LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 1er mars 1996, G... X..., présentant un descellement d'une prothèse de hanche gauche et une fracture de la pointe de la tige fémorale, a été réopérée au sein de la société Polyclinique du [...] (la polyclinique) par M. E..., chirurgien (le chirurgien), qui a mis en place un implant fémoral, en étant assisté par M. C..., médecin-anesthésiste (le médecin-anesthésiste) ; qu'atteinte, au décours de l'intervention, d'une hémiplégie gauche et, secondairement, d'une thrombophlébite du membre inférieur gauche avec embolie pulmonaire, G... X... a assigné en responsabilité et indemnisation le chirurgien, le médecin-anesthésiste et la polyclinique ; qu'elle est décédée le [...] ; que ses héritiers MM. Bernard, Daniel, Dominique et Jacques Y... (les consorts Y...) ont repris l'instance ; que le médecin-anesthésiste a été condamné à réparer les préjudices subis par G... X... consécutifs à la survenue de l'hémiplégie en raison de la faute commise dans la conduite de l'anesthésie, pour avoir laissé s'installer des épisodes d'hypotension profonde et prolongée, sans traiter cette hypotension de façon adaptée ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa troisième branche, ci-après annexés :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur la première branche du moyen unique du pourvoi incident :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour allouer aux consorts Y... une indemnité en réparation du déficit fonctionnel temporaire subi par G... X..., l'arrêt se fonde sur un rapport d'expertise retenant que celle-ci a subi un tel déficit fonctionnel à compter de la date de l'opération réalisée le 1er mars 1996, et jusqu'à sa consolidation ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du médecin-anesthésiste qui soutenait que le remplacement de la prothèse aurait nécessairement entraîné un déficit fonctionnel temporaire et qu'il ne pouvait être tenu de réparer que la part du déficit consécutive à la faute retenue à son encontre, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen unique du pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions allouant à M. Bernard Y..., M. Daniel Y..., M. Dominique Y... et M. Jacques Y..., au titre du déficit fonctionnel temporaire subi par G... X... la somme de 39 870 euros incluse dans la somme de 518 932,80 euros que M. C... a été condamné à leur payer, l'arrêt rendu le 5 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour M. X... et MM. Bernard, Daniel, Dominique et Jacques Y...
MM. Bernard, Daniel, Dominique et Jacques Y... et M. Michel X... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité le préjudice corporel global d'G... X... à la somme de 576 592 € et dit que l'indemnité lui revenant s'établirait à 518 932,80 € ;
AUX MOTIFS, sur l'assistance temporaire de tierce personne, que la nécessité de la présence auprès de G... X... d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans sa durée et son coût ; que les experts précisent que G... X... a eu besoin d'une aide pour les actes de la vie courante en raison de l'hémiplégie gauche ; que cette aide doit être fixée à 3 h 15 minutes par jour tous les jours en déduisant les soins infirmiers qui n'entrent pas dans ce cadre ; qu'en application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées ; qu'eu égard à la nature de l'aide requise, des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 16 € ; que l'indemnité de tierce personne s'étend ainsi, en excluant les périodes d'hospitalisation, du 29 mai 1996 au 28 décembre 1996, soit 214 jours, du 2 janvier 1997 au 2 juillet 1997, soit 182 jours, du 9 juillet 1997 au 25 novembre 1997, soit 140 jours, du 1er janvier 1998 au 12 mars 1998, soit 71 jours et du 19 avril 1998 au 19 mai 2000, soit 762 jours, soit un total de 1 369 jours ; que le préjudice s'établit à 71 188 € (3,25 heures x 1 369 jours x 16 €) ; qu'en retenant le pourcentage de 90 % de perte de chance il est dû 64 069,20 € (71 188 € x 90 %) ; que, sur l'assistance permanente de tierce personne, à compter du 20 mai 2000 jusqu'au jour du décès de G... X... intervenu le [...] , ce chef de préjudice est de : 4 752 jours x 3,25 heures x 16 € = 247 104 € ; qu'après application du pourcentage de perte de chance il est dû 222 393,60 € (247 104 € x 90 %) ; sur le déficit fonctionnel permanent, que ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales) ; qu'il est caractérisé par une hémiplégie gauche atteignant le bras gauche chez une droitière et la jambe gauche, ce qui conduirait à un taux de 45 % justifiant une indemnité de 81 000 € pour une femme âgée de 72 ans à la consolidation ; qu'G... X... avait à cette date une espérance de vie de 10,8 ans {82,8 ans (source INSEE) – 72 ans} ; qu'elle est décédée à l'âge de 85 ans, dépassant son espérance de vie ; que l'indemnité réparant le déficit fonctionnel permanent est donc de 81 000 € ; qu'après application du pourcentage de perte de chance il est dû 72 900 € (81 000 € x 90 %) ;
1°) ALORS QUE le besoin d'une assistance d'une tierce personne pour les actes de la vie quotidienne varie en fonction de la nature et de la gravité du handicap de la victime ; qu'en se bornant à faire état d'un besoin d'assistance dans les actes de la vie quotidienne, besoin qu'elle a évalué à 3 heures 15 par jour, quand, à la suite des premiers juges, les héritiers d'G... X... faisaient valoir qu'elle était dans l'incapacité de se mouvoir, faire ses courses, se nourrir, faire sa toilette, se vêtir, assurer l'entretien de son domicile et de son linge, ce à quoi ils ajoutaient même qu'elle était dans l'impossibilité de piloter son fauteuil roulant et de se soulever pour adapter la position de son corps en cas d'inconfort, de sorte que son invalidité entraînait une dépendance humaine totale, la cour d'appel, qui a statué par des formules générales, n'a pas fait apparaître par quels handicaps précis l'assistance d'une tierce personne était rendue nécessaire, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble du principe de réparation intégrale ;
2°) ALORS QUE l'allocation d'une indemnité au titre de l'assistance d'une tierce personne peut être justifiée par un besoin de surveillance de la victime par un tiers afin de préserver sa sécurité, besoin qui ne se limite pas à un petit nombre d'heures par jour ; que dès lors, la cour d'appel qui a reconnu la nécessité de la présence auprès de Mme X... d'une tierce personne pour, outre l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, et néanmoins limité à 3 heures 15 par jour la durée nécessaire n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a ainsi violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, et le principe de réparation intégrale ;
3°) ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel, les héritiers des époux X..., pour demander que le déficit fonctionnel soit fixé à 90 % comme l'avaient proposé les auteurs de la contre-expertise, faisaient valoir que les séquelles desquelles G... X... était restée atteinte, consistant en une hémiparésie gauche, étaient d'autant plus invalidantes qu'elle était gauchère ainsi que l'établissaient le rapport d'expertise et l'attestation versée au dossier d'un neurologue (conclusions, p. 17 et p. 21) ; qu'en affirmant, pour évaluer à 81 000 € seulement le préjudice réparant le déficit fonctionnel permanent que celui-ci était caractérisé par une hémiplégie gauche atteignant le bras gauche chez une droitière, la cour d'appel, qui n'a pas autrement justifié cette simple affirmation ni fait état des pièces sur lesquelles les héritiers fondaient la constatation contraire, n'a donc pas motivé son arrêt au regard des conclusions desquelles elle était saisie, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour M. C...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé le préjudice corporel global de Madame G... X... à la somme de 576 592 €, d'AVOIR dit que l'indemnité lui revenant s'établirait à 518 932,80 € et d'AVOIR condamné Monsieur Gérard C... à payer à ce titre à Monsieur Bernard Y..., Monsieur Daniel Y..., Monsieur Dominique Y..., Monsieur Jacques Y... et M. Michel X..., chacun à proportion de leurs droits dans les successions de Madame G... X... et de Monsieur André X..., la somme de 518 932,80 €, sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2011 ;
AUX MOTIFS QUE « sur le déficit fonctionnel temporaire (44 300 €) : Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire ; qu'il doit être réparé sur la base d'environ 900 € par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit 41 400 € (900 € x 46 mois) pendant la période d'incapacité totale de 46 mois et proportionnellement pendant la période d'incapacité partielle à 70 % de 4,6 mois soit 2 898 € (900 € x 70 % x 4,6 mois) soit au total 44 298 € arrondi à 44 300 € ; après application du pourcentage de perte de chance, il est dû : 39 870 € (44 300 € x 90 %). »
ET QUE « sur le préjudice esthétique 30 000 € : qualifié de 5/7 au titre de l'hémiplégie et des déplacements en fauteuil roulant, il doit être indemnisé à hauteur de 30 000 € ; après application du pourcentage de perte de chance il est dû 27 000 € (30 000 € x 90 %) ».
1°) ALORS QUE seuls ouvrent droit à réparation les préjudices en lien de causalité direct et certain avec l'événement générateur de responsabilité ; que le Docteur C... faisait valoir, dans ses conclusions, qu'une partie au moins du déficit fonctionnel temporaire subi par Madame G... X... était exclusivement imputable à la convalescence normalement inhérente au remplacement de sa prothèse de hanche (conclusions p. 9 alinéa 9) ; qu'en condamnant néanmoins le Docteur C... à verser à Madame G... X... une indemnité correspondant à l'intégralité de la période de déficit fonctionnel temporaire, y compris la période correspondant à la durée normale de convalescence pour un remplacement de prothèse de hanche, sans répondre à ce moyen déterminant du Docteur C..., la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
2°) ET ALORS QUE seuls ouvrent droit à réparation les préjudices en lien de causalité direct et certain avec l'événement générateur de responsabilité ; que le Docteur C... faisait valoir, dans ses conclusions, qu'une partie au moins du déficit fonctionnel temporaire subi par Madame G... X... était imputable à d'autres causes que l'hémiparésie, se référant à l'infection nosocomiale dont Madame G... X... avait été victime (conclusions p. 9 alinéa 10) ; qu'en condamnant néanmoins le Docteur C... à verser à Madame G... X... une indemnité correspondant à l'intégralité de la période de déficit fonctionnel temporaire sans répondre à ce moyen déterminant du Docteur C..., la Cour d'appel a derechef violé l'article 455 du Code de procédure civile.
3°) ALORS ENFIN QUE les juges ne doivent pas dénaturer les documents de la cause ; que si le rapport d'expertise fixait le préjudice esthétique subi par Madame G... X... à 5/7, il précisait par ailleurs que « concernant le préjudice esthétique, on doit imputer sur le 5/7 qui a été fixé un taux de 1/7 imputable à l'infection nosocomiale » (production du mémoire ampliatif n° 5, p. 22 alinéa 5) ; qu'en retenant néanmoins que ce préjudice avait été « qualifié de 5/7 au titre de l'hémiplégie et des déplacements en fauteuil roulant » (arrêt p. 13 alinéa 7) pour l'évaluer à la somme de 30 000 €, la Cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise, violant ainsi l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de réparation intégrale ;