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23/01/2017 | FRANCE | N°15/02014

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 3, 23 janvier 2017, 15/02014


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3



ARRÊT DU 23 JANVIER 2017



(n° 2017 / 07 , 19 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/02014



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Décembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 10/03194



APPELANTE



Madame [A] [U]

née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 2]




Représentée par Me Sandra OHANA, avocat postulant, de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

et Me Elisabeth LEMARD LE PIVERT, avocat plaid...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3

ARRÊT DU 23 JANVIER 2017

(n° 2017 / 07 , 19 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/02014

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Décembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 10/03194

APPELANTE

Madame [A] [U]

née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentée par Me Sandra OHANA, avocat postulant, de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

et Me Elisabeth LEMARD LE PIVERT, avocat plaidant, avocat au barreau de Compiègne

INTIMÉS À TITRE PRINCIPAL ET APPELANTS À TITRE INCIDENT

Monsieur [S] [V] PARTIE INTIMEE DANS LE DOSSIER CONNEXE DECLARATION D'APPEL 15/03545 ET 15/02583

né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 2] (IRAN)

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représenté par Me Serge CONTI, substitué par Me Emmanuelle DUBREY de la SELARL CONTI & SCEG, avocats au barreau de PARIS, toque : L0253

Compagnie d'assurances CROATIA Partie intimée dans le dossier connexe déclaration d'appel 15/02583 RG 15/02014 - Pôle 2 - Chambre 3

[Adresse 5]

[Adresse 6]

Représentée par Me Dominique ALRIC, avocat au barreau de PARIS, toque : B1043

Association BUREAU CENTRAL FRANCAIS Partie intimée dans le dossier connexe déclaration d'appel 15/02583 RG 15/02014 - Pôle 2 - Chambre 3

[Adresse 7]

[Adresse 8]

Représentée par Me Dominique ALRIC, avocat au barreau de PARIS, toque : B1043

Société MAAF ASSURANCES Entreprise régie par le code des assurances prise en qualité de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : B 5 42 073 580

CHAURAY

[Adresse 9]

Représentée par Me Serge CONTI substitué par Me Emmanuelle DUBREY de la SELARL CONTI & SCEG, avocats au barreau de PARIS, toque : L0253

INTIMÉS

SA AXA FRANCE IARD agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Adresse 11]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU, avocat postulant de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

et Me Guy-Claude ARON, avocat plaidant, toque : A383

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE

[Adresse 12]

[Adresse 13]

Défaillante, régulièrement avisée le 11 mars 2015 par procès-verbal à personne habilitée

SA MMA IARD

[Adresse 14]

[Adresse 15]

N° SIRET : 440 04 8 8 82

Représentée par Me Philippe RAVAYROL, avocat postulant au barreau de PARIS, toque L0155

et Me Sonia KEHILA, avocat plaidant toque L 155

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Novembre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thierry RALINCOURT, Président de chambre, entendu en son rapport et Mme Claudette NICOLETIS Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Thierry RALINCOURT, Président de chambre

Mme Claudette NICOLETIS, Conseillère

Mme Stéphanie ARNAUD-MONGAY, Vice-présidente placée auprès de la Première Présidence

Greffier, lors des débats : Mme Isabelle THOMAS

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Thierry RALINCOURT, président et par Mme Déborah TOUPILLIER, greffier présent lors du prononcé.

Le 17/11/2003 vers 20 heures 40, [A] [U], née le [Date naissance 3] et alors âgée de 25 ans, a été victime d'un accident corporel de la circulation (accident de la vie privée) sur la RN 4, sur le territoire de la commune de [Localité 3], dans les circonstances suivantes :

- le poids lourds conduit par [Y] [D] et assuré par la société AXA puis le poids lourd conduit par [O] [K] et assuré par la société CROATIA ont successivement percuté des sangliers qui se trouvaient sur la chaussée et se sont ensuite stationnés sur le bas-coté de la route ;

- ensuite, l'automobile conduite par [A] [U] a roulé sur certains cadavres de sangliers gisant sur la chaussée et s'est retournée sur le toit sur la partie droite de la chaussée à coté d'un poids lourd stationné, occupé par [K] [C] qui était en repos, et assuré par la société AXA ;

- ensuite, l'automobile conduite par [S] [V] et assurée par la société MAAF Assurances a percuté l'arrière du véhicule accidenté d'[A] [U] dans lequel cette dernière se trouvait encore ;

- enfin, l'automobile conduite par [J] [N] et assurée par la société MMA a heurté le poids lourd de [K] [C] stationné sur le ba-côté de la chaussée.

Par ordonnance de référé du 9/03/2005, les Docteurs [M] et [Z] ont été désignés en qualité d'expert pour examiner [A] [U] et, par arrêt du 5/07/2006, la présente Cour d'appel a complété leur mission afin de déterminer l'imputation des blessures au premier choc de renversement du véhicule et au second choc arrière du véhicule renversé.

Les experts ont clos leur rapport le 21/04/2008.

Par ordonnance de référé du 11/09/2008, d'une part, une nouvelle expertise, concernant les aménagements architecturaux et domotiques du cadre de vie de la victime, a été confiée à M. [J], architecte, qui a clos son rapport le 21/07/2009, et d'autre part un complément d'expertise médicale a été confié aux Docteurs [M] et [Z] qui ont clos leur rapport définitif le 31/03/2010.

Par jugement du 11/12/2014 (instance n° 10/03194), le Tribunal de grande instance de Meaux a :

- jugé que [S] [V] a engagé sa responsabilité sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 et que son assureur MAAF Assurances doit sa garantie aux fins d'indemniser le préjudice d'[A] [U],

- jugé qu'[A] [U] n'a pas commis de faute venant diminuer son droit à indemnisation,

- fixé la liquidation du préjudice corporel subi par [A] [U] suite à l'accident de la circulation survenu le 17 novembre 2003 comme récapitulé ci-après,

- condamné en conséquence la société MAAF Assurances à verser à [A] [U] :

$gt; une somme totale, en capital, de 2.221.658,09 € en réparation de son préjudice corporel, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

$gt; une rente viagère de 44.400 € en réparation de son préjudice corporel, revalorisable conformément à la loi du 5 juillet 1985 et qui sera suspendue en cas de prise en charge d'[A] [U] dans un établissement médical durant plus de 45 jours,

$gt; une indemnité totale de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société MAAF Assurances aux dépens de l'instance principale, en ce compris les frais d'expertise,

- jugé qu'[Y] [D], [O] [K], [S] [V], [K] [C] et [J] [N] sont tous impliqués dans un accident unique et complexe et ont engagé leur responsabilité sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985,

- jugé qu'en l'absence de fautes commises par ces derniers, la société MAAF Assurances est bien fondée à se retourner contre les assureurs des véhicules impliqués et à demander une répartition de la charge des indemnisations du préjudice de la victime par parts viriles,

- condamné la société AXA Assurances IARD à garantir la société MAAF Assurances pour les 2/5 des condamnations qui précèdent,

- condamné la société MMA IARD à garantir la société MAAF Assurances pour un 1/5 des condamnations qui précèdent,

- condamné in solidum la société CROATIA et le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à garantir la société MAAF Assurances pour 1/5 des condamnations qui précèdent,

- déclaré le jugement commun à la CPAM de Seine-et-Marne,

- rejeté le surplus des demandes.

    [A] [U] d'une part, la société CROATIA et le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS d'autre part, et [S] [V] et la société MAAF de dernière part, ont interjeté appel par déclarations respectives des 28/01/2015, 9/02/2015 et 17/02/2015.

Les trois instances ont été jointes.

Selon dernières conclusions notifiées le 1/08/2015, il est demandé à la Cour par [A] [U] de :

- lui allouer les indemnisations récapitulées ci-après,

- condamner la MAAF à lui verser les sommes suivantes :

$gt; 3.967.383,83 € en réparation de ses préjudices corporels sous forme de capital déduction faites des sommes déjà perçues pour un montant de 2.797.288 € en ce non compris les articles 700 du Code de Procédure Civile attribués ni les dépens,

dire qu'en vertu des articles 31 de la Loi du 5 juillet 1985 et L.376-1 du Code de la Sécurité Sociale, les débours définitifs servis par les organismes sociaux et tiers payeurs appelés en la cause s'imputeront poste par poste, sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel,

$gt; 5.000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Selon dernières conclusions notifiées le 30/07/2015, il est demandé à la Cour par la société MAAF Assurances et [S] [V] de :

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a retenu l'implication, dans l'accident complexe survenu le 17 novembre 2003 à [A] [U], des véhicules assurés par la société AXA Assurances (respectivement conduits par [Y] [D] et [K] [C]), la société CROATIA, le BCF et les MMA,

-confirmer le jugement rendu sur l'absence de toute faute de [S] [V],

-confirmer le jugement rendu sur les recours récursoires et constater qu'au final les conducteurs impliqués (sic), la MAAF Assurances ne saurait être tenue que d'indemniser sur 1/5 le préjudice subi par la victime,

-en tout état de cause, condamner in solidum la société AXA en sa qualité d'assureur des deux véhicules impliqués (respectivement conduits par [Y] [D] et [K] [C]), la société CROATIA, le BCF et les MMA à indemniser le préjudice subi par [A] [U],

-en tout état de cause, condamner in solidum la société AXA en sa qualité d'assureur des deux véhicules impliqués (respectivement conduits par [Y] [D] et [K] [C]), la société CROATIA, le BCF et les MMA à relever et garantir la MAAF de toutes les condamnations prononcées à son encontre,

-confirmer l'application du barème Gazette du Palais Novembre 2014 (sic) et à titre subsidiaire faire application du BCIV 2015 issu de l'arrêté du 11 février 2015,

-à titre subsidiaire, et en présence de fautes des conducteurs, constater que tous les conducteurs impliqués ont commis une faute d'égale importance,

-limiter la part de responsabilité de [S] [V] à 20 %,

-réduire le droit à indemnisation de la victime en considération de sa faute,

- en tout état de cause, indemniser [A] [U] selon les offres récapitulées ci-après,

- surseoir à statuer sur l'indemnisation de l'aide humaine par tierce personne échue et à échoir dans l'attente de la production des justificatifs de démarche auprès de la MDPH pour l'obtention d'une aide au titre des aides humaines; et jusqu'à ce qu'il ait été justifié du versement ou non par le Conseil Général d'une PCH,

à titre subsidiaire :

de fin 2003 à la consolidation :

155.131,20 €

-de la consolidation à la fin des travaux :

94.500,30 €

- à compter de 2010 : rente mensuelle viagère :

3.120,75 €

- concernant la perte de gains professionnels futurs, entériner la proposition de la MAAF Assurances consistant dans le versement d'une rente viagère, calculée sur un salaire mensuel de 1.500 €, auquel il conviendra d'appliquer l'imputabilité de 95 % soit 1.425 €, revalorisée en application de l'article 43 de la loi du 5 juillet 1985 et ce à compter de la date de consolidation,

à titre subsidiaire,

dire que le capital le cas échéant octroyé au titre de la perte de gains professionnels ne pourrait être supérieur à la somme de :

1.425 € x 12 x 25,831 (barème GP novembre 2004 : âge 30 ans) = 441.710,10 €,

- confirmer le jugement en ce qu'il a déduit des sommes allouées à [A] [U] les provisions d'ores et déjà versées d'un montant total de 585.630 €,

- dire qu'il conviendra de déduire, poste par poste, des indemnités allouées à [A] [U] les sommes versées par les organismes sociaux,

-rejeter les appels incidents des parties tendant à voir obtenir leurs mises hors de cause et voir modifier l'implication de leurs véhicules et la répartition des recours récursoires,

- rejeter les demandes plus amples ou contraires d'[A] [U] et de toutes autres parties.

Selon dernières conclusions notifiées le 9/09/2015, il est demandé à la Cour par la société AXA France IARD (assureur des ensembles routiers respectivement conduits par [Y] [D] et [K] [C]) de :

- constater que la demande d'indemnisation d'[A] [U] est uniquement dirigée contre [S] [V] et la société MAAF,

- constater qu'il convient donc de statuer d'abord sur le principe de la demande d'[A] [U] contre [S] [V] et la société MAAF,

- constater qu'[A] [U] a commis une faute de nature à justifier la limitation de son droit à indemnisation dans des proportions à définir par l'arrêt à intervenir,

- constater qu'en raison de l'imputabilité d'une partie de ses blessures au choc initial dont elle est le seul auteur, [A] [U] ne peut prétendre mettre à la charge de [S] [V] et de la société MAAF plus de 95 % de son dommage,

- fixer en conséquence, uniquement contre [S] [V] et la société MAAF, le droit à indemnisation d'[A] [U] dans son principe, dans son montant et, s'il y a lieu, dans son appréciation financière,

infirmant également sur ce point le jugement entrepris,

- constater que le préjudice d'[A] [U] ne peut être évalué au-delà des limites proposées aussi bien par [S] [V] et la société MAAF que par la société CROATIA et le Bureau Central Français et désormais par la société AXA,

- prévoir l'indemnisation des frais de tierce personne, du préjudice professionnel jusqu'au départ à la retraite et de l'incidence sur le montant de la retraite, par le moyen de rentes viagères mensuelles ou trimestrielles payables à terme échu mais, dans le cas de la tierce personne, suspendue en cas d'hospitalisation de plus de trente jours ou pour tout séjour au milieu hospitalier ou paramédical de plus de trente jours,

- rejeter le surplus des demandes d'[A] [U],

statuant seulement ensuite, en tant que de besoin, sur les actions récursoires de [S] [V] et de la société MAAF notamment contre la société AXA,

- constater que la faute imputable à [S] [V] exclut tout recours de ce dernier et de la société MAAF contre les autres parties sur le fondement d'une répartition de la charge indemnitaire par parts viriles,

- dire et juger que [S] [V] et la société MAAF peuvent prétendre faire participer à l'indemnisation d'[A] [U] uniquement celles des autres parties contre lesquelles une faute pourrait être établie,

- constater que ni [Y] [D] ni [K] [C] n'a commis la moindre faute car l'accident survenu au préjudice d'[A] [U] s'explique uniquement par les vitesses excessives des véhicules conduits par cette dernière comme par [S] [V] en fonction des conditions défavorables de circulation et du défaut de maîtrise en résultant,

- dire et juger qu'en raison de la faute de [S] [V], il n'y a pas de recours possible de ce dernier comme de la part de la société MAAF contre les automobilistes non fautifs c'est-à-dire notamment [Y] [D] et [K] [C] (pour ce dernier régulièrement immobilisé dans le respect de son temps réglementaire de repos sur une aire de stationnement aménagée à cet effet) comme par voie de conséquence contre leur assureur, la société AXA,

- constater qu'aucun recours sur le fondement de la faute n'est envisageable dans tous les cas contre [K] [C], la société Auto Caravane Transport (ACT) et, comme leur assureur, la société AXA,

infirmant en conséquence sur ce point le jugement entrepris,

- rejeter l'intégralité des demandes de [S] [V] et de la société MAAF au moins à l'encontre de la société AXA,

- prononcer la mise hors de cause de la société AXA,

- condamner in solidum [S] [V] et la société MAAF à payer à la société AXA, pour frais irrépétibles et sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, une indemnité de 5.000 €.

Selon dernières conclusions notifiées le 26/06/2015, il est demandé à la Cour par la société MMA IARD (assureur de l'automobile conduite par [J] [N]) de :

- dire et juger que cinq véhicules sont impliqués dans un accident complexe unique,

- en l'absence de fautes commises par les conducteurs, dire et juger que la société MMA ne saurait être tenue d'indemniser plus de 1/5 du dommage corporel subi par [A] [U],

- en présence de fautes commises par les conducteurs,

dire et juger que [J] [N] n'a pas commis de faute,

constater que son véhicule n'a pas heurté le véhicule conduit par [A] [U],

subsidiairement,

- dire et juger qu'une éventuelle faute commise par [J] [N] ne saurait présenter de lien de causalité avec le dommage corporel subi par la victime,

- en conséquence, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la répartition de l'indemnisation du dommage corporel d'[A] [U] devait s'effectuer par parts viriles entre l'ensemble des assureurs impliqués dans l'accident de la circulation,

- sur appel incident, réformer le jugement entrepris en ce qu'il a évalué le dommage corporel subi par [A] [U] à la somme de 2.221.658,09 € outre le versement d'une rente viagère annuelle de 44.000 €,

- statuant à nouveau, dire et juger que le dommage corporel d'[A] [U] sera évalué selon les propositions indemnitaires effectuées par la société MAAF, assureur tenu d'indemniser la victime à titre principal avant recours,

- condamner [A] [U] à payer à la société MMA une indemnité de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon dernières conclusions notifiées le 26/06/2015, il est demandé à la Cour par la société CROATIA et le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS de :

- infirmer la décision entreprise, et à statuant à nouveau:

- dire qu'[A] [U] a commis une faute de nature à limiter son propre droit à indemnisation, et fixer cette limitation à un minimum de 25 %,

- dire que dans le cadre du recours à contribution aucune faute ne peut être reprochée au conducteur du véhicule assuré auprès de la société CROATIA, et qu'en conséquence aucune réclamation ne peut être formée à son encontre,

sur la liquidation du préjudice corporel d'[A] [U]

- rejeter sa demande en remboursement des frais telle que présentée, les factures d'huissier concernant les dépens, les honoraires d'avocat relevant de l'article 700 du Code de Procédure Civile, les frais médicaux devant être pris en charge par le tiers payeur,

- fixer les indemnités suivantes :

$gt; besoins en tierce personne à hauteur de 15 € pour une assistance active et 11 € pour une aide d'accompagnement,

$gt;chiffrer la perte de gains professionnels futurs par perte de chance et octroi d'une rente mensuelle de l'ordre de 1.250 €,

$gt;Erreur! Signet non défini.déficit fonctionnel temporaire sur une base journalière de 20 € (soit 5.360 € pour le déficit total et 16.815 € pour le déficit partiel),

$gt;déficit fonctionnel permanent à hauteur de 225.000 €

-ramener les postes Préjudice d'Etablissement et Préjudice Sexuel à de plus justes proportions.

    

jugement

demandes

offres

offres

préjudices patrimoniaux

avant recours

victime

MAAF [V]

CROATIA BCF

temporaires

CPAM

- dépenses de santé actuelles

223 080,61 €

0,00 €

- frais divers restés à charge

17 072,59 €

17 072,59 €

34 121,12 €

- tierce personne

223 678,00 €

344 120,00 €

sursis à statuer

subsidiairement

155 131,20 €

- perte de gains professionnels

82 000,00 €

non justifiés

permanents

- dépenses de santé futures

5 775,72 €

0,00 €

non justifiées

- frais de logement adapté

61 143,24 €

61 143,24 €

39 882,03 €

- renouvellement des matériels

18 203,94 €

- assistance de tierce personne

336 247,00 €

3 009 256,00 €

sursis à statuer

+ rente 44.400€

94 500,30 €

par an

+ rente 3.120,75 €

- perte de gains prof. futurs

1 546 298,80 €

2 803 200,00 €

rente 1.250 €

préjud. extra-patrimoniaux

par mois

temporaires

- déficit fonctionnel temporaire

24 000,00 €

24 000,00 €

21 375,00 €

22 175,00 €

- souffrances endurées

30 000,00 €

30 000,00 €

23 750,00 €

permanents

- déficit fonctionnel permanent

406 875,00 €

525 000,00 €

285 000,00 €

225 000,00 €

- préj. esthétique permanent

10 000,00 €

15 000,00 €

9 500,00 €

- préjudice d'agrément

30 000,00 €

50 000,00 €

28 500,00 €

- préjudice sexuel

50 000,00 €

80 000,00 €

23 750,00 €

- préjudice d'établissement

100 000,00 €

150 000,00 €

38 000,00 €

- déduction provisions

-585 630,00 €

-2 797 288,00 €

-585 630,00 €

- TOTAL

2 560 540,96 €

4 311 503,83 €

186 083,59 €

La CPAM de Seine-et-Marne, assignée à personne habilitée, n'a pas constitué avocat mais a fait savoir que le décompte définitif en date du 16/03/2015 des prestations servies à [A] [U] ou pour son compte s'est élevé à la somme totale de 338.879,87 € ventilée comme suit :

- prestations en nature : 223.077,61 €

- indemnités journalières versées du 21/11/2003 au 17/11/2006 : 13.471,96 €

- rente d'invalidité :

* arrérages échus du 18/11/2006 au 30/04/2012 :20.601,48 €

* capital représentatif des arrérages à échoir :75.953,10 €

- frais futurs : 5.775,72 €.

Par courrier du 1/12/2016, la CPAM a fait savoir que la pension d'invalidité ne comporte pas de majoration pour tierce personne.

MOTIFS de l'ARRÊT

1 - sur l'action indemnitaire d'[A] [U]

La société MAAF et [S] [V] ne contestent pas l'implication du véhicule conduit par ce dernier dans l'accident dont a été victime [A] [U] le 17/11/2003.

1.1 - sur l'étendue du droit à indemnisation

1.1.1 - Les sociétés MAAF et AXA soutiennent, sur la base du premier rapport d'expertise de 2008 des Docteurs [Z] et [M], que seuls 95 % du préjudice corporel subi par [A] [U] seraient imputables à la collision du véhicule conduit par [S] [V], et que 5 % seraient imputables au retournement initial du véhicule de la victime.

La société AXA (défenderesse à l'action récursoire formée par la société MAAF), s'est associée à ce moyen de défense.

Le tribunal a retenu que le dommage corporel d'[A] [U] a été subi à l'occasion d'un accident complexe et unique, en vertu de motifs pertinents que la Cour adopte, en ce que :

l'enchaînement des collisions et heurts a été le suivant : une harde de six sangliers a traversé la route, le poids lourd conduit par [Y] [D] en a percuté quelques uns et s'est stationné sur le bas coté ; le poids lourd, qui le suivait, conduit par [O] [K], a fait de même ; la chaussée s'est donc trouvée jonchée de cadavres de sangliers, éviscérés ; l'automobile Peugeot 205 conduite par [A] [U] a glissé sur ces débris animaliers et s'est renversée sur le toit au milieu de la voie de droite de circulation (le chauffeur [Y] [D] du premier poids lourd a déclaré aux enquêteurs: "je m'étais arrêté depuis une minute à peine lorsqu'en descendant de mon camion, j'ai vu qu'une voiture était sur le toit") ; le véhicule Ford Galaxy conduit par [S] [V] a également roulé sur un cadavre de sanglier qui a heurté le soubassement de son véhicule, [S] [V] a effectué une manoeuvre d'évitement de l'automobile retournée d'[A] [U], mais son véhicule a percuté le muret se trouvant sur la gauche puis l'arrière droit du véhicule de la victime ; enfin, [J] [N], conduisant son automobile Peugeot 306, a freiné afin d'éviter [K] [C] qui se trouvait à pied à proximité de son poids lourd stationné sur le bas-côté à coté du véhicule retourné d'[A] [U], mais son véhicule a glissé sur un cadavre de sanglier et a percuté l'arrière dudit poids lourd ; [S] [V] a déclaré aux enquêteurs que la collision du véhicule de [J] [N] était survenue "peu de temps" après que son propre véhicule Ford Galaxy avait percuté celui, retourné, d'[A] [U].

il en résulte que chaque collision a joué un rôle dans la réalisation de la perte de trajectoire et/ou collision suivante, en ce que chaque conducteur a eu un rôle perturbateur de la circulation pour les suivants en raison de l'encombrement matériel des voies de circulation rendues glissantes et dangereuses par les cadavres et débris de sangliers laissés derrière eux ou par le positionnement de leur véhicule ;

ces collisions et heurts successifs intervenus dans un même laps de temps et dans un enchaînement continu constituent donc un seul et même accident (ce dont [S] [V] et son assureur MAAF, et la société MMA assureur du conducteur [J] [N] conviennent expressément dans leurs conclusions).

Le dommage corporel subi par [A] [U] a donc été causé par cet accident unique pris dans son ensemble, de sorte que son entier préjudice est juridiquement indemnisable par [S] [V], conducteur de l'un des véhicules impliqués dans l'accident unique, et par son assureur la société MAAF, peu important qu'une partie des blessures de la victime ait été causée par le retournement de son véhicule avant qu'il eût été percuté par celui de [S] [V], puisque ces blessures initiales sont survenues au cours du déroulement de l'accident unique.

1.1.2 - Les parties sont en litige sur l'étendue du droit à indemnisation d'[A] [U], les sociétés MAAF, AXA, CROATIA et le BCF invoquant une faute de cette dernière de nature à réduire son droit à indemnisation (vitesse excessive ; défaut de maîtrise).

En droit, en vertu de l'article 4 de la loi n° 85-677 du 5/07/1985, la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis.

En fait, en premier lieu, ainsi que l'a relevé avec pertinence le Tribunal, il n'a existé aucun témoin du heurt du véhicule d'[A] [U] avec le cadavre d'un sanglier qui a entraîné son renversement ; ce renversement ne fait pas, par lui-même, en l'absence d'élément objectif relevé dans l'enquête de police, présumer que la vitesse de l'intéressée aurait été excessive avant l'accident.

En second lieu, il n'est pas davantage établi qu'[A] [U] aurait manqué de maîtrise en effectuant une manoeuvre inappropriée face à l'obstacle constitué par le corps d'un sanglier écrasé gisant sur la chaussée ; la présence de cet obstacle et le caractère glissant de la chaussée en raison des viscères et du sang répandus des animaux morts ont constitué un obstacle et un danger ni normalement prévisibles, ni aisément détectables de nuit, par temps pluvieux, le corps couché des animaux de couleur sombre étant de faible hauteur ; en outre, le véhicule d'[A] [U] est parvenu sur les lieux presque immédiatement après les deux poids lourds conduits par [O] [K] et [Y] [D] (cf. la déclaration précitée de ce dernier), de sorte que ces chauffeurs n'avaient pas eu le temps matériel de mettre en 'uvre un quelconque signalement du danger constitué par les corps des sangliers percutés par leurs poids lourds et gisant sur la chaussée.

Il résulte des motifs qui précèdent que n'est pas rapporté la preuve d'une faute de la victime [A] [U] qui a donc droit à l'entière indemnisation de son préjudice corporel, en confirmation du jugement entrepris.

1.2 - sur l'indemnisation du préjudice corporel d'[A] [U]

Dans leurs rapports des 21/04/2008 et 31/03/2010, les Docteurs [Z] et [M], experts, ont émis l'avis suivant sur le préjudice corporel subi par [A] [U] :

- blessures provoquées par l'accident :

$gt; traumatisme crânien grave avec coma d'emblée,

$gt; fracture du rocher droit,

$gt; fracture du sinus maxillaire droit,

$gt; fracture du sinus frontal gauche,

$gt; diplopie,

$gt; fracture de l'apophyse épineuse et articulaire droite de C7 sans trouble neurologique,

$gt; traumatisme dentaire : fracture coronaire de 11 et 21,

$gt; traumatisme thoracique associant contusion pulmonaire et contusion myocardique et pneumothorax droit,

$gt; fracture ouverte et comminutive du quart inférieur des deux os de l'avant-bras gauche,

- déficit fonctionnel temporaire :

$gt; total du 17/01/2003 au 30/07/2004

$gt; partiel à 75 % du 31/07/2004 au 10/11/2006

$gt; total du 11 au 26/11/2006

$gt; partiel à 75 % du 27/11/2006 au 10/09/2007

- assistance temporaire par tierce personne :

$gt; assistance active domestique : 4 heures par jour

$gt; assistance occupationnelle et d'accompagnement : 4 heures par jour

$gt; présence humaine de sécurité : 8 heures par jour depuis le retour à domicile de février puis fin juillet 2004

- souffrances endurées : 5,5 / 7

- consolidation fixée au 10/09/2007

- adaptation du logement : selon préconisations de l'expert [J]

- assistance permanente par tierce personne:

$gt; jusqu'à la fin des travaux d'adaptation du logement :

* assistance active : 2 heures par jour

* assistance occupationnelle et d'accompagnement : 3 heures par jour

* présence humaine de sécurité : 6 heures par jour

$gt; après réalisation des travaux et des installations d'alarmes et de télésurveillance :

* assistance active : 2 heures par jour

* assistance occupationnelle et d'accompagnement : 3 heures par jour

* présence humaine de sécurité : 5 heures par jour

- retentissement professionnel : inaptitude définitive à toute activité susceptible de procurer gains ou profits

- déficit fonctionnel permanent : 75 %

- préjudice d'agrément : existant

- préjudice esthétique : 3,5 / 7

- préjudice sexuel : existant

- préjudice d'établissement : existant

Au vu de ces éléments et des pièces produites par les parties, le préjudice corporel d'[A] [U] sera indemnisé comme suit.

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

* dépenses de santé actuelles

[A] [U] n'invoque, en cause d'appel, aucune dépense restée à sa charge.

* frais divers

[A] [U] conclut à la confirmation de l'indemnisation allouée en première instance.

La société MAAF a acquiescé à cette indemnisation, mais fait valoir, de manière inopérante pour les motifs sus-exposés, qu'il y aurait lieu de déduire la part de 5 % du préjudice corporel imputable au retournement initial du véhicule de lé victime.

La société CROATIA et le BCF font valoir :

- que les factures d'huissier de justice invoquées par [A] [U] devraient être incluses dans les dépens,

- que les frais de conseil ne devraient être retenus en tout ou partie qu'au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- qu'[A] [U] n'expliciterait pas les factures de SOS RECOURS et devrait justifier de l'absence de remboursement total/partiel des frais médicaux dont elle a fait l'avance.

L'examen des pièces justificatives produites par [A] [U] (pièces n° 10) fait apparaître, d'une part, que le Tribunal n'a retenu l'indemnisation que de frais de médecins conseils pour assistance aux expertises, d'autres frais d'assistance et de conseil ("SOS Recours"), et de part restée à charge de frais médicaux, et que, d'autre part, l'indemnité allouée par le Tribunal au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile n'inclut pas l'indemnisation des frais précités.

Les contestations non pertinentes élevées par la société CROATIA et le BCF doivent être écartées et l'indemnisation de 17.072,59 € allouée en première instance doit être confirmée.

* assistance par tierce personne

Les demandes et offres indemnitaires des parties sont les suivantes :

taux horaire

victime

MAAF

AXA

MMA

CRO. BCF

assistance active

25 €

12 €

14 €

12 €

15 €

assistance passive

15 €

8 €

10 €

8 €

11 €

présence humaine

15 €

La société MAAF conclut à titre principal au sursis à statuer afin qu'[A] [U] justifie de ce qu'elle perçoit, ou non, la prestation de compensation du handicap (PCH), susceptible de s'imputer sur l'indemnisation de l'assistance par tierce personne.

Ce moyen est inopérant dès lors qu'il résulte des articles 29 et 33 de la loi n° 85-677 du 5/07/1985 que seules doivent être imputées sur l'indemnité réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime les prestations versées par des tiers payeurs qui ouvrent droit, au profit de ceux-ci, à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation, et que la PCH, non mentionnée par le premier de ces textes, ne donne pas lieu à recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation. En conséquence, il n'y a pas lieu de tenir compte de la PCH qui est sans incidence sur le montant de l'indemnisation allouée à la victime, et la demande de sursis à statuer est infondée.

Il résulte du rapport d'expertise médicale qu'[A] [U] a eu besoin d'une assistance par tierce personne depuis la fin de son hospitalisation initiale jusqu'à sa consolidation, exception faite d'une période d'hospitalisation de 2 jours pour l'ablation du matérel d'ostéosynthèse, soit du 31/07/2004 au 10/11/2006 et du 13/11/2006 au 10/09/2007 (1135 jours).

Le Tribunal a retenu avec pertinence qu'il y a lieu de tenir des congés payés et jours fériés, et donc d'effectuer le calcul indemnitaire sur une base annale de 412 jours.

Par ailleurs, le Tribunal a retenu avec pertinence un taux d'indemnisation horaire de 15 € pour l'assistance active (4 heures par jour) et de 11 € pour l'assistance passive et la présence humaine (4 + 8 heures), soit un coût journalier de 192 €.

L'indemnisation de ce poste de préjudice doit être liquidée comme suit :

192 € * 1135 jours / 365 * 412 = 245.980,93 €.

* perte de gains professionnels actuels

[A] [U] conclut à la confirmation du jugement qui a retenu une perte de chance de revenus de 1.500 € par mois durant les 3 années 2004 à 2006, et de 3.500 € par mois pour l'année 2007.

La MAAF et la société MMA concluent à l'absence de préjudice au motif que, lors de l'accident, [A] [U] aurait encore été étudiante et n'aurait pas encore travaillé en tant qu'ostéopathe. A titre subsidiaire, elles offrent une indemnisation basée sur une perte de revenus de 800 € par mois durant les 3 années 2004 à 2006, et de 1.100 € par mois pour l'année 2007.

La société AXA se réfère, sur la base d'une expertise extra-judiciaire EQUAD qu'elle a fait réaliser, à une perte de revenu de 1.500 € par mois pour un ostéopathe exclusif débutant.

La société CROATIA et le BCF se réfèrent à une perte de revenu de 1.500 € par mois.

L'appréciation de la perte de gains professionnels subie par [A] [U] avant consolidation a été portée par le Tribunal en vertu de motifs pertinents que la Cour adopte, en ce que :

Les docteurs [Z] et [M], experts, ont retenu l'inaptitude définitive d'[A] [U] à toute activité susceptible de procurer gains ou profits dans les termes suivants : "le retentissement professionnel est majeur, mademoiselle [A] [U] exerçait plusieurs activités lorsqu'est survenu l'accident: Elle venait de terminer des études d'ostéopathie, ayant obtenu son diplôme en juin 2003 et ayant déjà effectué quelques remplacements, activité à laquelle elle devait se destiner. Elle exerçait par ailleurs deux activités à temps partiel, l'une de guichetière au Crédit Lyonnais et de salariée au sein de l'APSSF, surveillance en forêt, faisant de l'équitation. Toutes ces activités ont été totalement interrompues (...). L'état de mademoiselle [A] [U] est du ressort d'un CAT ou plus probablement d'une activité occupationnelle non génératrice de gains ou profits" ;

[A] [U] justifie avoir satisfait à l'ensemble des épreuves imposées au cours des cinq années d'enseignement en ostéopathie et biomécaniques appliquées et avoir été admise en mémoire pour l'année 2003-2004 ; elle justifie également s'être inscrite le 29/10/2003 au Répertoire national des entreprises et de leurs établissements, au domicile de ses parents, dans une partie de la maison familiale transformée en local d'activité ; en raison de son accident, elle n'a pu soutenir son mémoire mais sa formation d'une durée de cinq ans a pu être validée par un arrêté du 25/03/2007 ; elle a été radiée par l'URSSAF le 26/04/2004.

Il est ainsi établi qu'au jour de son accident [A] [U] allait commencer sa carrière professionnelle ; elle a ainsi subi une perte de chance d'obtenir les revenus résultant du début de son activité professionnelle, qui sera évaluée à 95 %.

Les deux études extra-judiciaires auxquelles ont fait respectivement procéder [A] [U] ([F]) et la société AXA (EQUAD) de manière non contradictoire peuvent être retenues par la Cour à titre d'éléments d'appréciation dès lors qu'elles ont été versées aux débats et soumises à la contradiction des parties.

Ces deux études retiennent unanimement un revenu mensuel de 1.500 € pour un ostéopathe exclusif débutant.

Pour les années suivant l'installation, l'appréciation du préjudice sera fixée sur la base de l'étude EQUAD au double motif qu'elle retient une progression plus réaliste des revenus au fur et à mesure de la pratique professionnelle, et qu'elle se réfère à des études émanant d'organismes professionnels de l'ostéopathie.

Selon cette étude, le revenu mensuel d'un ostéopathe exclusif débutant est susceptible d'évoluer de 1.500 € à 2.208 € durant les trois premières années d'activité (soit un revenu mensuel moyen de 1.854 €).

L'indemnisation de la perte de chance de gains professionnels d'[A] [U] avant consolidation pourrait être fixée comme suit :

[ (1.854 € * 36 mois) + (2.208 € * 9,75 mois) ] * 95 % = 83.858,40 €

Elle sera liquidée à la somme de 82.000 €, montant de la demande d'[A] [U], soit, après imputation des indemnités journalières servies par la CPAM (13.471,96 €), à 68.528,04 €.

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

* dépenses de santé futures

[A] [U] n'invoque, en cause d'appel, aucune dépense restée à sa charge.

* frais de logement adapté

[A] [U] conclut à la confirmation de l'indemnisation allouée en première instance en conformité avec le chiffrage de l'expert [J] et capitalisation viagère des frais de renouvellement d'aides techniques (717,12 € / an) au taux de 26,721.

Les sociétés MAAF et MMA acquiescent à cette indemnisation, sauf à la ramener à 95 % au titre du seul préjudice corporel imputable à la collision du véhicule de [S] [V].

Les autres assureurs n'ont pas conclu sur ce poste de préjudice.

L'indemnisation allouée en première instance à hauteur de 61.143,24 € sera confirmée, étant observé que, pour les motifs sus-énoncés tirés du caractère unique de l'accident, le moyen tiré par les sociétés MAAF et MMA d'une réduction de l'indemnisation à 95 % doit être écarté.

* assistance par tierce personne

Les demandes et offres indemnitaires des parties sont les suivantes :

taux horaire

victime

MAAF

AXA

MMA

CRO. BCF

assistance active

25 €

14 €

14 €

14 €

15 €

assistance passive

15 €

10 €

10 €

10 €

11 €

présence humaine

15 €

[A] [U] demande une indemnisation par capitalisation viagère, et les sociétés MAAF, AXA et MMA demandent la fixation d'une indemnisation sous forme de rente.

Le Tribunal a retenu avec pertinence qu'il y a lieu de tenir compte des congés payés et jours fériés, et donc d'effectuer le calcul indemnitaire sur une base annale de 412 jours.

Par ailleurs, le Tribunal a retenu avec pertinence un taux d'indemnisation horaire de 15 € pour l'assistance active et de 11 € pour l'assistance passive et la présence humaine.

En outre, pour tenir compte de la distinction des besoins d'assistance d'[A] [U], faite par les Experts médicaux, avant et après réalisation des travaux d'aménagement du logement préconisés par l'Expert [J], le Tribunal a retenu avec pertinence que, ledit rapport ayant été clos en juillet 2009, et en l'absence de justification d'[A] [U] sur la date de fin desdits travaux, il convient de retenir raisonnablement une durée de réalisation des travaux de 6 mois, et un achèvement fin janvier 2010.

Enfin, le Tribunal a retenu avec pertinence une indemnisation sous forme de rente, plus conforme à l'intérêt de la victime au regard des risques futurs quant à la préservation d'un éventuel capital lorsque ses parents ne seront plus en mesure de veiller au respect de ses intérêts, étant observé qu'il résulte du rapport d'expertise médicale qu'[A] [U] n'est pas en mesure d'y veiller par elle-même et qu'elle n'est pas actuellement sous mesure civile de protection.

Sur la base des éléments d'appréciation qui précèdent, l'indemnisation de ce poste de préjudice doit être liquidée comme suit :

- période du 10/09/2007 au 31/01/2010 :

(2 heures * 15 €) + (9 heures * 11 €) * 875 jours / 365 * 412 =127.409,59 €

- période du 1/02/2010 au 30/09/2016 :

(2 heures * 15 €) + (8 heures * 11 €) * 2434 jours / 365 * 412 =324.195,46 €

- total :451.605,05 €

- rente annuelle à compter du 1/10/2016 :

(2 heures * 15 €) + (8 heures * 11 €) * 412 jours : 48.616 € / an (payable trimestriellement).

Il est établi que la CPAM de Seine-et-Marne ne verse à [A] [U], au titre de la pension d'invalidité, aucune majoration pour tierce personne susceptible de s'imputer sur ce poste de préjudice.

* perte de gains professionnels futurs

[A] [U] invoque une perte de gains de :

- 3.500 € net par mois de 2008 à 2011,

- 5.000 € net par mois de 2011 à 2045,

- 2.600 € par mois à titre de perte de retraite.

Les sociétés MAAF et MMA offrent une indemnisation sous forme de rente, basée sur une perte de gains de 1.500 € par mois.

La société AXA se réfère à une perte de revenus de la victime de 2.208 € par mois jusqu'à l'âge de 62 ans, puis à une perte de retraite de 7.763 € par an.

La société CROATIA et le BCF offrent une rente de 1.250 € par mois.

Pour les motifs exposés supra, la perte de gains mensuels sera appréciée à 2.208 € par mois (avant application du taux de perte de chance) au jour de la consolidation (10/09/2007), [A] [U] étant alors âgée de 29 ans.

L'étude de MONTAUDIE produite par la victime estime - de manière peu argumentée - une rémunération en fin de carrière de 5.000 € par mois.

L'étude EQUAD produite par la société AXA, basée sur des données fournies par des organismes professionnels de l'ostéopathie, énonce que les revenus du quart des ostéopathes exclusifs les mieux rémunérés atteignent 51.000 € / an (soit 4.250 € par mois).

En l'état de ces éléments d'appréciation, il sera retenu pour [A] [U] une perte de gains professionnels de 4.000 € par mois en fin de carrière (fixée à 62 ans), avant application du taux de perte de chance.

Sur la base d'une augmentation constante des gains entre la date de consolidation et la fin de carrière (soit 54,30 € par mois chaque année : 4.000 € - 2.208 €) / 33 ans), il en résulte un revenu mensuel moyen de 2.452,35 € pour la période de 9 ans échue du 10/09/2007 au 30/09/2016, soit : 2.208 € +(54,30 € * 9 ans / 2).

L'indemnisation de la perte de chance de gains pour la période du 10/09/2007 au 30/09/2016 doit être liquidée à : 2.452,36 € * 108,66 mois * 95 % = 253.149,77 €.

Pour la période subséquente ([A] [U] étant âgée de 38 ans au 1/10/2016), sur la base d'une évolution constante des gains entre la date de consolidation et la fin de carrière, la perte de revenu mensuel doit être retenue à hauteur de 2.696,70 € à cette date : 2.208 € + (54,30 € * 9 ans).

La perte de revenu mensuel moyen perdu de l'âge de 38 ans à l'âge de 62 ans sera fixée à 3.348,35 € : (2.696,70 € + 4.000 €) / 2.

La capitalisation de cette perte de revenu jusqu'à l'âge de 62 ans, avec application, sollicitée par [A] [U], du barème de capitalisation au taux de 1,20  % publié par la Gazette du Palais en 2013, pertinent en ce qu'il s'appuie sur les données démographiques les plus récemment publiées (2006-2008) et apparaît le mieux adapté aux données économiques actuelles, induit l'indemnisation suivante, avec application du taux de perte de chance de percevoir ce revenu :

3.348,35 € * 12 mois * 20,320 * 95 % = 775.638,58 €

L'étude EQUAD comporte une étude minutieusement chiffrée du montant (7.763,40 €) des retraites de base et complémentaire qu'aurait pu percevoir [A] [U] à l'âge de 62 ans en fonction d'un revenu annuel moyen de 26.506 € sur l'ensemble de sa carrière.

Sur la base des éléments précités, le revenu annuel moyen sur l'ensemble de la carrière s'établit à :

(4.000 € + 2.208 €) / 2 * 12 mois = 37.248 €.

La perte de droit à la retraite doit être chiffrée comme suit par capitalisation viagère à l'âge de 62 ans et avec application du taux de perte de chance :

7.763,40 € / 26.506 * 37.248 * 20,803 * 95 % = 215.605,73 €

Il résulte des motifs qui précèdent que la perte de gains professionnels futurs d'[A] [U] est fixée comme suit à compter du 1/10/2016 :

- période du 1/10/2016 au 25/05/2040775.638,58 €

- période à compter du 26/05/2040215.605,73 €

- total991.244,31 €

Après imputation de la pension d'invalidité servie par la CPAM de Seine-et-Marne, il revient à [A] [U] une somme en capital de :

991.244,31 € - (20.601,48 € + 75.953,10 €) = 894.689,73 €.

Pour les motifs sus-énoncés relatifs à l'indemnisation de l'assistance permanente par tierce personne, il apparaît conforme à l'intérêt d'[A] [U] d'indemniser sa perte de gains professionnels futurs sous forme de rente dont le montant annuel est le suivant, l'intéressée étant âgée de 38 ans à ce jour :

894.689,73 € / 35,054 = 25.523,19 €.

Il doit lui être alloué les sommes suivantes :

- arrérages échus du 10/09/2007 au 30/09/2016 : 2.452,36 € * 108,66 mois * 95 % = 253.149,77 €

- à compter du 1/10/2016 : rente annuelle de 25.523,19 € / an (payable trimestriellement)

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

* déficit fonctionnel temporaire

[A] [U] conclut à la confirmation de l'indemnisation de 24.000 € allouée en première instance sur une base de 22 € / jour.

Cette indemnisation pertinente sera confirmée, et les offres de la société MAAF à hauteur de 600 € / mois et de la société CROATIA et du BCF à hauteur de 20 € / jour seront écartées.

* souffrances endurées

Les Experts les ont quantifiées au degré 5,5 / 7 en retenant l'accident, l'hospitalisation en réanimation, les drainages thoraciques, l'intervention chirurgicale orthopédique sur le poignet gauche, la contention plâtrée brachio-anté-brachio palmaire gauche, la phase d'éveil et d'amnésie post-traumatique d'un traumatisme crânien grave, la phase de réadaptation fonctionnelle, les séances de kinésithérapie, l'ensemble des troubles neuropsychologiques et caractériels, le retentissement psychologique.

L'indemnisation allouée en première instance à hauteur de 30.000 € sera confirmée, conformément à la demande d'[A] [U].

Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

* déficit fonctionnel permanent

Les Experts l'ayant quantifié au taux de 75 %, et la victime étant âgée de 29 ans au jour de sa consolidation, l'indemnisation de 406.875 € allouée en première instance sera confirmée.

La demande d'[A] [U] à hauteur de 525.000 € doit être écartée en ce qu'elle est basée sur un âge erroné (25 ans) qui était le sien lors de l'accident et non au jour de la consolidation.

* préjudice esthétique permanent

Les Experts l'ont quantifié au degré 3,5 / 7 en retenant le port de lunettes pour corriger la diplopie, l'asymétrie des fentes palpébrales, la démarche instable avec aspect général d'adynamie, les cicatrices d'abord chirurgical au niveau de l'avant-bras et du poignet gauches, et les maladresses aux membres supérieurs et inférieurs.

L'indemnisation allouée en première instance à hauteur de 10.000 € sera confirmée.

* préjudice d'agrément

[A] [U] a justifié d'une pratique de l'équitation à haut niveau en club équestre avant l'accident.

Les Experts ont relevé que ce préjudice est majeur et définitif, en raison de la maladresse touchant les membres supérieurs et inférieurs et des troubles cognitifs importants causés par le traumatisme crânien grave.

Compte tenu de l'âge d'[A] [U] au jour de sa consolidation (29 ans) sa demande indemnitaire à hauteur de 50.000 € sera accueillie.

* préjudice sexuel

Les Experts ont relevé une baisse, voire une abolition, de la libido induite par les conséquences du traumatisme crânien grave, et une absence de relation affective et sexuelle depuis l'accident.

Compte tenu de l'âge d'[A] [U] au jour de sa consolidation (29 ans) l'indemnisation de 50.000 € allouée en première instance sera confirmée.

* préjudice d'établissement

Les Experts ont relevé que les troubles cognitifs et les troubles du caractère et du comportement d'[A] [U], causés par l'accident, constituent un obstacle réel à tout projet de vie de couple et/ou de famille, et qu'il apparaît peu probable que la victime puisse fonder un foyer.

Compte tenu de l'âge d'[A] [U] au jour de sa consolidation (29 ans) l'indemnisation de 100.000 € allouée en première instance sera confirmée.

Il résulte de l'ensemble des motifs qui précèdent que l'indemnisation du préjudice corporel de la victime est récapitulée comme suit :

préjudices patrimoniaux

temporaires

- dépenses de santé actuelles

- frais divers restés à charge

17 072,59 €

- tierce personne

245 980,93 €

subsidiairement

- perte de gains professionnels

68 528,04 €

permanents

- dépenses de santé futures

0,00 €

- frais de logement adapté

61 143,24 €

- renouvellement des matériels

- assistance de tierce personne

451 605,05 €

- perte de gains prof. futurs

253 149,77 €

préjud. extra-patrimoniaux

temporaires

- déficit fonctionnel temporaire

24 000,00 €

- souffrances endurées

30 000,00 €

permanents

- déficit fonctionnel permanent

406 875,00 €

- préj. esthétique permanent

10 000,00 €

- préjudice d'agrément

50 000,00 €

- préjudice sexuel

50 000,00 €

- préjudice d'établissement

100 000,00 €

- déduction provisions

- TOTAL

1 768 354,62 €

- assistance permanente par TP

+ rente 48 616,00 €

- perte de gains prof. futurs

+ rente 25 523,19 €

2 - sur l'action récursoire de [S] [V] et de son assureur la société MAAF

En droit, ainsi qu'en conviennent les assureurs défendeurs, la contribution des coauteurs impliqués dans l'accident à la dette indemnitaire a lieu à proportion de leurs fautes respectives en appréciant exclusivement la gravité des fautes commises, et, en l'absence de faute prouvée, par parts égales entre eux.

Le régime du recours en contribution exercé par la société MAAF et son assuré [S] [V] impose donc de déterminer, initialement, si ce dernier a été fautif.

En fait, la passagère de [S] [V] ([W] [I]) a déclaré aux enquêteurs de police : "j'ai aperçu au loin devant nous un véhicule qui se retournait, sans autre précision".

[S] [V] a, pour sa part, déclaré aux enquêteurs de police : "au loin, j'ai vu des camions stationnés sur la droite dont l'un transportait des véhicules. Il pleuvait un petit peu, j'ai réalisé qu'il y avait une voiture sur le toit, avec quelque chose de brun par terre. J'ai freiné, mais la voiture a un petit peu glissé. J'ai roulé sur cette chose qui était par terre et qui a tapé sous ma voiture. J'ai perdu le contrôle de la voiture, j'ai tiré le volant sur la gauche pour éviter la voiture qui était sur le toit, mais j'ai percuté le muret central séparatif. J'ai percuté tout de même l'arrière de la voiture qui était sur le toit, avec mon côté droit".

Il résulte des déclarations qui précèdent que [S] [V] n'a pas fait preuve de toute l'attention requise d'un conducteur de véhicule terrestre à moteur, puisqu'il n'a tenté une manoeuvre d'évitement que trop tardivement, quand il a vu la présence de l'automobile d'[A] [U] sur le toit, alors que sa passagère avait, plus précocement, vu cette automobile se retourner.

Il s'en déduit :

- qu'à l'approche de la zone rendue dangereuse par la présence des cadavres de sangliers (non aisément détectables par eux-mêmes), il a existé pour [S] [V] un obstacle prévisible caractérisé et/ou annoncé par la scène anormale et alertante de mouvement constituée par le retournement visible de l'automobile d' [A] [U], et expressément perçue par sa passagère [W] [I],

- qu'en présence d'un tel obstacle prévisible, [S] [V] a commis une faute de conduite en ne l'ayant pas perçu immédiatement et en n'ayant entrepris une tentative d'évitement que trop tardivement.

En raison de la faute de conduite commise par le conducteur impliqué [S] [V], le recours en contribution de ce dernier et de son assureur la société MAAF ne peut être exercé que contre les conducteurs co-impliqués fautifs, étant précisé qu'en droit le conducteur impliqué fautif n'a pas de recours en contribution contre le(s) conducteur(s) co-impliqué(s) non fautif(s).

De manière similaire et chacun pour sa part, les assureurs AXA, CROATIA-BCF et MMA des véhicules dont étaient respectivement conducteurs [Y] [D], [O] [K], [J] [N] et [K] [C], d'une part, ne contestent pas l'implication des véhicules respectivement assurés par eux dans l'accident dont a été victime [A] [U], et, d'autre part, contestent l'existence d'une quelconque faute du conducteur du(des) véhicule(s) assuré(s) par chacun d'eux.

[Y] [D], chauffeur du premier poids lourd ayant atteint la zone ayant constitué le lieu de l'accident, a déclaré aux policiers enquêteurs : "à un moment, j'ai vu un groupe de sangliers qui traversaient la voie, venant du bois situé sur la droite et allant rejoindre l'autre côté. Les sangliers se sont retrouvés bloqués par le muret séparatif des deux voies de circulation. Il y avait donc tout un groupe d'au moins six bêtes en travers des deux voies. J'ai freiné fortement mais je n'ai pu éviter le choc. Je précise que j'ai à peine eu le temps de freiner, les sangliers étaient dans la portée de mes phares, ils devaient être à une vingtaine de mètres. J'ai percuté les sangliers. Ma trajectoire n'a pas été déviée. J'ai pu m'arrêter immédiatement sur le bas-côté de la voie, à droite, quarante ou cinquante mètre peut-être après avoir percuté les sangliers. Je n'empiétais pas du tout sur les voies de circulation".

Les déclarations d'[Y] [D] ne sont démenties ni par les déclarations des autres usagers recueillies par les enquêteurs, ni par de quelconques constations matérielles de ces derniers.

Il s'en déduit que la survenance, par la droite, d'une harde de sangliers à l'approche immédiate du poids lourd, puis leur station sur la chaussée en raison de leur impossibilité de franchir le muret central séparatif pour traverser la route, a constitué pour le conducteur [Y] [D] un obstacle ou danger non normalement prévisible, et que l'écrasement des animaux par son poids lourd a été pour lui inévitable.

Il n'est établi l'existence d'aucune faute du conducteur co-impliqué [Y] [D], de sorte que le recours en contribution exercé à l'encontre de son assureur la société AXA par [S] [V] et son assureur la société MAAF doit être rejeté.

Aucune faute de conduite n'est établie à l'encontre du chauffeur de poids lourd [O] [K] qui ne s'est pas trouvé en présence d'un obstacle ou danger normalement prévisible, dès lors qu'il n'a pu apercevoir les cadavres des sangliers gisant sur la chaussée qu'au dernier instant, après le passage du poids lourd conduit par [Y] [D] qui le précédait, et dont la masse lui masquait la visibilité plus avant.

En outre, les policiers enquêteurs ont relevé qu'après avoir roulé sur les cadavres de sangliers, [O] [K] a, comme [Y] [D], stationné son poids lourd régulièrement sur le bas-côté droit, sans provoquer d'obstruction de la chaussée.

En l'absence de preuve d'une quelconque faute du conducteur co-impliqué [O] [K], le recours en contribution exercé par [S] [V] et son assureur la société MAAF à l'encontre de son assureur la société CROATIA et du BCF doit être rejeté.

L'automobiliste [J] [N] a déclaré aux policiers enquêteurs : "à un moment, au loin, j'ai vu une lumière sur la voie. Ce n'était pas très net comme il pleuvait un peu, de plus, la lumière n'était pas très distincte. La route n'était pas éclairée, et je n'ai pas vu de signaux de détresse sur la voie, ni de véhicule en «warning». Parallèlement, j'ai vu une silhouette. Je ne me rappelle pas si cette silhouette était sur le bas-côté droit ou sur la voie de droite. J'ai donné un coup de volant à droite assez sec, pour faire un évitement de la personne que je pensais avoir vue. J'ai, tout de suite après, donné un coup de volant sur la gauche pour redresser ma voiture. J'ai freiné sèchement aussi, mais comme la route était mouillée, j'ai glissé. J'ai manqué de renverser un homme qui se trouvait sur la voie de droite près d'un camion. Je me rappelle que cet homme a fait un saut pour éviter mon véhicule (qui) s'est finalement immobilisé sur le poids lourd au niveau de l'attache de la remorque. (...) C'est à ce moment que j'ai constaté qu'un véhicule était sur le toit à quelques mètres devant moi. Lorsque j'ai perdu le contrôle de mon véhicule, j'ai senti que je roulais sur une masse étendue au sol, sans pour autant savoir ce dont il s'agissait".

Il résulte des éléments qui précèdent que, d'une part, en l'absence de tout dispositif d'alerte explicite et aisément visible (triangle de présignalisation, feux de détresse) sur la zone d'accident, d'autre part, en raison des caractères non normalement prévisible ni aisément détectable de nuit et par temps pluvieux, de la présence sur la chaussée des cadavres couchés de sangliers de couleur sombre et de faible hauteur (cf. l'absence de faute retenue à ce titre à l'égard d'[A] [U]), et, de dernière part, en raison de l'absence de véhicule en mouvement au moment de la survenance de [J] [N], il n'a existé pour ce dernier aucun obstacle ou danger normalement prévisible ou décelable, susceptible de lui permettre d'anticiper une manoeuvre de freinage progressif ou d'évitement.

En l'absence de preuve d'une quelconque faute du conducteur co-impliqué [J] [N], le recours en contribution exercé à l'encontre de son assureur la société MMA par [S] [V] et son assureur la société MAAF doit être rejeté.

Enfin, il n'est pas contesté par ces derniers qu'au moment de la survenance de l'accident complexe, [K] [C] observait son temps réglementaire de repos dans la cabine de son poids lourd régulièrement garé sur une aire de stationnement, de sorte qu'aucune faute ne lui est imputable et que le recours en contribution exercé contre son assureur la société AXA doit être rejeté.

3 - sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Les dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertises judiciaires, incomberont à [S] [V] et la société MAAF in solidum, parties perdantes.

La demande indemnitaire d'[A] [U] fondée en cause d'appel sur l'article 700 du Code de Procédure Civile sera accueillie dans son principe et son montant (5.000 €).

La demande de la société AXA pareillement fondée sera accueillie à hauteur de 2.000 €.

La demande de la société MMA pareillement fondée doit être rejetée en ce qu'elle est exclusivement formée à l'encontre d'[A] [U] qui n'est ni condamnée aux dépens ni partie perdante.

PAR CES MOTIFS,

la Cour

Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Meaux en date du 11/12/2014 en ce qu'il a :

- jugé que [S] [V] a engagé sa responsabilité sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 et que son assureur MAAF Assurances doit sa garantie aux fins d'indemniser le préjudice d'[A] [U],

- jugé qu'[A] [U] n'a pas commis de faute venant diminuer son droit à indemnisation,

- condamné la société MAAF Assurances à verser à [A] [U] une indemnité totale de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- déclaré le jugement commun à la CPAM de Seine-et-Marne,

- condamné la société MAAF Assurances aux dépens de l'instance principale, en ce compris les frais d'expertise.

Infirme ledit jugement en ses autres dispositions et, statuant à nouveau dans cette limite,

Condamne la société MAAF Assurances à payer à [A] [U] les sommes suivantes :

- 1.768.354,62 € (un million sept cent soixante-huit mille trois cent cinquante-quatre euros soixante-deux centimes) en réparation du préjudice corporel causé par l'accident du 17/11/2003, en deniers ou quittances, provisions et sommes versées en exécution provisoire du jugement non déduites, avec intérêts au taux légal à compter dudit jugement,

- au titre de l'indemnisation de l'assistance par tierce personne, une rente viagère d'un montant annuel de 48.616 € (quarante-huit mille six cent seize euros), payable par trimestre civil échu à compter du 1/10/2016 avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance échue, indexée en application de l'article 43 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, et qui sera suspendue en cas de prise en charge de la victime en milieu médicalisé, à partir du 31ème jour de cette prise en charge,

- au titre de la perte de gains professionnels futurs, une rente viagère d'un montant annuel de 25.523,19 € (vingt-cinq mille cinq cent vingt-trois euros dix-neuf centimes), payable par trimestre civil échu à compter du 1/10/2016 avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance échue, indexée en application de l'article 43 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, et qui sera suspendue en cas de prise en charge de la victime en milieu médicalisé, à partir du 31ème jour de cette prise en charge,

- 5.000 € (cinq mille euros) par application, en cause d'appel, de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Rejette les recours en contribution de la dette indemnitaire formés par la société MAAF Assurances à l'encontre de la société AXA IARD, de la société MMA IARD, de la société CROATIA et du Bureau Central Français.

Condamne la société MAAF Assurances à payer à la société AXA France IARD une indemnité de 2.000 € (deux mille euros) par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Rejette toutes demandes autres, plus amples ou contraires.

Déclare le présent arrêt commun à la CPAM de Seine-et-Marne.

Condamne la société MAAF Assurances à l'intégralité des dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 15/02014
Date de la décision : 23/01/2017

Références :

Cour d'appel de Paris C3, arrêt n°15/02014 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-23;15.02014 ?
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