LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 322-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Attendu que l'arrêt attaqué (Reims, 27 septembre 2017), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 12 novembre 2015, pourvoi n° 14-25.371), fixe les indemnités de dépossession dues à M. X... et Mme X... Z... , à la suite de l'expropriation, au profit de la commune de Besançon, de parcelles leur appartenant ;
Attendu que, pour écarter les accords amiables invoqués par l'expropriante, l'arrêt retient qu'il s'agit de conventions dans lesquelles la contrepartie des terrains vendus est constituée par un prix fixé uniformément à huit euros le mètre carré ;
Qu'en statuant ainsi, sans préciser en quoi les parcelles expropriées présentaient des caractéristiques matérielles et juridiques différentes de celles des parcelles objet des cessions amiables, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à 48 526 euros l'indemnité principale de dépossession et à 7 280 euros l'indemnité de remploi dues par la commune de Besançon à M. X... et Mme X... Z... au titre de l'expropriation des parcelles cadastrées section [...] et [...] et [...], l'arrêt rendu le 27 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne M. X... et Mme X... Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour La Commune de Besançon
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à 48.526 € l'indemnité principale et à 7.280 € l'indemnité de remploi dues par la ville de Besançon à M. Gilbert X... et à Mme Huguette X... Z... au titre de l'expropriation des parcelles cadastrées commune de Besançon section [...], [...] , [...],[...] , et [...] , [...] ; ;
AUX MOTIF QU'en application de l'article L. 13-16 alinéa 1 du code de l'expropriation (ancien), la juridiction doit tenir compte des accords réalisés à l'amiable entre l'expropriant et les divers titulaires de droit à l'intérieur du périmètre des opérations faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique ;
que, toutefois, le juge ne peut tenir compte que des accords portant sur le prix réel des terrains, ce qui n'est pas le cas pour la quasi-totalité des acquisitions réalisées par la ville de Besançon pour le projet ZAC Habitat – secteur [...] – zone 2AU-h du plan local d'urbanisme, le tableau de celles-ci faisant d'autant plus ressortir qu'il s'agit, notamment, de conventions passées avec cette commune dans lesquelles la contrepartie des terrains vendus est constitué par un prix fixé uniformément à huit euros le mètre carré, à l'exception de la première référence, qui, datant des 05 et 24 décembre 2005, est trop ancienne pour être prise en considération ; qu'en outre, les biens devant être estimés à la date de décision de première instance, il convient de souligner qu'il ne peut être tenu compte des accords amiables intervenus postérieurement au jugement de fixation des indemnités (Cass. 3e civ., 22 mai 1986, arrêt n° 589 P), telle la vente des parcelles [...] , [....], [...] par MM. Louis et Christian Z... le 25 mars 2015 ; que la même remarque vaut pour les jugements n° 15/142 et 15/143 du 17 avril 2015, 15/141 du 14 août 2015 ; que n'étant que la reproduction d'une même motivation faisant apparaître uniformément un prix de 8 euros le mètre carré, les autres décisions produites ne peuvent être retenues ; que la ville de Besançon fait, à juste titre, valoir que les parcelles [...] , [...] et [...] sont en l'état de jardin dépourvus de réseaux ; qu'étant rappelé le caractère inconstructible de celles-ci à la date de référence, apparaissent dès lors pertinentes les références suivantes fournies par les appelants :
- parcelle [...] – Feuille 000 IY 01 – commune de Besançon, 2012P02670, vente du 7 mars 2012, 173 m2, pour un prix de 12.000 €, soit 15,52 euros du mètre carré, la parcelle étant classée en zone naturelle N ;
- parcelle [...] – Feuille 000 MW 01 – commune de Besançon – 2012P02032, vente du 30 janvier 2012, 2.290 m2, pour un prix de 57.250 €, soit un prix de 25 euros du mètre carré, le terrain étant en zone à urbaniser 1AU-D ;
- parcelle [...] , commune de Besançon, 559 m2, proposition de la ville de Besançon en date du 13 juin 1974, dans le cadre de l'expropriation des terrains nécessaires à l'élargissement du chemin de [...] (même zone que les parcelles du présent procès), acceptée le 14 octobre 1975 par Georges Z..., demeurant alors [...] , pour le prix principal de 42.260,40 francs, 75,60 francs du mètre carré ou 11,53 euros et, compte tenu de l'évolution du marché immobilier local et non pas de l'érosion monétaire comme le propose les appelants, 17,30 euros du mètre carré, soit 50 % de plus ;
qu'il en résulte un prix moyen de 19 euros du mètre carré ;
1°) ALORS QUE le juge doit tenir compte des accords intervenus entre l'expropriant et les divers titulaires de droits à l'intérieur du périmètre des opérations faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique ; qu'en se fondant, pour écarter les accords amiables invoqués par l'expropriante, sur la circonstance que la quasi-totalité d'entre eux fixait uniformément le prix de cession à 8 € le mètre carré, circonstance pourtant impropre à exclure que ces accords constituent des références pertinentes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 322-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
2°) ALORS QUE l'insuffisance de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en refusant de tenir compte des décisions de justice antérieures au jugement entrepris produites par l'expropriante prétexte pris qu'elles n'étaient que la reproduction d'une même motivation faisant apparaître uniformément un prix de 8 euros le mètre carré, sans expliquer en quoi cette circonstance serait de nature à ôter toute pertinence à ces éléments de comparaison, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
3°) ALORS QUE la ville de Besançon invoquait dans ses écritures (p. 40 et 41) des accords amiables intervenus sur les secteurs des hauts de Chazal et des portes de Vesoul en précisant que ces secteurs bénéficiaient d'un zonage et d'un usage comparables à ceux du secteur [...] – zone 2 AU-H du plan local d'urbanisme ; qu'en fixant les indemnités d'expropriation sans examiner, même succinctement, ces éléments de comparaison, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
4°) ALORS QUE la ville de Besançon faisait valoir dans ses conclusions d'appel (p. 42, al. 7) que les termes de référence produits par les consorts X... Z... correspondaient intégralement à des parcelles situées en zones constructibles ; qu'en tenant pour pertinentes trois références fournies par les expropriés sans répondre à ces conclusions, pourtant déterminantes, les trois parcelles expropriées étant, selon ses propres constatations, situées en zone inconstructible, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
5°) ALORS QUE les biens expropriés sont estimés à la date de décision de première instance ; qu'en retenant, au nombre des trois éléments de référence proposés par les expropriés, dont elle a fait la moyenne pour déterminer la valeur des biens, le prix fixé pour une mutation réalisée en 1974, époque à laquelle les conditions de marché économiques et juridiques étaient sans rapport avec celles constatées en 2013, date de référence, la cour d'appel, qui a par ailleurs écarté comme trop ancienne une référence proposée par la ville à une cession réalisée en 2005, n'a pas procédé, même en effectuant, comme elle a voulu le faire, une « actualisation » du prix de l'opération réalisée en 1974 en fonction de « l'évolution du marché », à une évaluation des biens à la date de référence, violant ainsi l'article L. 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
Le greffier de chambre