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12/12/2018 | FRANCE | N°17-20914

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 décembre 2018, 17-20914


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mars 2017, RG n° 15/09780), que Pauline B..., épouse X... (Pauline X... ), a souscrit un contrat d'assurance sur la vie avec versement d'une prime unique ; que, par acte du 13 décembre 2007, notifié à l'assureur le 28 décembre 2007, elle a désigné ses enfants comme bénéficiaires de ce contrat, ce qu'ils ont accepté, et elle a renoncé expressément et irrévocablement à demander à l'assureur de procéder, à son profit, à des racha

ts ou à des avances sur le contrat ; que, Pauline X... et son conjoint (M. et Mme...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mars 2017, RG n° 15/09780), que Pauline B..., épouse X... (Pauline X... ), a souscrit un contrat d'assurance sur la vie avec versement d'une prime unique ; que, par acte du 13 décembre 2007, notifié à l'assureur le 28 décembre 2007, elle a désigné ses enfants comme bénéficiaires de ce contrat, ce qu'ils ont accepté, et elle a renoncé expressément et irrévocablement à demander à l'assureur de procéder, à son profit, à des rachats ou à des avances sur le contrat ; que, Pauline X... et son conjoint (M. et Mme X... ) n'ayant pas déclaré le contrat au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), en estimant qu'il était devenu non rachetable, l'administration fiscale leur a notifié une proposition de rectification réintégrant la valeur de rachat de ce contrat dans l'assiette taxable à l'ISF pour les années 2008 à 2010 ; qu'après mise en recouvrement, règlement des sommes réclamées et rejet de leur réclamation, M. et Mme X... ont assigné le directeur régional des finances publiques en décharge du surplus d'imposition acquitté ; que Pauline X... étant décédée, ses héritiers, MM. Pierre, Etienne et Marc X... , Mme Marie X... , épouse Z..., Mme Isabelle X... , épouse E... , et Mme Madeleine X... , épouse A..., ont poursuivi l'instance ;

Attendu que le directeur régional des finances publiques fait grief à l'arrêt de faire droit aux demandes des consorts X... alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte des dispositions de l'article 885 F du code général des impôts que, pour le calcul de l'assiette de l'ISF, la valeur de rachat des contrats d'assurance rachetables est ajoutée au patrimoine du souscripteur ; que l'article L. 132-23 du code des assurances précise les seuls contrats présentant un caractère non rachetable ; que conformément à la volonté du législateur, ne peuvent ainsi être considérés comme non rachetables que les contrats limitativement prévus par la loi pour lesquels le souscripteur est dans l'impossibilité absolue et définitive d'exercer sa faculté de rachat ; que le maintien pour le souscripteur de son droit au rachat du contrat, même si l'exercice en est subordonné à l'accord du bénéficiaire, est de nature à conserver au contrat son caractère rachetable et, par suite, son caractère imposable à l'ISF dans les conditions de l'article 885 F précité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que l'avenant du 15 (13) décembre 2007, par lequel Mme X... avait « renoncé expressément et irrévocablement à demander à l'assureur de procéder, à son profit, à des rachats ou à des avances sur le contrat », avait fait perdre au contrat son caractère rachetable, alors même que la renonciation contractuelle de Mme X... à sa faculté de rachat ne l'avait pas privée de manière absolue et définitive du droit au remboursement de sa créance, Mme X... conservant en effet la possibilité d'exercer ce droit sous réserve de l'accord des bénéficiaires ; qu'en se prononçant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 885 F du code général des impôts et L. 132-23 du code des assurances ;

2°/ que si l'article 1134 ancien du code civil indique que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites », le même article précise ensuite que ces conventions « ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise » ; que par leur accord mutuel, les parties conservent donc la liberté de procéder à la modification du contrat ; qu'en l'espèce, si Mme X... a renoncé expressément et irrévocablement à demander à l'assureur de procéder, à son profit, à des rachats ou à des avances sur le contrat, elle conservait néanmoins, conformément aux dispositions de l'article 1134 ancien du code civil, la possibilité d'exercer son droit de rachat, sous réserve de l'accord des bénéficiaires ; qu'en décidant le contraire, en jugeant en particulier que l'avenant du 15 (13) décembre 2007, par lequel Mme X... avait « renoncé expressément et irrévocablement à demander à l'assureur de procéder, à son profit, à des rachats ou à des avances sur le contrat », avait fait perdre au contrat son caractère rachetable, alors même que Mme X... conservait la possibilité d'exercer son droit à remboursement sous réserve de l'accord des bénéficiaires, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1134 ancien du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt énonce que l'article 885 F du code général des impôts prévoit que seuls les contrats d'assurance rachetables sont compris dans le patrimoine des redevables pour leur valeur de rachat au 1er janvier de l'année d'imposition ; qu'ayant constaté que, dans l'acte du 13 décembre 2007, les bénéficiaires avaient accepté leur désignation et Pauline X... avait renoncé à user de sa faculté de rachat des sommes versées au titre du contrat d'assurance sur la vie litigieux, il en déduit que ce contrat avait acquis un caractère non rachetable ; qu'en l'état de ces appréciations et constatations, dont il résulte que le droit de créance du souscripteur était sorti de son patrimoine, le retour à la situation antérieure étant subordonné à l'accomplissement d'une condition tenant à l'accord de l'ensemble des bénéficiaires, c'est à juste titre que la cour d'appel a retenu que la décision de rejet de l'administration fiscale n'était pas fondée et a prononcé le dégrèvement et la restitution des suppléments d'impôts versés par M. et Mme X... ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. Bernard X... et à MM. Pierre, Etienne et Marc X... , Mme Marie X... , épouse Z..., Mme Isabelle X... , épouse E... , et Mme Madeleine X... , épouse A..., en leur qualité d'héritiers de Pauline B..., épouse X... , la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille dix-huit.

Le greffier de chambre

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 10 mars 2015 en ce qu'il a fait droit aux demandes des consorts X... et en ce qu'il a ordonné la restitution par l'administration fiscale des suppléments d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2008, 2009 et 2010 en faveur de M. et Mme X... s'élevant, principal et pénalités, au montant total de 691 876 € ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article 885 F du code général des impôts, dans sa version en vigueur à la date des faits litigieux, dispose que « les primes versées après l'âge de soixante-dix ans au titre des contrats d'assurance non rachetables souscrits à compter du 20 novembre 1991 et la valeur de rachat des contrats d'assurance rachetables sont ajoutées au patrimoine du souscripteur » ; qu'il s'ensuit que seuls les contrats d'assurance rachetables sont compris dans le patrimoine des redevables pour leur valeur de rachat au 1er janvier de l'année d'imposition ainsi que, concernant les contrats non-rachetables souscrits depuis le 20 novembre 1991, les primes versées après l'âge de soixante-dix ans pour leur valeur nominale ; qu'il convient de préciser que la loi nº 2007-1175 du 17 décembre 2007 prévoit que l'acceptation du bénéficiaire avec l'accord du souscripteur a pour effet d'empêcher ce dernier d'exercer sa faculté de rachat pendant la durée du contrat, qui doit donc dans ce cas être considéré comme non-rachetable. Ces dispositions sont applicables aux contrats acceptés à compter du 18 décembre 2007 ; qu'en l'espèce, Madame Pauline B..., épouse X... a désigné ses six enfants comme bénéficiaires de cette assurance, qui l'ont acceptée par avenant daté du 13 décembre 2007, notifié à l'assureur le 28 décembre 2007. Madame X... a également renoncé expressément et irrévocablement à demander à l'assureur de procéder, à son profit, à des rachats ou à des avances sur le contrat ; que l'avenant du 13 décembre 2007 stipule en effet en page 2 : « En vertu de l'acceptation de la présente désignation par les bénéficiaires de premier rang, le souscripteur s'interdit formellement et irrévocablement de modifier leur désignation en tant que bénéficiaires ; qu'en outre, à compter de l'acceptation, le souscripteur s'interdit expressément et irrévocablement de demander à l'assureur de procéder à son profit à des rachats ou à des avances sur le présent contrat. Le souscripteur s'interdit de même de donner le présent contrat en gage ou en garantie de quelque nature que ce soit, et pour quelque raison que ce soit.» , qu'il convient de relever que les six enfants bénéficiaires ont signé ledit avenant, en recopiant de façon manuscrite la mention suivante : « Je soussigné (...), en ma qualité de bénéficiaire de premier rang, enfant de la souscriptrice, déclare accepter cette désignation bénéficiaire » ; que dès lors, il faut déduire de ces stipulations qu'à la date de l'avenant, soit le 13 décembre 2007, le contrat d'assurance-vie souscrit le 4 juillet 1991 par Madame X... a acquis un caractère non rachetable, les bénéficiaires ayant fait connaître leur acceptation, d'une part, et le souscripteur ayant renoncé de façon expresse et non équivoque à l'exercice de son droit de rachat d'autre part ; que cette acceptation étant intervenue avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 décembre 2007 précitée, les consorts X... ne sont pas fondés à se placer sous le bénéfice des dispositions nouvelles de la loi. Toutefois, pour les raisons exposées ci-avant, le contrat d'assurance-vie doit être considéré comme non-rachetable au 15 décembre 2007 par l'effet de la clause de renonciation expresse à la faculté de rachat, indépendamment de l'effet de la loi nouvelle ; que l'argument selon lequel la clause de l'avenant par laquelle le souscripteur s'interdit expressément et irrévocablement de demander à l'assureur de procéder au rachat du contrat d'assurance-vie ne l'empêcherait pas d'exercer cette faculté avec l'accord du bénéficiaire, au regard de l'article L 132-9 du code des assurances, est inopérant en l'espèce, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une disposition d'ordre public et que le souscripteur y a renoncé expressément par acte sous seing privé ; que le raisonnement inverse aboutirait à soumettre à l'ISF tous les contrats d'assurance-vie acceptés avant le 18 décembre 2007, peu important que le souscripteur ait renoncé expressément à son droit de rachat, alors qu'il résulte de l'article 885 F du code général des impôts précité que seules les primes versées après l'âge de soixante-dix ans, au titre des contrats d'assurance non rachetables souscrits à compter du 20 novembre 1991, sont ajoutées au patrimoine du souscripteur» ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE«le principe d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune dans le patrimoine du souscripteur découle du principe édicté par l'article 885 E du code général des impôts : l'assiette est constituée par la valeur nette, au 1cr janvier de l'aimée, de l'ensemble des biens droits et valeurs imposables appartenant aux personnes visées par l'article 885 A, ainsi qu'à leurs enfants mineurs dont ils ont l'administration légale des biens (...) ; qu'aucune définition du caractère « rachetable » ou « non rachetable » du contrat d'assurance-vie n'est donnée par le législateur pour les besoins de l'impôt de solidarité sur la fortune, que l'article L 132-21 du code des assurances, dispose que la demande de rachat s'impose à l'assureur qui dans les limites de rachat, peut consentir des avances au souscripteur ; que selon l'article L 132-9 du code des assurances, (Loi du 17 décembre 2007) la stipulation en vertu de laquelle le bénéfice de l'assurance est attribué à un bénéficiaire déterminé devient irrévocable par l'acceptation de celui-ci. Pendant la durée du contrat, après acceptation du bénéficiaire, le stipulant ne peut exercer sa faculté de rachat et l'entreprise d'assurance ne peut lui consentir d'avance, sans l'accord du bénéficiaire ; qu'en l'espèce, Madame Pauline B..., épouse X... , a souscrit le 15 juillet 1991 un contrat d'assurance-vie. Par avenant du 13 décembre 2007, elle a désigné ses enfants comme bénéficiaires de cette assurance, lesquels l'ont acceptée dans le même acte ; que dans le même avenant, actant l'acceptation, le souscripteur s'interdit expressément et irrévocablement de demander à l'assureur de procéder à son profit à des rachats ou à des avances sur le contrat ; qu'à l'examen des termes de la clause susmentionnée, Madame Pauline B..., épouse X... s'interdit « expressément et irrévocablement » de demander à l'assureur de procéder à son profit à des rachats ; qu'en présence de cette stipulation formelle de renonciation irrévocable du souscripteur à la faculté de rachat du contrat et de l'acceptation des bénéficiaires, le contrat doit être considéré comme non rachetable, à compter du 28 décembre 2007 ; qu'il s'ensuit que l'administration fiscale n'était pas fondée à rehausser au titre des années 2008, 2009 et 2010 les bases d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune au nom de Monsieur et Madame X... de la valeur dudit contrat.» ;

ALORS QUE, premièrement, il résulte des dispositions de l'article 885 F du C.G.I. que, pour le calcul de l'assiette de l'I.S.F., la valeur de rachat des contrats d'assurance rachetables est ajoutée au patrimoine du souscripteur ; que l'article L. 132-23 du code des assurances précise les seuls contrats présentant un caractère non rachetable ; que conformément à la volonté du législateur, ne peuvent ainsi être considérés comme non rachetables que les contrats limitativement prévus par la loi pour lesquels le souscripteur est dans l'impossibilité absolue et définitive d'exercer sa faculté de rachat ; que le maintien pour le souscripteur de son droit au rachat du contrat, même si l'exercice en est subordonné à l'accord du bénéficiaire, est de nature à conserver au contrat son caractère rachetable et, par suite, son caractère imposable à l'I.S.F. dans les conditions de l'article 885 F précité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que l'avenant du 15 décembre 2007, par lequel Madame X... avait « renoncé expressément et irrévocablement à demander à l'assureur de procéder, à son profit, à des rachats ou à des avances sur le contrat », avait fait perdre au contrat son caractère rachetable, alors même que la renonciation contractuelle de Mme X... à sa faculté de rachat ne l'avait pas privée de manière absolue et définitive du droit au remboursement de sa créance, Mme X... conservant en effet la possibilité d'exercer ce droit sous réserve de l'accord des bénéficiaires ; qu'en se prononçant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 885 F du C.G.I. et L. 132-23 du code des assurances ;

ALORS QUE, deuxièmement, si l'article 1134 ancien du code civil indique que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites », le même article précise ensuite que ces conventions « ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise » ; que par leur accord mutuel, les parties conservent donc la liberté de procéder à la modification du contrat ; qu'en l'espèce, si Madame X... a renoncé expressément et irrévocablement à demander à l'assureur de procéder, à son profit, à des rachats ou à des avances sur le contrat, elle conservait néanmoins, conformément aux dispositions de l'article 1134 ancien du code civil, la possibilité d'exercer son droit de rachat, sous réserve de l'accord des bénéficiaires ; qu'en décidant le contraire, en jugeant en particulier que l'avenant du 15 décembre 2007, par lequel Madame X... avait « renoncé expressément et irrévocablement à demander à l'assureur de procéder, à son profit, à des rachats ou à des avances sur le contrat », avait fait perdre au contrat son caractère rachetable, alors même que Mme X... conservait la possibilité d'exercer son droit à remboursement sous réserve de l'accord des bénéficiaires, la cour d'appel de Paris a violé les dispositions de l'article 1134 ancien du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-20914
Date de la décision : 12/12/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 12 déc. 2018, pourvoi n°17-20914


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.20914
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