LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Pact'Immo a cédé à la société Agence Albert 1er (la société Albert 1er) le fonds de commerce d'agence immobilière qu'elle exploitait à Juan-les-Pins ; que l'acte de cession contenait une clause de non-rétablissement ; qu'ayant constaté que MM. Y... et X..., associés et cogérants de la société Pact'Immo, avaient créé la société International Prestige Agency pour exploiter une agence immobilière à la même adresse que le fonds cédé et soutenant que la société Pact'Immo avait ainsi, par leur intermédiaire, violé la clause de non-rétablissement stipulée dans l'acte de cession, la société Albert 1er l'a assignée, ainsi que MM. Y... et X..., en réparation de son préjudice ;
Sur le moyen unique, en ce qu'il critique le rejet des demandes formées par la société Albert 1er contre MM. Y... et X... :
Attendu que la société Albert 1er fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes qu'elle a formées, au titre de la violation de la clause de non-rétablissement, contre MM. Y... et X... alors, selon le moyen :
1°/ qu'en cas de vente d'un fonds de commerce ou d'un fonds libéral par une personne morale, la clause de non-rétablissement stipulée dans l'acte interdit non seulement au vendeur de détourner la clientèle du fonds cédé mais aussi à ses dirigeants ou aux personnes qu'il pourrait interposer pour échapper à ses obligations ; qu'en affirmant que la clause de non-rétablissement n'obligeait que le cédant, soit la société Pact'immo, à l'exclusion de ses deux associés qui en étaient aussi les dirigeants et de la société International Agency prestige qu'ils avaient constituée entre eux, pour exploiter une agence immobilière à l'adresse où celle cédée avait été exploitée, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce ;
2°/ qu'il était ainsi convenu que la clause de non-rétablissement prive le cédant de « la faculté : de créer, exploiter, prendre à bail ou faire valoir, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, aucun fonds similaire en tout ou partie à celui présentement cédé, [de] s'intéresser directement ou indirectement ou par personne interposée, et même en tant qu'associé ou actionnaire de droit ou de fait, même à titre de simple commanditaire, ou de gérant, dirigeant social, salarié, ou préposé, fût-ce à titre accessoire, à une activité concurrente ou similaire en tout ou partie à celle exercée par lui dans le fonds présentement cédé » ; qu'en affirmant que la clause de non-rétablissement n'obligeait que le cédant, soit la société Pact'immo, à l'exclusion de ses deux associés qui en étaient aussi les dirigeants et de la société International Agency prestige qu'il avaient constituée entre eux, pour exploiter une agence immobilière à l'adresse où celle cédée avait été exploitée, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce ;
3°/ que qui contrevient à une obligation de ne pas faire doit des dommages-intérêts par le seul fait de la contravention, sans que son créancier soit tenu de justifier qu'il l'a empêché de poursuivre son activité ; qu'en décidant que la société Albert 1er n'était plus fondée à mettre en oeuvre la clause de non-concurrence depuis qu'elle avait fermé l'agence immobilière qu'elle avait acquise de la société Pact'immo, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1145 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce ;
4°/ qu'il a été convenu à l'acte que l'interdiction s'exerçait à compter du jour de l'entrée en jouissance dans un rayon de cinq km à vol d'oiseau du lieu d'exploitation du fonds cédé et ce pendant cinq ans, et, en cas d'infraction, que le cédant serait redevable de plein droit d'une indemnité forfaitaire de 1 000 euros par jour de contravention, le cessionnaire se réservant en outre le droit de demander à la juridiction compétente d'ordonner la cessation immédiate de ladite infraction ; qu'en décidant qu'il était dans l'intention des parties de limiter les effets de la clause de non-rétablissement au fonds de commerce cédé qui n'existe plus depuis le 30 mars 2013, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la clause précitée, en violation de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce ;
5°/ que l'existence du fonds de commerce ne dépend que du maintien de sa clientèle ; qu'en affirmant, pour décider que la société Albert 1er ne pouvait plus se prévaloir de la clause de non-concurrence, qu'elle avait procédé à la fermeture de son établissement, selon mention figurant à son Kbis, pour en déduire que son fonds de commerce n'existait plus, au lieu de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si elle n'avait pas conservé la clientèle qui y était attachée au travers de son établissement principal, la cour d'appel qui a déduit un motif inopérant, a violé l'article 1134 du code civil par refus d'application ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le contrat de cession de fonds de commerce contenant la clause de non-rétablissement n'avait été conclu qu'entre les sociétés Pact'Immo et Albert 1er, la cour d'appel, devant laquelle aucun moyen, hormis le visa des articles 1134 et 1156 du code civil, n'était soutenu pour justifier la demande de condamnation solidaire de MM. Y... et X..., qui n'étaient pas personnellement parties à cet acte, a pu retenir qu'aucun moyen sérieux n'était développé au soutien de la prétention tendant à ce que soit retenue leur faute contractuelle pour violation de l'engagement pris par la société Pact'Immo seule et, par ce seul motif, abstraction faite de ceux, surabondants, critiqués par les trois dernières branches, a justifié sa décision ; que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche, en ce qu'il critique le rejet des demandes formées par la société Albert 1er contre la société Pact'Immo :
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que pour rejeter la demande formée par la société Albert 1er contre la société Pact'Immo, l'arrêt retient que seule cette dernière a contracté l'engagement de non-réinstallation et que le manquement contractuel invoqué réside dans l'initiative prise par un tiers, non partie au contrat, en l'espèce la société International Prestige Agency, de se réinstaller à l'endroit où était exploité le fonds de commerce cédé ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la clause stipulait que le cédant s'interdisait, dans un certain périmètre et pendant une certaine durée, de créer ou exploiter, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, un fonds de commerce, similaire en tout ou partie à celui cédé, ainsi que de s'intéresser, directement ou indirectement ou par personne interposée, à toute activité concurrente ou similaire, ce dont il résultait qu'elle s'appliquait à la création et l'exploitation d'un fonds de commerce similaire par une société constituée par les deux associés cogérants de la société cédante, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt, après avoir relevé qu'il était de la commune intention des parties de limiter les effets de la clause de non-rétablissement au fonds cédé et constaté que la société Albert 1er avait, le 30 mars 2013, fermé le fonds de commerce qu'elle avait acquis de la société Pact'Immo, retient que, la clientèle d'un fonds de commerce cessant de faire partie du patrimoine de l'exploitant à compter de la fermeture du fonds, la clause ne peut bénéficier au fonds de commerce exploité par la même société à Antibes ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors que la fermeture d'un fonds de commerce n'implique pas nécessairement la disparition de la clientèle qui le composait, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si la clientèle du fonds cédé n'avait pas été transférée à l'agence principale exploitée par la [...] , a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il rejette les demandes formées par la société Agence Albert 1er contre la société Pact'Immo, l'arrêt rendu le 9 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Pact'Immo aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Agence Albert 1er la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Agence Albert 1er.
Le pourvoi fait grief l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté la société AGENCE ALBERT 1er des demandes qu'elle avait formées, au titre de la violation de la clause de non-rétablissement, à l'encontre de la société PACT'IMMO, de M. Cyril Y... et de M. Stéphane X... ;
AUX MOTIFS QUE le contrat de cession du fonds de commerce, signé par le gérant de la société Pact'Immo, ne concerne que cette dernière société et la société cessionnaire Agence Albert 1er ; qu'or le manquement contractuel qu'invoque cette dernière réside dans l'initiative prise par un tiers, non partie au contrat, en l'espèce la société International Prestige Agency, de se réinstaller à l'endroit où était exploité le fonds de commerce cédé ; que si cette société a été créée par MM. X... et Y..., aucun moyen sérieux n'est développé au soutien de la prétention tendant à ce que soit retenue leur faute contractuelle, pour violation de l'engagement pris la société Pact'Immo, seule ; qu'en toute hypothèse, ladite clause, qui constitue une entrave au principe de libre établissement, a été consentie pour assurer la libre jouissance de la chose vendue ; qu'en ce sens, les appelants sont fondés à soutenir qu'elle constitue une clause de non-concurrence, c'est-à-dire l'interdiction faite au cédant de détourner la clientèle du fonds de commerce cédé, clause attachée au fonds de commerce lui-même ; que le fonds de commerce acquis puis exploité au [...] ne l'est plus depuis le 30 mars 2013, cet établissement ayant été fermé par la société intimée, selon mention figurant à son Kbis ; que, par ailleurs, s'il est prétendu que la clause de non-rétablissement était une condition de la cession, ladite clause était limitée dans le temps a une durée de cinq ans et géographiquement « dans un rayon de 5 km à vol d'oiseau du lieu d'exploitation du fonds de commerce cédé », de sorte que la commune intention des parties était d'en limiter les effets au fonds de commerce cédé qui n'existe plus depuis le 30 mars 2013 et non de l'étendre au fonds de commerce exploité par la société Agence Albert 1er à Antibes rue Albert 1er, les appelants faisant ici valoir que, selon la Cour de Cassation, la clientèle cesse de faire partie du patrimoine de l'exploitant au jour de la fermeture du fonds de commerce lui appartenant (Cour de Cassation, 1ère chambre civile, 9 mai 1978 : Bull. civ. 1978, I, n° 183) ; que, dans de telles conditions, la société International Prestige Agency, qui n'était pas encore créée au moment de la fermeture du fonds, n'a pas pu détourner la clientèle qui y était attachée ;
1. ALORS QU'en cas de vente d'un fonds de commerce ou d'un fonds libéral par une personne morale, la clause de non-rétablissement stipulée dans l'acte interdit non seulement au vendeur de détourner la clientèle du fonds cédé mais aussi à ses dirigeants ou aux personnes qu'il pourrait interposer pour échapper à ses obligations ; qu'en affirmant que la clause de non-rétablissement n'obligeait que le cédant, soit la société PACT'IMMO, à l'exclusion de ses deux associés qui en étaient aussi les dirigeants et de la société INTERNATIONAL AGENCY PRESTIGE qu'il avaient constituée entre eux, pour exploiter une agence immobilière à l'adresse où celle cédée avait été exploitée, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce ;
2. ALORS QU'il était ainsi convenu que la clause de non-rétablissement prive le cédant de « la faculté : de créer, exploiter, prendre à bail ou faire valoir, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, aucun fonds similaire en tout ou partie à celui présentement cédé, [de] s'intéresser directement ou indirectement ou par personne interposée, et même en tant qu'associé ou actionnaire de droit ou de fait, même à titre de simple commanditaire, ou de gérant, dirigeant social, salarié, ou préposé, fût-ce à litre accessoire, à une activité concurrente ou similaire en tout ou partie à celle exercée par lui dans le fonds présentement cédé » ; qu'en affirmant que la clause de non-rétablissement n'obligeait que le cédant, soit la société PACT'IMMO, à l'exclusion de ses deux associés qui en étaient aussi les dirigeants et de la société INTERNATIONAL AGENCY PRESTIGE qu'il avaient constituée entre eux, pour exploiter une agence immobilière à l'adresse où celle cédée avait été exploitée, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce ;
3. ALORS QUE qui contrevient à une obligation de ne pas faire doit des dommages et intérêts par le seul fait de la contravention, sans que son créancier soit tenu de justifier qu'il l'a empêché de poursuivre son activité ; qu'en décidant que la société AGENCE ALBERT 1er n'était plus fondée à mettre en oeuvre la clause de non-concurrence depuis qu'elle avait fermé l'agence immobilière qu'elle avait acquise de la société PACT'IMMO, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1145 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce ;
4. ALORS QU'il a été convenu à l'acte que l'interdiction s'exerçait à compter du jour de l'entrée en jouissance dans un rayon de cinq km à vol d'oiseau du lieu d'exploitation du fonds cédé et ce pendant cinq ans, et, en cas d'infraction, que le cédant serait redevable de plein droit d'une indemnité forfaitaire de 1 000 euros par jour de contravention, le cessionnaire se réservant en outre le droit de demander à la juridiction compétente d'ordonner la cessation immédiate de ladite infraction ; qu'en décidant qu'il était dans l'intention des parties de limiter les effets de la clause de non-rétablissement au fonds de commerce cédé qui n'existe plus depuis le 30 mars 2013, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la clause précitée, en violation de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce ;
5. ALORS QUE l'existence du fonds de commerce ne dépend que du maintien de sa clientèle ; qu'en affirmant, pour décider que la société AGENCE ALBERT 1er ne pouvait plus se prévaloir de la clause de non-concurrence, qu'elle avait procédé à la fermeture de son établissement, selon mention figurant à son Kbis, pour en déduire que son fonds de commerce n'existait plus, au lieu de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si elle n'avait pas conservé la clientèle qui y était attachée au travers de son établissement principal, la cour d'appel qui a déduit un motif inopérant, a violé l'article 1134 du code civil par refus d'application.