LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 octobre 2017), que M. Y..., M. B... et Mme A..., épouse B... ont conclu une promesse de vente au profit de M. X... et Mme Z... portant sur des locaux commerciaux avec faculté de substitution et sous condition suspensive de l'obtention d'un prêt ; que les promettants, estimant que le refus du prêt était imputable aux bénéficiaires de la promesse, leur ont demandé le paiement de l'indemnité d'immobilisation prévue au contrat ; que M. X... et Mme Z... les ont assignés en restitution de la somme versée à ce titre à la signature de la promesse de vente ;
Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt retient qu'il apparaît des lettres de refus de la banque que ce sont les personnes physiques elles-mêmes, bénéficiaires de la promesse, et non la société qu'elles envisageaient de substituer, qui ont formé la demande de prêt et qui se sont vu notifier en leur nom le refus de crédit de la banque ;
Qu'en statuant ainsi, alors que M. X... et Mme Z... n'avaient pas soutenu avoir formé la demande de prêt en leur nom propre, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne M. Y... et M. et Mme B... à payer aux demandeurs 335,11 euros, l'arrêt rendu le 20 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie sur le surplus devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. et Mme B... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. et Mme B... .
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté les époux B... de leur demande en paiement de la somme de 56.000 € au titre de l'indemnité d'immobilisation.
AUX MOTIFS QUE « Contrairement à ce que soutiennent les intimés, le jugement entrepris doit être approuvé, en présence des clauses contradictoires du contrat qui prévoient, d'une part, que le financement objet de la condition suspensive sera accordé par la banque HSBC France et, d'autre part, que le bénéficiaire devra justifier de demandes de prêts auprès d'au moins deux banques ou établissements financiers différents, d'avoir retenu, par interprétation de la convention et pour des motifs adoptés, que le bénéficiaire s'était engagé à présenter une seule demande de financement auprès de la banque HSBC France. Les parties ont encore stipulé, à la fois, que "la réalisation des présentes par acte authentique pourra avoir lieu, soit au profit du bénéficiaire, soit au profit de toute autre personne physique ou morale que ce dernier se réserve de désigner", sous réserve d'informer le promettant de cette substitution et que "la condition suspensive de l'obtention du prêt est réputée acquise
. Dès lors que le refus de prêt dont se prévaut le bénéficiaire a été fait au nom d'une autre personne, notamment de la personne bénéficiaire d'une faculté de substitution. A cet égard, c'est à tort que le tribunal a retenu qu'il n'était pas établi que M. X... et Mme Z... avaient sollicité la banque HSBC Franc conformément aux prévisions de la condition suspensive, alors que, au contraire, le courrier du 3 septembre 2013 de la banque HSBC atteste de ce que Mme Z... et M. X... ont déposé un dossier de demandes de prêts "concernant l'acquisition des biens objets de la promesse par le biais d'une SCI en cours d'immatriculation" et que par courrier du 20 septembre 2013, qui leur est nommément adressé, cette banque précise le montant du crédit sollicité, 448.0000 € et la durée de remboursement, 20 ans, tout en notifiant le refus de prêt et qu'enfin, par courrier du 4 février 2014, la banque HSBC précise encore que Mme Z... et M. X... ont sollicité un prêt au taux de 3,30% hors assurance. Outre que la preuve est rapportée de ce que les caractéristiques du prêt sollicité sont conformes quant au montant, à la durée de remboursement et aux taux d'intérêt, il apparaît des lettres de refus de la banque que ce furent les personnes physiques elles-mêmes, bénéficiaires de la promesse, et non la société qu'elles envisageaient de substituer en vertu d'une disposition expresse de l'avant-contrat consentie par les promettants, qui ont formé la demande de prêt et qui se sont vues notifier en leur nom le refus de crédit par la banque, sans qu'il soit établi que ce refus aurait été motivé par la circonstance que la SCI était en cours d'immatriculation ou qu'une éventuelle substitution aurait compromis les chances des bénéficiaires d'obtenir un crédit. Dès lors, les conditions d'application de la clause de l'avant-contrat prévue par les parties pour le cas où "le refus de prêt" dont se prévaut le bénéficiaire a été fait "au nom d'une autre personne, notamment le bénéficiaire de la faculté de substitution" ne sont pas réunies. Il s'ensuit que la condition suspensive d'obtention du prêt ne s'est pas réalisée et qu'il n'est pas prouvé que ce fût de la faute des bénéficiaires de la promesse, de sorte que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné M. X... et Mme Z... à payer l'indemnité d'immobilisation ».
1°) ALORS, D'UNE PART, QUE la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement ; qu'en l'espèce, la promesse de vente signée entre les époux B... et M. X... et Mme Z..., précisait que « la condition suspensive de l'obtention du prêt est réputée acquise dès lors que le refus de prêt dont se prévaut le bénéficiaire a été faite au nom d'une autre personne, notamment de la personne bénéficiaire d'une faculté de substitution » et les propres écritures des bénéficiaires de la promesse précisaient qu'ils avaient déposé une demande de prêt par le biais d'une SCI en cours de constitution (conclusions d'appel p. 8), ce dont il résultait que la condition suspensive était réputée acquise ; qu'en jugeant que la défaillance de la condition suspensive d'obtention de prêt n'était pas imputable à la faute des bénéficiaires de la promesse de vente au motif erroné que la demande de prêt avait été formée par les personnes physiques bénéficiaires de la promesse de vente et était conforme aux stipulations contractuelles, la cour d'appel a violé ensemble l'article 1304-2, ancien article 1178, et l'article 1103, ancien article 1134 du code civil ;
2°) ALORS, D'AUTRE PART, QUE les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les termes du litige tels qu'ils sont fixés par les prétentions respectives des parties ; que pour juger que la demande de prêt était conforme aux stipulations contractuelles qui prévoyaient que les acheteurs étaient M. X... et Mme Z..., la cour d'appel a retenu qu'elle avait été présentée par les personnes physiques bénéficiaires de la promesse unilatérale de vente quand les écritures d'appel des parties s'accordaient pour énoncer que la demande de prêt avait été présentée par les bénéficiaires au nom d'une SCI en cours de constitution entre eux de sorte qu'en retenant le motif erroné que la demande de prêt avait été formée par les personnes physiques bénéficiaires de la promesse de vente et était conforme aux stipulations contractuelles quand il ressortait au contraire tant des conclusions des bénéficiaires de la promesse, que des lettres de la banque du 3 et du 20 septembre 2013 versées au débat, que la demande de prêt avait été formée au nom d'une société civile immobilière en cours de constitution, la cour d'appel a dénaturé les termes et pièces du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°) ALORS, TROISIEMENT, QUE la non-conformité de la demande de prêt aux termes de la condition suspensive suffit à la réputer acquise, sans avoir ni à rechercher ni à établir qu'elle aurait été à l'origine du refus de la banque d'accorder le prêt ; qu'en rejetant la demande des exposants au prétexte qu'il n'était pas établi que le refus de la banque d'octroyer le prêt « aurait été motivé par la circonstance que la SCI était en cours d'immatriculation ou qu'une éventuelle substitution aurait compromis les chances des bénéficiaires d'obtenir un crédit », la cour d'appel a ajouté une condition que la loi ne prévoit pas et a, en conséquence, violé l'article 1304-2, ancien article 1178, et l'article 1103 du code civil, ancien article 1134.
4°) ALORS QUE celui qui se prétend libéré doit justifier du fait de sa libération ; qu'en l'espèce, il est constant que les bénéficiaires n'ont jamais communiqué la demande de prêt, contrairement aux termes de la promesse de vente qui les obligeaient à en justifier à la première demande du promettant (p. 12 in fine), quand il leur appartenait d'établir qu'ils avaient présenté une demande de prêt auprès de HSBC, dans les conditions fixées par la promesse ; que la cour d'appel, qui a dit que les bénéficiaires pouvaient se prévaloir de ce que la condition suspensive de la non-obtention du prêt ne s'était pas réalisée, en se référant au seul courrier de la banque notifiant le refus du prêt et au prétexte qu'il appartenait au promettant de prouver la faute des bénéficiaires de la promesse, a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 nouveau du code civil ;
5°) ALORS QUE l'aveu fait en justice par la partie ou son fondé de pouvoir spécial fait pleine foi contre celui qui l'a fait ; qu'en l'espèce, il résulte expressément des conclusions d'appel des consorts X... Z... que la demande de prêt avait été formée par le biais d'une SCI en cours d'immatriculation (conclusions p. 8, 9, 10 et 17) ; que pour débouter les consorts B... de leurs demandes, la cour d'appel, qui a retenu qu'il était établi que la demande de prêt avait été formée par les personnes physiques elles-mêmes et non par la société qu'elles envisageaient de se substituer, a méconnu l'aveu judiciaire susvisé, et violé l'article 1356 ancien du code civil devenu 1383 nouveau du code civil ;
6°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motivation ; qu'en l'espèce, les promettants faisaient valoir que les bénéficiaires de la promesse de vente avaient encore fait obstacle à la réalisation de la condition suspensive d'obtention du prêt en déclarant de manière mensongère et déloyale qu'il n'existait pas d'empêchement à l'octroi des prêts et que leurs ressources leur permettaient de solliciter un prêt de 448.000 € maximum sur 20 ans et au taux de 3,30 % hors assurance quand les pièces versées au débat démontraient qu'ils n'étaient pas imposables en raison de l'insuffisance de leurs revenus, ce dont il résultait qu'ils savaient qu'ils n'avaient pas, contrairement à leur déclaration, les ressources nécessaires pour obtenir un prêt dans les conditions fixées dans la promesse de vente ; qu'en jugeant au contraire que le refus de prêt n'était pas imputable aux bénéficiaires sans répondre à ce moyen pertinent tiré de leur déclaration mensongère et déloyale, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.