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19/12/2018 | FRANCE | N°17-22646

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 décembre 2018, 17-22646


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur la recevabilité du pourvoi en ce qu'il concerne la CAFAT :

Attendu que le pourvoi formé par la société Cabinet Y... est dirigé contre deux défendeurs, Mme Z..., épouse A..., et la CAFAT ;

Mais attendu que la CAFAT n'est pas partie à l'affaire ;

Qu'il y a lieu de déclarer le pourvoi irrecevable en tant que dirigé contre la CAFAT ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 2 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme A... a été engagée le 1er décembre 199

2 en qualité de secrétaire par l'agence DGI, devenue par la suite OGI, qui a été rachetée en 2002 par la s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur la recevabilité du pourvoi en ce qu'il concerne la CAFAT :

Attendu que le pourvoi formé par la société Cabinet Y... est dirigé contre deux défendeurs, Mme Z..., épouse A..., et la CAFAT ;

Mais attendu que la CAFAT n'est pas partie à l'affaire ;

Qu'il y a lieu de déclarer le pourvoi irrecevable en tant que dirigé contre la CAFAT ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 2 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme A... a été engagée le 1er décembre 1992 en qualité de secrétaire par l'agence DGI, devenue par la suite OGI, qui a été rachetée en 2002 par la société Cabinet Y... (la société) ; qu'elle a été placée en arrêt de travail pour maladie du 8 avril 2009 au 15 septembre 2009 puis du 10 novembre au 4 décembre 2009, puis à nouveau à compter du 15 février 2010 et n'a pas repris son activité ; qu'elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 28 décembre 2012 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale le 18 mars 2013, invoquant notamment avoir été victime d'un harcèlement moral ;

Attendu que pour dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée produit les effets d'un licenciement nul, et condamner la société à verser à la salariée diverses sommes, la cour d'appel retient qu'il résulte des éléments produits, précis et concordants, que la preuve est rapportée que la salariée a été ostracisée par sa supérieure, que ces pratiques persécutives, qui ont été une réponse au refus de la salariée de témoigner dans un précédent conflit du travail, ont été mises en oeuvre dans le dessein affiché de la pousser à quitter l'entreprise ou, au moins, à demeurer en arrêt de travail, que de tels agissements tombent sous le coup de l'article Lp 114-1 du code du travail, que la salariée a été victime d'un harcèlement moral qui aurait rendu tout licenciement pour inaptitude illicite dès lors que l'inaptitude se serait inscrite dans le contexte du harcèlement moral, que l'employeur a commis à l'égard de la salariée des manquements suffisamment graves pour justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée et produire les effets d'un licenciement nul ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les articles Lp. 114-1 à Lp. 114-8, relatifs au harcèlement moral et à la sanction de la nullité de la rupture, ont été introduits dans le code du travail de la Nouvelle-Calédonie par la loi du pays n° 2011-5 du 17 octobre 2011, postérieure aux faits dénoncés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi en tant que dirigé contre la CAFAT ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare les appels recevables en la forme, l'arrêt rendu le 11 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ; remet, en conséquence, sur les points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée ;

Condamne Mme Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Cabinet Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a, infirmant le jugement, dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Mme Danielle A... produit les effets d'un licenciement nul, et condamné le CABINET Y... à verser 6 400 000 FCFP à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, 1 920 000 FCFP à titre de dommages-intérêts dans des conditions vexatoires, 1 189 479 FCFP au titre du préavis de trois mois, 114 375 FCFP au tire des congés payés sur préavis, 660 821 FCFP au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et 1 000 000 FCFP au titre de dommage-intérêts au titre des primes non versées ;

AUX MOTIFS QUE « pour se prononcer sur le bien-fondé de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme Danielle Z... épouse A... en date du 28 décembre 2012, il convient d'examiner les griefs invoqués à l'appui de sa demande; qu'en l'espèce, Mme Danielle A... fait valoir qu'elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison du comportement fautif de l'employeur à son égard, caractérisé selon elle par des faits de harcèlement commis par la directrice adjointe de l'agence, Mme C..., à la suite du témoignage effectué en 2009 en faveur de Mme D..., confortée par l'attitude des gérants, Michel et Bernard Y..., et à partir du 16 septembre 2009, par la mise en place de mesures d'éviction, de vexation, de mise à l'écart, d'usure, destinées à la pousser à la démission ; Qu'aux termes de l'article Lp.113 -1 du Code du travail, tout salarié a droit à des relations de travail empreintes de respect et exemptes de toute forme de violence ; que toute personne a le devoir de contribuer par son comportement au respect de ce droit ; qu'aux termes de l'article Lp. 114-1 du Code du travail, en Nouvelle Calédonie, sont constitutifs de harcèlement moral et interdits les agissements répétés à l'encontre d'une personne ayant pour objet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits, à sa dignité ou d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que les règles de preuve instaurées par les dispositions des articles L. 1152-1 et L1154-1 du Code du travail métropolitain ne sont pas applicables sur le territoire; qu'en effet, l'article Lp.114-7 du Code du travail prévoit qu'en cas de litige le juge, à qui il appartient d'apprécier l'existence d'un harcèlement moral, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; Attendu qu'il convient en conséquence d'examiner au vu des éléments fournis par les parties si l'employeur, la société Cabinet Y..., a commis des agissements fautifs répétés dans le but (ayant pour objet) de dégrader la situation physique, mentale ou professionnelle de Mme Danielle A..., dans la mesure OÙ le texte applicable localement exige un élément Intentionnel à la différence du texte métropolitain (ayant pour effet) ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces du dossier et plus particulièrement des attestations établies par M. Eric E... (employé de maintenance) et par Mme Stéphanie D... (employée au service location), qu'au début de l'année 2009, un conflit a opposé la directrice adjointe du Cabinet Y..., Mme C..., et Mme D..., cette dernière ayant été privée de prime de fin d'année au motif que son travail ne donnait pas satisfaction , que lors d'une réunion organisée le 09 janvier 2009 par Mme C..., celle-ci a dénigré le travail de Mme D... devant les salariés et menacé ceux d'entre eux qui seraient tentés de la soutenir ou de lui venir en aide ; que confrontée à la dégradation de ses relations avec sa supérieure hiérarchique, Mme D... a contacté l'Inspection du Travail ; que c'est dans ce contexte que Mme A... et M. E... ont été entendus par deux inspecteurs du travail ; que Mme C... leur a reproché d'avoir accepté de témoigner, et pour se justifier, a demandé aux salariés d'établir une attestation en sa 'faveur ; que Mme A... et M. E... ont refusé de le faire ; qu'à la suite de ce refus, l'attitude de Mme C... à leur égard a changé, ce qui s'est manifesté par leur mise à l'écart de la part de celle-ci et par des rapports plus distants avec leurs collègues de travail ;que Mme A... a été placée en arrêt de travail le 08 avril 2009, arrêt maladie prolongé jusqu'au 15 septembre 2009 ; que M. E... a été placé en arrêt de travail le 16 avril 2009, puis a donné sa démission au mois de juin ; qu'il convient de relever que depuis son embauche au mois de décembre 1992 en qualité de secrétaire, puis de sa promotion en qualité de secrétaire de direction dix ans plus tard, le travail de Mme A... au sein de l'agence immobilière DGI, devenue OGI, puis Cabinet Y..., avait toujours donné entière satisfaction.; que le seul fait que Mme D... et M. E... aient engagé des procédures devant le Tribunal du Travail contre leur ancien employeur, après avoir quitté le Cabinet Y..., ne suffit pas à écarter leurs témoignages, comme l'a fait le premier juge ; Qu'au terme de son arrêt pour cause de maladie (08 avril / 15 septembre 2009), Mme A... a repris le travail le 16 septembre 2009 ; Qu'il 'résulte des pièces du dossier que son retour s'est passé dans des conditions particulières dans la mesure où il est établi et non contesté : - que le bureau qu'elle avait occupé durant des années, avait été transformé en une salle permettant aux employés d'y prendre leurs repas, - que l'employeur a justifié de cette transformation par le fait qu'il avait répondu à une demande ou recommandation émanant des services de la Direction du Travail et que ledit bureau était inoccupé depuis plusieurs mois, - que Je poste de travail de Mme A... a été transféré dans un autre bureau de l'agence, difficile d'accès pour les clients de l'agence et éloigné des autres salariés, - qu'il est également étonnant de constater qu'elle ne disposait plus d'une ligne téléphonique directe, - qu'en effet, il résulte des propres termes utilisés par l'employeur (cf/courrier du 06 novembre 2009 rédigé par Mme C..., directrice adjointe de l'agence page 2): "Nous vous rappelons sur ce point que c'est vous qui êtes chargée d'effectuer les relances téléphoniques concernant les impayés, que c'est vous également qui suivez les procédures contentieuses et qui recevez les personnes ayant des problèmes de paiement au bureau", que le téléphone était indispensable à l'exercice de ses fonctions ; - qu'ainsi, il apparaît qu'a la suite de cette "réorganisation" de l'entreprise, Mme A..., n'avait plus de ligne téléphonique directe pour appeler les locataires rencontrant des difficultés de paiement et ne pouvait donc plus exercer ses fonctions principales au sein de l'agence, à savoir les relances téléphoniques concernant les impayés de loyer, - que ce constat vient étayer la version de la salariée, selon laquelle Mme C... l'avait mise à l'écart, lui avait retiré ses fonctions et n'entendait pas lui confier. d'autres tâches, - que la réalité de cette mise à l'écart est confortée par les attestations établies par Mme Sabrina G... (secrétaire à mi-temps à l'agence Y... de BOURAIL) et par Mme Geneviève I... ( propriétaire de biens dont la gestion était confiée au Cabinet Y...), - qu'en effet, dans une attestation du 18 septembre 2011, Mme G... rapporte que le 15 septembre 2009, alors que Mme A... allait reprendre son travail, Mme C... lui avait "interdit d'avoir des contacts téléphoniques avec Mme A..." en expliquant qu'elle "lui avait supprimé sa ligne téléphonique directe, qu'elle l'avait changée de bureau pour qu'elle se sente indésirable et retourne en maladie" ;que selon Mme. I... , le 22 septembre 2009, elle s'est rendue à l'agence, a croisé Mme A... dans le hall et lui a demandé si elle -pouvait la recevoir dans son bureau : - que .le témoin précise que les employées qui se trouvaient à l'accueil ont échangé un: regard et ont semblé Mal à l'aise lorsque Mme A... lui a demandé de la suivre, - que Mme I... déclare qu'alors qu'elle s'entretenait avec Mme A... d'une locataire qui ne payait pas son loyer, Mme C... a fait irruption dans le bureau, visiblement énervée, le visage rouge, en colère, l'a saluée sèchement, n'a pas répondu au "bonjour" de Mme A..., a interrompu la conversation; lui a demandé ce qu'elle voulait puis l'a invitée à la suivre dans son bureau, - que le témoin précise que Mme C... lui a alors demandé de ne plus avoir de contacts avec Mme A..., - que Mme I... déclare avoir eu très clairement le sentiment que Mme A... se trouvait dans une situation de mise à l'écart ; que le seul fait que Mme G... travaillait à l'agence de BOURAIL et non pas à l'agence de NOUMEA, ne suffit pas à écarter son témoignage; que de même, le seul fait que Mme I... aurait été mécontente Ce la façon dont Mme C... assumait la gestion de ses biens (ce qui n'est nullement démontré), ne suffit pas à écarter son témoignage; que l'employeur ne démontre pas que Mmes G... et I... seraient des proches de l'appelante ou auraient des intérêts communs avec l'appelante ; qu'il n'existe aucun .motif.de suspecter ces deux témoignages convergents, en phase avec la chronologie des faits, et de les écarter; qu'au début du mois de novembre 2009, Mme A... a été placée en arrêt de travail jusqu'au 04 décembre 2009 ; que le 10 novembre 2009, Mme A... s'est présentée au Commissariat de Police de NOUMEA afin de déposer une plainte pour harcèlement moral à l'encontre de Mme C... ; que dans un certificat daté du 13 novembre 2009, le Docteur J..., médecin psychiatre, a attesté que Mme A... était suivie pour un état de stress post-traumatique consécutif à des humiliations et agressions verbales ; que le seul« fait que le médecin n'ait pas précisé quel était l'auteur de ces humiliations et agressions verbales, ne suffit pas à écarter ce certificat médical, comme la fait le premier juge ; que le 15 février 2010, Mme A... a de nouveau été placée en arrêt de travail et n'a pas pu, reprendre son poste ; Que par la suite, Mme A... a adressé de nombreux courriers à son employeur pour se plaindre d'erreurs constatées sur ses bulletins de salaires (établis selon elle par Mme C..., comptable de l'entreprise avant d'en devenir la directrice adjointe) et concernant la prime d'ancienneté, le décompte des jours de congés et les attestations de perte de salaire durant son arrêt maladie ; qu'il est établi et non contesté que le Cabinet Y... a répondu à ses réclamations, procédé aux rectifications nécessaires et au paiement des sommes dues ; que le premier juge a écarté les témoignages (et le certificat médical susmentionné) apportés par Mme A..., pour des motifs contestables, mais a privilégié les témoignages fournis par le Cabinet Y... et ce, alors même qu'ils avaient été établis dans le cadre des procédures antérieures ayant opposé quatre salariés à leur employeur ; qu'ainsi, il apparaît que pour débouter Mme A... de toutes ses demandes, le premier juge a adopté la présentation des faits avancée par le Cabinet Y... à l'occasion de ces procédures antérieures, à savoir que Mme A... était l'instigatrice d'un complot ayant pour objet et pour but de pousser les dits salariés à agir contre leur employeur ou ex-employeur ; que force est de constater que cette 'thèse" ne repose sur aucun élément objectif ; qu'au contraire, il résulte des éléments précédemment relatés, précis et concordants, que la preuve est rapportée que Mme A... a été ostracisée par sa supérieure ; que ces pratiques persécutives, qui ont été une réponse au refus de Mme A... de ne pas témoigner dans un précédent conflit du travail, ont été mises en oeuvre dans le dessein affiché de la pousser à quitter l'entreprise ou, au moins, à demeurer en arrêt de travail; que de tels agissements tombent sous le coup de l'article Lp 114-1 du code du travail; qu'il convient de retenir que Mme A... a été victime d'un harcèlement moral qui aurait rendu tout licenciement pour inaptitude illicite, quelle qu'ait pu être la gestion de la procédure de déclaration pour inaptitude, dès lors que l'inaptitude se serait inscrite dans le contexte du harcèlement moral; que l'employeur a commis à l'égard de Mme Danielle A..., des manquements suffisamment graves pour justifier la prise d'acte de rupture du contrat de travail par la salariée et produire les effets d'un licenciement nul ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris sur ce point et de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme Danielle A... intervenue le 28 décembre 2012, doit produire les effets d'un licenciement nul ouvrant droit à indemnisation ; Sur l'indemnisation ; attendu qu'au vu des développements qui précèdent, les demandes présentées par Mme A... apparaissent fondées dans leur principe ; qu'en effet, Les arrêts-maladie successifs dont elle a fait l'objet sont la conséquence des faits de harcèlement et des divers manquements commis à son égard par l'employeur ; qu'il résulte des pièces versées au dossier : - que Mme A... était entrée au service de l'agence immobilière le ler décembre 1992, - qu'elle exerçait les fonctions de secrétaire de direction, moyennant un salaire de base de 336 011 FCFP (brut), - qu'elle bénéficiait d'un prime d'ancienneté de 16 %, - que les attestations de perte de salaire établies par la CAFAT mentionnent un salaire brut de 396 493 FCFP, - qu'à la date de la rupture (28 décembre 2012), Mme A..., née le [...] , était âgée de 52 ans et disposait d'une ancienneté dans l'entreprise de 20 ans, - qu'à la fin de cette année, Mme A... aura l'âge de 67 ans ; que la Cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour procéder à l'indemnisation de Mme Danielle A... selon les modalités suivantes :- 6 400 00 FCFP à titre de dommages-intérêts pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 1 920 000 FCFP à titre de dommages-intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires (faits de harcèlement moral), - 1 189 479 FCFP au titre du préavis (396 493 x 3) en application de l'article 87 de l'AIT), - 114 375 FCFP au titre des congés payés sur préavis, - 660 821 FCFP au titre de l'indemnité légale de licenciement en application de l'article 88 de l'AIT, - 1 000 000 FCFP à titre de dommages-intérêts pour perte de revenus au titre des primes non versées » ;

ALORS QUE les articles Lp. 114-1 à Lp. 114-6 du code du travail de la Nouvelle Calédonie relatifs au harcèlement moral sont issus de la loi du pays n°2011-5 du 17 octobre 2011 ; qu'en appliquant ces dispositions à des faits qui se sont produits entre l'année 2009 et l'année 2011, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de ces textes, les juges du fond ont violé le principe de non rétroactivité des lois et l'article 2 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a, infirmant le jugement, dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Mme Danielle A... produit les effets d'un licenciement nul, et condamné le CABINET Y... à verser 6 400 000 FCFP à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, 1 920 000 FCFP à titre de dommages-intérêts dans des conditions vexatoires, 1 189 479 FCFP au titre du préavis de trois mois, 114 375 FCFP au tire des congés payés sur préavis, 660 821 FCFP au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et 1 000 000 FCFP au titre de dommage-intérêts au titre des primes non versées ;

AUX MOTIFS QUE « pour se prononcer sur le bien-fondé de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme Danielle Z... épouse A... en date du 28 décembre 2012, il convient d'examiner les griefs invoqués à l'appui de sa demande; qu'en l'espèce, Mme Danielle A... fait valoir qu'elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison du comportement fautif de l'employeur à son égard, caractérisé selon elle par des faits de harcèlement commis par la directrice adjointe de l'agence, Mme C..., à la suite du témoignage effectué en 2009 en faveur de Mme D..., confortée par l'attitude des gérants, Michel et Bernard Y..., et à partir du 16 septembre 2009, par la mise en place de mesures d'éviction, de vexation, de mise à l'écart, d'usure, destinées à la pousser à la démission ; Qu'aux termes de l'article Lp.113 -1 du Code du travail, tout salarié a droit à des relations de travail empreintes de respect et exemptes de toute forme de violence ; que toute personne a le devoir de contribuer par son comportement au respect de ce droit ; qu'aux termes de l'article Lp. 114-1 du Code du travail, en Nouvelle Calédonie, sont constitutifs de harcèlement moral et interdits les agissements répétés à l'encontre d'une personne ayant pour objet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits, à sa dignité ou d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que les règles de preuve instaurées par les dispositions des articles L. 1152-1 et L1154-1 du Code du travail métropolitain ne sont pas applicables sur le territoire; qu'en effet, l'article Lp.114-7 du Code du travail prévoit qu'en cas de litige le juge, à qui il appartient d'apprécier l'existence d'un harcèlement moral, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; Attendu qu'il convient en conséquence d'examiner au vu des éléments fournis par les parties si l'employeur, la société Cabinet Y..., a commis des agissements fautifs répétés dans le but (ayant pour objet) de dégrader la situation physique, mentale ou professionnelle de Mme Danielle A..., dans la mesure OÙ le texte applicable localement exige un élément Intentionnel à la différence du texte métropolitain (ayant pour effet) ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces du dossier et plus particulièrement des attestations établies par M. Eric E... (employé de maintenance) et par Mme Stéphanie D... (employée au service location), qu'au début de l'année 2009, un conflit a opposé la directrice adjointe du Cabinet Y..., Mme C..., et Mme D..., cette dernière ayant été privée de prime de fin d'année au motif que son travail ne donnait pas satisfaction , que lors d'une réunion organisée le 09 janvier 2009 par Mme C..., celle-ci a dénigré le travail de Mme D... devant les salariés et menacé ceux d'entre eux qui seraient tentés de la soutenir ou de lui venir en aide ; que confrontée à la dégradation de ses relations avec sa supérieure hiérarchique, Mme D... a contacté l'Inspection du Travail ; que c'est dans ce contexte que Mme A... et M. E... ont été entendus par deux inspecteurs du travail ; que Mme C... leur a reproché d'avoir accepté de témoigner, et pour se justifier, a demandé aux salariés d'établir une attestation en sa 'faveur ; que Mme A... et M. E... ont refusé de le faire ; qu'à la suite de ce refus, l'attitude de Mme C... à leur égard a changé, ce qui s'est manifesté par leur mise à l'écart de la part de celle-ci et par des rapports plus distants avec leurs collègues de travail ;que Mme A... a été placée en arrêt de travail le 08 avril 2009, arrêt maladie prolongé jusqu'au 15 septembre 2009 ; que M. E... a été placé en arrêt de travail le 16 avril 2009, puis a donné sa démission au mois de juin ; qu'il convient de relever que depuis son embauche au mois de décembre 1992 en qualité de secrétaire, puis de sa promotion en qualité de secrétaire de direction dix ans plus tard, le travail de Mme A... au sein de l'agence immobilière DGI, devenue OGI, puis Cabinet Y..., avait toujours donné entière satisfaction.; que le seul fait que Mme D... et M. E... aient engagé des procédures devant le Tribunal du Travail contre leur ancien employeur, après avoir quitté le Cabinet Y..., ne suffit pas à écarter leurs témoignages, comme l'a fait le premier juge ; Qu'au terme de son arrêt pour cause de maladie (08 avril / 15 septembre 2009), Mme A... a repris le travail le 16 septembre 2009 ; Qu'il 'résulte des pièces du dossier que son retour s'est passé dans des conditions particulières dans la mesure où il est établi et non contesté : - que le bureau qu'elle avait occupé durant des années, avait été transformé en une salle permettant aux employés d'y prendre leurs repas, - que l'employeur a justifié de cette transformation par le fait qu'il avait répondu à une demande ou recommandation émanant des services de la Direction du Travail et que ledit bureau était inoccupé depuis plusieurs mois, - que Je poste de travail de Mme A... a été transféré dans un autre bureau de l'agence, difficile d'accès pour les clients de l'agence et éloigné des autres salariés, - qu'il est également étonnant de constater qu'elle ne disposait plus d'une ligne téléphonique directe, - qu'en effet, il résulte des propres termes utilisés par l'employeur (cf/courrier du 06 novembre 2009 rédigé par Mme C..., directrice adjointe de l'agence page 2): "Nous vous rappelons sur ce point que c'est vous qui êtes chargée d'effectuer les relances téléphoniques concernant les impayés, que c'est vous également qui suivez les procédures contentieuses et qui recevez les personnes ayant des problèmes de paiement au bureau", que le téléphone était indispensable à l'exercice de ses fonctions ; - qu'ainsi, il apparaît qu'a la suite de cette "réorganisation" de l'entreprise, Mme A..., n'avait plus de ligne téléphonique directe pour appeler les locataires rencontrant des difficultés de paiement et ne pouvait donc plus exercer ses fonctions principales au sein de l'agence, à savoir les relances téléphoniques concernant les impayés de loyer, - que ce constat vient étayer la version de la salariée, selon laquelle Mme C... l'avait mise à l'écart, lui avait retiré ses fonctions et n'entendait pas lui confier. d'autres tâches, - que la réalité de cette mise à l'écart est confortée par les attestations établies par Mme Sabrina G... (secrétaire à mi-temps à l'agence Y... de BOURAIL) et par Mme Geneviève I... ( propriétaire de biens dont la gestion était confiée au Cabinet Y...), - qu'en effet, dans une attestation du 18 septembre 2011, Mme G... rapporte que le 15 septembre 2009, alors que Mme A... allait reprendre son travail, Mme C... lui avait "interdit d'avoir des contacts téléphoniques avec Mme A..." en expliquant qu'elle "lui avait supprimé sa ligne téléphonique directe, qu'elle l'avait changée de bureau pour qu'elle se sente indésirable et retourne en maladie" ;que selon Mme. I... , le 22 septembre 2009, elle s'est rendue à l'agence, a croisé Mme A... dans le hall et lui a demandé si elle -pouvait la recevoir dans son bureau : - que .le témoin précise que les employées qui se trouvaient à l'accueil ont échangé un: regard et ont semblé Mal à l'aise lorsque Mme A... lui a demandé de la suivre, - que Mme I... déclare qu'alors qu'elle s'entretenait avec Mme A... d'une locataire qui ne payait pas son loyer, Mme C... a fait irruption dans le bureau, visiblement énervée, le visage rouge, en colère, l'a saluée sèchement, n'a pas répondu au "bonjour" de Mme A..., a interrompu la conversation; lui a demandé ce qu'elle voulait puis l'a invitée à la suivre dans son bureau, - que le témoin précise que Mme C... lui a alors demandé de ne plus avoir de contacts avec Mme A..., - que Mme I... déclare avoir eu très clairement le sentiment que Mme A... se trouvait dans une situation de mise à l'écart ; que le seul fait que Mme G... travaillait à l'agence de BOURAIL et non pas à l'agence de NOUMEA, ne suffit pas à écarter son témoignage; que de même, le seul fait que Mme I... aurait été mécontente Ce la façon dont Mme C... assumait la gestion de ses biens (ce qui n'est nullement démontré), ne suffit pas à écarter son témoignage; que l'employeur ne démontre pas que Mmes G... et I... seraient des proches de l'appelante ou auraient des intérêts communs avec l'appelante ; qu'il n'existe aucun .motif.de suspecter ces deux témoignages convergents, en phase avec la chronologie des faits, et de les écarter; qu'au début du mois de novembre 2009, Mme A... a été placée en arrêt de travail jusqu'au 04 décembre 2009 ; que le 10 novembre 2009, Mme A... s'est présentée au Commissariat de Police de NOUMEA afin de déposer une plainte pour harcèlement moral à l'encontre de Mme C... ; que dans un certificat daté du 13 novembre 2009, le Docteur J..., médecin psychiatre, a attesté que Mme A... était suivie pour un état de stress post-traumatique consécutif à des humiliations et agressions verbales ; que le seul« fait que le médecin n'ait pas précisé quel était l'auteur de ces humiliations et agressions verbales, ne suffit pas à écarter ce certificat médical, comme la fait le premier juge ; que le 15 février 2010, Mme A... a de nouveau été placée en arrêt de travail et n'a pas pu, reprendre son poste ; Que par la suite, Mme A... a adressé de nombreux courriers à son employeur pour se plaindre d'erreurs constatées sur ses bulletins de salaires (établis selon elle par Mme C..., comptable de l'entreprise avant d'en devenir la directrice adjointe) et concernant la prime d'ancienneté, le décompte des jours de congés et les attestations de perte de salaire durant son arrêt maladie ; qu'il est établi et non contesté que le Cabinet Y... a répondu à ses réclamations, procédé aux rectifications nécessaires et au paiement des sommes dues ; que le premier juge a écarté les témoignages (et le certificat médical susmentionné) apportés par Mme A..., pour des motifs contestables, mais a privilégié les témoignages fournis par le Cabinet Y... et ce, alors même qu'ils avaient été établis dans le cadre des procédures antérieures ayant opposé quatre salariés à leur employeur ; qu'ainsi, il apparaît que pour débouter Mme A... de toutes ses demandes, le premier juge a adopté la présentation des faits avancée par le Cabinet Y... à l'occasion de ces procédures antérieures, à savoir que Mme A... était l'instigatrice d'un complot ayant pour objet et pour but de pousser les dits salariés à agir contre leur employeur ou ex-employeur ; que force est de constater que cette 'thèse" ne repose sur aucun élément objectif ; qu'au contraire, il résulte des éléments précédemment relatés, précis et concordants, que la preuve est rapportée que Mme A... a été ostracisée par sa supérieure ; que ces pratiques persécutives, qui ont été une réponse au refus de Mme A... de ne pas témoigner dans un précédent conflit du travail, ont été mises en oeuvre dans le dessein affiché de la pousser à quitter l'entreprise ou, au moins, à demeurer en arrêt de travail; que de tels agissements tombent sous le coup de l'article Lp 114-1 du code du travail; qu'il convient de retenir que Mme A... a été victime d'un harcèlement moral qui aurait rendu tout licenciement pour inaptitude illicite, quelle qu'ait pu être la gestion de la procédure de déclaration pour inaptitude, dès lors que l'inaptitude se serait inscrite dans le contexte du harcèlement moral; que l'employeur a commis à l'égard de Mme Danielle A..., des manquements suffisamment graves pour justifier la prise d'acte de rupture du contrat de travail par la salariée et produire les effets d'un licenciement nul ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris sur ce point et de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme Danielle A... intervenue le 28 décembre 2012, doit produire les effets d'un licenciement nul ouvrant droit à indemnisation ; Sur l'indemnisation ; attendu qu'au vu des développements qui précèdent, les demandes présentées par Mme A... apparaissent fondées dans leur principe ; qu'en effet, Les arrêts-maladie successifs dont elle a fait l'objet sont la conséquence des faits de harcèlement et des divers manquements commis à son égard par l'employeur ; qu'il résulte des pièces versées au dossier : - que Mme A... était entrée au service de l'agence immobilière le ler décembre 1992, - qu'elle exerçait les fonctions de secrétaire de direction, moyennant un salaire de base de 336 011 FCFP (brut), - qu'elle bénéficiait d'un prime d'ancienneté de 16 %, - que les attestations de perte de salaire établies par la CAFAT mentionnent un salaire brut de 396 493 FCFP, - qu'à la date de la rupture (28 décembre 2012), Mme A..., née le [...] , était âgée de 52 ans et disposait d'une ancienneté dans l'entreprise de 20 ans, - qu'à la fin de cette année, Mme A... aura l'âge de 67 ans ; que la Cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour procéder à l'indemnisation de Mme Danielle A... selon les modalités suivantes :- 6 400 00 FCFP à titre de dommages-intérêts pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 1 920 000 FCFP à titre de dommages-intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires (faits de harcèlement moral), - 1 189 479 FCFP au titre du préavis (396 493 x 3) en application de l'article 87 de l'AIT), - 114 375 FCFP au titre des congés payés sur préavis, - 660 821 FCFP au titre de l'indemnité légale de licenciement en application de l'article 88 de l'AIT, - 1 000 000 FCFP à titre de dommages-intérêts pour perte de revenus au titre des primes non versées » ;

ALORS, PREMIEREMENT, QUE s'il incombe aux juges du fond d'apprécier la valeur probante des attestations produites, il leur est interdit, dès lors que le principe de la liberté de la preuve est en cause, d'écarter par principe des attestations relatives au comportement de Madame C... était étranger à tout harcèlement au motif qu'elles avaient trait à des procédures antérieures ; les juges du fond ont violé le principe de la liberté de la preuve, ensemble l'article 1341 du code civil (et 1358 nouveau) ;

ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, et en tout cas, si même les attestations avaient trait à des procédures antérieures, les juges du fond étaient tenus de les analyser, d'en dégager le contenu, et de dire, au cas par cas, si elles pouvaient être tenues pour probantes ; qu'en s'abstenant de procéder de la sorte, les juges du fond ont violé l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a, infirmant le jugement, dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Mme Danielle A... produit les effets d'un licenciement nul, et condamné le CABINET Y... à verser 6 400 000 FCFP à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, 1 920 000 FCFP à titre de dommages-intérêts dans des conditions vexatoires, 1 189 479 FCFP au titre du préavis de trois mois, 114 375 FCFP au tire des congés payés sur préavis, 660 821 FCFP au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et 1 000 000 FCFP au titre de dommage-intérêts au titre des primes non versées ;

AUX MOTIFS QUE « pour se prononcer sur le bien-fondé de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme Danielle Z... épouse A... en date du 28 décembre 2012, il convient d'examiner les griefs invoqués à l'appui de sa demande; qu'en l'espèce, Mme Danielle A... fait valoir qu'elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison du comportement fautif de l'employeur à son égard, caractérisé selon elle par des faits de harcèlement commis par la directrice adjointe de l'agence, Mme C..., à la suite du témoignage effectué en 2009 en faveur de Mme D..., confortée par l'attitude des gérants, Michel et Bernard Y..., et à partir du 16 septembre 2009, par la mise en place de mesures d'éviction, de vexation, de mise à l'écart, d'usure, destinées à la pousser à la démission ; Qu'aux termes de l'article Lp.113 -1 du Code du travail, tout salarié a droit à des relations de travail empreintes de respect et exemptes de toute forme de violence ; que toute personne a le devoir de contribuer par son comportement au respect de ce droit ; qu'aux termes de l'article Lp. 114-1 du Code du travail, en Nouvelle Calédonie, sont constitutifs de harcèlement moral et interdits les agissements répétés à l'encontre d'une personne ayant pour objet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits, à sa dignité ou d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que les règles de preuve instaurées par les dispositions des articles L. 1152-1 et L1154-1 du Code du travail métropolitain ne sont pas applicables sur le territoire; qu'en effet, l'article Lp.114-7 du Code du travail prévoit qu'en cas de litige le juge, à qui il appartient d'apprécier l'existence d'un harcèlement moral, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; Attendu qu'il convient en conséquence d'examiner au vu des éléments fournis par les parties si l'employeur, la société Cabinet Y..., a commis des agissements fautifs répétés dans le but (ayant pour objet) de dégrader la situation physique, mentale ou professionnelle de Mme Danielle A..., dans la mesure OÙ le texte applicable localement exige un élément Intentionnel à la différence du texte métropolitain (ayant pour effet) ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces du dossier et plus particulièrement des attestations établies par M. Eric E... (employé de maintenance) et par Mme Stéphanie D... (employée au service location), qu'au début de l'année 2009, un conflit a opposé la directrice adjointe du Cabinet Y..., Mme C..., et Mme D..., cette dernière ayant été privée de prime de fin d'année au motif que son travail ne donnait pas satisfaction , que lors d'une réunion organisée le 09 janvier 2009 par Mme C..., celle-ci a dénigré le travail de Mme D... devant les salariés et menacé ceux d'entre eux qui seraient tentés de la soutenir ou de lui venir en aide ; que confrontée à la dégradation de ses relations avec sa supérieure hiérarchique, Mme D... a contacté l'Inspection du Travail ; que c'est dans ce contexte que Mme A... et M. E... ont été entendus par deux inspecteurs du travail ; que Mme C... leur a reproché d'avoir accepté de témoigner, et pour se justifier, a demandé aux salariés d'établir une attestation en sa 'faveur ; que Mme A... et M. E... ont refusé de le faire ; qu'à la suite de ce refus, l'attitude de Mme C... à leur égard a changé, ce qui s'est manifesté par leur mise à l'écart de la part de celle-ci et par des rapports plus distants avec leurs collègues de travail ;que Mme A... a été placée en arrêt de travail le 08 avril 2009, arrêt maladie prolongé jusqu'au 15 septembre 2009 ; que M. E... a été placé en arrêt de travail le 16 avril 2009, puis a donné sa démission au mois de juin ; qu'il convient de relever que depuis son embauche au mois de décembre 1992 en qualité de secrétaire, puis de sa promotion en qualité de secrétaire de direction dix ans plus tard, le travail de Mme A... au sein de l'agence immobilière DGI, devenue OGI, puis Cabinet Y..., avait toujours donné entière satisfaction.; que le seul fait que Mme D... et M. E... aient engagé des procédures devant le Tribunal du Travail contre leur ancien employeur, après avoir quitté le Cabinet Y..., ne suffit pas à écarter leurs témoignages, comme l'a fait le premier juge ; Qu'au terme de son arrêt pour cause de maladie (08 avril / 15 septembre 2009), Mme A... a repris le travail le 16 septembre 2009 ; Qu'il 'résulte des pièces du dossier que son retour s'est passé dans des conditions particulières dans la mesure où il est établi et non contesté : - que le bureau qu'elle avait occupé durant des années, avait été transformé en une salle permettant aux employés d'y prendre leurs repas, - que l'employeur a justifié de cette transformation par le fait qu'il avait répondu à une demande ou recommandation émanant des services de la Direction du Travail et que ledit bureau était inoccupé depuis plusieurs mois, - que Je poste de travail de Mme A... a été transféré dans un autre bureau de l'agence, difficile d'accès pour les clients de l'agence et éloigné des autres salariés, - qu'il est également étonnant de constater qu'elle ne disposait plus d'une ligne téléphonique directe, - qu'en effet, il résulte des propres termes utilisés par l'employeur (cf/courrier du 06 novembre 2009 rédigé par Mme C..., directrice adjointe de l'agence page 2): "Nous vous rappelons sur ce point que c'est vous qui êtes chargée d'effectuer les relances téléphoniques concernant les impayés, que c'est vous également qui suivez les procédures contentieuses et qui recevez les personnes ayant des problèmes de paiement au bureau", que le téléphone était indispensable à l'exercice de ses fonctions ; - qu'ainsi, il apparaît qu'a la suite de cette "réorganisation" de l'entreprise, Mme A..., n'avait plus de ligne téléphonique directe pour appeler les locataires rencontrant des difficultés de paiement et ne pouvait donc plus exercer ses fonctions principales au sein de l'agence, à savoir les relances téléphoniques concernant les impayés de loyer, - que ce constat vient étayer la version de la salariée, selon laquelle Mme C... l'avait mise à l'écart, lui avait retiré ses fonctions et n'entendait pas lui confier. d'autres tâches, - que la réalité de cette mise à l'écart est confortée par les attestations établies par Mme Sabrina G... (secrétaire à mi-temps à l'agence Y... de BOURAIL) et par Mme Geneviève I... ( propriétaire de biens dont la gestion était confiée au Cabinet Y...), - qu'en effet, dans une attestation du 18 septembre 2011, Mme G... rapporte que le 15 septembre 2009, alors que Mme A... allait reprendre son travail, Mme C... lui avait "interdit d'avoir des contacts téléphoniques avec Mme A..." en expliquant qu'elle "lui avait supprimé sa ligne téléphonique directe, qu'elle l'avait changée de bureau pour qu'elle se sente indésirable et retourne en maladie" ;que selon Mme I... , le 22 septembre 2009, elle s'est rendue à l'agence, a croisé Mme A... dans le hall et lui a demandé si elle -pouvait la recevoir dans son bureau : - que .le témoin précise que les employées qui se trouvaient à l'accueil ont échangé un: regard et ont semblé Mal à l'aise lorsque Mme A... lui a demandé de la suivre, - que Mme I... déclare qu'alors qu'elle s'entretenait avec Mme A... d'une locataire qui ne payait pas son loyer, Mme C... a fait irruption dans le bureau, visiblement énervée, le visage rouge, en colère, l'a saluée sèchement, n'a pas répondu au "bonjour" de Mme A..., a interrompu la conversation; lui a demandé ce qu'elle voulait puis l'a invitée à la suivre dans son bureau, - que le témoin précise que Mme C... lui a alors demandé de ne plus avoir de contacts avec Mme A..., - que Mme I... déclare avoir eu très clairement le sentiment que Mme A... se trouvait dans une situation de mise à l'écart ; que le seul fait que Mme G... travaillait à l'agence de BOURAIL et non pas à l'agence de NOUMEA, ne suffit pas à écarter son témoignage; que de même, le seul fait que Mme I... aurait été mécontente Ce la façon dont Mme C... assumait la gestion de ses biens (ce qui n'est nullement démontré), ne suffit pas à écarter son témoignage; que l'employeur ne démontre pas que Mmes G... et I... seraient des proches de l'appelante ou auraient des intérêts communs avec l'appelante ; qu'il n'existe aucun .motif.de suspecter ces deux témoignages convergents, en phase avec la chronologie des faits, et de les écarter; qu'au début du mois de novembre 2009, Mme A... a été placée en arrêt de travail jusqu'au 04 décembre 2009 ; que le 10 novembre 2009, Mme A... s'est présentée au Commissariat de Police de NOUMEA afin de déposer une plainte pour harcèlement moral à l'encontre de Mme C... ; que dans un certificat daté du 13 novembre 2009, le Docteur J..., médecin psychiatre, a attesté que Mme A... était suivie pour un état de stress post-traumatique consécutif à des humiliations et agressions verbales ; que le seul« fait que le médecin n'ait pas précisé quel était l'auteur de ces humiliations et agressions verbales, ne suffit pas à écarter ce certificat médical, comme la fait le premier juge ; que le 15 février 2010, Mme A... a de nouveau été placée en arrêt de travail et n'a pas pu, reprendre son poste ; Que par la suite, Mme A... a adressé de nombreux courriers à son employeur pour se plaindre d'erreurs constatées sur ses bulletins de salaires (établis selon elle par Mme C..., comptable de l'entreprise avant d'en devenir la directrice adjointe) et concernant la prime d'ancienneté, le décompte des jours de congés et les attestations de perte de salaire durant son arrêt maladie ; qu'il est établi et non contesté que le Cabinet Y... a répondu à ses réclamations, procédé aux rectifications nécessaires et au paiement des sommes dues ; que le premier juge a écarté les témoignages (et le certificat médical susmentionné) apportés par Mme A..., pour des motifs contestables, mais a privilégié les témoignages fournis par le Cabinet Y... et ce, alors même qu'ils avaient été établis dans le cadre des procédures antérieures ayant opposé quatre salariés à leur employeur ; qu'ainsi, il apparaît que pour débouter Mme A... de toutes ses demandes, le premier juge a adopté la présentation des faits avancée par le Cabinet Y... à l'occasion de ces procédures antérieures, à savoir que Mme A... était l'instigatrice d'un complot ayant pour objet et pour but de pousser les dits salariés à agir contre leur employeur ou ex-employeur ; que force est de constater que cette 'thèse" ne repose sur aucun élément objectif ; qu'au contraire, il résulte des éléments précédemment relatés, précis et concordants, que la preuve est rapportée que Mme A... a été ostracisée par sa supérieure ; que ces pratiques persécutives, qui ont été une réponse au refus de Mme A... de ne pas témoigner dans un précédent conflit du travail, ont été mises en oeuvre dans le dessein affiché de la pousser à quitter l'entreprise ou, au moins, à demeurer en arrêt de travail; que de tels agissements tombent sous le coup de l'article Lp 114-1 du code du travail; qu'il convient de retenir que Mme A... a été victime d'un harcèlement moral qui aurait rendu tout licenciement pour inaptitude illicite, quelle qu'ait pu être la gestion de la procédure de déclaration pour inaptitude, dès lors que l'inaptitude se serait inscrite dans le contexte du harcèlement moral; que l'employeur a commis à l'égard de Mme Danielle A..., des manquements suffisamment graves pour justifier la prise d'acte de rupture du contrat de travail par la salariée et produire les effets d'un licenciement nul ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris sur ce point et de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme Danielle A... intervenue le 28 décembre 2012, doit produire les effets d'un licenciement nul ouvrant droit à indemnisation ; Sur l'indemnisation ; attendu qu'au vu des développements qui précèdent, les demandes présentées par Mme A... apparaissent fondées dans leur principe ; qu'en effet, Les arrêts-maladie successifs dont elle a fait l'objet sont la conséquence des faits de harcèlement et des divers manquements commis à son égard par l'employeur ; qu'il résulte des pièces versées au dossier : - que Mme A... était entrée au service de l'agence immobilière le ler décembre 1992, - qu'elle exerçait les fonctions de secrétaire de direction, moyennant un salaire de base de 336 011 FCFP (brut), - qu'elle bénéficiait d'un prime d'ancienneté de 16 %, - que les attestations de perte de salaire établies par la CAFAT mentionnent un salaire brut de 396 493 FCFP, - qu'à la date de la rupture (28 décembre 2012), Mme A..., née le [...] , était âgée de 52 ans et disposait d'une ancienneté dans l'entreprise de 20 ans, - qu'à la fin de cette année, Mme A... aura l'âge de 67 ans ; que la Cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour procéder à l'indemnisation de Mme Danielle A... selon les modalités suivantes :- 6 400 00 FCFP à titre de dommages-intérêts pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 1 920 000 FCFP à titre de dommages-intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires (faits de harcèlement moral), - 1 189 479 FCFP au titre du préavis (396 493 x 3) en application de l'article 87 de l'AIT), - 114 375 FCFP au titre des congés payés sur préavis, - 660 821 FCFP au titre de l'indemnité légale de licenciement en application de l'article 88 de l'AIT, - 1 000 000 FCFP à titre de dommages-intérêts pour perte de revenus au titre des primes non versées » ;

ALORS, PREMIEREMENT, QUE sont constitutifs de harcèlement moral les agissements répétés à l'encontre d'une personne ayant pour objet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'il en résulte que la preuve d'un harcèlement moral suppose, de la part de l'employeur, un élément intentionnel ; qu'en retenant l'existence d'un tel harcèlement sans constater que les agissements dénoncés par la salariés aient été intentionnels de la part de l'employeur, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article Lp. 114-1 du Code du travail de la Nouvelle Calédonie ;

ALORS, DEUXIEMEMENT, QUE, et en tout cas, l'employeur mettait en avant plusieurs circonstances de nature à établir que les agissements litigieux (changement de bureau, absence de ligne téléphonique, mise à l'écart) étaient justifiés par des éléments objectifs, et partant qu'ils étaient étrangers à tout harcèlement ; que notamment, s'agissant du changement de bureau de Mme A..., le CABINET Y... a expliqué qu'il avait été la conséquence d'une demande l'Inspection du travail visant à l'aménagement d'une salle de repas pour les salariés (conclusions , p. 18) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces éléments, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article Lp. 114-1 du Code du travail de la Nouvelle Calédonie.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-22646
Date de la décision : 19/12/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 11 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 déc. 2018, pourvoi n°17-22646


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Monod, Colin et Stoclet

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.22646
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