LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de Mme A... et de M. X... ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur la deuxième branche du moyen :
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
Attendu que, pour rejeter la demande de prestation compensatoire présentée par Mme A... , l'arrêt retient que le logement familial, estimé entre 260 000 et 270 000 euros en 2011, a été financé à l'aide d'un prêt accordé aux époux par les parents de Mme A... , éteint par compensation avec une donation de 190 000 euros consentie le 19 mars 1997 au seul profit de cette dernière, de sorte qu'elle pourra se prévaloir d'une récompense envers la communauté ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'acte de donation mentionnait une somme de 190 000 francs, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme A... en paiement d'une prestation compensatoire, l'arrêt rendu le 3 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour Mme A... .
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande de prestation compensatoire formée par Madame A... à l'encontre de Monsieur X... ;
AUX MOTIFS QUE « éléments relatifs au couple ; que la vie commune pendant le mariage a duré 18 ans ; Situation de Monsieur X... ; qu'il est âgé de 49 ans et ne fait pas état de problèmes de santé ; qu'il a occupé un emploi au sein de la SA ROBINE pendant environ 24 ans ; qu'il a bénéficié d'un revenu net imposable de 22781 euros en 2014, selon l'avis d'imposition 2015 soit environ 1 900 euros par mois ; qu'il a fait l'objet d'un licenciement économique en juin 2015 ; qu'il bénéficie depuis de revenus tirés de l'indemnisation chômage, à hauteur de 40,16 euros brut par mois et d'emplois intérimaires depuis octobre 2015 ; qu'il ne produit pas de relevés de Pôle emploi relatifs aux sommes perçues au titre de l'ARE ; que le bulletin de salaire de novembre 2015 mentionne un cumul net imposable de 1 468 Euros ; qu'il convient de tenir compte du caractère précaire de cette activité ; qu'il ne précise pas les revenus de sa compagne ni les éventuelles prestations de la CAF perçues telles que l'allocation logement ; que dans son attestation du 20 septembre 2014, Madame Coralie Z... indique être médiatrice ; qu'elle sera donc présumée participer aux charges communes dont le loyer de 500 euros par mois ; qu'il ne justifie pas avoir la charge de l'enfant majeure Marie ou de la mineure Julie, comme motivé ci-après ; que son épargne salariale s'élevait à 8 491 euros au 31 décembre 2010 ; qu'il a perçu en 2010 la somme de 10 678 euros, au titre de la vente d'un bien reçu en héritage, suite aux décès de ses parents [...] ainsi qu'une indemnisation par le FIVA en 2011, d'environ 16 000 euros. Que ces diverses sommes ont manifestement été virées sur des comptes d'épargne ouverts au nom de sa fille Marie, selon les dates et les montants figurant sur les relevés bancaires produits par l'appelante ; Situation de Madame A... , qu'elle est âgée de 47 ans et souffre d'un état dépressif depuis 2012, avec des périodes d'amélioration de son état en 2013 et une rechute en 2014 ; qu'elle précise avoir exercé un emploi de coiffeuse jusqu'à la naissance de Marie, soit en 1995 et être devenue assistante maternelle après la naissance de Julie, soit en 1998 ; qu'elle a bénéficié d'un revenu net imposable de 7 716 euros en 2013, selon l'avis d'imposition 2014 soit 643 euros par mois ; qu'elle percevait des indemnités journalières d'un montant de 565,50 euros par mois, selon sa déclaration sur l'honneur du 4 avril 2014 ; qu'elle bénéficie depuis juin 2014, du RSA dont le montant s'élève à 660 euros par mois depuis septembre 2015 ; qu'elle ne perçoit plus la pension alimentaire pour Marie depuis le 26 juin 2013 et pour Julie depuis le 16 octobre 2014, conformément à la décision entreprise ; qu'elle bénéficie en revanche de l'allocation pour l'éducation de l'enfant Julie de 129,99 euros par mois alors que sa fille ne se trouve pas encore à sa charge principale ; que cette allocation ne sera cependant pas retenue pour les besoins de l'appréciation de la prestation compensatoire dès lors qu'elle est destinée à l'enfant et n'interfère pas avec l'appréciation de la disparité au sens des articles 270 et 271 du code de procédure civile ; qu'elle a fait état devant le premier juge de droits à la retraite minimes, de l'ordre de 655 euros par mois mais n'en justifie pas ; qu'elle va perdre la jouissance du domicile conjugal à titre gratuit avec le divorce ; que l'immeuble familial situé à HEM qu'elle continue d'occuper, estimé entre 260 000 et 270 000 euros en 2011 a fait l'objet d'un financement par un prêt consenti aux époux par les propres parents de l'appelante, éteint par compensation avec une donation de 190 000 euros, consentie à son seul profit le 19 mars 1997 ; que l'argument selon lequel Monsieur X... peut verser une prestation compensatoire en capital après la perception de sa part du produit de la vente de ce bien immobilier n'est pas opérant, 'compte-tenu de la récompense due par la communauté à Madame A... ; qu'en outre, l'appelante est devenue propriétaire de l'habitation de ses parents située à TOUFFLERS, en 2014, estimée dans la déclaration sur l'honneur à un montant de 110 000 euros ; qu'elle ne produit pas d'estimation récente de l'immeuble commun situé à HEM ni de justificatifs sur ses soldes bancaires au 1er janvier 2014, malgré les sommations de la partie adverse des 24 janvier et 25 mars 2014 ; que le premier juge a considéré que Monsieur X... n'apportait pas la preuve que Madame A... bénéficierait de ressources tirées de son patrimoine propre ; que la Cour constate d'une part, que l'absence de réponse complète à ses sommations ne permet pas au contraire d'exclure que l'appelante ne dissimule pas des revenus ; que d'autre part, l'intimé a produit des extraits d'échanges sur les réseaux sociaux montrant que son épouse projette des vacances au ski en 2013 ce qui correspond à un train de vie que ne permet pas la seule perception des revenus qu'elle déclare ; qu'il résulte des éléments qui précèdent que : - la disparité ente les revenus des parties en faveur de l'époux est compensée par une disparité au niveau de leurs patrimoines respectifs, - l'activité de l'époux demeure précaire, s'agissant d'emplois intérimaires, - il va continuer à faire face à une charge de loyer, contrairement à la partie adverse, - l'époux ne peut être tenu de supporter les conséquences de la baisse de revenus subie par l'épouse en raison de ses déboires professionnels, en qualité d'assistante maternelle, indépendants de la dissolution du lien conjugal et même de son état de santé, - l'épouse ne s'est pas montré entièrement transparente sur sa situation financière en ne remettant pas à la Cour l'ensemble des justificatifs réclamés par l'intimé ; que dans ces conditions, il ressort de l'ensemble de ces éléments que Madame A... n'établit pas l'existence d'une disparité à son détriment provoquée par la rupture du mariage au niveau des conditions de vie respectives des parties » (arrêt p. 14 à 16) ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, pour refuser toute prestation compensatoire, contrairement au premier juge, les juges du second degré ont mis en avant une disparité au niveau du patrimoine respectif des époux (p. 15 § 10, 11, 12 et 13 et p. 16, § 3) ; qu'ayant relevé que l'immeuble commun avait une valeur comprise entre 260.000 euros et 270.000 euros et que Madame A... avait recueilli, dans la succession de ses parents, un immeuble évalué à 110.000 euros, les juges du fond ont retenu que si l'immeuble commun avait été financé par un prêt, ce prêt avait été soldé par une donation des parents de l'épouse, d'un montant de 190.000 euros, et que cette donation de 190.000 euros donnerait lieu à récompense au profit de l'épouse (p. 15 antépénultième §) ; que toutefois, à aucun moment Monsieur X..., à propos de la prestation compensatoire, n'a fait état d'une récompense assise sur une donation de 190.000 euros (conclusions d'appel de Monsieur X... du 21 janvier 2016, p. 7, 8 et 9) ; qu'en retenant l'existence d'une récompense due par la communauté à Madame A... , à hauteur de 190.000 euros, sans interpeller les parties pour qu'elles puissent s'expliquer, les juges du fond ont violé le principe du contradictoire et l'article 16 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, pour refuser toute prestation compensatoire, contrairement au premier juge, les juges du second degré ont mis en avant une disparité au niveau du patrimoine respectif des époux (p. 15 § 10, 11, 12 et 13 et p. 16, § 3) ; qu'ayant relevé que l'immeuble commun avait une valeur comprise entre 260.000 euros et 270.000 euros et que Madame A... avait recueilli, dans la succession de ses parents, un immeuble évalué à 110.000 euros, les juges du fond ont retenu que si l'immeuble commun avait été financé par un prêt, ce prêt avait été soldé par une donation des parents de l'épouse, d'un montant de 190.000 euros, et que cette donation de 190.000 euros donnerait lieu à récompense au profit de l'épouse (p. 15 antépénultième §) ; qu'en réalité, l'acte de donation du 19 mars 1997 (pièces de Madame A... , n° 21.2, 21.3, 21.4 et 32) énonce expressément que la donation porte sur « une somme de cent quatre vingt dix mille francs (190.000 F)
» et encore que « le donateur fait réserve expresse du droit de retour à son profit de la somme de 190.000 francs (190.000 F) présentement donnée au donataire » [p. 2, § 3 et p. 2, § 4] ; qu'en retenant le chiffre de 190.000 euros et non de 190.000 Frs pour chiffrer à 190.000 euros la base de la récompense, et exclure en conséquence la prestation compensatoire, notamment sous forme de capital, les juges du fond ont dénaturé l'acte de donation du 19 mars 1997 ;
ET ALORS QUE, TROISIEMEMENT, et plus subsidiairement, en s'abstenant d'analyser l'acte de donation du 19 mars 1997 à l'effet de déterminer si les donations portaient sur des euros ou sur des francs, les juges du fond ont, en toute hypothèse, privé leur décision de base légale au regard des articles 270 à 272 du Code civil, ainsi qu'au regard des articles 1468 et suivants du Code civil relatifs aux récompenses.