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19/12/2018 | FRANCE | N°17-25715

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 décembre 2018, 17-25715


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., médecin, a été mis en redressement puis liquidation judiciaires les 20 décembre 2006 et 27 février 2008, la société Olivier Zanni étant désignée liquidateur ; que la société Lammermoor, dans laquelle M. Y... était associé, a été mise en liquidation judiciaire le 25 juin 2008, la société Olivier Zanni étant également désignée liquidateur ; que ce dernier, en qualité de liquidateur de la société Lammermoor, a assigné M. Y..., personnellement, en p

aiement du solde débiteur de son compte courant d'associé ; qu'en exécution de la ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., médecin, a été mis en redressement puis liquidation judiciaires les 20 décembre 2006 et 27 février 2008, la société Olivier Zanni étant désignée liquidateur ; que la société Lammermoor, dans laquelle M. Y... était associé, a été mise en liquidation judiciaire le 25 juin 2008, la société Olivier Zanni étant également désignée liquidateur ; que ce dernier, en qualité de liquidateur de la société Lammermoor, a assigné M. Y..., personnellement, en paiement du solde débiteur de son compte courant d'associé ; qu'en exécution de la condamnation de M. Y... par un jugement du 27 décembre 2012, le liquidateur a été autorisé à faire pratiquer une saisie des rémunérations de ce dernier, que celui-ci a contestée ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 641-9 du code de commerce ;

Attendu que pour fixer le montant de la créance de la société Olivier Zanni, en qualité de liquidateur de la société Lammermoor, au passif de la procédure collective de M. Y... à la somme de 166 194,40 euros, et autoriser la saisie de ses rémunérations pour ce montant, l'arrêt retient que, M. Y... ne justifiant pas avoir invoqué le caractère non avenu du jugement de condamnation, sur lequel était fondée la demande d'autorisation de la saisie, il ne peut soutenir que le jugement rendu par le juge de l'exécution est lui-même non avenu ;

Qu'en statuant ainsi, tout en constatant qu'au moment de la demande d'autorisation de saisie des rémunérations formée contre lui, M. Y... était en liquidation judiciaire et devait, à ce titre, être représenté à l'instance par son liquidateur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu les articles L. 622-17, I, L. 641-13, I, et L. 622-21, II, du code de commerce ;

Attendu que pour fixer la créance du liquidateur de la société Lammermoor au passif de la procédure collective de M. Y... et autoriser la saisie des rémunérations de ce dernier pour ce montant, l'arrêt retient encore que M. Y... ne démontre pas l'antériorité du débit de son compte courant d'associé par rapport à la date d'ouverture de sa procédure collective et ne l'a pas invoquée dans le cadre de l'instance ayant donné lieu à sa condamnation ;

Qu'en se déterminant ainsi, quand il résultait de ses constatations que la créance litigieuse était postérieure à l'ouverture de la procédure collective de M. Y..., de sorte qu'elle devait rechercher, au besoin d'office, si cette créance était née régulièrement pour les besoins du déroulement de la procédure ou en contrepartie d'une prestation, seuls cas où cette créance pouvait donner lieu à la mise en oeuvre d'une voie d'exécution sur les biens du débiteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;

Condamne la société Olivier Zanni, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Lammermoor, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, après rectification du jugement du tribunal d'instance de Bourges du 7 juillet 2016, confirmé celui-ci en ce qu'il avait débouté M. Y... de ses demandes, fixé la créance de la SCP Olivier Zanni, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Lammermoor, à l'encontre de M. Y... à la somme de 166 194,40 euros, et autorisé la saisie des rémunérations de M. Y... pour la somme de 166 194,40 euros, puis d'avoir débouté M. Y... de ses demandes plus amples ou contraires et de l'avoir condamné à payer à la SCP Olivier Zanni, ès qualités de liquidateur de la société Lammermoor, la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE

« Sur l'erreur matérielle contenue dans le jugement dont appel

Aux termes de l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande ;

Dans le jugement dont appel il est mentionné, dans le dispositif : Fixe la créance de la SCP Ponroy ès qualités de mandataire liquidateur de la société Lammermoor à l'encontre de M. Philippe Y... à la somme de 166 194,40 euros alors que l'action a été diligentée par la SCP Olivier Zanni ;

Il convient de procéder à la rectification de cette erreur purement matérielle comme il sera précisé au dispositif du présent arrêt ;

Sur le caractère non avenu et la nullité du jugement du 27 décembre 2012

Sur le caractère non avenu du jugement

En application de l'article 372 du code de procédure civile, les actes accomplis et les jugements même passés en force de chose jugée, obtenus après l'interruption de l'instance, sont réputés non avenus à moins qu'ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l'interruption est prévue ;

Aux termes des articles L. 641-3 et L. 622-22 du code de commerce, les instances en cours au jour du jugement d'ouverture d'une procédure collective sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ;

M. Philippe Y... soutient que le premier juge ne pouvait autoriser la saisie de sa rémunération sur un jugement non avenu en application des dispositions précitées ;

En l'espèce, M. Philippe Y... a été déclaré en redressement judiciaire par jugement du tribunal de grande instance de Bourges en date du 20 décembre 2006 et par un autre jugement de cette même juridiction en date du 27 février 2008, il a été prononcé sa liquidation judiciaire ;

Le mandataire liquidateur de la société Lammermoor a mis en demeure M. Philippe Y... de régler la somme de 168 528,58 euros au titre du compte courant débiteur tel qu'il est apparu sur le bilan arrêté au 31 décembre 2006 de cette société avant d'assigner ce dernier par devant le tribunal de grande instance de Bourges ayant donné lieu au jugement du 27 décembre 2012 ;

Dans la mesure où la procédure ayant donné lieu au jugement du 27 décembre 2012 est postérieure au redressement et à la liquidation judiciaire de M. Philippe Y..., les dispositions invoquées n'avaient pas lieu de s'appliquer et par conséquent, il ne peut être constaté le caractère non avenu de la décision ayant fondé la procédure de saisie des rémunérations ;

Sur la nullité du jugement du 27 décembre 2012

M. Philippe Y... soutient que le jugement du 27 décembre 2012 est non seulement non avenu mais également nul dans la mesure où il n'a pas été représenté par le mandataire liquidateur alors qu'il est toujours en liquidation judiciaire ;

Il convient de rappeler que par application des dispositions de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;

Or, la demande de nullité du jugement ne figurant pas dans le dispositif des conclusions de M. Philippe Y..., il n'y a pas lieu de l'examiner étant toutefois rappelé que la nullité d'un jugement ne peut être demandée que par les voies de recours prévues par la loi conformément aux dispositions de l'article 460 du code de procédure civile et que M. Philippe Y... n'a exercé aucun recours contre le jugement du 27 décembre 2012 » ;

Sur le jugement dont appel

L'article R. 3252-11 du code du travail dispose que le juge d'instance, lorsqu'il connaît d'une saisie des sommes dues à titre de rémunération, exerce les pouvoirs du juge de l'exécution, conformément à l'article L. 221-8 du code de l'organisation judiciaire ;

Selon l'article L. 311-12-1 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée ;

Le juge peut ainsi connaître de la demande tendant à faire déclarer un jugement non avenu pour lui faire perdre son caractère de titre exécutoire ;

Cependant, outre le fait qu'il ne résulte d'aucune des mentions du jugement dont appel que M. Philippe Y... ait invoqué le caractère non avenu du jugement sur lequel était fondée la demande d'autorisation de la saisie des rémunérations, celui-ci ne peut être considéré comme étant non avenu eu égard à ce qui précède ;

M. Philippe Y... soutient que le jugement dont appel doit être infirmé dans la mesure où la créance ayant donné lieu au jugement du 27 décembre 2012 est antérieure à sa cessation de paiement et à sa liquidation judiciaire ;

La SCP Olivier Zanni soutient pour sa part que la créance est nécessairement postérieure à la date prononçant le redressement judiciaire de M. Philippe Y... puisque le compte courant débiteur de ce dernier dans la société Lammermoor est apparu lors de l'établissement du bilan, soit le 31 décembre 2006 ;

M. Philippe Y... ne conteste pas que le montant de son compte courant d'associé au sein de la société Lammermoor arrêté au 31 décembre 2006 présentait un solde débiteur d'un montant de 168 528,58 euros mais précise que la dette est nécessairement antérieure au prononcé de son redressement judiciaire ;

Cependant, si le débit en compte courant associé de M. Philippe Y... est d'un montant important, force est de constater que ce dernier ne démontre nullement l'antériorité du débit de son compte courant d'associé alors qu'en cette qualité il a eu accès aux pièces comptables ;

D'autre part, il convient de relever que dans le cadre de la procédure ayant donné lieu au jugement sur lequel la demande de saisie des rémunérations a été sollicitée auprès du juge d'instance, M. Philippe Y... était représenté dans la procédure et n'a invoqué à aucun moment l'antériorité de sa dette à l'égard de la société Lammermoor ;

Surtout, ce dernier n'a nullement interjeté appel de ce jugement, de sorte qu'il est passé en force de chose jugée et que le juge d'instance chargé des saisies des rémunérations ne pouvait qu'autoriser la mesure d'exécution forcée sollicitée par le mandataire liquidateur ;

En conséquence, le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu'il a autorisé la saisie des rémunérations de M. Philippe Y... pour la somme non contestée en son montant de 166 194,40 euros » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE

« L'article R. 3252-19 du code du travail dispose que si les parties ne se sont pas conciliées, il est procédé à la saisie après que le juge a vérifié le montant de la créance en principal, intérêts et frais et, s'il y a lieu, tranché les contestations soulevées par le débiteur ;

Certes, l'article L. 221-8 du code de l'organisation judiciaire prévoit que le juge du tribunal d'instance connaît de la saisie des rémunérations, à l'exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, et qu'il exerce alors les pouvoirs du juge de l'exécution ;

Cependant, conformément aux dispositions de l'article R. 3252-11 du code du travail, le juge d'instance, exerçant les pouvoirs du juge de l'exécution, ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ni en suspendre l'exécution ;

En l'espèce, le jugement produit par la SCP Olivier Zanni ès qualités de mandataire liquidateur de la société Lammermoor à l'appui de sa demande de saisie des rémunérations de M. Y... a été rendu contradictoirement le 27 décembre 2012 et, à défaut d'avoir fait l'objet d'un appel de la part de ce dernier, est aujourd'hui définitif ;

Au surplus, il convient de relever qu'à cette époque, l'intéressé était assisté d'un avocat et n'a aucunement soulevé le moyen tiré d'une antériorité de la créance alléguée par la SCP Olivier Zanni ès qualités de mandataire liquidateur de la société Lammermoor à l'ouverture de la procédure collective dont il a fait l'objet ou même de l'absence de son propre mandataire liquidateur à la procédure ;

En conséquence, le moyen dont il excipe aujourd'hui est irrecevable devant le juge d'instance connaissant de la requête en saisie des rémunérations formulée par la SCP Olivier Zanni ès qualités de mandataire liquidateur de la société Lammermoor, laquelle se prévaut d'un titre exécutoire dûment signifié le 25 janvier 2013 à la personne du débiteur qui n'en a pas relevé appel ;

Accueillir une telle contestation reviendrait à reconnaître au juge d'instance un pouvoir exorbitant puisque conduisant â remettre en cause une décision de justice ayant autorité de la chose jugée, là où la voie de l'appel l'aurait permis ;

Il sera donc débouté de l'ensemble de ses demandes ;

Sur le montant de la créance :

Si la SCP Olivier Zanni ès qualités de mandataire liquidateur de la société Lammermoor mentionne dans le décompte de sa créance des frais de mise en demeure du 8 juin 2009 pour 4,37 euros, le titre exécutoire n'a pas retenu ce montant dans les dépens, en sorte que cette somme doit être écartée ;

De même, elle évoque des frais d'avocat à hauteur de 889,94 euros mais ne fournit aucun décompte propre à ces frais permettant au magistrat d'en vérifier le montant ; Ces frais seront donc également écartés ;

Par ailleurs, en dehors de l'acte de saisie attribution et de sa dénonciation au débiteur, seuls actes requérant obligatoirement l'intervention d'un huissier de justice, rien n'oblige le créancier à recourir aux services d'un huissier pour les formalités nécessaires au paiement ; Si le créancier fait le choix de solliciter un huissier, les frais correspondants, n'étant pas nécessaires à l'exécution forcée, sont des actes inutiles au sens des articles L. 111-7 et L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution et doivent rester à la charge du créancier ;

En conséquence, le coût des actes de signification au tiers saisi de l'acquiescement du débiteur en date des 11 février et 2 juin 2014 (2 x 87,87 euros) ainsi que celui des actes de signification de mainlevée du 11 février 2014 puis de quittance valant mainlevée du 6 juin 2014 (2 x 69,39 euros) seront écartés ;

Ainsi, la créance de la SCP Olivier Zanni ès qualités de mandataire liquidateur de la société Lammermoor sera fixée à la somme de 166 194,40 euros se décomposant comme suit :

- principal : 169 128,68 euros,

- intérêts du 8 juin 2009 au 5 août 2015 : 23 393,71 euros,

- frais : 1 654,39 euros,

- acomptes à déduire : 27 982,38 euros ;

La saisie des rémunérations de M. Y... sera donc ordonnée pour le montant de 166 194,40 euros » ;

ALORS QUE le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée ; qu'en raison de son dessaisissement, le débiteur en liquidation judiciaire n'a qualité ni pour exercer une action à caractère patrimonial ni pour défendre à celle-ci ; qu'en autorisant néanmoins la saisie des rémunérations de M. Y..., alors placé en liquidation judiciaire, à la requête de la SCP Olivier Zanni, ès qualités de liquidateur de la société Lammermoor, cependant que cette action à caractère patrimonial, dirigée contre M. Y... seul, était irrecevable, la cour d'appel a violé les articles L. 641-9 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises applicable à l'espèce, et 122 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Y... de ses demandes, fixé la créance de la SCP Olivier Zanni, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Lammermoor à l'encontre de M. Y... à la somme de 166 194,40 euros, et autorisé la saisie des rémunérations de M. Y... pour la somme de 166 194,40 euros ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE

« Sur le jugement dont appel

L'article R. 3252-11 du code du travail dispose que le juge d'instance, lorsqu'il connaît d'une saisie des sommes dues à titre de rémunération, exerce les pouvoirs du juge de l'exécution, conformément à l'article L. 221-8 du code de l'organisation judiciaire ;

Selon l'article L. 311-12-1 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée ;

Le juge peut ainsi connaître de la demande tendant à faire déclarer un jugement non avenu pour lui faire perdre son caractère de titre exécutoire ;

Cependant, outre le fait qu'il ne résulte d'aucune des mentions du jugement dont appel que M. Philippe Y... ait invoqué le caractère non avenu du jugement sur lequel était fondée la demande d'autorisation de la saisie des rémunérations, celui-ci ne peut être considéré comme étant non avenu eu égard à ce qui précède ;

M. Philippe Y... soutient que le jugement dont appel doit être infirmé dans la mesure où la créance ayant donné lieu au jugement du 27 décembre 2012 est antérieure à sa cessation de paiement et à sa liquidation judiciaire ;

La SCP Olivier Zanni soutient pour sa part que la créance est nécessairement postérieure à la date prononçant le redressement judiciaire de M. Philippe Y... puisque le compte courant débiteur de ce dernier dans la société Lammermoor est apparu lors de l'établissement du bilan, soit le 31 décembre 2006 ;

M. Philippe Y... ne conteste pas que le montant de son compte courant d'associé au sein de la société Lammermoor arrêté au 31 décembre 2006 présentait un solde débiteur d'un montant de 168 528,58 euros mais précise que la dette est nécessairement antérieure au prononcé de son redressement judiciaire ;

Cependant, si le débit en compte courant associé de M. Philippe Y... est d'un montant important, force est de constater que ce dernier ne démontre nullement l'antériorité du débit de son compte courant d'associé alors qu'en cette qualité il a eu accès aux pièces comptables ;

D'autre part, il convient de relever que dans le cadre de la procédure ayant donné lieu au jugement sur lequel la demande de saisie des rémunérations a été sollicitée auprès du juge d'instance, M. Philippe Y... était représenté dans la procédure et n'a invoqué à aucun moment l'antériorité de sa dette à l'égard de la société Lammermoor ;

Surtout, ce dernier n'a nullement interjeté appel de ce jugement, de sorte qu'il est passé en force de chose jugée et que le juge d'instance chargé des saisies des rémunérations ne pouvait qu'autoriser la mesure d'exécution forcée sollicitée par le mandataire liquidateur ;

En conséquence, le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu'il a autorisé la saisie des rémunérations de M. Philippe Y... pour la somme non contestée en son montant de 166 194,40 euros » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE

« L'article R. 3252-19 du code du travail dispose que si les parties ne se sont pas conciliées, il est procédé à la saisie après que le juge a vérifié le montant de la créance en principal, intérêts et frais et, s'il y a lieu, tranché les contestations soulevées par le débiteur ;

Certes, l'article L. 221-8 du code de l'organisation judiciaire prévoit que le juge du tribunal d'instance connaît de la saisie des rémunérations, à l'exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, et qu'il exerce alors les pouvoirs du juge de l'exécution ;

Cependant, conformément aux dispositions de l'article R. 3252-11 du code du travail, le juge d'instance, exerçant les pouvoirs du juge de l'exécution, ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ni en suspendre l'exécution ;

En l'espèce, le jugement produit par la SCP Olivier Zanny ès qualités de mandataire liquidateur de la société Lammermoor à l'appui de sa demande de saisie des rémunérations de M. Y... a été rendu contradictoirement le 27 décembre 2012 et, à défaut d'avoir fait l'objet d'un appel de la part de ce dernier, est aujourd'hui définitif ;

Au surplus, il convient de relever qu'à cette époque, l'intéressé était assisté d'un avocat et n'a aucunement soulevé le moyen tiré d'une antériorité de la créance alléguée par la SCP Olivier Zanni ès qualités de mandataire liquidateur de la société Lammermoor à l'ouverture de la procédure collective dont il a fait l'objet ou même de l'absence de son propre mandataire liquidateur à la procédure ;

En conséquence, le moyen dont il excipe aujourd'hui est irrecevable devant le juge d'instance connaissant de la requête en saisie des rémunérations formulée par la SCP Olivier Zanni ès qualités de mandataire liquidateur de la société Lammermoor, laquelle se prévaut d'un titre exécutoire dûment signifié le 25 janvier 2013 à la personne du débiteur qui n'en a pas relevé appel ;

Accueillir une telle contestation reviendrait à reconnaître au juge d'instance un pouvoir exorbitant puisque conduisant â remettre en cause une décision de justice ayant autorité de la chose jugée, là où la voie de l'appel l'aurait permis ;

Il sera donc débouté de l'ensemble de ses demandes ;

Sur le montant de la créance :

Si la SCP Olivier Zanni ès qualités de mandataire liquidateur de la société Lammermoor mentionne dans le décompte de sa créance des frais de mise en demeure du 8 juin 2009 pour 4,37 euros, le titre exécutoire n'a pas retenu ce montant dans les dépens, en sorte que cette somme doit être écartée ;

De même, elle évoque des frais d'avocat à hauteur de 889,94 euros mais ne fournit aucun décompte propre à ces frais permettant au magistrat d'en vérifier le montant ; Ces frais seront donc également écartés ;

Par ailleurs, en dehors de l'acte de saisie attribution et de sa dénonciation au débiteur, seuls actes requérant obligatoirement l'intervention d'un huissier de justice, rien n'oblige le créancier à recourir aux services d'un huissier pour les formalités nécessaires au paiement ; Si le créancier fait le choix de solliciter un huissier, les frais correspondants, n'étant pas nécessaires à l'exécution forcée, sont des actes inutiles au sens des articles L. 111-7 et L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution et doivent rester à la charge du créancier ;

En conséquence, le coût des actes de signification au tiers saisi de l'acquiescement du débiteur en date des 11 février et 2 juin 2014 (2 x 87,87 euros) ainsi que celui des actes de signification de mainlevée du 11 février2014 puis de quittance valant mainlevée du 6 juin 2014 (2 x 69,39 euros) seront écartés ;

Ainsi, la créance de la SCP Olivier Zanni ès qualités de mandataire liquidateur de la société Lammermoor sera fixée à la somme de 166 194,40 euros se décomposant comme suit :

- principal : 169 128,68 euros,

- intérêts du 8 juin 2009 au 5 août 2015 : 23 393,71 euros,

- frais : 1 654,39 euros,

- acomptes à déduire : 27 982,38 euros ;

La saisie des rémunérations de M. Y... sera donc ordonnée pour le montant de 166 194,40 euros » ;

ALORS QUE le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête ou interdit toute voie d'exécution sur les meubles et les immeubles du débiteur de la part des créanciers dont la créance n'est pas née régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur, pour son activité professionnelle, pendant cette période ; qu'en autorisant néanmoins la saisie des rémunérations de M. Y..., sollicitée par la SCP Olivier Zanni, ès qualités, sur le fondement du jugement du tribunal de grande instance de Bourges du 27 décembre 2012 l'ayant condamné à lui payer la somme de 168 528,68 euros, outre intérêts, au titre du solde débiteur de son compte courant d'associé dans les livres de la société Lammermoor au 31 décembre 2006, motif pris que M. Y... ne démontrait pas l'antériorité de sa dette au prononcé de son redressement judiciaire, qu'il était en tout état de cause irrecevable à invoquer une telle antériorité faute de s'en être prévalu dans l'instance ayant donné lieu au jugement du 27 décembre 2012, et qu'en l'état du caractère définitif dudit jugement de condamnation, le juge des saisies des rémunérations, dépourvu du pouvoir de le remettre en cause, était tenu d'autoriser la mesure d'exécution forcée sollicitée, cependant que la créance invoquée n'étant pas née pour les besoins du déroulement de la procédure collective ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pour son activité professionnelle pendant cette période, aucune mesure d'exécution forcée tendant à son recouvrement ne pouvait être mise en œoeuvre pendant la durée de la procédure, peu important que cette créance ait été constatée par un titre exécutoire passé en force de chose jugée, la cour d'appel a violé les articles L. 622-17, L. 622-21, L. 641-3 et L. 641-13 du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises applicable à l'espèce.


Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 06 juillet 2017


Publications
Proposition de citation: Cass. Com., 19 déc. 2018, pourvoi n°17-25715

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Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Briard, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Formation : Chambre commerciale
Date de la décision : 19/12/2018
Date de l'import : 29/12/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17-25715
Numéro NOR : JURITEXT000037900393 ?
Numéro d'affaire : 17-25715
Numéro de décision : 41801011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2018-12-19;17.25715 ?
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