LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que le 5 mars 2013, par temps de grand vent, le voilier « Waka », amarré à un corps-mort dans la baie du [...], a dérivé et est entré en collision avec la vedette "Yoyo", qui mouillait au port de [...] , le premier entraînant la seconde et leur échouement sur les rochers de la digue du port ; que la société GMF Assurances, assureur de la vedette, a versé à son propriétaire, M. Z..., une indemnité dont elle a demandé le remboursement à M. Y..., propriétaire du voilier et à l'assureur de ce dernier, le GIE Navimut ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu que M. Y... et le GIE Navimut font grief à l'arrêt de déclarer la société GMF Assurances recevable à agir alors, selon le moyen, que l'assureur n'est pas recevable à agir, sur le fondement de l'article L.121-12 du code des assurances, en remboursement de sommes qu'il n'était pas tenu de verser à son assuré en exécution du contrat d'assurance ; qu'en retenant que le moyen tiré de ce que la société GMF Assurances, prétendant exercer une action subrogatoire sur le fondement de l'article L.121-12 du code des assurances, demandait le remboursement d'une somme supérieure à ce qu'elle devait en vertu de ses obligations contractuelles, ne constituait pas une fin de non-recevoir, la cour d'appel a violé ce texte et l'article 122 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, devant laquelle M. Y... et son assureur ne contestaient pas que l'indemnité avait été versée en exécution d'une garantie prévue par le contrat d'assurances souscrit par M. Z... auprès de la société GMF Assurances, mais se bornaient à en discuter le montant au regard du plafond de garantie, a exactement retenu que cette contestation ne relevait pas d'une fin de non-recevoir mais d'un moyen de défense au fond ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, pris en sa seconde branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article L. 5131-3 du code des transports ;
Attendu que pour condamner M. Y... et son assureur à payer le dommage subi par M. Z..., l'arrêt retient que l'abordage résulte d'une rupture des amarres du voilier de M. Y... et que, par application de l'article L. 5131-3 du code des transports, la responsabilité de ce dernier doit être retenue en raison de sa faute consistant à n'avoir pas pris des précautions suffisantes pour vérifier l'amarrage de son navire compte tenu des conditions climatiques ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que tant l'expert mandaté par la société GMF Assurances que celui mandaté par le GIE Navimut avaient conclu que l'échouement de la vedette Yoyo avait pour cause l'abordage par le voilier Waka à la suite de la rupture de la chaîne de mouillage du corps-mort auquel ce dernier était amarré et non de celle de ses propres amarres, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du second moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société GMF Assurances, l'arrêt rendu le 22 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. Z... et la société GMF Assurances aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à M. Y... et au GIE Navimut gestion sinistres plaisance ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. Y... et le GIE Navimut gestion sinistres plaisance
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement, en ce qu'il avait déclaré irrecevable le recours subrogatoire de la société GMF assurances, faute de qualité à agir, et, statuant à nouveau, d'AVOIR rejeté la fin de non-recevoir soulevée par le GIE Navimut et M. Y... et de les AVOIR condamnés à payer la somme de 37 456,19 € à la société GMF assurances ;
AUX MOTIFS QUE la société GMF assurances, qui a indemnisé son assuré, dispose d'un intérêt et de la qualité à agir envers le responsable de l'accident et son assureur en vertu de l'article L. 121-12 du code des assurances ; que le moyen soulevé par les intimés à ce titre est rejeté, étant précisé qu'il convient de distinguer fin de non-recevoir et défense au fond et que le fait qu'il soit reproché à la société GMF d'avoir indemnisé son assuré pour une somme supérieure à ce qu'elle devrait en vertu de ses obligations contractuelles ne peut être défini comme une fin de non-recevoir ;
1°) ALORS QUE l'assureur n'est pas recevable à agir, sur le fondement de l'article L. 121-12 du code des assurances, en remboursement de sommes qu'il n'était pas tenu de verser à son assuré en exécution du contrat d'assurance ; qu'en retenant que le moyen tiré de ce que la société GMF assurance, prétendant exercer une action subrogatoire sur le fondement de l'article L. 121-12 du code des assurances, demandait le remboursement d'une somme supérieure à ce qu'elle devait en vertu de ses obligations contractuelles, ne constituait pas une fin de non-recevoir, la cour d'appel a violé ce texte et l'article 122 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en application de l'article L. 121-12 du code des assurances, l'assureur n'est subrogé dans les droits et actions de l'assuré qu'à hauteur de l'indemnité d'assurance due en exécution du contrat d'assurance, effectivement versée, et n'a donc pas qualité à agir, à l'encontre du tiers qui aurait causé le dommage, en remboursement de sommes qu'il n'a pas versées au titre de risques effectivement couverts par le contrat d'assurance ; qu'en affirmant que la société GMF assurances aurait eu qualité à agir envers le responsable de l'accident et son assureur en vertu de l'article L. 121-12 du code des assurances, au seul motif qu'elle avait indemnisé son assuré, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si une partie des sommes dont elle demandait le remboursement n'avait pas été versée en règlement de factures portant sur des « frais de déconstruction », des « frais de remise en état du mouillage » et des « frais de stationnement du bateau », qui n'étaient pas couverts aux termes du contrat d'assurance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 122 du code de procédure civile et L. 121-12 du code des assurances.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement, en ce qu'il avait débouté M. André Z... de ses demandes et, statuant à nouveau, d'AVOIR condamné le GIE Navimut GSP et M. Bernard Y... à payer la somme de 37 456,19 € à la société GMF assurances, et la somme de 2 950 € à M. Z... ;
AUX MOTIFS QU'une expertise a été réalisée à la demande de la GMF afin notamment de rechercher l'origine du sinistre ; que la société Delta solutions mandatée par la GMF a demandé à M. Y..., par lettre avec accusé de réception présentée le 11 mars 2013, d'assister aux opérations, mais il ne s'est pus déplacé ; que selon l'expert de la GMF, l'échouement du navire de M. Z... est lié à son abordage par le navire de M. Y... suite à la rupture de la chaîne de mouillage où ce dernier avait trouvé refuge lors du coup de vent des 5 et 6 mars 2013 ; que les intimés ont mandaté leur propre expert, le cabinet Vougier, qui relève que le 4 mars vers 20 heures, M. Y... a jeté l'ancre dans la zone de mouillage de la Baie du [...] et qu'en raison du vent qui s'était renforcé, il s'est amarré sur la bouée d'un corps libre, puis a quitté son bateau à 5 heures le 5 mars alors que le vent était violent ; qu'en revenant le lendemain 6 mars, il a découvert que son navire avait cassé son mouillage ; que l'expert relève que le 5 mars le vent moyen variait entre 72 et 74 km/h avec des rafales comprises entre 117 et 119 km/h et que le 6 mars le vent oscillait entre 78 et 80 km/h avec des rafales entre 119 et 130 km/h ; que l'expert conclut que « la cause de l'échouement du navire de M. Z... est son abordage par celui de M. Y... » et ne saurait être interprétée comme caractérisant l'existence d'une faute commise par celui- ci, qui serait à l'origine de l'abordage ; qu'il précise que le seul élément du mouillage ayant rompu est la chaîne à laquelle le corps-mort sur lequel M. Y... a amarré son bateau était fixé et que c'est l'installation portuaire que constitue cette chaîne qui a rompu et en aucun cas l'amarrage que M. Y... avait réalisé entre son navire et le corps-mort ; qu'il résulte des rapports d'expertise que l'abordage résulte d'une rupture d'amarres du bateau de M. Y... ; que par application de l'article L.5131-3 du code des transports, en raison de la faute de M. Y... qui n'a pas pris des précautions suffisantes pour vérifier l'amarrage de son bateau compte tenu des conditions climatiques, bateau qu'il a d'ailleurs quitté, sa responsabilité doit être retenue et il est tenu in solidum avec son assureur de réparer les conséquences du sinistre ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'il résulte des termes clairs et précis du rapport d'expertise de la société Delta solutions, ayant procédé à « l'inspection du mouillage du « Waka » », que « la partie textile amarrée à la chaîne au niveau de la bouée de mouillage était en bon état », tandis que « la chaîne », « sortie de l'eau », « ne possédait plus de lien avec le bloc en béton se trouvant posé au fond de l'eau » ; qu'il résulte, de la même façon, des termes clairs et précis du rapport d'expertise de la société cabinet Vougier, ayant procédé à l'examen du même mouillage, que l'abordage avait eu lieu à la suite de la « rupture de la chaîne du mouillage du corps-mort sur lequel M. Y... s'était amarré », tandis que « l'amarrage de M. Y... sur la bouée duquel il avait trouvé refuge » avait « tenu bon » et était « en bon état » ; que les deux experts concluaient donc à une rupture de la chaîne de mouillage, installation portuaire, et non à une rupture des amarres du navire de M. Y... ; qu'en affirmant qu'il serait résulté des rapports d'expertise que l'abordage avait été causé par une rupture d'amarres du bateau de M. Y..., pour retenir à la charge de ce dernier un prétendu défaut de vérification de l'amarrage de son bateau, la cour d'appel a dénaturé ces rapports, en violation du principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, en cas d'abordage survenu entre navires, si l'abordage est causé par la faute de l'un des navires, la réparation des dommages incombe à celui qui l'a commise ; que si l'abordage est fortuit, s'il est dû à un cas de force majeure ou s'il y a doute sur les causes de l'accident, les dommages sont supportés par ceux qui les ont éprouvés ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que, selon les deux experts, l'abordage du navire de M. Z... par le navire de M. Y... a été causé par la rupture de la chaîne de mouillage, installation portuaire, à laquelle le corps-mort sur lequel M. Y... avait amarré son navire était fixé, et « en aucun cas », par la rupture de « l'amarrage que M. Y... avait réalisé entre son navire et le corps-mort » ; qu'en retenant que le navire aurait rompu ses amarres et que la responsabilité de M. Y... aurait été engagée, en ce qu'il n'aurait pas « pris des précautions suffisantes pour vérifier l'amarrage de son bateau compte tenu des conditions climatiques », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 5131-3 du code des transports ;
3°) ALORS QU'en tout état de cause, en cas d'abordage survenu entre navires, les dommages sont supportés par ceux qui les ont éprouvés, à moins que l'abordage n'ait été causé par la faute de l'un des navires, auquel cas, la réparation des dommages incombe à celui qui l'a commise ; qu'en se bornant à affirmer, purement et simplement, que M. Y... n'aurait pas pris « des précautions suffisantes pour vérifier l'amarrage de son bateau compte tenu des conditions climatiques », après avoir relevé que, selon les deux rapports d'expertise, ce n'était pas l'amarrage réalisé par M. Y... qui avait cédé, mais la chaîne de mouillage du corps-mort qui s'était rompue, sans relever aucune circonstance qui aurait dû conduire M. Y... à soupçonner quelque insuffisance de la chaîne de mouillage installée par l'autorité gestionnaire du port de plaisance ni indiquer quelles « précautions suffisantes » il aurait pu et dû prendre pour vérifier l'amarrage, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser le prétendu défaut de précautions imputé à M. Y... et, partant, une faute du navire, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 5131-3 du code des transports ;
4°) ALORS QU'en toute hypothèse, le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; qu'en se bornant à affirmer que M. Y... n'aurait pas pris « des précautions suffisantes pour vérifier l'amarrage de son bateau compte tenu des conditions climatiques », sans répondre aux conclusions des intimés, qui faisaient valoir qu'en raison, précisément, des conditions météorologiques, mais aussi de l'heure tardive, l'amarrage ayant eu lieu de nuit, et dès lors qu'il ne disposait ni du matériel ni des compétences nécessaires, il était exclu que M. Y... ait alors pu plonger et descendre au fond de l'eau pour vérifier l'état de la chaîne de mouillage, dont la rupture, à sa jonction avec le bloc de béton, avait causé la dérive du navire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que M. Z... et la société GMG assurance ne soutenaient pas, devant la cour d'appel, ni que M. Y... avait quitté son navire, ni que cette circonstance aurait caractérisé une faute ; qu'en relevant ce moyen d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations à ce sujet, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
6°) ALORS QU'en toute hypothèse, le propriétaire d'un navire de plaisance amarré à un corps-mort dans une zone de mouillage balisée aménagée à cet effet n'est pas tenu de demeurer constamment à son bord, a fortiori en cas de tempête ; qu'en se bornant à relever que M. Y... avait quitté le navire, après avoir constaté que l'un des experts avait indiqué qu'il avait débarqué dans la nuit du 5 mars, à 5 heures, alors que le vent était violent, des rafales comprises entre 117 et 119 km/h ayant été enregistrées à cette date, sans relever à quel titre et sur quel fondement M. Y... aurait été tenu de demeurer à bord, en ce lieu et en de telles circonstances, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser une faute du navire, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 5131-3 du code des transports ;
7°) ALORS QU'en cas d'abordage entre deux navires, les dommages sont supportés par ceux qui les ont éprouvés, à moins que l'abordage n'ait été causé par la faute de l'un des navires, auquel cas, la réparation des dommages incombe à celui qui l'a commise ; qu'en se bornant à relever que M. Y... aurait amarré son navire à un mouillage « sauvage » sans autorisation, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si M. Y..., qui n'avait pas procédé à un mouillage « sauvage » puisqu'il avait amarré son navire dans une zone balisée aménagée à cet effet, n'avait pas été contraint de le faire, de nuit, en raison des circonstances météorologiques, et n'avait pu demander alors une autorisation d'amarrage puisque le bureau des admission était fermé, de sorte qu'il n'avait pas enfreint les règles de mouillage portuaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 5131-3 du code des transports ;
8°) ALORS QU'en toute hypothèse, en cas d'abordage entre deux navires, les dommages sont supportés par ceux qui les ont éprouvés, à moins que l'abordage n'ait été causé par la faute de l'un des navires ; qu'en se bornant à relever que M. Y... aurait amarré son navire sans autorisation, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette circonstance présentait un lien de causalité direct avec l'abordage, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 5131-3 du code des transports.