le décret du 30 décembre 2015, circonstances de nature à établir une négligence fautive ayant contribué à la réalisation de son propre dommage" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour refuser de faire droit à une demande de M. Y... tendant à faire supporter à l'Etat une part de son dommage en ce qu'il aurait commis une faute pour ne pas avoir contrôlé l'usage des fonds de surveillance et d'enquête et pour n'avoir abrogé les décrets relatifs à ces fonds que le 30 décembre 2015, l'arrêt énonce que des mesures destinées à moraliser la rémunération des membres des cabinets ministériels ont été édictées par le décret du 5 décembre 2001 et que les prévenus les ont délibérément violées ;
Attendu qu'il résulte de telles énonciations, et dès lors que les prévenus, eux-mêmes hauts fonctionnaires en charge de la chose publique, devaient veiller à la bonne application des textes, que la cour d'appel, qui a statué par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction relevant de son pouvoir souverain d'appréciation, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs :
I - Sur le pourvoi de M. A... :
CONSTATE la déchéance du pourvoi ;
II - Sur les autres pourvois :
Les REJETTE ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. X... devra payer à l'Agent judiciaire de l'Etat au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. Y... devra payer à l'Agent judiciaire de l'Etat au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. Z... devra payer à l'Agent judiciaire de l'Etat au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize janvier deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.