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19/12/2018 | FRANCE | N°17-19889

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 décembre 2018, 17-19889


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Pontoise, 2 juin 2017), rendue en la forme des référés, que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du groupe hospitalier Eaubonne-Montmorency a, par une délibération du 26 janvier 2017, décidé de recourir à une expertise sur le fondement de l'article L. 4614-12, 1°, du code du travail pour l'ensemble du pôle de psychiatrie générale du Centre hospitalier Simone Veil portan

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Pontoise, 2 juin 2017), rendue en la forme des référés, que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du groupe hospitalier Eaubonne-Montmorency a, par une délibération du 26 janvier 2017, décidé de recourir à une expertise sur le fondement de l'article L. 4614-12, 1°, du code du travail pour l'ensemble du pôle de psychiatrie générale du Centre hospitalier Simone Veil portant sur l'existence de risques psycho-sociaux et sur la qualité de vie au travail ;

Attendu que le Groupe hospitalier Eaubonne-Montmorency fait grief à l'ordonnance de le débouter de sa demande d'annulation de cette délibération et de le condamner à verser au CHSCT la somme de 1 776 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen :

1°/ que le CHSCT ne peut décider de recourir à l'expertise prévue par l'article L. 4614-12-1° du code du travail que si est caractérisé un risque grave, identifié et actuel, au sein de l'établissement concerné ; que ne caractérise pas un tel risque, « le mal être et la souffrance au travail » tirés de quatre attestations d'employés de l'hôpital qui ont fait état d'une dégradation de leurs conditions de travail, de stress au travail, d'absence de communication, de crainte de représailles et de syndromes dépressifs qui en découleraient sur la base de leurs propres déclarations faites à leurs médecins traitants ; qu'en jugeant le contraire pour refuser d'annuler la délibération du CHSCT, le président du tribunal de grande instance a violé l'article L. 4614-12 du code du travail ;

2°/ que seul un risque grave qui s'entend d'un risque identifié et actuel, préalable à l'expertise et objectivement constaté permet au CHSCT de faire appel à l'expert agréé sur le fondement de l'article L. 4614-12-1° du code du travail ; qu'en l'espèce, par une délibération du 10 octobre 2016, le CHSCT a décidé de recourir à un audit extérieur aux fins d'examiner les dysfonctionnements et la situation de souffrance au travail signalés au sein du pôle psychiatrie, de déterminer les préconisations permettant d'y remédier et d'accompagner la mise en oeuvre d'un plan d'actions ; qu'à la date de la délibération du CHSCT du 26 janvier 2017 qui a décidé de faire appel à un expert agréé au sein du pôle psychiatrie-addictologie, le processus d'audit était en cours et les difficultés tenant à une souffrance au travail étaient prises en charge ; qu'en se bornant à retenir que « l'audit en cours de réalisation relatif au secteur G04 ne constitue pas à l'évidence, une expertise réalisée par un expert agréé », sans vérifier si en raison de cet audit, l'existence d'un risque grave était toujours d'actualité au jour de la délibération litigieuse, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12, 1° du code du travail ;

3°/ en outre que par délibération du 10 octobre 2016, le CHSCT qui a décidé de recourir à un audit extérieur aux fins d'examiner les dysfonctionnements et la situation de souffrance au travail signalés au sein du pôle psychiatrie, de déterminer les préconisations permettant d'y remédier et d'accompagner la mise en oeuvre d'un plan d'actions, a explicitement exclu le recours à l'expertise légale ; qu'il ne pouvait donc, sans commettre d'abus de son droit conféré par l'article L. 4614-12, 1° du code du travail, décider d'une expertise par délibération du 26 janvier 2017 afin de se prononcer sur les risques psycho-sociaux sur le pôle psychiatrie-addictologie sans apporter la preuve de risques distincts de ceux faisant l'objet de l'audit extérieur ; qu'en se bornant à dire que l'audit n'était pas une expertise réalisée par un expert agréé, sans rechercher si le CHSCT n'avait pas commis un abus de son droit de faire appel à un expert agréé, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12, 1° du code du travail ;

4°/ de surcroît que la charge de la preuve d'un risque grave, identifié et actuel, autorisant le recours à l'expertise sur le fondement de l'article L. 4614-12-1° du code du travail, incombe au CHSCT ; qu'en énonçant qu'il appartient à l'employeur, qui conteste la réalité d'un risque grave au sein de l'établissement, d'en rapporter la preuve et de démontrer qu'à la date de la délibération, le risque grave n'est plus d'actualité pour reprocher au Groupe hospitalier Eaubonne-Montmorency de ne pas rapporter cette preuve et dire qu'un risque grave réel et actuel était caractérisé, le président du tribunal de grande instance a violé l'article 1353 du code civil et l'article L. 4614-12, 1° du code du travail ;

Mais attendu qu'appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, le président du tribunal de grande instance a retenu que des personnels du centre hospitalier Simone Veil faisaient état de souffrances au travail, d'une récente dégradation de leurs conditions de travail, de stress au travail, d'absences de contestation et de communication et de la crainte de représailles en cas d'opposition aux décisions de l'encadrement entraînant des répercussions sur leurs vies professionnelles et personnelles ; qu'il a pu déduire de la convergence des témoignages l'existence d'un risque grave, identifié et actuel ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le Groupe hospitalier Eaubonne-Montmorency aux dépens ;

Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne le Groupe hospitalier Eaubonne-Montmorency à payer au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du groupe hospitalier Eaubonne-Montmorency la somme de 3 600 euros TTC ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour le Groupe hospitalier Eaubonne-Montmorency.

IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée d'AVOIR débouté le Groupe hospitalier Eaubonne-Montmorency de sa demande d'annulation de la délibération du CHSCT du 26 janvier 2017 et de l'AVOIR condamné à verser au CHSCT la somme de 1 776 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE selon l'article L 4614-12 du code du travail le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; le risque grave doit s'entendre comme un péril qui menace ou compromet la santé et la sécurité des salariés ; il doit peser sur la santé et/ou la sécurité des salariés de l'entreprise ; le risque doit être identifié, constaté dans l'établissement, certain et actuel ; il convient de rappeler que la notion de risque grave implique la constatation lors de la délibération du CHSCT d'événements circonstanciés survenus dans l'établissement concerné et reposant sur des éléments objectifs de nature à compromettre la sécurité ou la santé des salariés ; le risque grave ne saurait en conséquence être constitué, notamment, par le seul sentiment d'insécurité des salariés, et il appartient au CHSCT d'établir le caractère objectif et actuel de ce risque ; les risques psychosociaux (RPS) recouvrent des risques professionnels d'origine et de nature variées qui mettent en jeu l'intégrité physique et la santé mentale des salariés, et ont, par conséquent, un impact sur le bon fonctionnement des entreprises ; on les appelle "psychosociaux" car ils sont à l'interface de l'individu et de sa situation de travail ; en toute rigueur, il conviendrait de parler de « risques psychosociaux au travail » afin de mieux circonscrire le concept ; l'employeur n'est en effet tenu d'agir que dans son champ de responsabilité et donc sur les déterminants des risques psychosociaux dans son établissement ; l'appréciation de ces risques comporte un caractère subjectif car ils relèvent de la perception propre à chaque individu, ce qui n'empêche pas de les évaluer, ni de les mesurer, afin d'en apprécier l'évolution dans le temps ; sont ainsi principalement regroupés dans la notion de RPS, le stress, l'épuisement professionnel ou « burn out », la souffrance au travail, les relations sociales de travail vécues difficilement et objectivement difficiles, le management et l'organisation du travail négligeant le facteur humain, la violence et les différentes formes de harcèlement moral et sexuel ; cela étant, aujourd'hui, les risques psychosociaux ne sont définis, en France, ni juridiquement, ni statistiquement ; en l'espèce, le CHSCT verse aux débats 4 attestations établies en janvier et février 2017 par des personnels du centre hospitalier Simone Veil qui font état de souffrances au travail, d'une récente dégradation de leurs conditions de travail, de stress au travail, d'absences de contestation et de communication et de la crainte de représailles en cas d'opposition aux décisions de l'encadrement entraînant des répercussions non seulement sur leurs vies professionnelles que [personnelles], ces salariés ayant indiqué à leurs médecins traitants que ces syndromes dépressifs étaient en lien avec les conditions de travail ; l'audit en cours de réalisation relatif au secteur G04 ne constitue pas à l'évidence, une expertise réalisée par un expert agréé ; il appartient à l'employeur, qui conteste la réalité d'un risque grave au sein de l'établissement, d'en rapporter la preuve et de démontrer qu'à la date de la délibération, le risque grave n'était plus d'actualité ; l'employeur quant à lui, ne rapporte pas la preuve que ces risques graves avaient cessé à la date de la délibération litigieuse et ne produit sur ce point aucun document ; il s'en déduit que l'objectivation de risques graves excédant la perception subjective d'un petit nombre de salariés ressort de la convergence des témoignages des salariés relatifs au fait que le mal-être et la souffrance au travail au sein de l'établissement caractérisent un risque grave réel et actuel qui justifient la délibération du CHSCT sur le principe du recours à une expertise ;

1°- ALORS QUE le CHSCT ne peut décider de recourir à l'expertise prévue par l'article L.4614-12-1° du code du travail que si est caractérisé un risque grave, identifié et actuel, au sein de l'établissement concerné ; que ne caractérise pas un tel risque, « le mal être et la souffrance au travail » tirés de quatre attestations d'employés de l'hôpital qui ont fait état d'une dégradation de leurs conditions de travail, de stress au travail, d'absence de communication, de crainte de représailles et de syndromes dépressifs qui en découleraient sur la base de leurs propres déclarations faites à leurs médecins traitants ; qu'en jugeant le contraire pour refuser d'annuler la délibération du CHSCT, le président du tribunal de grande instance a violé l'article L.4614-12 du code du travail ;

2°- ALORS QUE seul un risque grave qui s'entend d'un risque identifié et actuel, préalable à l'expertise et objectivement constaté permet au CHSCT de faire appel à l'expert agréé sur le fondement de l'article L. 4614-12-1° du code du travail ; qu'en l'espèce, par une délibération du 10 octobre 2016, le CHSCT a décidé de recourir à un audit extérieur aux fins d'examiner les dysfonctionnements et la situation de souffrance au travail signalés au sein du pôle psychiatrie, de déterminer les préconisations permettant d'y remédier et d'accompagner la mise en oeuvre d'un plan d'actions ; qu'à la date de la délibération du CHSCT du 26 janvier 2017 qui a décidé de faire appel à un expert agréé au sein du pôle psychiatrie-addictologie, le processus d'audit était en cours et les difficultés tenant à une souffrance au travail étaient prises en charge ; qu'en se bornant à retenir que « l'audit en cours de réalisation relatif au secteur G04 ne constitue pas à l'évidence, une expertise réalisée par un expert agréé », sans vérifier si en raison de cet audit, l'existence d'un risque grave était toujours d'actualité au jour de la délibération litigieuse, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.4614-12, 1° du code du travail ;

3°- ALORS en outre que par délibération du 10 octobre 2016, le CHSCT qui a décidé de recourir à un audit extérieur aux fins d'examiner les dysfonctionnements et la situation de souffrance au travail signalés au sein du pôle psychiatrie, de déterminer les préconisations permettant d'y remédier et d'accompagner la mise en oeuvre d'un plan d'actions, a explicitement exclu le recours à l'expertise légale ; qu'il ne pouvait donc, sans commettre d'abus de son droit conféré par l'article L.4614-12, 1° du code du travail , décider d'une expertise par délibération du 26 janvier 2017 afin de se prononcer sur les risques psycho-sociaux sur le pôle psychiatrie-addictologie sans apporter la preuve de risques distincts de ceux faisant l'objet de l'audit extérieur ; qu'en se bornant à dire que l'audit n'était pas une expertise réalisée par un expert agréé, sans rechercher si le CHSCT n'avait pas commis un abus de son droit de faire appel à un expert agréé, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.4614-12, 1° du code du travail ;

4°- ALORS de surcroît que la charge de la preuve d'un risque grave, identifié et actuel, autorisant le recours à l'expertise sur le fondement de l'article L. 4614-12-1° du code du travail, incombe au CHSCT ; qu'en énonçant qu'il appartient à l'employeur, qui conteste la réalité d'un risque grave au sein de l'établissement, d'en rapporter la preuve et de démontrer qu'à la date de la délibération, le risque grave n'est plus d'actualité pour reprocher au Groupe hospitalier Eaubonne-Montmorency de ne pas rapporter cette preuve et dire qu'un risque grave réel et actuel était caractérisé, le président du tribunal de grande instance a violé l'article 1353 du code civil et l'article L.4614-12, 1° du code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-19889
Date de la décision : 19/12/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Pontoise, 02 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 déc. 2018, pourvoi n°17-19889


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.19889
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