LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° Z 17-23.550, A 17-23.551, B 17-23.552, C 17-23.553, D 17-23.554 et E 17-23.555 ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu, selon les ordonnances attaquées (président du tribunal de grande instance d'Evry, 11 août 2017) rendues en la forme des référés, que, le 7 février 2017, la société La Poste (La Poste) a, avec plusieurs organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, conclu un accord d'entreprise relatif à l'amélioration des conditions de travail et à l'évolution des métiers destiné à la branche Services-courrier-colis ; qu'il est entré en vigueur le 22 février 2017 ; que les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail des établissements de Corbeil-Essonnes, Draveil, Saint-Michel-sur-Orge, Courtaboeuf, La Norville et Savigny-sur-Orge (les CHSCT) ont décidé, par délibérations en date respectivement des 23 mars, 11 avril, et 3 mai 2017, le recours à un expert agréé en raison de l'existence d'un projet important au sens de l'article L. 4612-8-1 du code du travail ;
Attendu que La Poste fait grief aux ordonnances de la débouter de sa demande d'annulation des délibérations ordonnant expertise votées par les CHSCT, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article L. 4612-8-1 du code du travail, "le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail" ; que ne constitue pas une telle "décision", laquelle est issue d'une manifestation de volonté unilatérale de l'employeur, un accord collectif négocié et signé par les organisations syndicales représentatives en charge de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote ; qu'un tel accord n'a pas à être soumis pour consultation au CHSCT ; qu'en décidant le contraire, le président du tribunal de grande instance a violé le texte susvisé, ensemble l'article L. 4614-12 du code du travail ;
2°/ qu' à supposer que le CHSCT doive être consulté avant la conclusion d'un accord collectif représentant un projet d'aménagement important, il ne saurait l'être sur les effets d'un accord déjà conclu, aucune disposition légale ne prévoyant une telle consultation ; qu'en validant une expertise ordonnée le 28 mars 2017 aux fins d'évaluer les conséquences locales potentielles d'un accord collectif conclu le 7 février précédent, le président du tribunal de grande instance a violé derechef les textes susvisés ;
3°/ que l'existence d'un "projet important" s'apprécie au niveau de compétence auquel est institué le CHSCT qui décide de recourir à l'expertise ; qu'en l'espèce, La Poste avait fait valoir dans ses écritures que l'accord cadre conclu le 7 février 2017, et qui n'était pas accessible, pour sa part, à l'expertise "projet important", avait vocation à être mis en oeuvre progressivement au niveau de chaque établissement dans le respect des prérogatives des institutions représentatives du personnel et suivant la "méthode de conduite du changement" (articles 2-D, 2-6 et 2-7), imposant leur consultation ainsi que celle des personnels concernés, à laquelle il se référait expressément ; qu'ainsi la mise en oeuvre de l'accord cadre du 7 février 2017 se ferait au niveau de chacun des établissements concernés après élaboration d'un projet le concernant, qui serait présenté au CHSCT, lequel en apprécierait alors l'importance et déciderait, le cas échéant, de recourir à un expert ; qu'en homologuant cependant la décision du CHSCT de recourir à une expertise aux termes de motifs abstraits et inopérants, pris de ce que "
par nature, les termes de l'accord ont vocation à un déploiement sur les différents établissements relevant de la branche services-courrier-colis et, à ce titre, entrent dans le champ d'application du "projet" mentionné par les dispositions précitées de l'article L. 4614-12 du code du travail", que "
La Poste a fixé le calendrier de programmation des dispositifs de promotion "RAP" prévus par l'accord du 7 février 2017
"à partir de mars 2017" et enfin que "
sont mises en ligne les offres de service "veiller sur mes parents", le président du tribunal de grande instance, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur l'existence d'un projet important au niveau des établissements de compétence des CHSCT, a privé sa décision de base légale au regard des articles 2-D et 2-3 de l'accord du 7 février 2017, ensemble de l'article L. 4614-12 du code du travail ;
4°/ qu'en se déterminant aux termes de motifs dont ne ressort aucun "projet important" au niveau de l'établissement de Draveil, ni de l'un quelconque des établissements relevant de la compétence des six CHSCT défendeurs, le président du tribunal de grande instance a privé derechef sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 4614-12 du code du travail alors applicable, que le CHSCT peut faire appel à un expert agréé en cas de mise en oeuvre d'un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L. 4612-8-1 du code du travail alors applicable, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que ce projet procède d'une décision unilatérale de l'employeur ou d'un accord d'entreprise ;
Attendu, ensuite, qu'en l'absence d'une instance temporaire de coordination des différents comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail implantés dans les établissements concernés par la mise en oeuvre d'un projet important modifiant les conditions de travail au sens de l'article L. 4612-8-1 du code du travail, chacun des CHSCT territorialement compétents pour ces établissements est fondé à recourir à l'expertise ;
Et attendu qu'ayant constaté que l'accord a vocation à se déployer à compter de mars 2017 sur les différents établissements relevant de la branche Services-courrier-colis, que, selon le préambule, La Poste doit donner de l'activité aux factrices et facteurs pour préparer l'avenir et celui de leur métier, qu'ils consacreront plus de la moitié de leur temps de travail à d'autres activités que la distribution du courrier traditionnel telles que livraisons de colissimo et de petits paquets internationaux, courriers et catalogues media, remises commentées, prestations de services de proximité, visites à domiciles, que le travail des factrices et des facteurs change et se diversifie, que ces derniers deviendront plus polyvalents, plus connectés dans des organisations de travail qui se transforment en restant au contact quotidien et au service des clients, que par ailleurs l'accord comporte des dispositions relatives d'une part à une construction des organisations de la distribution qui associe les factrices et facteurs afin de garantir une organisation équilibrée de la charge et des conditions de travail de qualité, d'autre part à des principes de gestion des organisations à la distribution (remplacements, décompte du temps de travail) avec l'adoption d'un principe d'adaptation continue, et non plus par palier, en fonction de l'évolution des volumes de l'organisation du travail induisant en particulier un ajustement de la durée du travail, et avec la possibilité que la sécabilité des tournées soit étendue aux jours forts, et de troisième part aux métiers des factrices et des facteurs et de leurs encadrantes et encadrants, acteurs et bénéficiaires de la transformation, non seulement par le développement d'une polyvalence, induisant nécessairement l'appréhension de nouvelles missions, mais aussi par la mise en oeuvre de missions s'éloignant du coeur du métier de facteur, telles que des missions axées sur les services à la personne, ou sur la réalisation de diagnostics techniques, exigeant l'acquisition de nouveaux savoir-faire et qu'il induit un basculement sur de nouvelles qualifications, le président du tribunal de grande instance a pu en déduire qu'il s'agissait d'un projet important au sens de l'article L. 4612-8-1 du code du travail ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen du pourvoi principal ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Et attendu que le rejet du pourvoi principal rend sans objet le pourvoi incident éventuel ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident éventuel ;
Condamne la société La Poste aux dépens ;
Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, la condamne à payer la somme globale de 1 800 euros TTC à la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer et rejette la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société La Poste, demanderesse aux pourvois principaux n° Z 17-23.550, A 17-23.551, B 17-23.552, C 17-23.553, D 17-23.554 et E 17-23.555
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief aux ordonnances attaquées d'AVOIR débouté La Poste de ses demandes d'annulation des six délibérations ordonnant expertise votées par les différents CHSCT codéfendeurs et de l'AVOIR condamnée à verser à chacun de ces CHSCT la somme de 1 200 € au titre de ses frais de justice ;
AUX MOTIFS QUE "à titre préliminaire, il convient de relever qu'il ne saurait y avoir lieu pour la présente juridiction de procéder, comme La Poste le lui demande à certains égards, par voie de constat dépourvu de portée juridique et qu'en l'espèce il sera statué dans la limite de demandes valant prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, soit en l'espèce, en ce qui concerne les demandes principales de La Poste, sur la demande tendant à voir annuler la délibération du 23 mars 2017 ayant ordonné une expertise ;
QU'aux termes de l'article L. 4614-12 du code du travail : "Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé :
1° Lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ;
2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L. 4612-8-1" ;
QU'en premier lieu, La Poste entend faire valoir, en se prévalant en particulier des dispositions de l'article L. 2323-2 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, aux termes duquel, en particulier "(
) les projets d'accord collectif, leur révision ou leur dénonciation ne sont pas soumis à l'avis du comité d'entreprise", qu'elle n'était nullement tenue de procéder à la consultation du CHSCT, s'agissant en l'espèce d'un projet d'accord collectif ;
QUE cependant, quand bien même les deux questions peuvent apparaître liées au regard de la notion commune de "projet important" prévue par les dispositions des articles L. 4612-8 et du 2° de l'article L. 4614-12, il convient d'observer que le débat, en l'espèce, porte non sur l'obligation de l'employeur de procéder à la consultation d'un CHSCT décidant du recours à une expertise et qu'en tout état de cause, La Poste ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 2323-2 du code du travail applicables aux comités d'entreprise, aucun élément ne justifiant d'étendre aux CHSCT la dérogation à l'obligation de consultation des comités d'entreprise, dérogation au demeurant spécifique aux projets de révision ou de dénonciation d'accords collectifs et non d'ailleurs à leurs effets ;
QUE les stipulations de la convention de l'OIT 135 ne sauraient pas davantage faire obstacle au droit du CHSCT de recourir à une expertise ;
QU'il résulte de ce qui précède que La Poste n'est pas fondée à soutenir que le CHSCT serait privé de la faculté d'ordonner une expertise dans l'hypothèse d'un accord collectif" ;
1°) ALORS QU'aux termes de l'article L. 4612-8-1 du code du travail, "le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail" ; que ne constitue pas une telle "décision", laquelle est issue d'une manifestation de volonté unilatérale de l'employeur, un accord collectif négocié et signé par les organisations syndicales représentatives en charge de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote ; qu'un tel accord n'a pas à être soumis pour consultation au CHSCT ; qu'en décidant le contraire, le président du tribunal de grande instance a violé le texte susvisé, ensemble l'article L. 4614-12 du code du travail ;
2°) ALORS en toute hypothèse QU'à supposer que le CHSCT doive être consulté avant la conclusion d'un accord collectif représentant un projet d'aménagement important, il ne saurait l'être sur les effets d'un accord déjà conclu, aucune disposition légale ne prévoyant une telle consultation ; qu'en validant une expertise ordonnée le 28 mars 2017 aux fins d'évaluer les conséquences locales potentielles d'un accord collectif conclu le 7 février précédent, le président du tribunal de grande instance a violé derechef les textes susvisés ;
ET AUX MOTIFS QU'en deuxième lieu, La Poste soutient que la délibération par laquelle le CHSCT de l'établissement de Draveil a décidé de recourir à l'expertise est prématurée, dès lors qu'aucune des mesures résultant de l'accord conclu le 7 février 2017 n'est mise en oeuvre au sein de l'établissement de Draveil ou en projet de l'être ;
QUE cependant, il convient d'une part de relever que, par nature, les termes de l'accord ont vocation à un déploiement sur les différents établissements relevant de la branche services-courrier-colis et, à ce titre, entrent dans le champ d'application du "projet" mentionné par les dispositions précitées de l'article L. 4614-12 du code du travail ;
QUE d'autre part, il ressort des pièces produites que par une note ayant pour date de validité le 15 mars 2017, La Poste a fixé le calendrier de programmation des dispositifs de promotion "RAP" prévus par l'accord du 7 février 2017, ladite note fixant le déploiement de ce dispositif "à partir de mars 2017" ; que de même, il ressort que sont mises en ligne les offres de service "veiller sur mes parents", service correspondant précisément à l'un des axes de diversification des services rendus par La Poste, prévus par l'accord du 7 février 2017 ;
QU'il résulte de ce qui précède que La Poste n'est pas fondée à soutenir que la délibération par laquelle le CHSCT de l'établissement de Draveil a décidé de recourir à l'expertise serait, à ce titre, prématurée ;
QU'en dernier lieu, en application des dispositions précitées du 2° de l'article L. 4614-12 incombe au CHSCT de rapporter la preuve que les conditions prévues par ces dispositions sont réunies, la pertinence de l'expertise ne s'appréciant pas seulement en fonction du nombre de salariés concernés mais également en fonction de l'ampleur du changement sur les conditions de travail et/ou les conditions de santé et de sécurité des salariés ;
QU'il convient de préciser, d'une part, que le caractère important d'un projet doit s'apprécier dans sa globalité, alors même que, sur certains points, ce projet pourrait apparaître comme mineur et, d'autre part, que la circonstance qu'il soit destiné à l'amélioration de la condition des salariés est sans incidence sur le droit du CHSCT de décider de recourir à une expertise ;
QUE tout d'abord, il ressort des termes du préambule de l'accord du 7 février 2017 qu'y est relevé, non seulement que la branche services-courrier-colis de La Poste doit faire face au choc technologique de la numérisation des échanges, mais également et surtout que la branche services-courrier-colis (BSCC) "entend donner de l'activité aux factrices et facteurs pour préparer leur avenir et celui de leur métier" ou encore "qu'à l'horizon 2020, les factrices et facteurs consacreront plus de la moitié de leur temps de travail à d'autres activités que la distribution du courrier traditionnel : livraison de colissimo et de petits paquets internationaux, courriers et catalogues média, remises commentées, prestations de service de proximité, visites à domicile. Dans ce contexte, le travail des factrices et facteurs change et se diversifie : plus polyvalents, plus connectés dans les organisations de travail qui se transforment en restant au contact quotidien et au service des clients" ;
QU'ensuite, il ressort des termes mêmes de cet accord que celui-ci comporte notamment les quatre articles suivants :
"- article 2/ Une construction des organisations à la distribution qui associe les factrices/facteurs et qui garantit une organisation équilibrée de la charge et des conditions de travail de qualité (article 2-4 : cadrer la sécabilité ; article 2-5 : réserver des tournées pour l'accueil des nouveaux, l'emploi des seniors et des agents à mobilité réduite ainsi que pour les retours des longues absences),
- article 3/ Les principes de gestion des organisations à la distribution (article 3-2 : assurer le remplacement des factrices/facteurs et des encadrants/encadrantes, article 3-4 : décompter le temps de travail,
- article 4/ Les métiers des factrices/facteurs et de leurs encadrantes/encadrants, acteurs et bénéficiaires de la transformation (article 4-1 : l'évolution des activités des factrices et facteurs
.article 4-3 : de nouvelles fonctions pour les encadrantes/encadrants),
- article 5/ L'amélioration des équipements pour les factrices/facteurs)" ;
QUE pour partie, les termes de cet accord portent sur l'organisation du travail des agents ;
QU'il en est ainsi, par exemple, de l'article 2, relatif à la construction des organisations à la distribution, dont il ressort qu'est prévue en particulier une "adaptation continue" des organisations liée à l'évolution des volumes, n'excluant pas une adaptation continue et non plus par palier, en fonction de l'évolution des volumes de l'organisation du travail, induisant en particulier un ajustement de la durée du travail ; qu'il ressort de même qu'est envisagé "un cadrage de la sécabilité des tournées" permettant l'adjonction à la tournée d'un facteur d'une partie d'une autre tournée, sécabilité certes déjà existante, mais dont l'accord n'exclut pas qu'elle puisse être étendue à des jours forts ;
QUE l'article 5 relatif à l'amélioration des équipements pour les factrices et facteurs, dont il ressort en particulier que l'évolution des moyens de locomotion doit s'apprécier au regard de l'évolution des activités, n'est pas sans incidence possible sur l'organisation du travail des agents reposant en particulier sur l'évaluation de la charge de travail induite par les tournées ;
QUE pour partie, l'accord du 7 février 2017 porte également sur les attributions et fonctions des agents, non seulement par le développement d'une polyvalence, induisant nécessairement l'appréhension de nouvelles missions, mais également par la mise en oeuvre de missions s'éloignant pour le moins du coeur du métier de facteur, telles que des missions axées sur les services à la personne, ou sur la réalisation de diagnostics techniques, exigeant l'acquisition de nouveaux savoir-faire et induit un basculement sur de nouvelles qualifications ;
QUE La Poste ne peut sérieusement soutenir qu'en réalité, l'accord de 45 pages en dehors des annexes y afférentes, se bornerait à un simple rappel de dispositions légales ou de réalités déjà existantes, ou à une simple modification de dénomination ;
QU'en réalité, au regard de l'ensemble de ces éléments, il ne saurait être sérieusement contesté qu'en ce qu'il porte, soit sur l'organisation du travail des agents, soit sur leurs attributions et fonctions, l'accord du 7 février 2017 comporte des incidences non négligeables sur leurs conditions de travail ;
QUE dans ces conditions, il convient de considérer que le CHSCT établit que la mise en oeuvre des termes de l'accord du 7 février 2017 constitue un projet important au sens des dispositions de l'article L. 4614-12 du code du travail ;
QUE par suite, la demande de La Poste tendant à voir annuler la délibération du 23 mars 2017 doit être annulée ;
QUE La Poste sera condamnée à verser au CHSCT de l'établissement de Draveil une somme de 1 200 € au titre des frais exposés dans la présente instance" ;
3°) ALORS subsidiairement QUE l'existence d'un "projet important" s'apprécie au niveau de compétence auquel est institué le CHSCT qui décide de recourir à l'expertise ; qu'en l'espèce, La Poste avait fait valoir dans ses écritures que l'accord cadre conclu le 7 février 2017, et qui n'était pas accessible, pour sa part, à l'expertise "projet important", avait vocation à être mis en oeuvre progressivement au niveau de chaque établissement dans le respect des prérogatives des institutions représentatives du personnel et suivant la "méthode de conduite du changement" (articles 2-D, 2-6 et 2-7), imposant leur consultation ainsi que celle des personnels concernés, à laquelle il se référait expressément ; qu'ainsi la mise en oeuvre de l'accord cadre du 7 février 2017 se ferait au niveau de chacun des établissements concernés après élaboration d'un projet le concernant, qui serait présenté au CHSCT, lequel en apprécierait alors l'importance et déciderait, le cas échéant, de recourir à un expert ; qu'en homologuant cependant la décision du CHSCT de recourir à une expertise aux termes de motifs abstraits et inopérants, pris de ce que "
par nature, les termes de l'accord ont vocation à un déploiement sur les différents établissements relevant de la branche services-courrier-colis et, à ce titre, entrent dans le champ d'application du "projet" mentionné par les dispositions précitées de l'article L. 4614-12 du code du travail", que "
La Poste a fixé le calendrier de programmation des dispositifs de promotion "RAP" prévus par l'accord du 7 février 2017
"à partir de mars 2017" et enfin que "
sont mises en ligne les offres de service "veiller sur mes parents", le président du tribunal de grande instance, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur l'existence d'un projet important au niveau des établissements de compétence des CHSCT, a privé sa décision de base légale au regard des articles 2-D et 2-3 de l'accord du 7 février 2017, ensemble de l'article L. 4614-12 du code du travail ;
4°) ALORS enfin QU'en se déterminant aux termes de motifs dont ne ressort aucun "projet important" au niveau de l'établissement de Draveil, ni de l'un quelconque des établissements relevant de la compétence des six CHSCT défendeurs, le président du tribunal de grande instance a privé derechef sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief aux ordonnances attaquées d'AVOIR débouté La Poste de ses demandes d'annulation des six délibérations ordonnant expertise votées par les différents CHSCT codéfendeurs et de l'AVOIR condamnée à verser à chacun de ces CHSCT la somme de 1 200 € au titre de ses frais de justice ;
AUX MOTIFS rappelés au premier moyen ;
ALORS QU'il appartient au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou à l'instance de coordination, lorsque l'un ou l'autre décide de faire appel à un expert agréé, de déterminer par délibération l'étendue et le délai de cette expertise ainsi que le nom de l'expert ; qu'en validant la délibération du 23 mars 2017 sans rechercher si, en l'absence de tout délai fixé à l'expert pour réaliser une mission définie en termes généraux, cette délibération n'encourait pas l'annulation, le président du tribunal de grande instance, a violé les articles L. 4614-12 et L. 4614-13 du code du travail. Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour les comités d'hygiène de sécurité et des conditions de travail de l'établissement de Corbeil-Essonnes, de l'établissement de la Norville, de l'établissement de Saint-Michel-sur-Orge, de l'établissement de Savigny-sur-Orge, de l'établissement de Courtaboeuf et de l'établissement de Draveil, demandeurs aux pourvois incidents éventuels
IL EST FAIT GRIEF aux ordonnances attaquées d'avoir rejeté la fin de non-recevoir soulevée par certains CHSCT tirée de la forclusion de l'action en contestation ouverte à l'employeur en application de l'article L. 4614-13 alinéa 2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ;
AUX MOTIFS QUE En ce qui concerne la recevabilité des demandes aux termes de l'article L. 4614-13 du code du travail : « L'employeur qui entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût prévisionnel de l'expertise tel qu'il ressort, le cas échéant, du devis, l'étendue ou le délai de l'expertise saisit le juge judiciaire dans un délai de quinze jours à compter de la délibération du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (
) Le juge statue, en la forme des référés, en premier et dernier ressort, dans les dix jours suivant sa saisine » ; que lorsque l'action doit être formée par assignation, la juridiction doit être regardée comme saisie à la date de l'assignation, dès lors que cette assignation est, ensuite, effectivement remise au greffe de la juridiction ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la délibération par laquelle le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société La Poste a décidé de recourir à une expertise a été adoptée le 23 mars 2017 ; qu'il ressort des pièces produites par la société La Poste que par acte d'huissier en date du 6 avril 2017, elle a fait assigner le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail devant le président de ce tribunal statuant en la forme des référés, aux fins de voir annuler la délibération sus-mentionnée du 23 mars 2017 ; que cette assignation a été délivrée dans le délai prescrit par les dispositions précitées de l'article L. 4614-13 du code du travail ; que s'il est exact que cette assignation n'a pas été ensuite enregistrée au greffe de ce tribunal, il résulte des éléments du dossier, d'une part, que cette circonstance résulte de l'erreur affectant la date de l'audience à laquelle le CHSCT était invité à comparaitre, fixée, par cette assignation au 14 avril suivant, date à laquelle aucune audience de référé n'était tenue et, d'autre part, que cette assignation a été suivie par la délivrance le 11 février suivant d'une assignation en tous points identiques à l'acte en date du 6 avril ; qu'eu égard à ces circonstances, il convient de considérer que la saisine de la présente juridiction peut être regardée comme étant intervenue à la date de l'assignation délivrée le 6 avril 2017 ; qu'il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir opposée par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail doit être rejetée ;
ALORS QUE l'employeur qui entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût prévisionnel de l'expertise, l'étendue ou le délai de l'expertise saisit le juge judiciaire dans un délai de quinze jours à compter de la délibération du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que la saisine du juge ne peut résulter que de la remise au greffe de la juridiction de la copie de l'assignation ; qu'en rejetant dès lors la fin de non-recevoir opposée par trois des CHSCT exposants, aux motifs que l'assignation aux fins d'annulation de la délibération ordonnant une expertise « a été délivrée dans le délai prescrit par les dispositions précitées de l'article L. 4614-13 du code du travail », peu important que cette assignation n'ait pas été ensuite enregistrée au greffe de ce tribunal, le président du tribunal de grande instance a violé l'article L. 4614-13 alinéa 2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article 757 du code de procédure civile.