LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 13 juin 2017), que la société Banque cantonale de Genève (la banque) a accordé un prêt à M. Z... , gérant de la société civile immobilière [...] (la SCI) qui a consenti une hypothèque sur un immeuble lui appartenant en garantie de ce prêt ; que, faute de remboursement des échéances du prêt, la banque a délivré un commandement de payer valant saisie immobilière du bien donné en garantie ; que la SCI a assigné la banque en nullité de la sûreté ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes ;
Mais attendu qu'ayant retenu que le prêt consenti à M. Z... avait, en partie, pour objet la récupération de fonds propres qu'il avait investis dans la SCI, que celle-ci ne justifiait pas de l'état de son patrimoine et que la valeur de l'immeuble, estimée à la demande de la SCI dans la perspective de la constitution de la garantie, était supérieure au montant du prêt octroyé, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a, par une décision motivée, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile immobilière [...] aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société civile immobilière [...] et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Banque cantonale de Genève ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour la société [...].
Il EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait notamment débouté la SCI [...] de sa demande de nullité de son engagement comme caution hypothécaire ;
AUX MOTIFS QUE « sur la conformité à l'objet social : que les statuts de la SCI [...] énoncent que la société a pour objet ‘‘en France, l'acquisition, la propriété et la gestion d'un ensemble immobilier situé au [...] , l'administration et la gestion par location ou autrement de tous immeubles et biens immobiliers propres tels que des appartements, immeubles résidentiels ou non, terrains, fonds de commerce, droit au bail, pas de porte, la création, l'acquisition et la détention de tous titres de sociétés immobilières, l'acquisition et la détention de tous biens meubles se rattachant directement ou indirectement à l'objet social'' ; qu'en l'espèce, la garantie critiquée a été consentie avec l'accord unanime de tous les associés qui ont le pouvoir de modifier les statuts de la société, ce qui n'a pas été fait lors de la souscription de la garantie, étant rappelé que la conformité à l'objet social s'apprécie au moment où l'acte est passé ; qu'il existe une communauté d'intérêts entre la SCI [...] et M. Jean Z... , puisqu'il s'agit d'une société familiale dont les associés sont des membres de la famille Z... : le père, la mère et les enfants du couple (Laura et Louis) ; qu'il est constant et non contesté que la SCI a été créée pour permettre la transmission du bien situé au [...] aux enfants du couple Y... - Z... ; qu'aux termes de l'acte authentique de prêt hypothécaire en date du 28 janvier 2010, il est énoncé concernant les conditions particulières du prêt en page 3 : ‘‘But : Mise à disposition de liquidités/récupération de fonds propres investis par le débiteur dans une maison individuelle sise [...], [...] (
)'' ; qu'il en résulte donc que M. Jean Z... a bien investi des fonds propres dans le bien donné en garantie par la SCI à la BCG et que la banque avait donc parfaitement connaissance de l'objectif de l'emprunt lorsqu'elle a consenti sa garantie, laquelle consistait en la récupération de ses fonds investis par le débiteur au profit de cette dernière ; que par ailleurs, il y a lieu de souligner que l'extrait Kbis de la SCI au 13 mars 2013 mentionne que M. Jean Z... est domicilié [...] ; que par conséquent, la garantie consentie est conforme à l'objet social; sur la conformité à l'intérêt social : que cette condition signifie que la SCI doit trouver un intérêt dans l'octroi d'une garantie, afin de compenser le risque engendré par cette dernière ; qu'en l'espèce, le prêt consenti à M. Jean Z... avait pour objet en partie la récupération de fonds propres investis par celui-ci dans la SCI, ce qui signifie que ce dernier a contribué personnellement à l'acquisition de ce bien destiné à être transmis aux enfants du couple ; que contrairement aux allégations de la SCI, celle-ci ne démontre pas que les fonds liés à l'emprunt ont servi à financer l'activité professionnelle de M. Jean Z... , la SCI se contentant de procéder par affirmation péremptoire ; qu'il y a notamment lieu de souligner que la SCI ne justifie ni de l'état de son patrimoine actuel, ni de la provenance des fonds ayant permis de financer l'acquisition de son patrimoine immobilier, malgré les sommations en ce sens délivrées par la BCG ; que s'agissant de la mise en péril de la société par la réalisation de la garantie, il convient de relever que celle-ci a été consentie le 28 janvier 2010, que le prêt a été accordé pour une valeur de 236 486,49 € et que le 7 mars 2013, le commandement de payer visait une dette de 281 769,04 € ; qu'il appartient à la SCI de démontrer la disproportion de l'engagement qu'elle a souscrit, or, au cas présent, elle est défaillante dans l'administration de la preuve, dans la mesure où : d'une part la validité de la garantie s'apprécie au jour de la formation du contrat et il est établi qu'en 2009, la SCI avait elle-même sollicité une évaluation de la valeur de l'immeuble situé [...] dans la perspective de la constitution de la garantie, l'estimation étant de 700 000 € hors droits à l'époque, soit une valeur largement supérieure au montant du prêt octroyé, d'autre part, les développements relatifs aux évaluations postérieures sont indifférents à l'appréciation de la validité de la garantie au jour de sa constitution, étant ajouté que le risque de dépréciation est susceptible de préjudicier tout autant au garant qu'à la banque créancière, enfin, le péril pour la SCI n'est pas démontré, étant précisé que lors de sa constitution la SCI n'avait qu'un capital de 100 €, soit un montant insuffisant pour acquérir le bien immobilier concerné ; que dans ces conditions, la contrariété à l'intérêt social n'est pas prouvée ; que par conséquent, il convient de juger que la garantie du prêt souscrit par M. Jean Z... consentie par la SCI a été valablement accordée et de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur la conformité à l'objet social : qu'il convient à titre liminaire que la conformité à l'objet social s'apprécie au moment où l'acte est passé ; que les statuts de la SCI [...] disposent que la société a pour objet ‘‘en France, l'acquisition, la propriété et la gestion d'un ensemble immobilier situé au [...] , l'administration et la gestion par location ou autrement de tous immeubles et biens immobiliers propres tels que des appartements, immeubles résidentiels ou non, terrains, fonds de commerce, droit au bail, pas de porte, la création, l'acquisition et la détention de tous titres de sociétés immobilières, l'acquisition et la détention de tous biens meubles se rattachant directement ou indirectement à l'objet social'' ; que l'objet social de la SCI est donc plus large que la seule gestion de ce bien ; qu'en l'espèce, la garantie consentie l'a été avec l'accord unanime de tous les associés qui ont le pouvoir de modifier les statuts de la société ; qu'en outre, il existe une communauté d'intérêts entre la SCI et M. Jean Z... ; qu'il convient de relever qu'il s'agit d'une société familiale dont les associés sont les membres de la famille Z... : M. Jean Z... , ses enfants Laura et Louis Z... ainsi que leur mère Mme Nathalie Y... ; que la société a été créée pour permettre la transmission du bien situé au [...] à Laura et Louis Z... tel que cela ressort des écritures du demandeur ; que par ailleurs, il ressort des mentions même de l'acte de prêt versé aux débats que celui-ci a été souscrit en vue de mettre des liquidités à la disposition de M. Jean Z... et de permettre la récupération par ce dernier de ‘‘fonds propres investis dans une habitation individuelle sis [...] '' ; qu'en conséquence, la garantie consentie est conforme à l'objet social ; sur la conformité à l'intérêt social : qu'en premier lieu, comme il l'a été rappelé ci-dessous le prêt avait pour objet en partie la récupération de fonds propres investis par M. Jean Z... dans la SCI ; qu'il n'est par ailleurs pas rapporté la preuve que les fonds liés à l'emprunt ont servi à financer l'autre activité de M. Z... comme le prétend la SCI [...] ; qu'en second lieu, le prêt ayant servi, en partie, à la récupération de fonds propres investis dans la SCI, la garantie n'a pas été consentie sans contrepartie comme le soutient la demanderesse ; qu'enfin sur la mise en péril de la société par la réalisation de la garantie, il convient de relever que celle-ci a été consentie le 28 janvier 2010, que le prêt a été consenti pour une valeur de 236 486, 49 €, que le 7 mars 2013, le commandement de payer visait une dette de 281 769, 04 € ; qu'or, en juillet 2009, la SCI [...] a elle-même sollicité une évaluation de la valeur de l'immeuble situé [...] dans la perspective de la constitution de cette garantie, tel que cela ressort de la page 3 du rapport de l'expert ; que cette expertise réalisée sur pièces par le cabinet FCC EXPERTS avait conclu à une valeur de 700 000 € hors droits ; qu'au moment de la constitution de la garantie, la valeur du bien était donc très largement supérieure à celle du prêt ; que la nullité sanctionne les vices de formation de la garantie ; qu'il n'importe dès lors pas que le bien ait perdu de sa valeur au cours des années suivantes, la dévaluation du bien étant un risque subi par les différentes parties au contrat, et que sa réalisation aujourd'hui se fasse à un prix moindre que l'évaluation d'origine ; que les développements relatifs aux évaluations postérieures sont donc sans conséquence sur l'appréciation de la validité de la garantie, le ‘‘péril'' pour la SCI n'étant pas démontré, la mise en oeuvre de la garantie et la vente de son bien n'étant que la conséquence de son engagement ; qu'en conséquence, il ressort de ces éléments que la garantie du prêt souscrit par M. Jean Z... consentie par la SCI [...] a été valablement consentie ; que la société [...] sera déboutée de ses demandes » ;
1° ALORS QUE n'est pas valide la sûreté accordée par une société civile en garantie de la dette d'un associé dès lors qu'étant de nature à compromettre l'existence même de la société, elle est contraire à l'intérêt social ; qu'il en est ainsi même dans le cas où un tel acte entre dans son objet statutaire ; que, pour dire le cautionnement hypothécaire consenti par la SCI [...] valable, et en réponse à l'argument soulevé par la SCI selon lequel l'exécution de la garantie, en cas d'absence de remboursement devait entraîner la vente du bien, seul actif de la société et partant, compte tenu des montants, la disparition pure et simple de la société, la cour a jugé que le péril de la société n'était pas démontré, étant précisé que lors de sa constitution, la SCI n'avait qu'un capital de 100 €, soit un montant insuffisant pour acquérir le bien immobilier concerné ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs relatifs au montant du capital originaire de la société qui sont inopérants puisque, lors de la constitution de la société, précisément, le bien dont il était débattu était à acquérir, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
2° ALORS QUE n'est pas valide la sûreté accordée par une société civile en garantie de la dette d'un associé dès lors qu'étant de nature à compromettre l'existence même de la société, elle est contraire à l'intérêt social ; qu'il en est ainsi, même dans le cas où un tel acte entre dans son objet statutaire ; que, pour dire le cautionnement hypothécaire consenti par la SCI [...] valable, la cour d'appel a jugé que la contrariété à l'intérêt social n'était pas prouvée en ce que le péril pour la SCI n'était pas démontré; qu'en ne justifiant pas cette appréciation, la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation et violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
3° ALORS QUE n'est pas valide la sûreté accordée par une société civile en garantie de la dette d'un associé dès lors qu'étant de nature à compromettre l'existence même de la société, elle est contraire à l'intérêt social ; qu'il en est ainsi même dans le cas où un tel acte entre dans son objet statutaire ; que l'immeuble d'une société, donné en garantie d'un prêt et qui constitue le seul bien de celle-ci de sorte qu'elle ne tire aucun avantage de son engagement, met en jeu son existence même ; que, pour dire le cautionnement hypothécaire consenti par la SCI [...] valable, la cour d'appel a jugé que la garantie était conforme à son objet social et que la contrariété à l'intérêt social n'était pas prouvée en ce que le péril pour la SCI n'était pas démontré ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la circonstance que le prêt était garanti par un cautionnement hypothécaire sur le seul bien que possédait la SCI [...] ne suffisait pas à mettre en jeu son existence même, justifiant ainsi l'invalidité de la sûreté garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1849 du code civil.