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16/01/2019 | FRANCE | N°15-82333

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 janvier 2019, 15-82333


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

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L'administration des douanes, partie poursuivante,
L'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer(France Agrimer), partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 13 mars 2015, qui , dans la procédure suivie contre MM. Hubert X..., Jean-Luc Y..., Jean Z..., Alain A..., Jean-Pierre B..., Marcel C..., Jean-Paul D..., Jean E... et Patrice F..., a relaxé les deux premiers du délit

douanier de manoeuvres ou fausses déclarations ayant pour but d'obtenir un avanta...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

-
-
L'administration des douanes, partie poursuivante,
L'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer(France Agrimer), partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 13 mars 2015, qui , dans la procédure suivie contre MM. Hubert X..., Jean-Luc Y..., Jean Z..., Alain A..., Jean-Pierre B..., Marcel C..., Jean-Paul D..., Jean E... et Patrice F..., a relaxé les deux premiers du délit douanier de manoeuvres ou fausses déclarations ayant pour but d'obtenir un avantage à l'exportation et les sept autres, pour complicité de ce délit et débouté France Agrimer de ses demandes ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 21 novembre 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, M. G..., conseiller rapporteur, Mmes de la Lance, Planchon, M. Larmanjat, Mme Zerbib, MM. d'Huy, Wyon, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, M. Ascensi, Mme Fouquet, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. H... ;

Greffier de chambre : MMe Darcheux ;

Sur le rapport de M. le conseiller G..., les observations de la société civile professionnelle MEIER-BOURDEAU et LÉCUYER et de la société civile professionnelle BORÉ, SALVE DE BRUNETON et MÉGRET, de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU et de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et BOUCARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général H... ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Vu l'arrêt de la chambre criminelle du 23 novembre 2016, renvoyant à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle et ayant sursis à statuer sur les pourvois jusqu'à la décision de cette dernière;

Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 7 août 2018 (n° C 115/17) ) statuant sur la question préjudicielle ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour l'administration des douanes, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, du règlement CEE n°1964/82 de la Commission du 20 juillet 1982, du règlement CE de la Commission n°1359/2007 du 21 novembre 2007, du règlement CEE n°1713/2006 du 20 novembre 2006, des articles 398, 399, 407, 414, 426-4, 430, 432bis et 435 du code des douanes, des articles 121-6, 121-7 du code pénal et des articles 427, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a confirmé le jugement ayant renvoyé MM. Hubert X..., Jean-Luc Y..., Alain A..., Jean-Paul D..., Patrice F..., Jean-Pierre B..., Jean-Jacques Z..., Jean-Pierre E... et Marcel C... des fins de la poursuite ;

"aux motifs que la prévention vise des fausses déclarations ou l'accomplissement de manoeuvres ayant pour effet d'obtenir, en tout ou partie, un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage quelconque attachés à l'exportation, à savoir la transmission aux autorités douanières de déclarations supportant de fausses mentions se rapportant, notamment, à l'état frais ou congelé de la viande exportée et à la nature des morceaux, ainsi que le bris ou l'apposition frauduleux de scellés, le reconditionnement des marchandises, le recours à des procédés destinés à déjouer les contrôles des services douaniers, pour obtenir le versement de restitutions communautaires d'un montant de 139 286 961, 18 francs (21 234 160,35 euros) ; que le texte d'incrimination est l'article 426-4 du code des douanes qui vise les « fausses déclarations ou manoeuvres frauduleuses ayant pour but ou pour effet d'obtenir, en tout ou partie, un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage quelconque attaché à l'importation ou à l'exportation, à l'exclusion des infractions aux règles de qualité ou de conditionnement lorsque ces infractions n'ont pas pour but ou pour effet d'obtenir un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage financier » ; que la période globale de prévention sont les années 1987, 1988, 1989, 1990, 1991 et 1992 ; que le règlement CEE n°1964/82 de la Commission du 20 juillet 1982 arrêtant les conditions d'octroi de restitutions particulières à l'exportation pour certaines viandes bovines désossées, régissant la matière au moment des faits, a fait l'objet de six modifications successives, en 1987, 1997, 1999, juillet 2000, décembre 2000 et, en dernier lieu, le 20 novembre 2006 ; que la Commission européenne ayant souhaité codifier le texte dans un souci de clarté et de rationalité, est intervenu le règlement CE de la commission n°1359/2007 du 21 novembre 2007 arrêtant les conditions d'octroi de restitutions particulières à l'exportation pour certaines viandes bovines désossées, qui a procédé à cette codification et abrogé le règlement n°1964/82 du 20 juillet 1982 ; que le règlement CEE n°1964/82 du 20 juillet 1982 admettait au bénéfice des restitutions particulières les morceaux désossés provenant des quartiers arrières de gros bovins mâles selon une découpe de carcasse à 9 côtes ou paires de côtes au maximum, emballés individuellement et exportés dans leur totalité sauf cas très spécifiques ; que le règlement CEE n°1713/2006 du 20 novembre 2006 a supprimé le préfinancement des restitutions à l'exportation en ce qui concerne les produits agricoles ; que le règlement CE n°1359/2007 du 21 novembre 2007 admet au bénéfice des restitutions particulières, les morceaux désossés provenant des quartiers avants et arrières de gros bovins mâles selon une découpe de carcasse dite « droite ou pistola » à 8 côtes ou paires de côtes au maximum, emballés individuellement, présentant une teneur moyenne en viande maigre de 55% ou plus, et exportés dans leur totalité sauf cas très spécifiques ; que les critères à retenir pour définir le droit résultent de règlements communautaires pris pour l'application des traités instituant la communauté ; qu'ils ont en droit interne, non pas une valeur réglementaire, mais une valeur supérieure à celle de la loi nationale ; que les principes régissant l'application de la loi pénale dans le temps imposent, par conséquent, de faire application en la matière des dispositions nouvelles moins sévères, dans la mesure où l'infraction considérée n'a pas donné lieu à une condamnation passée en force de la chose jugée et où les textes nouveaux ne prévoient pas de modalités différentes pour leur application ; que l'exigence d'un « état frais ou réfrigéré » est la seule exigence commune aux textes européens successifs ; que c'est le premier critère qu'a retenu en l'espèce l'administration des douanes pour caractériser l'infraction, en considérant que la viande était déjà congelée à son arrivée en entrepôt d'exportation avec préfinancement des restitutions, donc avant la demande d'avance sur restitution lors de sa mise sous douane, et contrairement aux mentions portées sur les COM7 ; que la réglementation européenne concernant les conditions d'entreposage de la viande bovine fixait l'état congelé des viandes après la découpe à « une température interne égale ou inférieure à -12°C et précisait que les viandes fraîches devaient être « refroidies et être maintenues à une température interne maximale de 7°C pour les carcasses et leurs morceaux », sans précision de la température minimale pour que la viande continue à être considérée comme « refroidie » (directive du Conseil de l'Europe 64/433 du 26 juin 1964) ; que les notes explicatives du tarif douanier définissaient à l'époque l'état « frais » comme l'état naturel, même saupoudré de sel en vue d'assurer la conservation pendant la durée du transport, l'état « réfrigéré » comme « l'état refroidi, généralement jusqu'aux environs de 0° C sans entraîner la congélation », l'état « « congelé » comme « l'état refroidi au-dessous du point de congélation jusqu'à la congélation à coeur » ; que non seulement ces éléments ne permettent pas de déterminer les critères exacts de température définissant l'état frais d'une viande au sens des textes communautaires considérés, mais il est fait référence à la « température interne » de la viande, dont le contrôle pour être exact suppose l'utilisation d'une sonde, dont il est établi que les douaniers ne disposaient pas à l'époque ; qu'ainsi qu'ils l'expliquent, les agents des douanes procédaient empiriquement au contrôle de l'état de la viande en surface au toucher, selon qu'elle était dure ou souple ; que la marchandise était en tout état de cause découpée et conditionnée au moment du contrôle douanier puisque la découpe était faite à une température interne de +7°C et ne pouvait se faire sur une viande congelée ; que le contrôle, lorsqu'il avait lieu, était donc effectué en appliquant le pouce de la main en surface d'une marchandise emballée en cartons ; qu'en l'absence de toute constatation sur place dans les entrepôts de la société Gel au large ou la société X..., ce qui aurait été possible et efficace compte tenu de la durée de la prévention et de la date à laquelle la procédure a été ouverte, il n'est pas démontré de façon certaine que les viandes litigieuses devaient être considérées comme congelées au sens de la réglementation lorsqu'elle sont entrées dans l'entrepôt douanier ; que le logiciel de comptabilité de la société Gel au large facturait automatiquement le coût de la congélation pour toute viande entrant en entrepôt ; que le cahier tenu par M. Alain I... sur une partie de la période de prévention servait à signaler les viandes entrant déjà congelées à l'entrepôt afin d'établir, au profit de l'exportateur, des avoirs correspondant au prix de la congélation qui n'avait pas été effectuée ; qu'il résulte de l'enquête que ce cahier, qui n'a pas été renseigné pour la période de juin 1988 à juin 1989 et ne l'a plus été à compter de juin 1990, mentionnait toutes sortes de morceaux de viande n'ouvrant pas nécessairement droit à « restitution particulière » et pouvant sans fraude être entrées congelées dans l'entrepôt, lequel conservait une activité privée et n'entreposait pas que les arrières de gros bovins mâles ; que l'existence de ce cahier, en elle-même, ne permet pas de conclure à un lien exclusif entre les marchandises entrées congelées sur une période relativement restreinte et les marchandises en cause dans l'infraction actuellement poursuivie ; qu'en outre, si le code « 1 » ou «2 » figurant sur certains des documents transmis à M. Jean-Pierre B... confirme l'existence de deux traitements comptables différents selon l'état de la viande à l'entrée en entrepôt, il n'est pas démontré que cette pratique concernait ou visait uniquement des viandes destinées à l'exportation avec préfinancement des restitutions européennes concernées par la procédure actuelle, étant ajouté qu'il existait d'autres cas de restitution, pour d'autres morceaux de viande, qui n'étaient pas soumis aux mêmes règles ; qu'il sera d'ailleurs précisé que la crainte d'un contrôle douanier était toute relative, puisque de tels contrôles étaient quasiment inexistants jusqu'en 1991 et que ce n'est qu'à partir de cette date que la communauté européenne a imposé aux douanes le contrôle physique de la marchandise avant la certification par les agents des COM7 et ce, de surcroît, dans une proportion de 5% au minimum du total de la marchandise ; qu'en ce qui concerne l'utilisation des pinces et plombs de l'OFIVAL, les constatations matérielles des enquêteurs n'ont porté que sur sept plombs découverts lors de la perquisition du 29 janvier 1991, dans les locaux de la société Gel au large ; que, pour le surplus, il n'existe que les déclarations, d'ailleurs pas toujours concordantes, de certains des prévenus et d'employés des sociétés en cause, auxquels il n'a pas été demandé de préciser les circonstances exactes de ce qu'ils avaient vu ; qu'en l'absence de toute confrontation entre les différents protagonistes, il apparaît que la présence de plombs dans l'entrepôt de stockage et l'utilisation, avérée, de pinces et de plombs par les salariés de Gel au large ou de la société X... pouvait tout aussi bien relever d'une assistance aux agents de l'office, dont les moyens en personnel étaient insuffisants, et qui ne pouvaient dans le temps qui leur était imparti, apposer tous les plombs sur les colis, pouvant se chiffrer en centaines, et établir également les documents ; que c'est d'ailleurs ce qui a été reconnu par des employés de l'OFIVAL (MM. Jean Z... et Jean-Pierre E...) qui ont parlé d'un plombage effectué « sous le contrôle » de l'agent de l'office et non pas « par » l'agent de l'office ; que s'il résulte de cette situation que dans la pratique il existait des arrangements avec la législation et que le matériel certificateur de l'OFIVAL était manipulé par d'autres que ses agents, voire avec un certain laxisme, il ne s'en déduit pas nécessairement une intention de fraude, sachant qu'en tout état de cause les agents des douanes pouvaient toujours ouvrir les cartons pour vérifier la nature de la viande qu'ils contenaient ; que l'administration des douanes ayant fait état d'autres moyens de fraude à la même réglementation par les mis en cause, sur la commission rogatoire du 15 février 1995, les agents des douanes, dans leur rapport de mai 1997, ont établi ce qu'ils dénommaient une « preuve documentaire » de l'infraction, c'est-à-dire rapportée au terme d'une analyse sur pièces, par rapprochement des mentions portées sur les déclarations douanières d'entrée COM7 et de sortie EX1 ; que le rapport a mis en évidence des incohérences induisant, selon les enquêteurs, la substitution de certains morceaux de viande par d'autres morceaux, voire l'absence de certaines pièces de viande déclarées ; que toutefois, ce rapport, intervenu six ans après le début de la procédure, qui est un examen sur pièces, sans vérifications matérielles ni auditions supplémentaires des mis en cause et représente trois tomes du dossier, a été avalisé en tant que tel par le juge d'instruction ; que celui-ci, bien que devant instruire à charge et à décharge, ne l'a jamais soumis à la contradiction des mis en examen, lesquels n'ont jamais été interrogés sur les critères d'analyse retenus par le service des douanes et n'ont pu en discuter les conclusions ; que devant le tribunal, comme devant la cour, les prévenus ont formellement contesté les énonciations et les conclusions de ce rapport, notamment celles relatives au taux de rendement moyen par animal, aux modalités de découpe variables selon les clients et à la réglementation applicable ; qu'ils ont également fait valoir que le service des douanes avait, selon les termes du rapport, effectué 42 contrôles physiques dans l'entrepôt douanier sans avoir relevé la moindre anomalie ; que leurs contestations sur des points techniques auraient dû être suscitées et faire l'objet d'investigations lors de l'information ; qu'il s'ensuit qu'en l'état du dossier, que ce soit au regard de l'élément matériel, comme de l'élément intentionnel, voire de l'élément légal, la preuve de la culpabilité des prévenus n'est pas établie avec la certitude exclusive de tout doute nécessaire pour les retenir dans les liens de la prévention ; que les faits ont été portés à la connaissance de l'autorité judiciaire à l'issue de l'audition de M. Jean-Pierre B... le 22 novembre 1990 dans le cadre d'une instruction distincte ; que le réquisitoire introductif est intervenu le 21 décembre 1990 ; que l'information judiciaire a été clôturée le 25 mai 2010 par arrêt de la chambre de l'instruction, après avoir été suivie par sept juges d'instruction différents ; qu'elle a donc duré près de vingt ans ; que trois ans supplémentaires ont été nécessaires pour qu'un jugement intervienne, le 14 février 2013 ; qu'au jour où la cour statue, sa durée a atteint près de vingt-cinq ans ; que l'examen de la chronologie et du fond du dossier ne met pas en évidence d'abus de procédure, notamment d'appel, de la part des prévenus, certaines de leurs contestations ayant été admises sur recours en cours d'instruction et la durée pour voir juger leurs recours ne leur étant pas imputable ; que le temps écoulé a été un facteur accroissant la complexité de l'affaire, tant par l'évolution de la réglementation, que par le dépérissement des preuves matérielles qu'il a rendu possibles ; que la plupart des prévenus, entendus en 1991 ou 1992 n'ont plus entendu parler du dossier jusqu'en 2006, date à laquelle il a encore été procédé à des mises en examen, quatorze ans après les faits ; que surtout, les poursuites reposent essentiellement sur les déclarations de MM. Jean-Pierre B... et d'Alain I..., lesquels n'ont jamais été confrontés aux personnes qu'ils ont mises en cause ; que de la même façon et plus généralement, aucun des prévenus actuels n'a été confronté à ceux qui le mettaient en cause, même lorsqu'il contestait ; que ces lacunes graves de la procédure ne peuvent être comblées par des actes de procédure supplémentaires intervenant vingt-cinq ans après, et ce d'autant, que la cour ne peut procéder à aucune vérification sur pièces, compte tenu de la perte des scellés ; qu'ainsi que l'ajustement relevé le premier juge, si la juridiction de jugement doit apprécier les charges qui sont réunies à l'encontre d'un prévenu, et, au besoin, ordonner des investigations complémentaires, elle ne peut reprendre l'instruction depuis le début, surtout, lorsque matériellement, du fait du temps anormal écoulé et du dépérissement de la preuve qui en est résulté, elle n'est pas matériellement en mesure de le faire utilement ; que le respect des droits de la défense et la nécessité de juger dans un délai raisonnable font obstacle à toute nouvelle investigation, de surcroît vouée à l'échec, et, sans qu'il soit besoin de s'interroger sur l'éventuelle prescription partielle des faits, conduisent, dans les limites de l'appel, à confirmer la relaxe prononcée par le premier juge ;

"1°) alors que la Cour de justice de l'Union européenne dit pour droit que les notes explicatives du conseil de coopération douanière peuvent être utilisées pour interpréter les termes du tarif douanier commun ; que selon le Conseil de coopération douanière, devenu l'Organisation mondiale des douanes, il y a lieu d'entendre par produit frais, un produit à l'état naturel, même saupoudrés de sel en vue d'assurer la conservation pendant la durée du transport, par produit congelé un produit refroidi au-dessous de son point de congélation et par produit réfrigéré, un produit dont la température a été abaissée sans entraîner sa congélation ; qu'en affirmant que les notes explicatives du tarif douanier définissant à l'époque l'état « frais » comme l'état naturel, même saupoudré de sel en vue d'assurer la conservation pendant la durée du transport, l'état « réfrigéré » comme « l'état refroidi, généralement jusqu'aux environs de 0° C sans entraîner la congélation », l'état « « congelé » comme « l'état refroidi au-dessous du point de congélation jusqu'à la congélation à coeur » ne permettaient pas de déterminer les critères exactes de températures définissant l'état de frais d'une viande au sens des textes communautaires considérés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2°) alors que tout arrêt doit comporter des motifs propres à justifier sa décision ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que M. Jean-Pierre B... avait affirmé au juge d'instruction qu'à partir de 1985, il lui avait été demandé d'éviter que certains lots soient vérifiés par les douanes et qu'il avait ainsi accepté de déclarer l'entrée dans les entrepôts de l'entreprise Gel au Large de morceaux de viande provenant des établissements X... qui étaient déjà congelés, que son successeur, M. Michel J... avait déclaré aux enquêteurs que celui-ci lui avait avoué à plusieurs reprises qu'il contournait les exigences des services des douanes en déclarant faussement comme fraîche de la viande qui avait été congelée et qu'il était prévenu de l'arrivée d'un lot frauduleux par un télex codé des établissements X..., que M. Alain I..., recruté en 1984 par M. Jean K..., propriétaire de Gel au Large, en qualité de commercial, avait confirmé que leur principal client était la société X... et qu'elle leur adressait de la viande fraîche ou congelée mais leur demandait de déclarer fraîche celle qui était congelée, que M. Gérard L..., directeur de la société Gel au Large depuis 1990 indiquait que le cahier de congélation mentionnait, pour une période allant de juin 1987 à juin 1990, les marchandises entrées en entrepôt congelées mais déclarées au service des douanes comme fraîches, que M. Claude M..., comptable de la société Gel au large, avait déclaré avoir reçu de la part de M. Alain I... l'ordre de déduire des factures de la société X... des frais de congélation qui correspondaient à de la marchandise dont on lui avait dit qu'elle était entrée congelée, que M. François N..., magasinier de Gel au Large relatait que, dans le but de faire obtenir à la société X... des restitutions plus importantes, M. Alain I... l'avait informé qu'il devait préparer certains lots de cartons contenant de la viande congelée ; qu'en affirmant qu'en l'absence de toute constatation sur place dans les entrepôts de Gel au Large ou de la société X..., il n'est pas démontré de façon certaine que les viandes litigieuses devaient être considérées comme congelées au sens de la réglementation lorsqu'elle sont entrées dans l'entrepôt douanier alors que plusieurs employés et dirigeants des sociétés X... et Gel au Large affirmaient clairement que de la viande provenant de la société X..., déclarée au service des douanes comment fraîche, arrivait en entrepôt déjà congelée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des textes susvisés ;

"3°) alors que le juge répressif ne peut écarter une expertise produite aux débats au seul motif qu'elle n'a pas été établie contradictoirement, dès lors qu'elle a été soumise à la discussion contradictoire des parties ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que, sur commission rogatoire, les agents des douanes ont établi un rapport, au terme d'une analyse sur pièces, par rapprochement des mentions portées sur les déclarations douanières d'entrée COM7 et de sortie EX1 et que ce rapport avait mis en évidence des incohérences induisant, selon les enquêteurs, la substitution de certains morceaux de viande par d'autres morceaux, voire l'absence de certaines pièces de viande déclarées ; qu'en écartant ce rapport au motif que celui-ci n'avait jamais été soumis, durant l'instruction, à la contradiction des mis en examen lesquels n'avaient jamais été interrogés sur les critères d'analyse retenus par le service des douanes et n'avaient pu en discuter les conclusions tout en relevant que, devant le tribunal, comme devant la cour, les prévenus ont formellement contesté les énonciations et les conclusions de ce rapport, notamment celles relatives au taux de rendement moyen par animal, aux modalités de découpe variables selon les clients et à la réglementation applicable et ont également fait valoir que le service des douanes avait, selon les termes du rapport, effectué 42 contrôles physiques dans l'entrepôt douanier sans avoir relevé la moindre anomalie en sorte que ce rapport d'expertise, figurant au dossier de la procédure, avait pu être discuté contradictoirement tant devant le premier juge qu'en cause d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"4°) alors que la complicité par aide et assistance est punissable, dès lors qu'une aide a été apportée sciemment à l'auteur principal dans les faits qui ont facilité la préparation ou la consommation de l'infraction ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que plusieurs salariés et dirigeants des sociétés X... et Gel au Large avaient reconnu que des pinces et plombs de l'OFIVAL étaient à leur disposition pour opérer des certifications irrégulières et qu'ils apposaient eux-mêmes des scellés en toute illégalité ; qu'en affirmant que « la présence de plombs dans l'entrepôt de stockage et l'utilisation, avérée, de pinces et de plombs par les salariés de Gel au Large ou de la société X... pouvait tout aussi bien relever d'une assistance aux agents de l'office, dont les moyens en personnel étaient insuffisants, et qui ne pouvaient dans le temps qui leur était imparti, apposer tous les plombs sur les colis » et que « s'il résulte de cette situation que dans la pratique il existait des arrangements avec la législation et que le matériel certificateur de l'OFIVAL était manipulé par d'autres que ses agents, voire avec un certain laxisme, il ne s'en déduit pas nécessairement une intention de fraude » tout en constatant que les salariés et dirigeants des sociétés Gel au Large et X... avaient admis qu'il disposait du matériel de l'OFIVAL pour effectuer des certifications irrégulières en sorte que les agents de l'office avaient nécessairement facilité la préparation et la consommation de l'infraction douanière en laissant, en toute connaissance de cause, à dispositions des prévenus le matériel certificateur de l'OFIVAL, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des textes susvisés ;

"5°) alors qu'en tout état de cause, il appartient aux juges correctionnels d'ordonner les mesures d'instruction qu'ils constatent avoir été omises et qu'ils déclarent utiles à la manifestation de la vérité ; qu'en affirmant que le rapport d'expertise douanière ainsi que les déclarations de certains prévenus et employés des sociétés X... et Gel au Large ne pouvaient être retenues, dès lors que les prévenus n'avaient pas été interrogés sur ce rapport qui aurait nécessité des investigations complémentaires et qu'il n'avait pas été demandé aux salariés des sociétés X... et Gel au Large de préciser les circonstances exactes de ce qu'ils avaient vu et que les différents protagonistes n'avaient pas été confrontés, sans prescrire les mesures d'instruction dont elle constatait la nécessité, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour France AgriMer, pris de la violation du règlement CEE n° 1964/82 de la Commission du 20 juillet 1982, des articles 112-1 du code pénal, 399, 414, 426, 4°, du code des douanes, préliminaire, 388, 427, 463, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a relaxé les prévenus du chef de manoeuvres ou fausses déclarations ayant pour but d'obtenir un avantage à l'exportation et de complicité de ce délit en tant que ces déclarations concernent la provenance de viande des quartiers avants de gros boeufs mâles ;

"aux motifs propres que la prévention vise des fausses déclarations ou l'accomplissement de manoeuvres ayant pour effet d'obtenir en tout ou partie un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage quelconque attaché à l'exportation, à savoir la transmission aux autorités douanières de déclarations supportant de fausses mentions se rapportant, notamment à l'état frais ou congelé de la viande exportée et à la nature des morceaux, ainsi que le bris ou l'apposition frauduleuse de scellés, le reconditionnement des marchandises, le recours à des procédés destinés à déjouer le contrôles des services douaniers, pour obtenir le versement de restitutions communautaires ; que la période globale de prévention sont les années 1987 à 1992 ; que le règlement CEE n°1964/82 de la Commission du 20 juillet régissant la matière au moment des faits a fait l'objet de six modifications successives en dernier lieu en 2006 ; que la Commission européenne ayant souhaité codifier le texte dans un souci de clarté et de rationalité est intervenue le règlement CE de la Commission n°1359/2007 du 21 novembre 2007 qui a procédé à cette codification et abrogé le règlement n°1964/82 ; que le règlement CEE n°1964/82 du 20 juillet 1982 admettait au bénéfice des restitutions particulières les morceaux désossés provenant des quartiers arrières de gros bovins mâles selon une découpe de carcasse à 9 côtes ou paires de côtes au maximum, emballés individuellement et exportés dans leur totalité sauf cas spécifiques ; que le règlement CEE n° 1713/2006 du 20 novembre 2006 a supprimé le préfinancement des restitutions à l'exportation en ce qui concerne les produits agricoles ; que le règlement CE n° 1359/2007 du 21 novembre 2007 admet au bénéfice des restitutions particulières les morceaux désossés provenant des quartiers avants et arrières de gros bovins mâles selon une découpe de carcasse dite droite ou pistola à 8 côtes ou paires de côtes au maximum emballés individuellement présentant une teneur moyenne en viande maigre de 55% ou plus, et exportés dans leur totalité sauf cas très spécifiques ; que les critères à retenir pour définir le droit résultent de règlements communautaires pris pour l'application des traités instituant la Communauté ; qu'ils ont en droit interne une valeur supérieure à celle de la loi nationale ; que les principes régissant l'application de la loi pénale dans le temps imposent par conséquent de faire application en la matière des dispositions nouvelles moins sévères dans la mesure ou l'infraction considérée n'a pas donné lieu à une condamnation passée en force de la chose jugée et où les textes nouveaux ne prévoient pas de modalités différentes pour leur application ; que l'exigence d'un état frais ou réfrigéré est la seule exigence commune aux textes européens successifs ;

"et aux motifs adoptés que ces infractions sont caractérisées dans un rapport de l'administration des douanes en cote D 811 à D 817 de la procédure reposant sur la comparaison de 528 COM 7 avec les EXI afférents et relevant 454 COM 7 frauduleux sur la base d'une analyse documentaire ; qu'ainsi l'administration des douanes a recensé les types de fraudes suivants :
- Morceaux de la découpe d'arrières de gros bovins mâles non exportés,
- Morceaux de la découpe d'arrières de gros bovins mâles exportés dans des proportions impossibles à obtenir dans toute découpe d'arrières de gros bovins mâles,
- Viande entrée congelée en entrepôt,
- Filets entrés en entrepôt d'avitaillement en Espagne,
- Morceaux dont la proportion à l'entrée en entrepôt est incompatible avec une découpe d'arrières de gros bovins mâles,
- Les morceaux réellement exportés ne sont pas ceux qui sont entrés en entrepôt ; que dans le rapport du 6 mai 1997 un tableau reprend le total des restitutions frauduleusement obtenues selon l'administration des douanes pour les 3 années concernées :
- en 1988 : 97 COM 7 irréguliers correspondant à 23 075 057,14 francs de restitutions,
- en 1989 : 192 COM 7 irréguliers correspondant à 43 932 173,59 francs de restitutions,
- en 1990 : 165 COM 7 irréguliers correspondant à 68 660 536,45 francs de restitutions ; que pour cette période, l'entreprise X... aurait bénéficié de 135 667 767,18 francs de restitutions indues ; que l'ensemble de ces restitutions aurait porté sur l'exportation de 6 130 667 kg valorisés à l'époque à 61 306 670 francs ; que pour les années 1991 et 1992, l'ensemble des restitutions indûment perçues se seraient élevées à 3 619 194 francs ; que l''ensemble de ces restitutions aurait porté sur l'exportation de 196 951 kg de viande valorisés à 1 969 510 francs ; que sur la période concernée par ce dossier, la valeur de la marchandise sur laquelle aurait porté la fraude aurait représenté 63 276 180 francs (soit 9 645 759,15 euros) ; que ce rapport des douanes qui a été versé au dossier de l'instruction en mai 1997 et représente trois tomes de la procédure, n'a jamais été soumis à la contradiction des mis en examen, lesquels n'ont jamais été interrogés sur les critères d'analyse retenus par le service des douanes et n'ont pu en discuter les conclusions ; qu'à l'audience, les prévenus ont ainsi formellement contesté les conclusions de ce rapport relatives au taux de rendement moyen par animal, aux modalités de découpe correspondant aux préconisations de l'OFIVAL mais en réalité variables selon les clients et enfin relatives à la réglementation applicable ; qu'ils ont ainsi fait valoir à titre d'exemple que la réglementation européenne prise en la matière autorisait des interventions sur les marchandises placées sous douane, nécessitant l'ouverture et le reconditionnement et nouvel étiquetage des cartons, procédure identifiée sous le sigle « 02 » ; que, par ailleurs, le principe d'exportation de la totalité des morceaux de viande sous douane est contestés par les prévenus qui font état d'une évolution de la réglementation autorisant l'exportation à concurrence de 95 % de la quantité totale ; qu'ils ont enfin fait valoir que le service des douanes a selon les termes du rapport, réalisé 42 contrôles physiques dans l'entrepôt douanier sans avoir relevé la moindre anomalie ; que si la juridiction de jugement doit apprécier la portée des charges qui sont réunies à l'encontre d'un prévenu, elle ne peut se substituer au juge d'instruction et procéder aux investigations qui relevaient de sa mission ; que l'article 463 du code de procédure pénale permet au tribunal d'ordonner un supplément d'information aux fins d'investigations complémentaires ; que pour autant le supplément d'information susceptible d'être ordonné ne peut avoir pour effet de reprendre le cours de l'instruction en raison des graves carences qui ont pu être observées ; qu'ainsi, en considération du délai particulièrement long et déraisonnable qui a été imposé aux prévenus avant de comparaître en audience de jugement, il ne saurait être question d'ordonner un supplément d'information, sauf à prolonger les manquements stigmatisés et à participer activement à la violation du droit essentiel pour tout prévenu à être jugé dans un délai raisonnable ; (
) qu'en l'état de ces constatations, il apparaît que le rapport d'enquête du service des douanes ne peut constituer un élément de preuve suffisant des fraudes qui y sont répertoriées au regard de l'impossibilité d'en avoir pu discuter les conclusions dans le cadre de l'information judiciaire ;

"1°) alors que les dispositions qui modifient la condition préalable de l'infraction, sans modifier aucun de ses éléments constitutifs matériel ou moral de l'infraction, ne sont pas applicables rétroactivement ; que pour renvoyer les prévenus de l'ensemble des fins de la poursuite en tant qu'elles visaient les fausses déclarations concernant les morceaux arrières des gros bovins mâles, l'arrêt attaqué a appliqué la règle de la rétroactivité in mitius dans l'hypothèse d'une modification par les règlements communautaires successifs des critères d'éligibilité aux restitutions à l'exportation, constatant qu'en son dernier état, la réglementation européennes autorisait l'allocation de restitutions pour l'exportation de morceaux avants des gros bovins mâles ; que toutefois, une telle modification n'affectait pourtant que la condition par laquelle l'obtention de ces restitutions apparaissait illégales, bien que ces normes n'avaient aucunement modifié l'incrimination sous la qualification de laquelle les faits étaient poursuivis et qui a pour objet de réprimer la fraude aux aides communautaires à l'exportation ; que ce faisant, la cour d'appel a méconnu les règles pénales du droit transitoire ;

"2°) alors que le juge ne peut refuser d'examiner les preuves qui lui sont apportées lors des débats au motif qu'elles n'auraient pas été préalablement et effectivement discutées par les prévenus lors de l'information judiciaire ; qu'il résulte des énonciations des juges du fond que le rapport des douanes avait été versé à l'instruction en mai 1997 et que les prévenus en ont contesté les termes devant la juridiction correctionnelle ; qu'en refusant d'en apprécier la valeur probante au motif que les prévenus n'auraient pas été interrogés sur les conclusions de ce rapport lors de l'information judiciaire, la cour d'appel a méconnu son office et illégalement justifié sa décision ;

"3°) alors qu'il appartient au juge correctionnel d'ordonner les mesures d'instruction dont il reconnaît lui-même la nécessité ; qu'en refusant d'ordonner un complément d'information dont il reconnaissait l'utilité, en considération de l'ancienneté des faits poursuivis et de la carence de l'information judiciaire, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs" ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par France AgriMer, pris de la violation du règlement CEE n°1964/82 de la Commission du 20 juillet 1982, des articles 121-3 du code pénal, 399, 414, 26, 4°, du code des douanes, préliminaire, 388, 427, 463, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a relaxé les prévenus du chef de manoeuvres ou fausses déclarations ayant pour but d'obtenir un avantage à l'exportation et de complicité de ce délit ;

"aux motifs propres que l'exigence d'un « état frais ou réfrigéré » est la seule exigence commune aux textes européens successifs ; que c'est le premier critère qu'a retenu en l'espèce l'administration des douanes pour caractériser l'infraction, en considérant que la viande était déjà congelée à son arrivée en entrepôt d'exportation avec préfinancement des restitutions, donc avant la demande d'avance sur restitution lors de sa mise sous douane, et contrairement aux mentions portées sur les COM 7 ; que la réglementation européenne concernant les conditions d'entreposage de la viande bovine fixait l'état congelé des viandes après la découpe à « une température interne égale ou inférieure à -12°C » et précisait que les viandes fraîches devaient être « refroidies et être maintenues à une température interne maximale de 7°C pour les carcasses et leurs morceaux », sans précision de la température minimale pour que la viande continue à être considérée comme « refroidie » (directive du Conseil de l'Europe 64/433 du Z6 juin1964) ; que les notes explicatives du tarif douanier définissaient à l'époque l'état « frais » comme l'état naturel, même saupoudré de sel en vue d'assurer la conservation pendant la durée du transport l'état « réfrigéré » comme « l'état refroidi, généralement jusqu'aux environs de 0°C sans entraîner la congélation », l'état « congelé » comme « l'état refroidi au dessous du point de congélation jusqu'à la congélation à coeur » ; que non seulement ces éléments ne permettent pas de déterminer les critères exacts de température définissant l'état frais d'une viande au sens des textes communautaires considérés, mais il est fait référence à la « température interne » de la viande, dont le contrôle pour être exact suppose l'utilisation d'une sonde, dont il est établi que les douaniers ne disposaient pas à l'époque ; qu'ainsi qu'ils l'expliquent, les agents des douanes procédaient empiriquement au contrôle de l'état de la viande en surface au toucher, selon qu'elle était dure ou souple ; que la marchandise était en tout état de cause découpée et conditionnée au moment du contrôle douanier puisque la découpe était faite à une température interne de +7°C et ne pouvait se faire sur une viande congelée ; que le contrôle, lorsqu'il avait lieu, était donc effectué eu appliquant le pouce de la main en surface d'une marchandise emballée en cartons ; qu'en l'absence de toute constatation sur place dans les entrepôts de Gel au large ou la société X..., ce qui aurait été possible et efficace compte tenu de la durée de la prévention et de la date à laquelle la procédure a été ouverte, il n'est pas démontré de façon certaine que les viandes litigieuses devaient être considérées comme congelées au sens de la réglementation lorsqu'elle sont entrées dans l'entrepôt douanier ; que le logiciel de comptabilité de la société Gel au Large facturait automatiquement le coût de la congélation pour toute viande entrant en entrepôt ; que le cahier tenu par M. Alain I... sur une partie de la période de prévention servait à signaler les viandes entrant déjà congelées à l'entrepôt afin d'établir, au profit de l'exportateur, des avoirs correspondant au prix de la congélation qui n'avait pas été effectuée ; qu'il résulte de l'enquête que ce cahier, qui n'a pas été renseigné pour la période de juin 1988 à juin 1989 et ne l'a plus été à compter de juin 1990, mentionnait toutes sortes de morceaux de viande n'ouvrant pas nécessairement droit à « restitution particulière » et pouvant sans fraude être entrées congelées dans l'entrepôt, lequel conservait une activité privée et n'entreposait pas que les arrières de gros bovins mâles ; que l'existence de ce cahier, en elle-même, ne permet pas de conclure à un lien exclusif entre les marchandises entrées congelées sur une période relativement restreinte et les marchandises en cause dans l'infraction actuellement poursuivie ; qu'en outre, si le code « 1 » ou « 2 » figurant sur certains des documents transmis à M. Jean-Pierre B... confirme l'existence de deux traitements comptables différents selon l'état de la viande à l'entrée en entrepôt, il n'est pas démontré que cette pratique concernait ou visait uniquement des viandes destinées à l'exportation avec préfinancement des restitutions européennes concernées par la procédure actuelle, étant ajouté qu'il existait d'autres cas de restitution, pour d'autres morceaux de viande, qui n'étaient pas soumis aux mêmes règles ; qu'il sera d'ailleurs précisé que la crainte d'un contrôle douanier était toute relative, puisque de tels contrôles étaient quasiment inexistants jusqu'en 1991 et que ce n'est qu'à partir de cette date que la communauté européenne a imposé aux douanes le contrôle physique de la marchandise avant la certification par les agents des COM7 et ce, de surcroît, dans une proportion de 5% au minimum du total de la marchandise ; qu'en ce qui concerne l'utilisation des pinces et plombs de l'OFIVAL, les constatations matérielles des enquêteurs n'ont porté que sur sept plombs découverts lors de la perquisition du 29 janvier 1991, dans les locaux de la société Gel au large ; que, pour le surplus, il n'existe que les déclarations, d'ailleurs pas toujours concordantes, de certains des prévenus et d'employés des sociétés en cause, auxquels il n'a pas été demandé de préciser les circonstances exactes de ce qu'ils avaient vu ; qu'en l'absence de toute confrontation entre les différents protagonistes, il apparaît que la présence de plombs dans l'entrepôt de stockage et l'utilisation, avérée, de pinces et de plombs par les salariés de Gel au large ou de la société X... pouvait tout aussi bien relever d'une assistance aux agents de l'office, dont les moyens en personnel étaient insuffisants, et qui ne pouvaient dans le temps qui leur était imparti, apposer tous les plombs sur les scellés, pouvant se chiffrer en centaines, et établir également les documents ; que c'est d'ailleurs ce qui a été reconnu par des employés de l'OFIVAL (MM. Jean Z... et Jean-Pierre E...) qui ont parlé d'un plombage effectué « sous le contrôle » de l'agent de l'office et non pas « par » ; que s'il résulte de cette situation que dans la pratique il existait des arrangements avec la législation et que le matériel certificateur de l'OFIVAL était manipulé par d'autres que ses agents, voire avec un certain laxisme, il ne s'en déduit pas nécessairement une intention de fraude, sachant qu'en tout état de cause les agents des douanes pouvaient toujours ouvrir les cartons pour vérifier la nature de la viande qu'ils contenaient ; que l'administration des douanes ayant fait état d'autres moyens de fraude à la même réglementation par les mis en cause, sur la commission rogatoire du 15 février 1995, les agents des douanes, dans leur rapport de mai 1997, ont établi ce qu'ils dénommaient une « preuve documentaire » de l'infraction, c'est-à-dire rapportée au terme d'une analyse sur pièces, par rapprochement des mentions portées sur les déclarations douanières d'entrée COM7 et de sortie EX1 ; que le rapport a mis en évidence des incohérences induisant, selon les enquêteurs, la substitution de certains morceaux de viande par d'autres morceaux, voire l'absence de certaines pièces de viande déclarées ; que toutefois, ce rapport, intervenu six ans après le début de la procédure, qui est un examen sur pièces, sans vérifications matérielles ni auditions supplémentaires des mis en cause et représente trois tomes du dossier, a été avalisé en tant que tel par le juge d'instruction ; que celui-ci, bien que devant instruire à charge et à décharge, ne l'a jamais soumis à la contradiction des mis en examen, lesquels n'ont jamais été interrogés sur les critères d'analyse retenus par le service des douanes et n'ont pu en discuter les conclusions ; que devant le tribunal, comme devant la cour, les prévenus ont formellement contesté les énonciations et les conclusions de ce rapport, notamment celles relatives au taux de rendement moyen par animal, aux modalités de découpe variables selon les clients et à la réglementation applicable ; qu'ils ont également fuit valoir que le service des douanes avait, selon les termes du rapport, effectué 42 contrôles physiques dans l'entrepôt douanier sans avoir relevé la moindre anomalie ; que leurs contestations sur des points techniques auraient dû être suscitées et faire l'objet d'investigations lors de l'information ; qu'il s'ensuit qu'en l'état du dossier, que ce soit au regard de l'élément matériel, comme de l'élément intentionnel, voire de l'élément légal, la preuve de la culpabilité des prévenus n'est pas établie avec la certitude exclusive de tout doute nécessaire pour les retenir dans les liens de la prévention ; que les faits ont été portés à la connaissance de l'autorité judiciaire à l'issue de l'audition de M. Jean-Pierre B... le 22 novembre 1990 dans le cadre d'une instruction distincte ; que le réquisitoire introductif est intervenu le 21 décembre 1990 ; que l'information judiciaire a été clôturée le 25 mai 2010 par arrêt de la chambre de l'instruction, après avoir été suivie par sept juges d'instruction différents; qu'elle a donc duré près de vingt ans ; que trois ans supplémentaires ont été nécessaires pour qu'un jugement intervienne, le 14 février 2013 ; qu'au jour où la cour statue, sa durée a atteint près de vingt-cinq ans ; que l'examen de la chronologie et du fond du dossier ne met pas en évidence d'abus de procédure, notamment d'appel, de la part des prévenus, certaines de leurs contestations ayant été admises sur recours en cours d'instruction et la durée pour voir juger leurs recours ne leur étant pas imputable ; que le temps écoulé a été un facteur accroissant la complexité de l'affaire, tant par l'évolution de la réglementation, que par le dépérissement des preuves matérielles qu'il a rendu possibles ; que la plupart des prévenus, entendus en 1991 ou 1992 n'ont plus entendu parler du dossier jusqu'en 2006, date à laquelle il a encore été procédé à des mises en examen quatorze ans après les faits ; que surtout, les poursuites reposent essentiellement sur les déclarations de MM. Jean-Pierre B... et d'Alain I..., lesquels n'ont jamais été confrontés aux personnes qu'ils ont mises en cause ; que de la même façon et plus généralement, aucun des prévenus actuels n'a été confronté à ceux qui le mettaient en cause, même lorsqu'il contestait ; que ces lacunes graves de la procédure ne peuvent être comblées par des actes de procédure supplémentaires intervenant vingt-cinq ans après, et ce d'autant, que la cour ne peut procéder à aucune vérification sur pièces, compte tenu de la perte des scellés ; qu'ainsi que l'a justement relevé le premier juge, si la juridiction de jugement doit apprécier les charges qui sont réunies à l'encontre d'un prévenu, et, au besoin, ordonner des investigations complémentaires, elle ne peut reprendre l'instruction depuis le début, surtout, lorsque matériellement, du fait du temps anormal écoulé et du dépérissement de la preuve qui en est résulté, elle n'est pas matériellement en mesure de le faire utilement ; que le respect des droits de la défense et la nécessité de juger dans un délai raisonnable font obstacle à toute nouvelle investigation, de surcroît vouée à l'échec, et, sans qu'il soit besoin de s'interroger sur l'éventuelle prescription partielle des faits, conduisent, dans les limites de l'appel, à confirmer la relaxe prononcée par le premier juge ;

"et aux motifs adoptés qu'aux termes de l'information judiciaire, cette infraction a fait l'objet des seuls actes d'instruction qui ont été réalisés par les juges d'instruction qui se sont succédés ; que la fraude alléguée repose sur le principe que les établissements X... ont déclaré frauduleusement des morceaux arrières de gros bovins mâles comme étant frais alors qu'il s'agissait en réalité de viande congelée ; que le principe de la fraude repose pour l'essentiel sur les déclarations de M. Jean-Pierre B... déclarant en douane dans la société SGMT et de M. Alain I... responsable de l'entrepôt de mise sous douane Gel au Large qui font état de l'arrivée de morceaux congelés, déclarés frais pour mise sous douane ; que le 22 Novembre 1990, M. Jean-Pierre B... mis en examen pour des faits distincts de détournements au préjudice de son employeur, déclarait spontanément à un juge d'instruction que lorsqu'il faisait partie de la société SGMT implantée à La Rochelle, il avait constaté des fraudes commises par les responsables des établissements X... propriétaires d'un abattoir situé à Surgères qui réalisaient 80 à 85 % de leur chiffre d'affaire à l'exportation ; que des morceaux de viande congelés ou des quantités fictives de viande fraîche entraient en entrepôt de pré-financement ; qu'il avait calculé que ces manoeuvres avaient abouti à la perception de restitutions indues dont le montant pouvait aller certaines semaines de 900 000 à 1 200 000 francs ; que ces déclarations allaient provoquer l'ouverture d'une information au cours de laquelle des membres de la société X..., de la société SGMT et de la société Gel au Large étaient entendus ; qu'entendu le 14 janvier 1991 à la maison d'arrêt de Fontenay Le Comte par un officier de police judiciaire, M. Jean-Pierre B... confirmait qu'à partir de 1985, il lui avait été demandé d'éviter que certains lots ne soient vérifiés par les douanes ; qu'il avait ainsi accepté de déclarer l'entrée dans les entrepôts de l'entreprise Gel au Large de morceaux de viande provenant des établissements X... qui n'étaient pas des arrières de gros bovins mais qui étaient déclarés comme tel, ou qui étaient déjà congelés, ou des lots de cartons de viande dont le nombre était inexact, ou même qui n'existaient pas ; qu'un code avait été prévu pour que les lots frauduleux soient soustraits aux douanes par d'autres membres de l'entreprise lorsqu'il était absent ; qu'il s'agissait du chiffre « 2 » inscrit sur les télex qui annonçaient la venue de la viande qui avait été conditionnée à Surgères ; qu'il affirmait que les faits avaient été commis avec la complicité d'un des responsables de son entreprise M. Patrice F... ; que son principal interlocuteur au sein des établissements X... était M. Alain A... ; que M. Alain I... indiquait pour sa part « Mon interlocuteur, M. Alain A..., directeur de X..., m'a reproché de faire apparaître en comptabilité une mutation en entrepôt entre X... puis une entrée de viande SIBEV. J'ai donc été contraint, à la demande de M. A..., de faire disparaître les tickets de quai qui correspondaient à ces mutations en entrepôt, et de modifier la comptabilité matière, informatique, de l'entrepôt en conformité avec les désidérata de X... » ; que « La marchandise arrivait à Gel au Large sans mention de son statut douanier, et ce n'était que le lendemain ou le surlendemain que M. D..., responsable informatique de la société X... assignait un statut douanier à la marchandise, lequel pouvait très bien être modifié quinze jour à trois semaines plus tard par M. D... ou A... » ; que « ces pratiques ont continué par vagues successives et en quantités variables jusqu'en juin 1988 » ; que d'autres salariés de la société X... tels que MM. Pascal O..., Régis P... et Jean Q... ont fait état de l'utilisation des pinces et des plombs de l'OFIVAL pour plomber des cartons de viande congelés qui étaient désignés par M. A... ; que ces déclarations font référence à la « viande congelée » sans autre précision sur la nature des morceaux de viande concernés, sans qu'il soit possible de déterminer s'il s'agissait d'arrières de gros bovins mâles ou bien de morceaux avant de bovins ou vaches ; que les déclarations des prévenus qui ont été recueillies dans le temps de la garde à vue ne peuvent servir de base, à elles seules, à une déclaration de culpabilité et doivent être étayées par d'autres éléments de preuve ; que MM. Jean-Luc Y..., Alain A... et Jean-Paul D... ont pour leur part soutenu que la viande était réfrigérée mais ne se trouvait pas dans un état de congélation supposant une température de -12 degrés à coeur ; que M. Jean-Luc Y... a expliqué que la viande était mise en chambre froide non ventilée dans l'attente de la libération des cautions bancaires afin de ne pas interrompre la chaîne de production mais que pour autant la viande n'était pas congelée ; que dans son réquisitoire définitif de non- lieu, Mme le procureur de la République a fait état de l'imprécision des critères relatifs à l'état congelé ou frais ; que force est de constater qu'aucun contrôle matériel n'a jamais pu être effectué sur la nature congelée ou fraîche de la viande, le service des douanes ayant précisé qu'ils ne disposaient pas de sonde à l'époque des faits et qu'ils procédaient à ce contrôle par un touché en surface de la viande, laquelle restait souple dans l'hypothèse d'une viande fraîche ou réfrigérée tandis qu' elle était dure en cas de congélation ; qu'en l'absence de vérification technique sur l'état frais ou congelé de la viande aucune conclusion certaine ne peut être retenue sur ce point ; que, par ailleurs, concernant la viande des arrières des gros bovins mâles, la spécificité de la procédure de contrôle mis en oeuvre par les agents de l'OFIVAL permet d'exclure toute possibilité de fraude sur ces morceaux donnant lieu à restitution particulière, sauf à considérer une complicité active des dits agents ; qu'il ressort en effet des déclarations des prévenus MM. E... et Z... que leur pince OFIVAL ainsi que des plombs ont été utilisés par les salariés de I'entreprise X... pour procéder au conditionnement des cartons de viande après désossage, compte tenu du nombre très important de cartons à réaliser dans un temps réduit lors des opérations d'abattage ; que si un certain laxisme a pu exister dans l'utilisation des pinces et plombs de l'OFIVAL il n'est pas établi que les intéressés ont accepté de délivrer des fausses attestations « VD », pour des viandes congelées et déclarées fraîches, attestations qui étaient ensuite visées par le service des douanes ; que le cahier de congélation tenu par M. I... mentionnait toutes sortes de morceaux de viande n'ouvrant pas nécessairement droit à une « restitution particulière », étant rappelé qu'en raison de l'évolution de la réglementation en 1987 les établissements X... pouvaient entrer en entrepôt des morceaux de viande congelés autre que des arrières des gros bovins mâles ; que selon les explications de M. Jean-Paul D... la codification 1 ou 2 sur les documents servant de support aux COM 7 concernait l'ensemble des viandes ouvrant droit à restitution, en ce compris les viandes congelés de sorte qu'il n'a pas été démontré de lien avéré entre la codification et des manoeuvres aux fins d'obtention de restitutions particulières ; que selon la réglementation issue des articles l et 2 du règlement 1359/2007, les restitutions à l'exportation concernaient dorénavant les morceaux désossés des quartiers avant et arrières d'une teneur moyenne en viande bovine maigre de 55% ou plus, les quartiers avant ou arrières étant définis selon une découpe « droite ou pistola » avec un maximum de 8 côtes ou paires de côtes pour les arrières ; qu'en l'état de la procédure, les investigations mises en oeuvre n'ont pas permis de vérifier si la marchandise litigieuse répondait à ces critères de sorte que l'élément matériel de l'infraction n'apparaît pas caractérisée ; que, par ailleurs, l'élément intentionnel de l'infraction visé à l'article 121-3 du code pénal n'apparaît pas démontré alors que cette intention est contestée par tous les prévenus et en ce compris par M. B..., lequel a reconnu en partie la matérialité des faits ;

"1°) alors que hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction ; qu'en estimant que la preuve de ce que les viandes avaient été livrées congelées et non fraîches ou réfrigérées, en contravention avec le règlement CEE n° 1964/82, supposait des constatations sur place à l'aide de procédés techniques permettant de mesurer sur la marchandise sa température exacte, au lieu d'apprécier la valeur probante de l'ensemble des pièces du dossier, et notamment les déclarations faites par les professionnels du secteur impliqués, tels MM. Jean-Pierre B..., Alain I..., Jean-Luc Y... et les employés de la société X..., affirmant que la viande avait été déclarée comme fraîche ou réfrigérée mais qui était en réalité congelée, la cour d'appel a méconnu le principe de liberté de la preuve applicable devant le juge pénal ;

"2°) alors qu'en ce qui concerne l'utilisation du matériel de l'OFIVAL par les salariés de la société X... et de la société Gel au Large, dont l'utilisation par l'OFIVAL commandait la traçabilité des marchandises au regard des exigences réglementaires applicables et notamment de la déclaration d'une viande non congelée, l'arrêt constate que ce matériel (pince et plomb) avait été mis par les agents de l'OFIVAL poursuivis à la disposition des personnels de ces sociétés dans l'entrepôt de stockage ; qu'en estimant que son utilisation n'avait pas été nécessairement frauduleuse et en relevant que les déclarations des prévenus et d'employés n'étaient pas toujours concordantes, sans s'expliquer, comme l'y invitait pourtant France AgriMer dans ses écritures, sur les déclarations de M. I... dénonçant la connaissance par les agents de l'OFIVAL de l'utilisation frauduleuse de la pince et des plombs que leur supérieur, M. C..., avait fait livrer directement dans l'entrepôt, sur le déni initial des agents MM. E... et Z... qui ont fini par reconnaître que la pince de l'OFIVAL était laissée dans l'entrepôt de la société X..., sans aucun contrôle de leur part, sur la circonstance que le contrôleur de l'OFIVAL, M. C..., avait perçu des sommes d'argent de la part de l'entreprise X... cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision ;

"3°) alors que le juge ne peut refuser d'examiner les preuves qui lui sont apportées lors des débats au motif qu'elles n'auraient pas été préalablement et effectivement discutées par les prévenus lors de l'information judiciaire ; qu'il résulte des énonciations des juges du fond que le rapport des douanes avait été versé à l'instruction en mai 1997 et que les prévenus en ont contesté les conclusions devant la juridiction correctionnelle ; qu'en refusant d'apprécier la valeur probante de ce rapport au motif que les prévenus n'auraient pas été interrogés sur ses conclusions lors de l'information judiciaire, la cour d'appel a méconnu son office et illégalement justifié sa décision ;

"4°) alors qu'il appartient aux juges d'ordonner les mesures d'instruction dont ils reconnaissent eux-mêmes la nécessité ; qu'en refusant d'ordonner un complément d'information, notamment d'ordonner des confrontations entre MM. B... et I... et les prévenus, et entre les « différents protagonistes » s'agissant des circonstances dans lesquelles la pince et les plombs de l'OFIVAL avaient été laissés à la disposition des employés de la société Gel au Large et de la société X..., mesures dont elle reconnaissait l'utilité, et cela en considération de l'ancienneté des faits poursuivis et de la perte de pièces de l'instruction, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs ;

"5°) alors qu'en ne s'expliquant pas sur les preuves documentaires invoquées par France AgriMer dans ses écritures établissant, par le rapprochement des COM 7 avec les documents d'apurement EX 1, l'existence de déclarations frauduleuses dans les COM 7 relatives à l'existence et aux quantités réelles de viande désossée issue de gros bovins mâles ainsi qu'à la réalité de ce que la viande étaient issue en totalité d'un même quartier désossé, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"6°) alors qu'il appartient au prévenu du chef de manoeuvres ou fausses déclarations ayant pour but d'obtenir un avantage à l'exportation de rapporter la preuve de sa bonne foi ; qu'en considérant par motif adopté que la relaxe des prévenus devait être prononcée compte tenu de ce que la mauvaise foi était contestée par eux et qu'elle n'apparaît pas, sans autre précision, démontrée, la cour d'appel a méconnu la présomption de fraude pensant sur les prévenus" ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour France AgriMer, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, du règlement CEE n°1964/82 de la Commission du 20 juillet 1982, du règlement CE de la Commission n°1359/2007 du 21 novembre 2007, du règlement CEE n°1713/2006 du 20 novembre 2006, des articles 398, 399, 407, 414, 426-4, 430, 432bis et 435 du code des douanes, des articles 121-6, 121-7 du code pénal et des articles 427, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a relaxé les prévenus des chefs de la poursuite ;

"aux motifs propres que la prévention vise des fausses déclarations ou l'accomplissement de manoeuvres ayant pour effet d'obtenir, en tout ou partie, un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage quelconque attachés à l'exportation, à savoir la transmission aux autorités douanières de déclarations supportant de fausses mentions se rapportant notamment à l'état frais ou congelé de la viande exportée et à la nature des morceaux, ainsi que le bris ou l'apposition frauduleux de scellés, le reconditionnement des marchandises, le recours à des procédés destinés à déjouer les contrôles des services douaniers, pour obtenir le versement de restitutions communautaires d'un montant de 139 286 961, 18 francs (21 234 160,35 euros) ; que le texte d'incrimination est l'article 426-4 du code des douanes qui vise les « fausses déclarations ou manoeuvres frauduleuses ayant pour but ou pour effet d'obtenir, en tout ou partie, un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage quelconque attaché à l'importation ou à l'exportation, à l'exclusion des infractions aux règles de qualité ou de conditionnement lorsque ces infractions n'ont pas pour but ou pour effet d'obtenir un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage financier » ; que la période globale de prévention sont les années 1987, 1988, 1989, 1990, 1991 et 1992 ; que le règlement CEE n°1964/82 de la Commission du 20 juillet 1982 arrêtant les conditions d'octroi de restitutions particulières à l'exportation pour certaines viandes bovines désossées, régissant la matière au moment des faits, a fait l'objet de six modifications successives, en 1987, 1997, 1999, juillet 2000, décembre 2000 et, en dernier lieu, le 20 novembre 2006 ; que la Commission européenne ayant souhaité codifier le texte dans un souci de clarté et de rationalité, est intervenu le règlement CE de la commission n°1359/2007 du 21 novembre 2007 arrêtant les conditions d'octroi de restitutions particulières à l'exportation pour certaines viandes bovines désossées, qui a procédé à cette codification et abrogé le règlement n°1964/82 du 20 juillet 1982 ; que le règlement CEE n°1964/82 du 20 juillet 1982 admettait au bénéfice des restitutions particulières les morceaux désossés provenant des quartiers arrières de gros bovins mâles selon une découpe de carcasse à 9 côtes ou paires de côtes au maximum, emballés individuellement et exportés dans leur totalité sauf cas très spécifiques ; que le règlement CEE n°1713/2006 du 20 novembre 2006 a supprimé le préfinancement des restitutions à l'exportation en ce qui concerne les produits agricoles ; que le règlement CE n°1359/2007 du 21 novembre 2007 admet au bénéfice des restitutions particulières, les morceaux désossés provenant des quartiers avants et arrières de gros bovins mâles selon une découpe de carcasse dite « droite ou pistola » à 8 côtes ou paires de côtes au maximum, emballés individuellement, présentant une teneur moyenne en viande maigre de 55% ou plus, et exportés dans leur totalité sauf cas très spécifiques ; que les critères à retenir pour définir le droit résultent de règlements communautaires pris pour l'application des traités instituant la communauté ; qu'ils ont en droit interne, non pas une valeur réglementaire, mais une valeur supérieure à celle de la loi nationale ; que les principes régissant l'application de la loi pénale dans le temps imposent, par conséquent, de faire application en la matière des dispositions nouvelles moins sévères, dans la mesure où l'infraction considérée n'a pas donné lieu à une condamnation passée en force de la chose jugée et où les textes nouveaux ne prévoient pas de modalités différentes pour leur application ; que l'exigence d'un « état frais ou réfrigéré » est la seule exigence commune aux textes européens successifs ; que c'est le premier critère qu'a retenu en l'espèce l'administration des douanes pour caractériser l'infraction, en considérant que la viande était déjà congelée à son arrivée en entrepôt d'exportation avec préfinancement des restitutions, donc avant la demande d'avance sur restitution lors de sa mise sous douane, et contrairement aux mentions portées sur les COM7 ; que la réglementation européenne concernant les conditions d'entreposage de la viande bovine fixait l'état congelé des viandes après la découpe à « une température interne égale ou inférieure à -12°C et précisait que les viandes fraîches devaient être « refroidies et être maintenues à une température interne maximale de 7°C pour les carcasses et leurs morceaux », sans précision de la température minimale pour que la viande continue à être considérée comme « refroidie » (directive du Conseil de l'Europe 64/433 du 26 juin 1964) ; que les notes explicatives du tarif douanier définissaient à l'époque l'état « frais » comme l'état naturel, même saupoudré de sel en vue d'assurer la conservation pendant la durée du transport, l'état « réfrigéré » comme « l'état 5 refroidi, généralement jusqu'aux environs de 0° C sans entraîner la congélation », l'état « « congelé » comme « l'état refroidi au-dessous du point de congélation jusqu'à la congélation à coeur » ; que non seulement ces éléments ne permettent pas de déterminer les critères exacts de température définissant l'état frais d'une viande au sens des textes communautaires considérés, mais il est fait référence à la « température interne » de la viande, dont le contrôle pour être exact suppose l'utilisation d'une sonde, dont il est établi que les douaniers ne disposaient pas à l'époque ; qu'ainsi qu'ils l'expliquent, les agents des douanes procédaient empiriquement au contrôle de l'état de la viande en surface au toucher, selon qu'elle était dure ou souple ; que la marchandise était en tout état de cause découpée et conditionnée au moment du contrôle douanier puisque la découpe était faite à une température interne de +7°C et ne pouvait se faire sur une viande congelée ; que le contrôle, lorsqu'il avait lieu, était donc effectué en appliquant le pouce de la main en surface d'une marchandise emballée en cartons ; qu'en l'absence de toute constatation sur place dans les entrepôts de Gel au large ou la société X..., ce qui aurait été possible et efficace compte tenu de la durée de la prévention et de la date à laquelle la procédure a été ouverte, il n'est pas démontré de façon certaine que les viandes litigieuses devaient être considérées comme congelées au sens de la réglementation lorsqu'elle sont entrées dans l'entrepôt douanier ; que le logiciel de comptabilité de la société Gel au large facturait automatiquement le coût de la congélation pour toute viande entrant en entrepôt ; que le cahier tenu par M. Alain I... sur une partie de la période de prévention servait à signaler les viandes entrant déjà congelées à l'entrepôt afin d'établir, au profit de l'exportateur, des avoirs correspondant au prix de la congélation qui n'avait pas été effectuée ; qu'il résulte de l'enquête que ce cahier, qui n'a pas été renseigné pour la période de juin 1988 à juin 1989 et ne l'a plus été à compter de juin 1990, mentionnait toutes sortes de morceaux de viande n'ouvrant pas nécessairement droit à « restitution particulière » et pouvant sans fraude être entrées congelées dans l'entrepôt, lequel conservait une activité privée et n'entreposait pas que les arrières de gros bovins mâles ; que l'existence de ce cahier, en elle-même, ne permet pas de conclure à un lien exclusif entre les marchandises entrées congelées sur une période relativement restreinte et les marchandises en cause dans l'infraction actuellement poursuivie ; qu'en outre, si le code « 1 » ou «2 » figurant sur certains des documents transmis à M. Jean-Pierre B... confirme l'existence de deux traitements comptables différents selon l'état de la viande à l'entrée en entrepôt, il n'est pas démontré que cette pratique concernait ou visait uniquement des viandes destinées à l'exportation avec préfinancement des restitutions européennes concernées par la procédure actuelle, étant ajouté qu'il existait d'autres cas de restitution, pour d'autres morceaux de viande, qui n'étaient pas soumis aux mêmes règles ; qu'il sera d'ailleurs précisé que la crainte d'un contrôle douanier était toute relative, puisque de tels contrôles étaient quasiment inexistants jusqu'en 1991 et que ce n'est qu'à partir de cette date que la communauté européenne a imposé aux douanes le contrôle physique de la marchandise avant la certification par les agents des COM7 et ce, de surcroît, dans une proportion de 5% au minimum du total de la marchandise ; qu'en ce qui concerne l'utilisation des pinces et plombs de l'OFIVAL, les constatations matérielles des enquêteurs n'ont porté que sur sept plombs découverts lors de la perquisition du 29 janvier 1991, dans les locaux de la société Gel au large ; que, pour le surplus, il n'existe que les déclarations, d'ailleurs pas toujours concordantes, de certains des prévenus et d'employés des sociétés en cause, auxquels il n'a pas été demandé de préciser les circonstances exactes de ce qu'ils avaient vu ; qu'en l'absence de toute confrontation entre les différents protagonistes, il apparaît que la présence de plombs dans l'entrepôt de stockage et l'utilisation, avérée, de pinces et de plombs par les salariés de Gel au large ou de la société X... pouvait tout aussi bien relever d'une assistance aux agents de l'office, dont les moyens en personnel étaient insuffisants, et qui ne pouvaient dans le temps qui leur était imparti, apposer tous les plombs sur les colis, pouvant se chiffrer en centaines, et établir également les documents ; que c'est d'ailleurs ce qui a été reconnu par des employés de l'OFIVAL (MM. Jean Z... et Jean-Pierre E...) qui ont parlé d'un plombage effectué « sous le contrôle » de l'agent de l'office et non pas « par » l'agent de l'office ; que s'il résulte de cette situation que dans la pratique il existait des arrangements avec la législation et que le matériel certificateur de l'OFIVAL était manipulé par d'autres que ses agents, voire avec un certain laxisme, il ne s'en déduit pas nécessairement une intention de fraude, sachant qu'en tout état de cause les agents des douanes pouvaient toujours ouvrir les cartons pour vérifier la nature de la viande qu'ils contenaient ; que l'administration des douanes ayant fait état d'autres moyens de fraude à la même réglementation par les mis en cause, sur la commission rogatoire du 15 février 1995, les agents des douanes, dans leur rapport de mai 1997, ont établi ce qu'ils dénommaient une « preuve documentaire » de l'infraction, c'est-à-dire rapportée au terme d'une analyse sur pièces, par rapprochement des mentions portées sur les déclarations douanières d'entrée COM7 et de sortie EX1 ; que le rapport a mis en évidence des incohérences induisant, selon les enquêteurs, la substitution de certains morceaux de viande par d'autres morceaux, voire l'absence de certaines pièces de viande déclarées ; que toutefois, ce rapport, intervenu six ans après le début de la procédure, qui est un examen sur pièces, sans vérifications matérielles ni auditions supplémentaires des mis en cause et représente trois tomes du dossier, a été avalisé en tant que tel par le juge d'instruction ; que celui-ci, bien que devant instruire à charge et à décharge, ne l'a jamais soumis à la contradiction des mis en examen, lesquels n'ont jamais été interrogés sur les critères d'analyse retenus par le service des douanes et n'ont pu en discuter les conclusions ; que devant le tribunal, comme devant la cour, les prévenus ont formellement contesté les énonciations et les conclusions de ce rapport, notamment celles relatives au taux de rendement moyen par animal, aux modalités de découpe variables selon les clients et à la réglementation applicable ; qu'ils ont également fait valoir que le service des douanes avait, selon les termes du rapport, effectué 42 contrôles physiques dans l'entrepôt douanier sans avoir relevé la moindre anomalie. Leurs contestations sur des points techniques auraient dû être suscitées et faire l'objet d'investigations lors de l'information ; qu'il s'ensuit qu'en l'état du dossier, que ce soit au regard de l'élément matériel, comme de l'élément intentionnel, voire de l'élément légal, la preuve de la culpabilité des prévenus n'est pas établie avec la certitude exclusive de tout doute nécessaire pour les retenir dans les liens de la prévention ; que les faits ont été portés à la connaissance de l'autorité judiciaire à l'issue de l'audition de M. Jean-Pierre B... le 22 novembre 1990 dans le cadre d'une instruction distincte; que le réquisitoire introductif est intervenu le 21 décembre 1990 ; que l'information judiciaire a été clôturée le 25 mai 2010 par arrêt de la chambre de l'instruction, après avoir été suivie par sept juges d'instruction différents ; qu'elle a donc duré près de vingt ans ; que trois ans supplémentaires ont été nécessaires pour qu'un jugement intervienne, le 14 février 2013 ; qu'au jour où la cour statue, sa durée a atteint près de vingt-cinq ans ; que l'examen de la chronologie et du fond du dossier ne met pas en évidence d'abus de procédure, notamment d'appel, de la part des prévenus, certaines de leurs contestations ayant été admises sur recours en cours d'instruction et la durée pour voir juger leurs recours ne leur étant pas imputable ; que le temps écoulé a été un facteur accroissant la complexité de l'affaire, tant par l'évolution de la réglementation, que par le dépérissement des preuves matérielles qu'il a rendu possibles ; que la plupart des prévenus, entendus en 1991 ou 1992 n'ont plus entendu parler du dossier jusqu'en 2006, date à laquelle il a encore été procédé à des mises en examen, quatorze ans après les faits ; que surtout, les poursuites reposent essentiellement sur les déclarations de MM. Jean-Pierre B... et d'Alain I..., lesquels n'ont jamais été confrontés aux personnes qu'ils ont mises en cause ; que de la même façon et plus généralement, aucun des prévenus actuels n'a été confronté à ceux qui le mettaient en cause, même lorsqu'il contestait ; que ces lacunes graves de la procédure ne peuvent être comblées par des actes de procédure supplémentaires intervenant ving-cinq ans après, et ce d'autant, que la cour ne peut procéder à aucune vérification sur pièces, compte tenu de la perte des scellés ; qu'ainsi que l'ajustement relevé le premier juge, si la juridiction de jugement doit apprécier les charges qui sont réunies à l'encontre d'un prévenu, et, au besoin, ordonner des investigations complémentaires, elle ne peut reprendre l'instruction depuis le début, surtout, lorsque matériellement, du fait du temps anormal écoulé et du dépérissement de la preuve qui en est résulté, elle n'est pas matériellement en mesure de le faire utilement ; que le respect des droits de la défense et la nécessité de juger dans un délai raisonnable font obstacle à toute nouvelle investigation, de surcroît vouée à l'échec, et, sans qu'il soit besoin de s'interroger sur l'éventuelle prescription partielle des faits, conduisent, dans les limites de l'appel, à confirmer la relaxe prononcée par le premier juge ;

"1°) alors que la Cour de justice de l'Union européenne dit pour droit que les notes explicatives du conseil de coopération douanière peuvent être utilisées pour interpréter les termes du tarif douanier commun ; que selon le Conseil de coopération douanière, devenu l'Organisation mondiale des douanes, il y a lieu d'entendre par produit frais, un produit à l'état naturel, même saupoudrés de sel en vue d'assurer la conservation pendant la durée du transport, par produit congelé un produit refroidi au-dessous de son point de congélation et par produit réfrigéré, un produit dont la température a été abaissée sans entraîner sa congélation ; qu'en affirmant que les notes explicatives du tarif douanier définissant à l'époque l'état « frais » comme l'état naturel, même saupoudré de sel en vue d'assurer la conservation pendant la durée du transport, l'état « réfrigéré » comme « l'état refroidi, généralement jusqu'aux environs de 0° C sans entraîner la congélation », l'état « « congelé » comme « l'état refroidi au-dessous du point de congélation jusqu'à la congélation à coeur » ne permettaient pas de déterminer les critères exactes de températures définissant l'état de frais d'une viande au sens des textes communautaires considérés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2°) alors que tout arrêt doit comporter des motifs propres à justifier sa décision ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que M. Jean-Pierre B... avait affirmé au juge d'instruction qu'à partir de 1985, il lui avait été demandé d'éviter que certains lots soient vérifiés par les douanes et qu'il avait ainsi accepté de déclarer l'entrée dans les entrepôts de l'entreprise Gel au Large de morceaux de viande provenant des établissements X... qui étaient déjà congelés, que son successeur, M. Michel J... avait déclaré aux enquêteurs que celui-ci lui avait avoué à plusieurs reprises qu'il contournait les exigences des services des douanes en déclarant faussement comme fraîche de la viande qui avait été congelée et qu'il était prévenu de l'arrivée d'un lot frauduleux par un télex codé des établissements X..., que M. Alain I..., recruté en 1984 par M. Jean K..., propriétaire de Gel au Large, en qualité de commercial, avait confirmé que leur principal client était la société X... et qu'elle leur adressait de la viande fraîche ou congelée mais leur demandait de déclarer fraîche celle qui était congelée, que M. Gérard L..., directeur de la société Gel au Large depuis 1990 indiquait que le cahier de congélation mentionnait, pour une période allant de juin 1987 à juin 1990, les marchandises entrées en entrepôt congelées mais déclarées au service des douanes comme fraîches, que M. Claude M..., comptable de la société Gel au large, avait déclaré avoir reçu de la part de M. Alain I... l'ordre de déduire des factures de la société X... des frais de congélation qui correspondaient à de la marchandise dont on lui avait dit qu'elle était entrée congelée, que M. François N..., magasinier de Gel au Large relatait que, dans le but de faire obtenir à la société X... des restitutions plus importantes, M. Alain I... l'avait informé qu'il devait préparer certains lots de cartons contenant de la viande congelée ; qu'en affirmant qu'en l'absence de toute constatation sur place dans les entrepôts de Gel au Large ou de la société X..., il n'est pas démontré de façon certaine que les viandes litigieuses devaient être considérées comme congelées au sens de la réglementation lorsqu'elle sont entrées dans l'entrepôt douanier alors que plusieurs employés et dirigeants des sociétés X... et Gel au Large affirmaient clairement que de la viande provenant de la société X..., déclarée au service des douanes comment fraîche, arrivait en entrepôt déjà congelée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des textes susvisés ;

"3°) alors que le juge répressif ne peut écarter une expertise produite aux débats au seul motif qu'elle n'a pas été établie contradictoirement, dès lors qu'elle a été soumise à la discussion contradictoire des parties ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que, sur commission rogatoire, les agents des douanes ont établi un rapport, au terme d'une analyse sur pièces, par rapprochement des mentions portées sur les déclarations douanières d'entrée COM7 et de sortie EX1 et que ce rapport avait mis en évidence des incohérences induisant, selon les enquêteurs, la substitution de certains morceaux de viande par d'autres morceaux, voire l'absence de certaines pièces de viande déclarées ; qu'en écartant ce rapport au motif que celui-ci n'avait jamais été soumis, durant l'instruction, à la contradiction des mis en examen lesquels n'avaient jamais été interrogés sur les critères d'analyse retenus par le service des douanes et n'avaient pu en discuter les conclusions tout en relevant que, devant le tribunal, comme devant la cour, les prévenus ont formellement contesté les énonciations et les conclusions de ce rapport, notamment celles relatives au taux de rendement moyen par animal, aux modalités de découpe variables selon les clients et à la réglementation applicable et ont également fait valoir que le service des douanes avait, selon les termes du rapport, effectué 42 contrôles physiques dans l'entrepôt douanier sans avoir relevé la moindre anomalie en sorte que ce rapport d'expertise, figurant au dossier de la procédure, avait pu être discuté contradictoirement tant devant le premier juge qu'en cause d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"4°) alors que la complicité par aide et assistance est punissable dès lors qu'une aide a été apportée sciemment à l'auteur principal dans les faits qui ont facilité la préparation ou la consommation de l'infraction ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que plusieurs salariés et dirigeants des sociétés X... et Gel au Large avaient reconnu que des pinces et plombs de l'OFIVAL étaient à leur disposition pour opérer des certifications irrégulières et qu'ils apposaient eux-mêmes des scellés en toute illégalité ; qu'en affirmant que « la présence de plombs dans l'entrepôt de stockage et l'utilisation, avérée, de pinces et de plombs par les salariés de Gel au Large ou de la société X... pouvait tout aussi bien relever d'une assistance aux agents de l'office, dont les moyens en personnel étaient insuffisants, et qui ne pouvaient dans le temps qui leur était imparti, apposer tous les plombs sur les colis » et que « s'il résulte de cette situation que dans la pratique il existait des arrangements avec la législation et que le matériel certificateur de l'OFIVAL était manipulé par d'autres que ses agents, voire avec un certain laxisme, il ne s'en déduit pas nécessairement une intention de fraude » tout en constatant que les salariés et dirigeants des sociétés Gel au Large et X... avaient admis qu'il disposait du matériel de l'OFIVAL pour effectuer des certifications irrégulières en sorte que les agents de l'office avaient nécessairement facilité la préparation et la consommation de l'infraction douanière en laissant, en toute connaissance de cause, à dispositions des prévenus le matériel certificateur de l'OFIVAL, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des textes susvisés ;

"5°) alors qu'il appartient aux juges correctionnels d'ordonner les mesures d'instruction qu'ils constatent avoir été omises et qu'ils déclarent utiles à la manifestation de la vérité ; qu'en affirmant que le rapport d'expertise douanière ainsi que les déclarations de certains prévenus et employés des sociétés X... et Gel au Large ne pouvaient être retenues, dès lors que les prévenus n'avaient pas été interrogés sur ce rapport qui aurait nécessité des investigations complémentaires et qu'il n'avait pas été demandé aux salariés des sociétés X... et Gel au Large de préciser les circonstances exactes de ce qu'ils avaient vu et que les différents protagonistes n'avaient pas été confrontés, sans prescrire les mesures d'instruction dont elle constatait la nécessité, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que MM. X... et Y... ont été poursuivis pour avoir, entre 1987 et 1992, obtenu des restitutions à l'exportation en livrant, dans un entrepôt d'exportation agréé, des morceaux désossés de gros bovins mâles qui provenaient de quartiers avant et/ou arrière congelés, alors que seuls les morceaux frais ou réfrigérés provenant de quartiers arrière étaient éligibles à l'octroi de telles restitutions ; que MM. Z..., A..., B..., C..., D..., E... et F... ont été poursuivis pour complicité ; que le tribunal a relaxé les prévenus et débouté France Agrimer, partie civile, de ses demandes ; que l'administration des douanes et droits indirects et France Agrimer ont interjeté appel ;

Sur le moyen en ce qu'il porte sur le caractère congelé des marchandises :

Attendu que, pour déclarer les prévenus non coupables d'avoir déclaré faussement que les morceaux de boeuf pour lesquels ils sollicitaient des restitutions à l'exportation n'étaient pas congelés, l'arrêt relève que ni la directive 64/433 du 26 juin 1964 ni les notes explicatives du tarif douanier ne permettent de déterminer les critères exacts de température définissant l'état frais d'une viande, la référence faite à la température interne de la viande, supposant l'utilisation d'une sonde dont les douaniers, qui contrôlaient l'état de la viande au toucher, ne disposaient pas ; qu'ainsi la preuve certaine de l'état congelé de la viande lors de l'entrée dans l'entrepôt douanier n'est pas établie; que les juges ajoutent que la marchandise était découpée et conditionnée au moment du contrôle douanier, qu'aucun contrôle sur place n'a permis de caractériser l'état congelé, que le cahier de la société Gel au large seulement renseigné de juin 1988 à juin 1989 ne permet pas d'établir une relation entre les marchandises entrées congelées et les marchandises visées dans les poursuites, que le contrôle physique avec certification dans une proportion minimum de 5% de la marchandise, quasi inexistant avant, n'a été imposé qu'à partir de 1991, que l'utilisation des pinces et plombs des agents certificateurs par les salariés de Gel au large pouvait relever d'une assistance des agents de l'Office en nombre insuffisant pour exécuter leur mission comme reconnu par deux d'entre eux, sans intention de frauder ; qu'ils relèvent enfin que le rapport établi par des agents des douanes, qui est un examen sur pièces dans le cadre d'une commission rogatoire, n'a été suivi d'aucune vérification ni audition supplémentaire et est contesté par les prévenus devant les juges du fond ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, et dès lors que les notes explicatives du Conseil mondial des douanes n'ont pas force obligatoire, la cour d'appel, qui, après débat contradictoire, a apprécié souverainement les éléments de fait et de preuve soumis à son examen et l'opportunité d'ordonner un supplément d'information, en retenant que la preuve n' est pas rapportée que les viandes ont été livrées congelées à l'entrepôt, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le grief doit être écarté ;

Mais sur le moyen en ce qu'il porte sur la nature de la marchandise :

Vu l'article 112-1 du code pénal, l'article 49 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 7 août 2018, X... e.a., (aff. n° C-115/17) et les articles 414 et 426, 4°, du code des douanes ;

Attendu qu'il résulte des deux premiers de ces textes que le principe de l'application immédiate de la loi pénale plus douce ne trouve pas à s'appliquer lorsque les poursuites ont été engagées à raison d'un comportement qui reste incriminé et que les sanctions encourues n'ont pas été modifiées dans un sens moins sévère ;

Attendu que les articles 426, 4° et 414 du code des douanes, tant dans leur rédaction applicable à l'époque des faits que dans leur rédaction actuellement en vigueur, incriminent et répriment les fausses déclarations ayant pour but ou pour effet d'obtenir, en tout ou partie, un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage quelconque attaché à l'importation ou à l'exportation ;

Attendu que, pour relaxer les prévenus à raison des déclarations faisant apparaître faussement que les quartiers de boeuf pour lesquelles des subventions étaient sollicitées étaient des quartiers arrière, la cour d'appel relève que le règlement CEE n° 1964/82, du 20 juillet 1982, arrêtant les conditions d'octroi des restitutions particulières à l'exportation pour certaines viandes bovines applicable au moment des faits, a été modifié à six reprises entre 1987 et le 20 novembre 2006 et qu'il a été abrogé par le règlement n° 1359/2007, du 21 novembre 2007, lequel a étendu le bénéfice des restitutions aux morceaux issus de quartiers avant ; que les juges en concluent que ces dispositions nouvelles moins sévères doivent s'appliquer ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

Que, d'une part, selon l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne susmentionné, le choix du législateur européen de modifier les critères d'éligibilité aux restitutions de marchandises s'est fondé sur une appréciation économique de la situation du marché de la viande et ne visait pas à remettre en question la qualification pénale ou l'appréciation, par les autorités nationales, de la peine à appliquer à des comportements ayant pour effet d'obtenir indûment des restitutions particulières à l'exportation ;

Que, d'autre part, le texte législatif national qui constitue le support de l'incrimination n'a pas été modifié ;

Qu'il s'en déduit que les dispositions nouvelles, bien qu'issues d'une norme communautaire, ne s'appliquent pas aux infractions commises avant leur entrée en vigueur ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Poitiers, en date du 13 mars 2015, mais en ses seules dispositions ayant relaxé les prévenus pour le délit ou complicité du délit de fausses déclarations ayant pour effet d'obtenir des restitutions à l'exportation en livrant des morceaux désossés de gros bovins mâles provenant de quartiers avant, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Poitiers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize janvier deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-82333
Date de la décision : 16/01/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

LOIS ET REGLEMENTS - Application dans le temps - Loi pénale de fond - Loi plus douce - Règlements communautaires - Abrogation - Effet sur des poursuites douanières

Il résulte des articles 112-1 du code pénal et 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 7 août 2018 (Clergeau e.a., affaire n° C-115/17), que le principe de l'application immédiate de la loi pénale plus douce ne trouve pas à s'appliquer lorsque les poursuites ont été engagées à raison d'un comportement qui reste incriminé et que les sanctions encourues n'ont pas été modifiées dans un sens moins sévère. Méconnaît ce principe la cour d'appel qui, pour relaxer des prévenus poursuivis pour de fausses déclarations leur permettant d'obtenir des restitutions à l'exportation de quartiers de boeufs, relève que le règlement (CEE) n° 1964/82 du 20 juillet 1982 arrêtant les conditions d'octroi des restitutions particulières à l'exportation pour certaines viandes bovines, applicable au moment des faits, a été modifié puis abrogé par le règlement (CE) n° 1359/2007 du 21 novembre 2007 instituant des dispositions moins sévères devant être appliquées, alors que, d'une part, selon l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne susmentionné, le choix du législateur européen de modifier les critères d'éligibilité aux restitutions de marchandises s'est fondé sur une appréciation économique de la situation du marché de la viande et ne visait pas à remettre en question la qualification pénale ou l'appréciation, par les autorités nationales, de la peine à appliquer à des comportements ayant pour effet d'obtenir indûment des restitutions particulières à l'exportation, d'autre part, le texte législatif national qui constitue le support de l'incrimination n'a pas été modifié, et qu'ainsi, les dispositions nouvelles, bien qu'issues d'une norme communautaire, ne s'appliquent pas aux infractions commises avant leur entrée en vigueur


Références :

article 112-1 du code pénal

article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne

articles 414 et 426 du code des douanes

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 12 mars 2015

Sur les conséquences en matière de poursuites douanières de l'abrogation d'un règlement communautaire, à rapprocher : Crim., 26 mars 1998, pourvoi n° 96-85378, Bull. crim. 1998, n° 116 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 jan. 2019, pourvoi n°15-82333, Bull. crim.Bull. crim. 2019, n° 19
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle Bull. crim. 2019, n° 19

Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Spinosi et Sureau, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:15.82333
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