LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :
Vu l'article 63 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... 2... a présenté, le 26 novembre 2015, une requête en exécution d'un jugement rendu en Suisse le 9 mai 1996 ;
Attendu que, pour constater la force exécutoire en France de ce jugement, l'arrêt retient que Mme X... Z... a présenté sa requête après le 1er janvier 2010, date d'entrée en vigueur en France de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de la Convention, en ce qui concerne la reconnaissance et l'exécution, doivent être applicables dans l'Etat requis et dans l'Etat d'origine lors du prononcé de la décision, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne Mme X... Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me A... , avocat aux Conseils, pour M. X....
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR constaté la force exécutoire en France du jugement rendu par le tribunal d'instance d'Uster (Suisse) le 9 mai 1996 en ses dispositions civiles,
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur l'applicabilité de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007, aux termes de l'article 63 de la Convention, ses dispositions ne sont applicables qu'aux actions judiciaires intentées et aux actes authentiques reçus postérieurement à son entrée en vigueur dans l'Etat d'origine et, s'il s'agit d'une requête en reconnaissance ou en exécution d'une décision ou d'un acte authentique, dans l'Etat requis ; qu'en l'espèce, Mme X... Z... a présenté sa requête en exécution de la décision du 9 mai 1996 en France, Etat requis, le 26 novembre 2015, soit postérieurement à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2010, de la Convention en France ; que la Convention est donc applicable au litige ; que M. X... soutient que la décision du 9 mai 1996, qui s'inscrit dans une procédure d'exécution et n'a pas prononcé de condamnation, est limitée à la procédure de mainlevée, et ne constitue ni un titre exécutoire ni un titre ayant constaté une créance ; que cette décision, qui a été prononcée dans le cadre d'une procédure de mainlevée définitive en application des articles 80 et 81 de la loi fédérale suisse sur la poursuite pour dettes et la faillite, a bien fixé, de façon définitive, la créance de Mme X... Z... due par M. X... en exécution de l'ordonnance du 27 octobre 1992 qui l'avait condamné au paiement d'une pension alimentaire mensuelle pour la procédure de divorce ; qu'au surplus, cette décision a été prononcée au contradictoire de M. X..., qui a comparu à l'audience ; que le caractère exécutoire en Suisse de cette décision est attesté par une mention de la décision selon laquelle « le présent jugement est exécutoire » et encore par les mentions portées sur un « certificat concernant les décisions et transactions judiciaires visé aux art. 54 et 58 de la convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale », autrement intitulé « Annexe V », selon lesquelles la « décision est exécutoire dans l'Etat d'origine (art. 38 ou 58 de la convention) » ; que la Convention est donc bien applicable à la décision du 9 mai 1996 et la demande de Mme X... Z... en déclaration de force exécutoire de cette décision en France répond en tous points aux prescriptions des articles 38, 53 et 54 de la Convention selon lesquels les décisions rendues dans un Etat lié par la Convention et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre Etat lié par la Convention après y avoir été déclarées exécutoires sur requête par toute partie intéressée, et la partie qui sollicite la délivrance d'une déclaration constatant la force exécutoire d'une décision doit produire une expédition de celle-ci ainsi que le certificat délivré par l'autorité compétente de l'Etat lié par la Convention dans lequel la décision a été rendue au moyen d'un formulaire dont le modèle figure à l'annexe V de la Convention ; que, sur la prescription, aux termes des articles 43 et 45 de la Convention, l'une ou l'autre partie peut former un recours contre la décision relative à la demande de déclaration constatant la force exécutoire et la juridiction saisie du recours ne peut refuser ou révoquer une déclaration constatant la force exécutoire que pour l'un des motifs prévus aux articles 34 et 35 de la Convention ; qu'or, ainsi que le relève Mme X... Z... , M. X... n'invoque aucun des cas énoncés par ces articles pour refuser la reconnaissance d'une décision rendue dans un Etat dans les autres Etats liés par la Convention ; qu'à cet égard le moyen tiré de la prescription de l'action de Mme X... Z... ne figure pas parmi ces cas, même sous couvert de celui de l'« atteinte manifeste à l'ordre public de l'Etat requis », dès lors que la prescription en matière de recouvrement de pensions alimentaires n'est pas d'ordre public ; que, dans cette mesure le moyen de la prescription soulevé par M. X... est inopérant ; que, sur le bien-fondé du recours, il suit de l'ensemble de ce qui précède que le recours de M. X... est infondé de sorte que l'ordonnance déférée sera confirmée » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « vu l'article L. 509-2 du code de procédure civile, vu l'article 38 de la convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale du 30 octobre 2007, vu la requête aux fins de reconnaissance ou de constatation de la force exécutoire d'un titre exécutoire étranger le 26 novembre 2015 et les pièces produites à l'appui, le jugement rendu par le tribunal d'instance d'Uster (Suisse) le 9 mai 1996 dont la force exécutoire est demandée, n'est pas contraire à l'ordre public français ; que les droits du défendeur ont été respectés ; qu'une expédition de la décision, accompagnée du certificat de l'article 54 ont été produits » ;
1°/ALORS, d'une part, QU'il résulte des articles 63 et 69, paragraphe 5, de la Convention de Lugano, du 30 octobre 2007, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, que ladite Convention n'est applicable, dans les relations entre la France et la Suisse, s'il s'agit d'une requête en reconnaissance ou en exécution d'une décision, qu'aux actions judiciaires intentées devant la juridiction suisse postérieurement à son entrée en vigueur dans l'Etat requis, et donc après le 1er janvier 2010, date d'entrée en vigueur de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 en France ; qu'en statuant comme elle l'a fait, pour déclarer applicable la Convention de Lugano du 30 octobre 2007, après avoir constaté qu'était demandée l'exécution d'une décision rendue le 9 mai 1996 par le juge suisse, lequel avait donc été nécessairement saisi avant le 1er janvier 2010, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
2°/ALORS, d'autre part, et en toute hypothèse, QUE, suivant l'article 38, 1 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007, seules les décisions rendues dans un Etat lié par la présente Convention et qui y sont exécutoires peuvent être mises à exécution dans un autre Etat lié par la présente Convention ; que, dans ses écritures d'appel (concl., p. 4 s.), M. X... a invoqué la prescription en vue de démontrer que la décision du juge suisse, rendue le 9 mai 1996, atteinte par la prescription de 10 ans, énoncée à l'article 137 du code civil suisse des obligations, ne pouvait être considérée comme étant exécutoire, suivant le droit suisse, au sens de l'article 38, 1 de la Convention de Lugano ; qu'en examinant la question de la prescription sous le seul angle de la contrariété de la décision de l'Etat d'origine à l'ordre public de l'Etat requis, suivant l'article 34, 1 de la Convention de Lugano, sans procéder à la recherche à laquelle l'invitaient les conclusions de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;
3°/ALORS, enfin, et en toute hypothèse, QUE, suivant l'article 38, 1 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007, seules les décisions rendues dans un Etat lié par la présente Convention et qui y sont exécutoires peuvent être mises à exécution dans un autre Etat lié par la présente Convention ; que, dans ses écritures d'appel (concl., p. 3-4), M. X... a contesté que la décision du 9 mai 1996 soit une décision de condamnation d'avoir à régler diverses sommes à Mme X... ; qu'il exposait que cette décision du 9 mai 1996, est une décision de mainlevée s'inscrivant dans une procédure d'exécution et qu'il résulte du droit Suisse que son effet est limité à la procédure de mainlevée en cours, sans autre effet juridique, ni constituer un titre exécutoire ; qu'il précisait qu'était évoqué dans la décision du 9 mai 1996, des sommes qui auraient été dues à son ex-épouse au titre des pensions alimentaires, en application du jugement du 10 janvier 1985, rendu par le tribunal du district de Winterthur, mais que ce jugement l'avait uniquement condamné à payer une pension mensuel de 100 francs suisses pendant une durée de six mois, la décision du 9 mai 1996 concernant des sommes bien supérieures, sans que Mme X... ne s'en explique ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions, propres à établir que la décision du 9 mai 1996 n'était pas une décision exécutoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée.