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16/01/2019 | FRANCE | N°17-81136

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 janvier 2019, 17-81136


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Daniel X...,
- La société Joli Coeur,
- La société Garrabelle Energie,
- Le groupement d'employeurs Viti-Sem,
- La société Innovaseed,

contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 8 février 2017, qui a condamné le premier, pour abus de confiance, à deux mois d'emprisonnement avec sursis, la deuxième pour recel d'abus de confiance, à 3 000 euros d'amende, et les trois dernières, pour recel d'abus

de confiance, à 500 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Daniel X...,
- La société Joli Coeur,
- La société Garrabelle Energie,
- Le groupement d'employeurs Viti-Sem,
- La société Innovaseed,

contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 8 février 2017, qui a condamné le premier, pour abus de confiance, à deux mois d'emprisonnement avec sursis, la deuxième pour recel d'abus de confiance, à 3 000 euros d'amende, et les trois dernières, pour recel d'abus de confiance, à 500 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 21 novembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Y..., conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Darcheux ;

Sur le rapport de M. le conseiller Y..., les observations de la société civile professionnelle MONOD, COLIN et STOCLET, la société civile professionnelle FABIANI, LUC-THALER et PINATEL, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Z... ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires en demande et en défense, et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société X..., qui avait pour objet la production et la multiplication de semences et plants potagers, et dont M. X... était depuis l'année 2000 le dirigeant salarié, a conclu le 28 juin 2005 une convention avec la société Joli Coeur, dont M. X... était l'unique associé, et qui possédait notamment des terres et du matériel spécifique, aux termes de laquelle la société X... confiait à la société Joli Coeur des bulbes d'oignons, que la société Joli Coeur multipliait, puis facturait chaque année à la société X..., en fonction d'un tarif fixé à l'hectare ; que cette convention prévoyait par ailleurs qu'une salariée de la société X... assurait au bénéfice de la société Joli Coeur les travaux de comptabilité et de secrétariat, facturés sur la base d'un forfait trimestriel ; que par ailleurs, M. X... était dirigeant ou associé de trois autres personnes morales, la société Maraîchage du Razès (devenue Innovaseed), filiale à 99 % de la société Joli Coeur, et dont il était l'actionnaire principal, la société Garrabelle Energie, dont il était le président, et le groupement d'employeurs Viti-Sem ; qu'en octobre 2011, la société X..., après avoir fait effectuer un audit interne, a porté plainte auprès du procureur de la République, reprochant à M. X... d'avoir commis des abus de confiance à son préjudice, d'une part en ayant utilisé le temps de travail de la comptable salariée de la société X... pour effectuer sans contrepartie des prestations indues au profit des sociétés Joli Coeur, Maraîchage du Razès et Garrabelle Energie, et du groupement d'employeurs Viti-Sem, d'autre part en faisant surfacturer par la société Joli Coeur à la société X... les bulbes livrés, par l'effet d'une majoration fictive des surfaces cultivées ; que le procureur de la République a poursuivi M. X...
pour ces faits devant le tribunal correctionnel sous la qualification d'abus de confiance, ainsi que les quatre personnes morales pour recel ; que par jugement du 3 septembre 2014, le tribunal a relaxé M. X... pour les faits d'abus de confiance concernant l'utilisation du temps de travail de la salariée au profit de la société Joli Coeur et relaxé cette dernière du chef de recel sur ce seul point, mais a déclaré M. X... coupable d'abus de confiance pour avoir détourné des fonds destinés à l'achat de bulbes d'oignons et pour avoir détourné le temps de travail de la comptable de la société X..., et a déclaré les sociétés Joli Coeur, Maraîchage du Razès et Garrabelle Energie, ainsi que le groupement d'employeurs Viti-Sem, coupables de recel ; que les prévenus ont relevé appel principal de ce jugement ;

En cet état ;

Sur le troisième moyen additionnel de cassation, pris de la violation de l'article 121-2 du code pénal, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les sociétés exposantes coupables de recel d'abus de confiance ;

"aux motifs que en faisant réaliser des prestations administratives, comptables et sociales à leur profit, sans convention, sans facturation et sans accord exprès de sa direction mais au contraire à leur insu, au profit de sociétés dans lesquelles il avait des intérêts, M. X... s'est bien rendu coupable d'abus de confiance et les entités concernées de recel ; que s'agissant de la surfacturation des oignons livrés par la société Joli Coeur à la société X..., les faits ne sont pas contestés par l'intéressé ;

"1°) alors que les personnes morales ne sont responsables pénalement que des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; que la cour d'appel s'est prononcée sans rechercher par quel organe ou représentant de la personne morale auraient été commis les faits qui leur étaient reprochés" ;

Attendu que, pour retenir la responsabilité pénale des sociétés poursuivies du chef de recel, l'arrêt, et le jugement qu'il confirme, retiennent que M. X... est l'unique associé et gérant de la société Joli Cœur qu'il a créée, qu'il est le président de la société Garrabelle Energie, qu'il dirige indirectement le groupement d'employeurs Viti-Sem, composé de trois employeurs dont la société Joli Cœur est le plus important, et qu'il est l'associé principal de la société Maraîchage du Razes devenue la société Innovaseed ;

D'où il suit que le moyen manque en fait ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 111-4 et 314-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'abus de confiance pour avoir détourné le temps de travail d'une salariée de la société X... au bénéfice de la société Maraichage du Razès, de la société Garrabelle Energie et du groupement d'employeurs Viti-Sem, a déclaré ces personnes morales coupables de recel d'abus de confiance et, en conséquence, a condamné M. X... à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis et les trois personnes morales à une peine d'amende de 500 euros chacune et, statuant sur l'action civile, a condamné trois fois M. X..., solidairement avec chacune des trois personnes morales, à payer à la société X... la somme de 3 000 euros, à titre de dommages et intérêts ;

"aux motifs propres que la société X..., dont le siège est situé à Montréal, créée en avril 2000 et dirigée par M. X..., avait pour objet l'activité de producteur grainier ; qu'elle faisait produire par d'autres agriculteurs les semences à qui elle achetait leurs récoltes, assurant par ailleurs l'intégralité du processus visant à obtenir des lots de semences pour sa clientèle composée essentiellement d'obtenteurs et de distributeurs de semences potagères et ce, grâce à un réseau spécialisé d'agriculteurs multiplicateurs assurant sur leurs parcelles la culture de ces semences ; que, chaque année, l'agriculteur multiplicateur et la société X... arrêtaient une surface de multiplication par espèce ; que son premier fournisseur, notamment en oignons, était la société Joli Coeur, créée également par M. X... qui en était l'unique associé, la société X... sous-traitant à la société la production et la sélection des bulbes d'oignons et cette dernière facturant chaque année à la société X... une quantité variable de bulbes d'oignons à un tarif fixé à l'hectare ; que M. X... cédait en 2000 les actions de la société X... à la société Aria Grains (Groupe Epis) dirigée par M. Bernard A..., tout en restant directeur général salarié de la société ; que, comme il résulte des termes de son contrat de travail signé le 5 octobre 2004, M. X... gardait une totale indépendance dans la gestion opérationnelle de la société X... ; qu'il avait autorité sur l'ensemble du personnel et bénéficiait d'une délégation de pouvoir générale tant en matière économique, financière que commerciale ; que les relations entre la société X... et la société Joli Coeur étaient gérées par une convention cadre de collaboration signée le 28 juin 2005 par M. A... représentant la société X... et M. X... gérant de la société Joli Coeur ; que, dans le cadre de cette convention, il était prévu des programmes annuels de production et d'expérimentation avec un chiffre annuel de 520 000 euros ; que les prestations diverses et réciproques étaient listées ainsi que la rémunération de Joli Coeur ; que par ailleurs il était prévu qu'une personne salariée de la société X... assure au bénéfice de la société Joli Coeur les travaux de comptabilité et de secrétariat facturés sur la base d'un forfait trimestriel ; que M. X... continuait à être le dirigeant et/ou associé de trois autres structures :
- la société Maraichage du Razès, filiale de Joli Coeur à 99 %, produisait des melons puis des tomates, son associé principal étant M. X... ;
- la société Garrabelle Energie exploite des panneaux photovoltaïques sur un bâtiment de la société Joli Coeur, son président étant M. X... ;
- le groupement d'employeurs Viti-Sem est un groupement de trois employeurs dont le plus important est la société Joli Coeur ; que la société Aria Grains revendait ses actions le 24 février 2011 à la société Vegetable Seeds dirigée par M. Frédéric B... pour la somme de 1,9 millions d'euros ; que M. B... devenu PDG de la société X... en octobre 2011 faisait faire un audit d'acquisition et constatait à cette occasion que M. X... avait effectué une sous-facturation des prestations commerciales entre la société X... au profit de la société Joli Coeur, puisqu'il y avait inclus des prestations sociales ne figurant pas à la convention et qu'il avait de plus fait prendre en charge gratuitement et sans facturation par la société X... les prestations comptables, administratives et sociales au bénéfice de sociétés tierces visées à la prévention et dans lesquelles il avait des intérêts directs ; qu'enfin, il apparaissait de l'expertise réalisée par M. F... qu'il avait dans le même temps surfacturé la production de bulbes d'oignons toujours au détriment de la société X... devenue Sas Vegetable Seeds ; qu'à la suite de la découverte de ces faits, M. X... était licencié pour faute lourde ; que, par jugement du 29 août 2013, le conseil de prud'hommes confirmait le licenciement ; que M. que l'expertise diligentée par la partie civile et réalisée par M. F... , expert agricole, faisait donc ressortir deux types d'abus de confiance commis par M. X... à l'encontre de son employeur : l'utilisation du temps de travail d'une salariée de la société X..., Mme C..., comptable, pour effectuer des prestations au profit des quatre personnes morales dans lesquelles M. X... avait des intérêts, prestations sous-facturées ou non facturées ; la surfacturation des oignons livrés par la société Joli Coeur à la société X... ; qu'ainsi :
- dans le cadre d'une facture en date du 25 juin 2010, d'un montant de 78 648 euros HT adressées à la société X... par la société Joli Coeur, il était constaté par l'expert une surévaluation de 40 % des surfaces cultivées ;
- dans le cadre d'une facture en date du 4 mars 2011 d'un montant de 48 430 euros HT, il était constaté par l'expert une surévaluation de 20 % des surfaces cultivées ; qu'il y avait donc eu une majoration fictive du nombre d'hectares mis en culture : pour 2010 : 48,60 ha au lieu de 34,37 ha réels soit un préjudice de 80 000 euros HT ; pour 2011, 53,10 ha au lieu de 43,90 ha soit un préjudice de 53 000 euros HT ; qu'entendu, M. A..., directeur général qui avait participé à la cession des parts de la société X... G... à Vegetable Seeds et signé la convention entre la société X... et la société Joli Coeur du 28 juin 2005 confiant à une salariée de X... G... les travaux de comptabilité et de secrétariat de la société moyennant un forfait de 1 100 euros par mois (article 7), considérait qu'en 2009 le volet social était bien pris en charge par la société X..., que toutes façons Joli Coeur avait très peu de salariés, que les commissaires aux comptes n'avaient pas relevé d'anomalies ; qu'il résultait cependant de l'audit du cabinet d'expertise comptable de la société X... que depuis 2005 près d'un tiers des travaux comptables étaient réalisés pour des sociétés autres que la société X... ; que Mme C..., comptable de la société X..., témoignait qu'elle faisait aussi la comptabilité des quatre autres sociétés appartenant à M. X... visées à la prévention, qu'elle était sous ses ordres jusqu'à l'arrivée de M. B... et que c'était lui qui lui remettait les factures à enregistrer qu'elle rentrait en comptabilité, n'ayant pas son mot à dire ; qu'entendu à cinq reprises, M. X... donnait plusieurs versions et finissait par reconnaître uniquement les surfacturations d'oignons indiquant « je reconnais que ces factures sont fausses dans leur formalisme même si elles correspondent à une réalité dans l'esprit » ; qu'il affirmait que ce système avait été mis en place à l'initiative de M. D... directeur adjoint pour compenser les dépenses exposées par la société Joli Coeur au bénéfice de la société X..., accusations que ce dernier contestait formellement ; « je n'ai jamais vu ces factures avant que la société X... ne soit reprise par M. B... ; j'avais demandé à M. X... de connaître les facturations mais il ne le voulait pas, je comprends pourquoi il a agi de la sorte » ; qu'il affirmait que sa participation à cette fausse facturation était un tissu de mensonges ; qu'il ajoutait que pour M. X... les commissaires aux comptes étaient « des empêcheurs de tourner en rond, des fouilles merdes et des personnes inutiles qui présentaient des factures à l'entreprise » ; que ce constat était relayé par Mme Brigitte E..., technicienne agricole, qui attestait qu'« il était de notoriété publique qu'il ne fallait pas qu'il y ait d'aides à apporter aux commissaires aux comptes
des consignes verbales ont été données directement par M. X... de ne remettre aucun document aux CAC », et par M. Thierry H... , salarié relatant les accès de colère de M. X... vis-à-vis des commissaires aux comptes « ici on est en pays cathare on n'aime pas les inquisiteurs », lequel lui avait interdit de donner quelque document que ce soit à ces derniers ; que le cabinet de commissariat aux comptes Grant Thornton avait démissionné le 20 avril 2011 et son responsable entendu par les enquêteurs ne corroborait pas les difficultés ni l'entrave évoquées dans l'exercice de ses fonctions ; que des procédure judiciaires croisées intervenaient entre les parties ; que le tribunal de commerce condamnait la société Joli Coeur à verser des indemnités financières à la société X... G... pour 1 294 061 euros et que le tribunal de prud'hommes de Carcassonne condamnait la société X... G... à verser des indemnités financières à la société Joli Coeur pour 231 287, décisions non définitives, la société X... devenue société Alliance Seeds reprochant plus globalement une concurrence déloyale à M. X... dans le cadre de la société Asterasseed dirigée par la compagne de ce dernier et employant d'anciens salariés de la société X... ; que, sur l'action publique, sur la culpabilité, la simple lecture de la convention du 28 juin 2005 suffit à constater qu'elle n'a été signée qu'entre la société X... et la société Joli Coeur ; que si, comme les premiers juges l'ont relevé, le traitement des salaires, au demeurant modeste de la société Joli Coeur, pouvait être inclus dans le forfait comptable facturé à la société X..., au regard également des liens privilégiés entre les deux sociétés, et au regard du fait qu'il y est évoqué le recours à des personnels saisonniers, il n'en est pas de même pour les trois autres structures qui n'ont fait l'objet d'aucune convention ni même information à ce titre à l'égard des nouveaux acquéreurs, Mme C..., comptable, indiquant qu'elle était sous les ordres directs de M. X... tant sur le plan comptable qu'administratif ; qu'en faisant réaliser des prestations administratives, comptables et sociales à leur profit, sans convention, sans facturation et sans accord exprès de sa direction mais au contraire à son insu, au profit de sociétés dans lesquelles il avait des intérêts, M. X... s'est bien rendu coupable d'abus de confiance, et les entités concernés de recel ; que la cour confirmera le jugement de ce chef ; que le fait pour un cadre dirigeant salarié de détourner le temps de travail d'un salarié de l'entreprise pour lui faire effectuer des travaux à des fins personnelles ou au profit de sociétés dans lesquelles il a des intérêts et au détriment de la personne morale qui est son employeur constitue un abus de confiance ; que la cour confirmera la culpabilité de ce chef de M. X... et du chef de recel la société Maraichage du Razès, la société Garrabelle Energie et le groupement d'employeurs Viti-Sem ; que, sur la peine, M. X..., bien qu'ayant vendu ses actions en 2000, est resté seul maître à bord de son ancienne société, bénéficiant d'un contrat de travail qui lui laissait une totale autonomie, ce que confirment aussi les auditions de l'ensemble des salariés ; que, compte tenu des montants en cause, de la mauvaise foi du prévenu qui n'a pas hésité à mettre en cause M. D..., directeur adjoint, qui était sous ses ordres et n'avait aucun intérêt personnel à ce montage, la cour portera à quatre mois la peine d'emprisonnement assorti d'un sursis simple et confirmera les amendes prononcées concernant les autres prévenues ;

"et aux motifs adoptes qu'il n'est pas contesté que Mme C..., comptable, effectuait aussi des prestations au profit :
- de la société Maraichage du Razès (2 090 écritures d'avril 2007 à mars 2011 selon la société X..., pièce 8 de la société X... / quelques dizaines de factures selon les explications de M. X... à l'audience), - du groupement d'employeurs Viti-Sem (1 452 écritures de janvier 2008 à décembre 2010 selon la société X..., pièce 8 de la société X... / 12 bulletins de salaires selon les explications de M. X... à l'audience), - de la société Garrabelle Energie (137 écritures d'octobre 2009 à décembre 2011 selon la société X..., pièce 8 de la société X... / presque rien selon les explications de M. X... à l'audience) ; qu'il n'est pas contesté que ces prestations n'étaient pas facturées ; qu'elles ne sont pas incluses dans la convention du 28 juin 2005, ne prévoyant la réalisation de prestations comptables qu'au profit de la société Joli Coeur ; que M. X... explique ces prestations par le fait que l'activité de ces structures se rattache à celle de la société Joli Coeur : la société Maraichage du Razès est une filiale de la société Joli Coeur, la société Garrabelle Energie exploite le toit de la société Joli Coeur, la société Joli Coeur est le plus gros employeur du groupement d'employeurs Viti-Sem ; qu'en l'absence de toute convention prévoyant expressément la réalisation de prestations comptables et de secrétariat au profit de ces personnes morales distinctes de la société Joli Coeur, le fait pour M. X..., fondateur et directeur général de la société X..., d'enjoindre à la comptable de la société X... d'effectuer, pendant son travail, des travaux au profit de sociétés distinctes dans lesquels il a des intérêts, est constitutif d'un abus de confiance au sens de l'article 314-1 du code pénal, et le recel peut être reproché à ces personnes morales ;

"1°) alors que l'abus de confiance n'est caractérisé qu'en cas de détournement, par le prévenu, de fonds, de valeurs ou d'un bien quelconque qui lui ont été remis ; que le temps de travail d'un salarié d'une entreprise ne constitue ni des fonds, ni des valeurs ni un bien susceptible d'être remis au dirigeant de l'entreprise ; qu'en considérant que le fait pour un cadre dirigeant salarié de détourner le temps de travail d'un salarié de l'entreprise pour lui faire effectuer des travaux à des fins personnelles ou au profit de sociétés dans lesquelles il a des intérêts et au détriment de la personne morale qui est son employeur constituait un abus de confiance, la cour d'appel a violé les textes susvisés et méconnu le principe de légalité des délits et des peines ;

"2°) alors que M. X... faisait valoir que les prestations comptables réalisées au profit du groupement d'employeurs Viti-Sem se limitaient à 12 bulletins de salaire chaque année pour le seul salarié du groupement et avaient été effectuées, non pas par Mme C..., mais par le cabinet d'expertise Séverac ; qu'il versait au débat les notes d'honoraires de ce dernier ; qu'en déclarant M. X... coupable d'avoir détourné le temps de travail de Mme C... au bénéfice du groupement d'employeurs Viti-Sem, et ce dernier coupable de recel d'abus de confiance, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les prestations comptables n'avaient pas, en réalité, été réalisées par le cabinet d'expertise Severac, la cour d'appel n'a pas légalement justifié son arrêt ;

"3°) alors que M. X... faisait valoir que la société Garrabelle Energie n'avait commencé son activité qu'après sa propre éviction de la société X... et qu'il n'avait donc pas sollicité la comptable pour réaliser quelque facture que ce soit au profit de cette société, la première facture ayant été édité six mois après son départ et postérieurement à la date de fin de prévention ; qu'en déclarant M. X... coupable d'avoir détourné le temps de travail de Mme C... au bénéfice de la société Garrabelle Energie, et cette dernière coupable de recel d'abus de confiance, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, compte tenu de la date de début d'activité de la société Garrabelle Energie, la comptable avait été en mesure de réaliser des factures au profit de cette société, la cour d'appel n'a pas légalement justifié son arrêt" ;

Sur le premier moyen additionnel de cassation, pris de la violation des articles 7 de la Convention des droits de l'homme , 111-4 et 314-1 du code pénal, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... et les sociétés Maraichage du Razès (devenue Innovaseed) et Garrabelle Energie et le groupement d'employeurs Viti-Sem coupables de recel d'abus de confiance et les a condamnés de ces chefs ;

"aux motifs énoncés dans le mémoire ampliatif ;

"1°) alors que l'abus de confiance est constitué par un détournement, au préjudice d'autrui, des fonds, valeurs ou bien remis à titre précaire ; qu'à supposer que le temps de travail d'un salarié puisse être un bien qui puisse faire l'objet d'une remise puis d'un détournement par utilisation abusive à d'autres fins que le contrat de travail, il n'en demeure pas moins que l'employeur en serait alors le possesseur de sorte qu'il ne saurait détourner son propre bien ; qu'en retenant que les travaux effectués par la comptable de la société X..., sur ordre de son employeur, constitueraient un détournement de son temps de travail, et sans par ailleurs relever un quelconque préjudice, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"2°) alors au surplus que le détournement d'un contrat n'est pénalement punissable que s'il porte sur l'écrit le constatant, mais non sur les stipulations qu'il contient ; que la cour d'appel a retenu qu'un contrat avait été conclu le 28 juin 2005 entre la société X... et la société Joli Coeur pour que la comptable de la société X... établisse des travaux de comptabilité et de secrétariat moyennant un forfait mensuel ; que l'exécution de ce contrat avec la société Joli Coeur a amené cette comptable à effectuer des travaux de traitement des salaires au profit des sociétés Maraichage du Razès, Garrabelle Energie et du groupement d'employeurs Viti-Sem, en raison de l'imbrication de ces sociétés avec la société Joli Coeur ; qu'à supposer qu'elle n'ait pas dû prendre en charge ces travaux, cette situation s'inscrivait uniquement dans le cadre de l'exécution d'une prestation de services, d'une relation contractuelle ; qu'en retenant néanmoins un abus de confiance, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"3°) alors que l'usage abusif de la chose confiée est exclusif de tout détournement s'il n'implique pas la volonté du possesseur de se comporter, même momentanément, comme le propriétaire de la chose ; que la cour d'appel n'a pas caractérisé la volonté de M. X... de se comporter comme le propriétaire du bien, lorsqu'il a demandé à la comptable d'exécuter des travaux de sa compétence, au profit de sociétés dont la gestion était imbriquée avec celle de la société Joli Coeur, pour laquelle ces travaux ont été exécutés en vertu d'un contrat de prestation de services" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que pour déclarer M. X... coupable d'abus de confiance par détournement du temps de travail d'une salariée de la société X... au bénéfice des sociétés Maraîchage du Razès et Garrabelle Energie, ainsi que du groupement d'employeurs Viti-Sem, et pour déclarer ces personnes morales coupables de recel d'abus de confiance, l'arrêt énonce que la simple lecture de la convention du 28 juin 2005 suffit à constater qu'elle n'a été signée qu'entre la société X... et la société Joli Coeur, et que si le traitement des salaires de la société Joli Coeur pouvait être inclus dans le forfait comptable facturé à la société X..., il n'en est pas de même pour les trois autres structures qui n'ont fait l'objet d'aucune convention, ni même information à ce titre, la comptable indiquant en outre qu'elle était sous les ordres directs de M. X... ; que les juges relèvent qu'en faisant réaliser des prestations administratives, comptables et sociales à leur profit, sans convention, sans facturation et sans accord exprès de sa direction, mais au contraire à son insu, au profit de sociétés dans lesquelles il avait des intérêts, M. X... s'est bien rendu coupable d'abus de confiance, et les personnes morales concernées de recel ; que la cour d'appel retient que le fait, pour un cadre dirigeant salarié, de détourner le temps de travail d'un salarié de l'entreprise pour lui faire effectuer des travaux à des fins personnelles, ou au profit de sociétés dans lesquelles il a des intérêts, et au détriment de la personne morale qui est son employeur, constitue un abus de confiance ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance et fondées sur l'appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme , des articles 111-4 et 314-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'abus de confiance pour avoir détourné des fonds destinés à l'achat de bulbes d'oignons au moyen de fausses factures, a déclaré la société Joli Coeur coupable de recel d'abus de confiance, en conséquence, a condamné M. X... à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis et la société Joli Coeur à une peine d'amende de 3 000 euros et, statuant sur l'action civile, a condamné M. X... à payer à la société X... la somme de 135 937 euros à titres de dommages et intérêts ;

"aux motifs propres que la société X..., dont le siège est situé à Montréal, créée en avril 2000 et dirigée par M. X..., avait pour objet l'activité de producteur grainier ; qu'elle faisait produire par d'autres agriculteurs les semences à qui elle achetait leurs récoltes, assurant par ailleurs l'intégralité du processus visant à obtenir des lots de semences pour sa clientèle composée essentiellement d'obtenteurs et de distributeurs de semences potagères et ce, grâce à un réseau spécialisé d'agriculteurs multiplicateurs assurant sur leurs parcelles la culture de ces semences ; que, chaque année, l'agriculteur multiplicateur et la société X... arrêtaient une surface de multiplication par espèce ; que son premier fournisseur, notamment en oignons, était la société Joli Coeur, créée également par M. Daniel X... qui en était l'unique associé, la société X... sous-traitant à la société la production et la sélection des bulbes d'oignons et cette dernière facturant chaque année à la société X... une quantité variable de bulbes d'oignons à un tarif fixé à l'hectare ; que M. X... cédait en 2000 les actions de la société X... à la société Aria Grains (Groupe Epis) dirigée par M. Bernard A..., tout en restant directeur général salarié de la société ; que, comme il résulte des termes de son contrat de travail signé le 5 octobre 2004, M. X... gardait une totale indépendance dans la gestion opérationnelle de la société X... ; qu'il avait autorité sur l'ensemble du personnel et bénéficiait d'une délégation de pouvoir générale tant en matière économique, financière que commerciale ; que les relations entre la société X... et la société Joli Coeur étaient gérées par une convention cadre de collaboration signée le 28 juin 2005 par M. A... représentant la société X... et M. X... gérant de la société Joli Coeur ; que, dans le cadre de cette convention, il était prévu des programmes annuels de production et d'expérimentation avec un chiffre annuel de 520 000 euros ; que les prestations diverses et réciproques étaient listées ainsi que la rémunération de Joli Coeur ; que par ailleurs il était prévu qu'une personne salariée de la société X... assure au bénéfice de la société Joli Coeur les travaux de comptabilité et de secrétariat facturés sur la base d'un forfait trimestriel ; que M. X... continuait à être le dirigeant et/ou associé de trois autres structures :
- la société Maraichage du Razès, filiale de Joli Coeur à 99 %, produisait des melons puis des tomates, son associé principal étant M. X... ;
- la société Garrabelle Energie exploite des panneaux photovoltaïques sur un bâtiment de la société Joli Coeur, son président étant Daniel X... ;
- le groupement d'employeurs Viti-Sem est un groupement de trois employeurs dont le plus important est la société Joli Coeur ; que la société Aria Grains revendait ses actions le 24 février 2011 à la société Vegetable Seeds dirigée par M. Frédéric B... pour la somme de 1,9 millions d'euros ; que M. B... devenu PDG de la société X... en octobre 2011 faisait faire un audit d'acquisition et constatait à cette occasion que M. X... avait effectué une sous-facturation des prestations commerciales entre la société X... au profit de la société Joli Coeur, puisqu'il y avait inclus des prestations sociales ne figurant pas à la convention et qu'il avait de plus fait prendre en charge gratuitement et sans facturation par la société X... les prestations comptables, administratives et sociales au bénéfice de sociétés tierces visées à la prévention et dans lesquelles il avait des intérêts directs ; qu'enfin, il apparaissait de l'expertise réalisée par M. F... qu'il avait dans le même temps surfacturé la production de bulbes d'oignons toujours au détriment de la société X... devenue société Vegetable Seeds ; qu'à la suite de la découverte de ces faits, M. X... était licencié pour faute lourde ; que, par jugement du 29 août 2013, le conseil de prud'hommes confirmait le licenciement ; que M. B..., nouveau président, déposait plainte pour abus de confiance ; que l'expertise diligentée par la partie civile et réalisée par M. F... , expert agricole, faisait donc ressortir deux types d'abus de confiance commis par M. X... à l'encontre de son employeur : l'utilisation du temps de travail d'une salariée de la société X..., Mme C..., comptable, pour effectuer des prestations au profit des quatre personnes morales dans lesquelles M. X... avait des intérêts, prestation sous facturées ou non facturées ; la surfacturation des oignons livrés par la société Joli Coeur à la société X... ; qu'ainsi : - dans le cadre d'une facture en date du 25 juin 2010, d'un montant de 78 648 euros HT adressées à la société X... par la société Joli Coeur, il était constaté par l'expert une surévaluation de 40 % des surfaces cultivées ;
- dans le cadre d'une facture en date du 4 mars 2011 d'un montant de 48 430 euros HT, il était constaté par l'expert une surévaluation de 20 % des surfaces cultivées ; qu'il y avait donc eu une majoration fictive du nombre d'hectares mis en culture : pour 2010 : 48,60 ha au lieu de 34,37 ha réels soit un préjudice de 80 000 euros HT ; pour 2011, 53,10 ha au lieu de 43,90 ha soit un préjudice de 53 000 euros HT ; qu'entendu, M. A..., directeur général qui avait participé à la cession des parts de la société X... G... à Vegetable Seeds et signé la convention entre la société X... et la société Joli Coeur du 28 juin 2005 confiant à une salariée de X... G... les travaux de comptabilité et de secrétariat de la société moyennant un forfait de 1 100 euros par mois (article 7), considérait qu'en 2009 le volet social était bien pris en charge par la société X..., que toutes façons Joli Coeur avait très peu de salariés, que les commissaires aux comptes n'avaient pas relevé d'anomalies ; qu'il résultait cependant de l'audit du cabinet d'expertise comptable de la société X... que depuis 2005 près d'un tiers des travaux comptables étaient réalisés pour des sociétés autres que la société X... ; que Mme C..., comptable de la société X..., témoignait qu'elle faisait aussi la comptabilité des quatre autres sociétés appartenant à M. X... visées à la prévention, qu'elle était sous ses ordres jusqu'à l'arrivée de M. B... et que c'était lui qui lui remettait les factures à enregistrer qu'elle rentrait en comptabilité, n'ayant pas son mot à dire ; qu'entendu à cinq reprises, M. X... donnait plusieurs versions et finissait par reconnaître uniquement les surfacturations d'oignons indiquant « je reconnais que ces factures sont fausses dans leur formalisme même si elles correspondent à une réalité dans l'esprit » ; qu'il affirmait que ce système avait été mis en place à l'initiative de M. D... directeur adjoint pour compenser les dépenses exposées par la société Joli Coeur au bénéfice de la société X..., accusations que ce dernier contestait formellement ; « je n'ai jamais vu ces factures avant que la société X... ne soit reprise par M. B... ; j'avais demandé à M. X... de connaître les facturations mais il ne le voulait pas, je comprends pourquoi il a agi de la sorte » ; qu'il affirmait que sa participation à cette fausse facturation était un tissu de mensonges ; qu'il ajoutait que pour M. X... les commissaires aux comptes étaient « des empêcheurs de tourner en rond, des fouilles merdes et des personnes inutiles qui présentaient des factures à l'entreprise » ; que ce constat était relayé par Mme E..., technicienne agricole, qui attestait qu'« il était de notoriété publique qu'il ne fallait pas qu'il y ait d'aides à apporter aux commissaires aux comptes
des consignes verbales ont été données directement par M. X... de ne remettre aucun document aux CAC », et par M. H... , salarié relatant les accès de colère de M. X... vis-à-vis des commissaires aux comptes « ici on est en pays cathare on n'aime pas les inquisiteurs », lequel lui avait interdit de donner quelque document que ce soit à ces derniers ; que le cabinet de commissariat aux comptes Grant Thornton avait démissionné le 20 avril 2011 et son responsable entendu par les enquêteurs ne corroborait pas les difficultés ni l'entrave évoquées dans l'exercice de ses fonctions ; que des procédure judiciaires croisées intervenaient entre les parties ; que le tribunal de commerce condamnait la société Joli Coeur à verser des indemnités financières à la société X... G... pour 1 294 061 euros et que le tribunal de prud'hommes de Carcassonne condamnait la société X... G... à verser des indemnités financières à la société Joli Coeur pour 231 287, décisions non définitives, la société X... devenue société Alliance Seeds reprochant plus globalement une concurrence déloyale à M. X... dans le cadre de la société Asterasseed dirigée par la compagne de ce dernier et employant d'anciens salariés de la société X... ; que, sur l'action publique, sur la culpabilité, s'agissant de la surfacturation des oignons livrés par la société Joli Coeur à la société X..., les faits ne sont pas contestés par l'intéressé qui ne peut à aucun titre justifier ses agissements par une compensation dont ni le principe ni les montants ne sont établis ; qu'en tout état de cause, ces facturations constituent un habillage comptable de nature à tromper l'employeur et à préjudicier aux intérêts de la société X... ; que M. X... évalue sans en rapporter la preuve à 125 000 euros les prestations réalisées par la société Joli Coeur qui n'auraient pas été rémunérées par la société X... ; qu'aucune mise en demeure, aucune réclamation ne vient conforter cette version alors que la convention de 2005 est au contraire extrêmement claire et précise sur les prestations effectuées par la société Joli Coeur et sur les modalités de règlement de la société X... ; que la cour confirmera également l'appréciation du tribunal correctionnel de ce chef, l'infraction, reconnue, étant constituée dans tous ses éléments ; que, sur la peine, M. X..., bien qu'ayant vendu ses actions en 2000, est resté seul maître à bord de son ancienne société, bénéficiant d'un contrat de travail qui lui laissait une totale autonomie, ce que confirment aussi les auditions de l'ensemble des salariés ; que, compte tenu des montants en cause, de la mauvaise foi du prévenu qui n'a pas hésité à mettre en cause M. D..., directeur adjoint, qui était sous ses ordres et n'avait aucun intérêt personnel à ce montage, la cour portera à quatre mois la peine d'emprisonnement assorti d'un sursis simple et confirmera les amendes prononcées concernant les autres prévenues ;

"et aux motifs adoptés que M. X... ne conteste pas cette surfacturation, pour les années de récolte 2010 et 2011 ; que l'expertise de M. F... , ingénieur agricole expert auprès de la cour d'appel de Toulouse, établit :
- en ce qui concerne la facture du 25 juin 2010 (pièce 10 de la société X...), 48,60 hectares facturés au prix de 5 800 euros HT l'hectare, pour 35,04 hectares de production réellement vendue, soit une différence de 13,56 hectares, représentant une valeur de 78 648 euros HT ;
- en ce qui concerne la facture du 4 mars 2011 (pièce 12 de la société X...), 53,10 hectares facturés au prix de 5 800 euros HT l'hectare, pour 44,75 hectares de production réellement vendue, soit une différence de 8,35 hectares, représentant une valeur de 48,43 euros HT ; que M. X... indique que cette surfacturation a été suggérée par M. D..., directeur adjoint auparavant et directeur général désormais pour compenser notamment :
- des mises à disposition de matériel par la société Joli Coeur au profit de la société X..., non facturées,
- le fait que la société Joli Coeur adapte sa production aux souhaits de la société X..., à son détriment,
- le paiement différé des factures de la société Joli Coeur ;
qu'il évalue ces services non facturés à la somme approximative de 125 000 euros, proche de la surfacturation des oignons, d'une valeur globale de 127 078 euros, telle qu'elle résulte du rapport d'expertise ; que M. D... conteste avoir suggéré cette surfacturation ; qu'en toute hypothèse, le paiement par la société X... de prestations ou services effectués par la société Joli Coeur devait faire l'objet d'un accord entre les parties, dont M. X... a au demeurant précisé qu'il n'avait pu être obtenu, et ne pouvait pas être imposé par l'établissement de fausses factures ; qu'en faisant payer ces factures mensongères par la comptable de la société X..., M. X..., fondateur et directeur général de la société X..., s'est rendu coupable d'abus de confiance et la société Joli Coeur de recel ;

"alors que l'abus de confiance n'est caractérisé qu'en cas de détournement, par le prévenu, de fonds, de valeurs ou d'un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'il a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ; que le seul fait, pour le dirigeant salarié d'une entreprise, de faire régler par son employeur des prestations surfacturées, au bénéfice d'une société dont il est le gérant, ne constitue pas un détournement des fonds de l'entreprise ; qu'en considérant que la surfacturation des bulbes d'oignons livrés par la société Joli Coeur à la société X... constituait un abus de confiance, la cour d'appel a violé les textes susvisés et méconnu le principe de légalité des délits et des peines" ;

Sur le deuxième moyen additionnel de cassation, pris de la violation de l'article 7 de la Convention des droits de l'homme, des articles 111-4 et 314-1 du code pénal, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'abus de confiance et la société Joli Coeur coupable de recel d'abus de confiance et les a condamnés de ces chefs ;

"aux motifs énoncés sous le deuxième moyen dans le mémoire ampliatif ;

"1°) alors que l'abus de confiance ne peut porter que sur des fonds, valeurs ou biens reçus à titre précaire ; que la cour d'appel n'a pas caractérisé la remise par la société X... de biens remis à titre précaire ;

"2°) alors que l'usage abusif de la chose confiée est exclusif de tout détournement s'il n'implique pas la volonté du possesseur de se comporter, même momentanément, comme le propriétaire de la chose ; que la cour d'appel n'a pas caractérisé la volonté de M. X... de se comporter comme le propriétaire du bien qui aurait été détourné" ;

Attendu que pour déclarer M. X... coupable d'abus de confiance pour avoir détourné des fonds destinés à l'achat de bulbes d'oignons au moyen de fausses factures, et déclarer la société Joli Coeur coupable de recel d'abus de confiance, l'arrêt énonce que s'agissant de la surfacturation des oignons livrés par la société Joli Coeur à la société X..., les faits ne sont pas contestés par l'intéressé, qui ne peut à aucun titre justifier ses agissements par une compensation dont ni le principe, ni les montants, ne sont établis ; que les juges ajoutent qu'en tout état de cause, ces facturations constituent un habillage comptable de nature à tromper l'employeur et à préjudicier aux intérêts de la société X... ;

Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que le fait, pour le dirigeant salarié d'une entreprise, de disposer des fonds de celle-ci, qui lui étaient seulement confiés dans le cadre de ses fonctions pour être utilisés conformément à l'intérêt de son l'employeur, afin de payer des marchandises à un prix excessif, au profit d'une autre société dont il est le dirigeant, en ayant recours à une fausse facturation, caractérise dans tous ses éléments le délit d'abus de confiance, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme , des articles 515 et 591 du code de procédure pénale et du principe de loyauté procédurale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis ;

"1°) alors que si le ministère public conclut à la relaxe, il est réputé s'est désisté de son appel ; qu'en élevant de deux à quatre mois la peine d'emprisonnement avec sursis prononcée à l'encontre de M. X..., malgré la relaxe requise par le ministère public lors de l'audience du 13 décembre 2016, la cour d'appel a violé les textes et principe susvisés ;

"2°) alors qu'en tout état de cause, le droit à un procès équitable et le principe de loyauté procédurale s'opposent à ce que, saisi d'un appel du ministère public contre un jugement de condamnation, le juge pénal puisse élever la peine prononcée par les premiers juges si le ministère public conclut à la relaxe ; qu'en élevant de deux à quatre mois la peine d'emprisonnement avec sursis prononcée à l'encontre de M. X..., malgré la relaxe requise par le ministère public lors de l'audience du 13 décembre 2016, la cour d'appel a violé les textes et principe susvisés" ;

Attendu que, sur appel principal de M. X... et appel incident du ministère public, la cour d'appel a porté à quatre mois d'emprisonnement avec sursis la peine prononcée contre M. X... ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que d'une part, il ne ressort d'aucune énonciation de l'arrêt que le ministère public aurait requis la relaxe de M. X... devant la cour d'appel, d'autre part en application de l'article 515 du code de procédure pénale, la cour d'appel, saisie du recours du ministère public contre un jugement de condamnation, peut élever les peines prononcées par les premiers juges, quelles que soient les réquisitions prises à l'audience par le représentant du ministère public, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen ;

Que dès lors le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize janvier deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-81136
Date de la décision : 16/01/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 08 février 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 jan. 2019, pourvoi n°17-81136


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Monod, Colin et Stoclet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.81136
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