LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité joint les pourvois X 17-26.699 et Y 17-26.700 ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon les ordonnances attaquées (président du tribunal de grande instance de Caen, 28 septembre 2017) rendues en la forme des référés, que le 7 février 2017 la société La Poste (La Poste) a, avec plusieurs organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, conclu un accord d'entreprise relatif à l'amélioration des conditions de travail et à l'évolution des métiers destiné à la branche Services-courrier-colis ; qu'il est entré en vigueur le 22 février 2017 ; que les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail des établissements de Colombelles et de Verson Caen (les CHSCT) ont, par délibérations des 26 avril et 26 mai 2017, décidé le recours à un expert agréé en raison de l'existence d'un projet important au sens de l'article L. 4612-8-1 du code du travail ;
Attendu que La Poste fait grief aux ordonnances de la débouter de ses demandes d'annulation des délibérations ordonnant expertise votées par les CHSCT et de la condamner à leur verser une certaine somme au titre de leurs frais d'avocat, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article L. 4612-8-1 du code du travail, « le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail » ; que ne constitue pas une telle « décision », laquelle est issue d'une manifestation de volonté unilatérale de l'employeur, un accord collectif négocié et signé par les organisations syndicales représentatives en charge de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote ; qu'un tel accord n'a pas à être soumis pour consultation au CHSCT ; qu'en décidant le contraire, le président du tribunal de grande instance a violé le texte susvisé, ensemble l'article L. 4614-12 du code du travail ;
2°/ qu'à supposer que le CHSCT doive être consulté avant la conclusion d'un accord collectif représentant une « décision d'aménagement important » ou un « projet important », il ne saurait l'être sur les effets d'un accord déjà conclu, aucune disposition légale ne prévoyant une telle consultation ; qu'en validant une expertise ordonnée le 26 avril 2017 aux fins d'évaluer les conséquences locales éventuelles d'un accord collectif conclu le 7 février précédent, le président du tribunal de grande instance, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé derechef le texte susvisé ;
3°/ que l'existence d'un « projet important » s'apprécie au niveau de compétence auquel est institué le CHSCT qui décide de recourir à l'expertise ; qu'en l'espèce, La Poste avait fait valoir dans ses écritures que l'accord cadre du 7 février 2017 avait vocation à être mis en oeuvre progressivement au niveau de chaque établissement dans le respect des prérogatives des institutions représentatives du personnel et suivant la « méthode de conduite du changement » (articles 2-D, 2-6 et 2-7), imposant leur consultation ainsi que celle des personnels concernés, à laquelle il se référait expressément ; qu'ainsi la mise en oeuvre de l'accord cadre du 7 février 2017 se ferait au niveau des établissements de Colombelles et de Verson Caen après élaboration d'un projet concernant ces établissements, qui serait présenté aux CHSCT, lesquels en apprécieraient alors l'importance et décideraient, le cas échéant, de recourir à un expert ; qu'en homologuant cependant la décision des CHSCT de recourir à une expertise aux termes de motifs inopérants pris du « caractère important » de l'accord du 7 février 2017 « même en l'absence d'effectivité immédiate des mesures pratiques », le président du tribunal de grande instance, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur l'existence d'un projet important au niveau de l'établissement de compétence des CHSCT, a privé sa décision de base légale au regard des articles 2-D et 2-3 de l'accord du 7 février 2017, ensemble de l'article L. 4614-12 du code du travail ;
4°/ qu'en se déterminant aux termes de motifs inopérants, dont ne ressort aucun « projet important » au niveau des établissements de Colombelles et de Verson Caen, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 4614-12 du code du travail alors applicable, que le CHSCT peut faire appel à un expert agréé en cas de mise en oeuvre d'un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L. 4612-8-1 du code du travail alors applicable, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que ce projet procède d'une décision unilatérale de l'employeur ou d'un accord d'entreprise ;
Attendu, ensuite, qu'en l'absence d'une instance temporaire de coordination des différents comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail implantés dans les établissements concernés par la mise en oeuvre d'un projet important modifiant les conditions de travail au sens de l'article L. 4612-8-1 du code du travail, chacun des CHSCT territorialement compétents pour ces établissements est fondé à recourir à l'expertise ;
Et attendu qu'ayant constaté que selon l'accord du 7 février 2017, à l'horizon 2020, les facteurs et les factrices consacreront plus de la moitié de leur temps de travail à d'autres activités que la distribution de courrier traditionnel, incluant notamment des remises commentées, des prestations de services de proximité et des visites à domicile, que cet accord est applicable à tous les personnels de la branche Services-courrier-colis affectés à une activité de distribution, quel que soit le lieu d'implantation, que les mesures concernent notamment une adaptation continue des organisations liées à l'évolution des volumes et non par palier, et pouvant aboutir, selon des modalités négociées localement selon des modèles proposés de durée hebdomadaire de travail évolutive et de tournées ajustables, à des ajustements en terme d'emplois, qu'elles concernent également une sécabilité cadrée de type organisationnelle sur jours faibles, programmée saisonnière complémentaire ou inopinée, jusqu'à trente jours par an et par agent, des modalités de décompte du temps de travail en considération des pics de trafic ou d'activité, des intempéries, des difficultés de circulation, du fort volume d'absences inopinées et de la prise en charge de la sécabilité complémentaire susceptible d'engendrer des dépassements d'horaires, qu'une évolution du référentiel de compétences est prévue, avec de nouvelles fonctions de facteurs et de factrices, et ayant retenu que ces mesures auront un impact sur le temps de travail des agents et son déroulé, sur l'organisation des tournées et leur contenu, sur l'adéquation des moyens de locomotion, sur la manutention des colis en vrac avec des conséquences possibles sur la santé physique des agents, qu'elles peuvent générer des situations d'incivilité voire d'agression du fait de l'activité des services à la personne sans formation adéquate, le président du tribunal de grande instance a pu en déduire qu'il s'agissait d'un projet important au sens de l'article L. 4612-8-1 du code du travail et qu'il justifiait le recours par les deux CHSCT à un expert agréé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société La Poste aux dépens ;
Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, la condamne à payer la somme globale de 600 euros TTC à la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer et rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits au pourvoi n° X 17-26.699 par SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société La Poste.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR débouté La Poste de sa demande d'annulation de la délibération ordonnant expertise votée le 26 avril 2017 par le CHSCT de l'établissement de Colombelles et de l'AVOIR condamnée à verser à cette institution représentative du personnel une somme de 3 613 € TTC au titre de ses frais d'avocat ;
AUX MOTIFS QUE ''en l'absence de contestation de la recevabilité de l'action de La Poste (
) il y a lieu de rappeler les dispositions de l'article L. 4614-12 du code du travail selon lesquelles " le comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé :
1° Lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel, est constaté dans l'établissement ;
2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou les conditions de travail prévu à l'article L. 4612-8-1.
Les conditions dans lesquelles l'expert est agréé par l'autorité administrative et rend son expertise sont déterminées par voie règlementaire" ;
QUE dans la délibération contestée, le CHSCT estime que de nombreuses mesures de l'accord national Facteur du 7 février 2017 modifient significativement les conditions de travail des postiers/ères de l'établissement de Colombelles ;
QUE cet accord du 7 février 2017 positionne l'avenir des facteurs/trices vers "le monde des services" en indiquant qu'à l'horizon 2020, ils consacreront plus de la moitié de leur temps de travail à d'autres activités que la distribution du courrier traditionnel, incluant notamment des remises commentées, des prestations de services de proximité et des visites à domicile ;
QU'il s'agit donc d'un accord s'inscrivant dans la perspective d'une mutation profonde du métier et la déclinaison des mesures envisagées pour y procéder dépasse largement le cadre d'un accord de méthodologie ; que cet accord prévoit une large concertation sociale, ce qui donne d'ailleurs la pleine mesure de son impact effectif au sein des services concernés par la distribution du courrier, mais pas d'instance de coordination ;
QU'il s'agit bien d'un accord important au sens de l'article précité et donc susceptible de faire l'objet d'une consultation CHSCT au sein des établissements concernés et particulièrement la plate-forme distribution courrier colis de Colombelles, même en l'absence d'effectivité immédiate des mesures pratiques ;
QU'en effet, cet accord prévoit, en son article 1, qu'il est applicable à tous les personnels de la branche Services Courrier Colis de la société La Poste SA, affectés à une activité de distribution (hors agence Coliposte), quel que soit son lieu d'implantation et que ses mesures se substituent aux éventuels usages et engagements unilatéraux portant le même objet ;
QUE les mesures prévues par cet accord concernent notamment :
- une adaptation continue des organisations liées à l'évolution des volumes, et non par palier, et pouvant aboutir à des ajustements en termes d'emploi en cas de constat d'augmentation structurelle de certains volumes, les modalités d'ajustement pouvant être négociées localement selon les modèles proposés de durée hebdomadaire du travail (DHT) évolutive, des tournées ajustables,
- une sécabilité cadrée de type organisationnelle sur jours faibles, programmée, saisonnière complémentaire ou inopinée pouvant aller jusqu'à 30 jours par an et par agent et ne dépassant pas 48 heures consécutives par agent (complémentaire ou inopinée),
- des modalités de décompte du temps de travail en considération des pics de trafic ou d'activité, des intempéries, des difficultés de circulation, du fort volume d'absences inopinées, de la prise en charge de la sécabilité complémentaire susceptible d'engendrer des dépassements d'horaires ;
QUE l'accord indique en page 21 qu'au regard de l'évolution des activités des facteurs/trices, l'ambition de la Branche est qu'ils travaillent dans un environnement favorisant leur sécurité et leur santé ; que pour cela, l'accord prévoit une évolution du référentiel de compétences ; qu'il prévoit également un dispositif promotionnel et 4 000 parcours qualifiants, de nouvelles fonctions de facteurs/trices (polyvalent et service expert) destinées à compléter les fonctions existantes avec une projection de mise en oeuvre au sein d'un même établissement ;
QU'il n'est pas nécessaire d'examiner chacune des mesures prévues par l'accord pour apprécier l'impact global sur les agents des établissements concernés et notamment celui de Colombelles, compte tenu des mesures citées supra qui auront nécessairement un impact dans le travail quotidien des agents au regard de :
*leur temps de travail et de son déroulé,
*l'organisation des tournées et leur contenu,
*l'adéquation des moyens de locomotion, *la manutention même des colis en vrac susceptible d'influer sur la santé physique des facteurs/trices, *l'activité de services à la personne susceptible d'engendrer des situations d'incivilité, voire d'agression auxquelles ils ne sont pas formés pour faire face,
*la définition du soutien opérationnel des sites les plus exposés ;
QUE cette énumération n'est pas exhaustive compte tenu de toutes les mesures précises et d'ordre technique incluses dans l'accord national facteur 2017 et d'ailleurs dans sa délibération du 26 avril 2017, le CHSCT prend soin d'indiquer "notamment" au titre des mesures qui lui paraissent susceptibles de modifier de façon significative les conditions de travail ;
QUE les mesures ainsi citées auront un impact dans le déroulement quotidien de la journée de travail des facteurs/trices que l'expertise votée pourra analyser aux fins d'apporter au CHSCT de Colombelles l'information nécessaire, complète et précise dont il a besoin avant la mise en oeuvre de l'accord au sein de la plate-forme ;
QU'il est ainsi constaté que la décision du CHSCT de recourir à la désignation d'un expert agréé pour l'aider à remplir sa mission telle que définie par la loi est bien fondée ;
QU'en conséquence, il n'est pas fait droit à la demande d'annulation de la délibération du CHSCT du 26 avril 2017 sollicitée par La Poste, qui est déboutée de ses demandes ;
QUE la société La Poste supportera la charge des dépens et versera la somme de 3 613 € TTC au CHSCT au titre de ses frais d'avocat, justifiés par la facture produite" ;
1°) ALORS QU'aux termes de l'article L. 4612-8-1 du code du travail, "le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail" ; que ne constitue pas une telle "décision", laquelle est issue d'une manifestation de volonté unilatérale de l'employeur, un accord collectif négocié et signé par les organisations syndicales représentatives en charge de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote ; qu'un tel accord n'a pas à être soumis pour consultation au CHSCT ; qu'en décidant le contraire, le président du tribunal de grande instance a violé le texte susvisé, ensemble l'article L. 4614-12 du code du travail ;
2°) ALORS en toute hypothèse QU' à supposer que le CHSCT doive être consulté avant la conclusion d'un accord collectif représentant une "décision d'aménagement important" ou un "projet important", il ne saurait l'être sur les effets d'un accord déjà conclu, aucune disposition légale ne prévoyant une telle consultation ; qu'en validant une expertise ordonnée le 26 avril 2017 aux fins d'évaluer les conséquences locales éventuelles d'un accord collectif conclu le 7 février précédent, le président du tribunal de grande instance, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé derechef le texte susvisé ;
3°) ALORS subsidiairement QUE l'existence d'un "projet important" s'apprécie au niveau de compétence auquel est institué le CHSCT qui décide de recourir à l'expertise ; qu'en l'espèce, La Poste avait fait valoir dans ses écritures que l'accord cadre du 7 février 2017 avait vocation à être mis en oeuvre progressivement au niveau de chaque établissement dans le respect des prérogatives des institutions représentatives du personnel et suivant la "méthode de conduite du changement" (articles 2-D, 2-6 et 2-7), imposant leur consultation ainsi que celle des personnels concernés, à laquelle il se référait expressément ; qu'ainsi la mise en oeuvre de l'accord cadre du 7 février 2017 se ferait au niveau de l'établissement de Colombelles après élaboration d'un projet concernant cet établissement, qui serait présenté au CHSCT, lequel en apprécierait alors l'importance et déciderait, le cas échéant, de recourir à un expert ; qu'en homologuant cependant la décision du CHSCT de recourir à une expertise aux termes de motifs inopérants pris du "caractère important" de l'accord du 7 février 2017 "même en l'absence d'effectivité immédiate des mesures pratiques", le président du tribunal de grande instance, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur l'existence d'un projet important au niveau de l'établissement de compétence du CHSCT, a privé sa décision de base légale au regard des articles 2-D et 2-3 de l'accord du 7 février 2017, ensemble de l'article L. 4614-12 du code du travail ;
4°) ALORS enfin QU'en se déterminant aux termes de motifs inopérants, dont ne ressort aucun "projet important" au niveau de l'établissement de Colombelles, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR débouté La Poste de sa demande d'annulation de la délibération ordonnant expertise votée le 26 avril 2017 par le CHSCT de l'établissement de Colombelles et de l'avoir condamnée à verser à cette institution représentative du personnel une somme de 3 613 € TTC au titre de ses frais d'avocat ;
AUX MOTIFS rappelés au premier moyen ;
ALORS QU'il appartient au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, lorsqu'il décide de faire appel à un expert agréé, de déterminer par délibération l'étendue et le délai de cette expertise ainsi que le nom de l'expert ; qu'en validant la délibération du 26 avril 2017 sans rechercher comme il y était invité si, en l'absence de tout délai fixé à l'expert pour réaliser une mission définie en termes généraux, cette délibération n'encourait pas l'annulation, le président du tribunal de grande instance, a violé les articles L. 4614-12 et L. 4614-13 du code du travail. Moyens produits au pourvoi n° Y 17-26.700 par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société La Poste.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR débouté La Poste de sa demande d'annulation de la délibération ordonnant expertise votée le 26 mai 2017 par le CHSCT de l'établissement de Verson Caen et de l'AVOIR condamnée à verser à cette institution représentative du personnel une somme de 3 613 € TTC au titre de ses frais d'avocat ;
AUX MOTIFS QUE ''il y a lieu de rappeler les dispositions de l'article L. 4614-12 du code du travail selon lesquelles " le comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé :
1° Lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel, est constaté dans l'établissement ;
2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou les conditions de travail prévu à l'article L. 4612-8-1.
Les conditions dans lesquelles l'expert est agréé par l'autorité administrative et rend son expertise sont déterminées par voie règlementaire" ;
QUE dans la délibération contestée, le CHSCT estime que de nombreuses mesures de l'accord national Facteur du 7 février 2017 modifient significativement les conditions de travail des postiers/ères de l'établissement de Verson ;
QUE cet accord du 7 février 2017 positionne l'avenir des facteurs/trices vers "le monde des services" en indiquant qu'à l'horizon 2020, ils consacreront plus de la moitié de leur temps de travail à d'autres activités que la distribution du courrier traditionnel, incluant notamment des remises commentées, des prestations de services de proximité et des visites à domicile ;
QU'il s'agit donc d'un accord s'inscrivant dans la perspective d'une mutation profonde du métier et la déclinaison des mesures envisagées pour y procéder dépasse largement le cadre d'un accord de méthodologie ; que cet accord prévoit une large concertation sociale, ce qui donne d'ailleurs la pleine mesure de son impact effectif au sein des services concernés par la distribution du courrier, mais pas d'instance de coordination ;
QU'il s'agit bien d'un accord important au sens de l'article précité et donc susceptible de faire l'objet d'une consultation CHSCT au sein des établissements concernés et particulièrement la plate-forme distribution courrier colis de Verson, même en l'absence d'effectivité immédiate des mesures pratiques ;
QU'en effet, cet accord prévoit, en son article 1, qu'il est applicable à tous les personnels de la branche Services Courrier Colis de la société La Poste SA, affectés à une activité de distribution (hors agence Coliposte), quel que soit son lieu d'implantation et que ses mesures se substituent aux éventuels usages et engagements unilatéraux portant le même objet ;
QUE les mesures prévues par cet accord concernent notamment :
- une adaptation continue des organisations liées à l'évolution des volumes, et non par palier, et pouvant aboutir à des ajustements en termes d'emploi en cas de constat d'augmentation structurelle de certains volumes, les modalités d'ajustement pouvant être négociées localement selon les modèles proposés de durée hebdomadaire du travail (DHT) évolutive, des tournées ajustables,
- une sécabilité cadrée de type organisationnelle sur jours faibles, programmée, saisonnière complémentaire ou inopinée pouvant aller jusqu'à 30 jours par an et par agent et ne dépassant pas 48 heures consécutives par agent (complémentaire ou inopinée),
- des modalités de décompte du temps de travail en considération des pics de trafic ou d'activité, des intempéries, des difficultés de circulation, du fort volume d'absences inopinées, de la prise en charge de la sécabilité complémentaire susceptible d'engendrer des dépassements d'horaires ;
QUE l'accord indique en page 21 qu'au regard de l'évolution des activités des facteurs/trices, l'ambition de la Branche est qu'ils travaillent dans un environnement favorisant leur sécurité et leur santé ; que pour cela, l'accord prévoit une évolution du référentiel de compétences ; qu'il prévoit également un dispositif promotionnel et 4 000 parcours qualifiants, de nouvelles fonctions de facteurs/trices (polyvalent et service expert) destinées à compléter les fonctions existantes avec une projection de mise en oeuvre au sein d'un même établissement ;
QU'il n'est pas nécessaire d'examiner chacune des mesures prévues par l'accord pour apprécier l'impact global sur les agents des établissements concernés et notamment celui de Verson, compte tenu des mesures citées supra qui auront nécessairement un impact dans le travail quotidien des agents au regard de :
*leur temps de travail et de son déroulé,
*l'organisation des tournées et leur contenu, *l'adéquation des moyens de locomotion,
*la manutention même des colis en vrac susceptible d'influer sur la santé physique des facteurs/trices,
*l'activité de services à la personne susceptible d'engendrer des situations d'incivilité, voire d'agression auxquelles ils ne sont pas formés pour faire face,
*la définition du soutien opérationnel des sites les plus exposés ;
QUE cette énumération n'est pas exhaustive compte tenu de toutes les mesures précises et d'ordre technique incluses dans l'accord national facteur 2017 et d'ailleurs dans sa délibération du 26 mai 2017, le CHSCT prend soin d'indiquer "notamment" au titre des mesures qui lui paraissent susceptibles de modifier de façon significative les conditions de travail ;
QUE les mesures ainsi citées auront un impact dans le déroulement quotidien de la journée de travail des facteurs/trices que l'expertise votée pourra analyser aux fins d'apporter au CHSCT de Verson l'information nécessaire, complète et précise dont il a besoin avant la mise en oeuvre de l'accord au sein de la plate-forme ;
QU'il est ainsi constaté que la décision du CHSCT de recourir à la désignation d'un expert agréé pour l'aider à remplir sa mission telle que définie par la loi est bien fondée ;
QU'en conséquence, il n'est pas fait droit à la demande d'annulation de la délibération du CHSCT du 26 mai 2017 sollicitée par La Poste, qui est déboutée de ses demandes ;
QUE la société La Poste supportera la charge des dépens et versera la somme de 3 613 € TTC au CHSCT au titre de ses frais d'avocat, justifiés par la facture produite" ;
1°) ALORS QU'aux termes de l'article L. 4612-8-1 du code du travail, "le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail" ; que ne constitue pas une telle "décision", laquelle est issue d'une manifestation de volonté unilatérale de l'employeur, un accord collectif négocié et signé par les organisations syndicales représentatives en charge de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote ; qu'un tel accord n'a pas à être soumis pour consultation au CHSCT ; qu'en décidant le contraire, le président du tribunal de grande instance a violé le texte susvisé, ensemble l'article L. 4614-12 du code du travail ;
2°) ALORS en toute hypothèse QU' à supposer que le CHSCT doive être consulté avant la conclusion d'un accord collectif représentant une "décision d'aménagement important" ou un "projet important", il ne saurait l'être sur les effets d'un accord déjà conclu, aucune disposition légale ne prévoyant une telle consultation ; qu'en validant une expertise ordonnée le 26 mai 2017 aux fins d'évaluer les conséquences locales éventuelles d'un accord collectif conclu le 7 février précédent, le président du tribunal de grande instance, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé derechef le texte susvisé ;
3°) ALORS subsidiairement QUE l'existence d'un "projet important" s'apprécie au niveau de compétence auquel est institué le CHSCT qui décide de recourir à l'expertise ; qu'en l'espèce, La Poste avait fait valoir dans ses écritures que l'accord cadre du 7 février 2017 avait vocation à être mis en oeuvre progressivement au niveau de chaque établissement dans le respect des prérogatives des institutions représentatives du personnel et suivant la "méthode de conduite du changement" (articles 2-D, 2-6 et 2-7), imposant leur consultation ainsi que celle des personnels concernés, à laquelle il se référait expressément ; qu'ainsi la mise en oeuvre de l'accord cadre du 7 février 2017 se ferait au niveau de l'établissement de Verson Caen après élaboration d'un projet concernant cet établissement, qui serait présenté au CHSCT, lequel en apprécierait alors l'importance et déciderait, le cas échéant, de recourir à un expert ; qu'en homologuant cependant la décision du CHSCT de recourir à une expertise aux termes de motifs inopérants pris du "caractère important" de l'accord du 7 février 2017 "même en l'absence d'effectivité immédiate des mesures pratiques", le président du tribunal de grande instance, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur l'existence d'un projet important au niveau de l'établissement de compétence du CHSCT, a privé sa décision de base légale au regard des articles 2-D et 2-3 de l'accord du 7 février 2017, ensemble de l'article L. 4614-12 du code du travail ;
4°) ALORS enfin QU'en se déterminant aux termes de motifs inopérants, dont ne ressort aucun "projet important" au niveau de l'établissement de Verson Caen, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR débouté La Poste de sa demande d'annulation de la délibération ordonnant expertise votée le 26 mai 2017 par le CHSCT de l'établissement de Verson Caen et de l'avoir condamnée à verser à cette institution représentative du personnel une somme de 3 613 € TTC au titre de ses frais d'avocat ;
AUX MOTIFS rappelés au premier moyen ;
ALORS QU'il appartient au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, lorsqu'il décide de faire appel à un expert agréé, de déterminer par délibération l'étendue et le délai de cette expertise ainsi que le nom de l'expert ; qu'en validant la délibération du 26 mai 2017 sans rechercher comme il y était invité si, en l'absence de tout délai fixé à l'expert pour réaliser une mission définie en termes généraux, cette délibération n'encourait pas l'annulation, le président du tribunal de grande instance, a violé les articles L. 4614-12 et L. 4614-13 du code du travail.