LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que l'URSSAF d'Ile-de-France lui ayant notifié, à la suite d'un contrôle portant sur les années 2010 à 2012, un redressement suivi, le 12 décembre 2013, d'une mise en demeure pour le recouvrement de cotisations et majorations de retard, la société Oddo BHF a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ; qu'elle a présenté, par un écrit distinct et motivé, une question prioritaire de constitutionnalité que la juridiction a transmise à la Cour de cassation, qui l'a reçue le 19 octobre 2018 ;
Attendu que la question transmise est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-1479 de financement de la sécurité sociale pour 2006, telles qu'en vigueur aux 31 décembre 2010, 2011 et 2012, conditionnant à une obligation déclarative auprès de l'organisme de recouvrement, l'exclusion des actions gratuites attribuées par un employeur à ses salariés ou mandataires sociaux, de l'assiette des cotisations visées à l'alinéa 1 du même article, portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et notamment aux principes d'égalité et au droit de propriété garantis par la Constitution, le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? » ;
Attendu que les dispositions critiquées sont applicables au litige, qui porte sur un redressement de cotisations fondé sur celles-ci ;
Qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;
Attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;
Mais attendu que les dispositions critiquées ont pour objet de priver du bénéfice de l'exonération de cotisations de sécurité sociale les employeurs ayant procédé à des attributions gratuites d'actions dans les conditions qu'elles mentionnent, au seul motif qu'ils ont omis de notifier à leur organisme de recouvrement l'identité des salariés ou mandataires sociaux concernés, ainsi que le nombre et la valeur des actions attribuées à chacun d'eux, alors que, en l'état de la législation applicable au litige, ces exonérations ne donnaient plus lieu à application du mécanisme de compensation par l'Etat prévu par l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale ; qu'en outre, il résulte de la combinaison des articles L. 242-1 et L. 137-13 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que l'employeur qui n'a pas satisfait à l'obligation déclarative est non seulement privé du bénéfice de l'exonération de charges sociales, mais supporte dans un même temps la contribution spécifique créée par le législateur concomitamment à la suppression du mécanisme de compensation susmentionné ; que la question transmise revêt, dès lors, un caractère sérieux au regard des principes d'égalité devant les charges publiques et de respect du droit de propriété, garantis respectivement par les articles 13 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
D'où il suit qu'il y a lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ;
PAR CES MOTIFS :
RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille dix-huit.