LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z... a été engagé le 9 juillet 2001 en qualité d'ouvrier d'usine groupe fonctionnel (GF) 4 - niveau de rémunération (NR) 4- échelon 4, par la société Vivendi, affecté à l'activité assainissement du service de l'agglomération de Bastia ; que le contrat de travail a été transféré à l'établissement public Office d'équipement hydraulique de Corse (OEHC) à la suite de l'attribution par la communauté d'agglomération de Bastia des contrats d'affermage d'eau et d'assainissement dans le cadre d'une délégation de service public ; que le contrat d'affermage conclu au bénéfice de l'OEHC prévoyait en son article 25 l'engagement de ce dernier à reprendre et maintenir la totalité des contrats des agents de l'ancien fermier en poste, ainsi que tous les avantages collectifs dont bénéficiait le personnel, et notamment les dispositions relatives aux grilles, indices, à l'avancement et aux primes applicables à ce personnel en vertu de l'accord d'entreprise ou de la convention collective lui étendant le bénéfice de certaines dispositions du statut EDF ; que l'OEHC a notifié au salarié sa titularisation en tant qu'agent ouvrier à compter du 1er décembre 2002 et, en dernier lieu, le salarié était classé GF7 NR9 échelon 7 ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes sur la période non prescrite du mois de mars 2009 au mois de décembre 2016, l'arrêt retient que si le salarié est fondé à soutenir qu'il doit se voir appliquer l'ensemble des avantages collectifs dont il bénéficiait antérieurement, notamment les accords d'entreprise ou conventions collectives lui étendant certaines dispositions du statut EDF, la classification du salarié doit se définir par rapport aux fonctions réellement exercées, et que le salarié titulaire d'un diplôme embauché à un niveau inférieur à celui prévu pour un tel diplôme par une convention ne peut revendiquer son reclassement à un niveau supérieur lorsque les fonctions pour lesquelles il a été recruté et qu'il exerce réellement ne correspondent pas à ce niveau et qu'en vertu des textes applicables, il bénéficie seulement de dispositions pour son affectation en priorité lorsqu'un poste est vacant ou devient disponible ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié, qui soutenait que l'employeur n'avait pas respecté les dispositions des circulaires PERS 798 et DP 30.1, prises en application du statut des industries électriques et gazières, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. Z... de ses demandes sur la période non prescrite de mars 2009 à décembre 2016, l'arrêt rendu le 8 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne l'établissement public Office d'équipement hydraulique de Corse aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'établissement public Office d'équipement hydraulique de Corse et le condamne à payer à M. Z... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. Z...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué infirmatif d'AVOIR débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes sur la période non prescrite du mois de mars 2009 au mois de décembre 2016 ;
AUX MOTIFS QUE, sur la prescription des demandes : la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 fixe à deux ans le délai de prescription applicable à « toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail » ; que ce délai de prescription s'applique notamment aux actions portant sur l'application d'un statut ; que par contre, ce délai de deux ans ne s'applique pas aux actions en paiement de salaires lesquelles sont prescrites au bout de trois ans ; que par ailleurs, la loi du 14 juin 2013 n'a pas remis en cause l'application de la prescription quinquennale aux actions judiciaires ne relevant d'aucun autre délai particulier, comme notamment les actions en paiement ; qu'en l'espèce, il est constant que le 1er janvier 2002, le contrat de travail de M. Frédéric Z... a été transféré à l'établissement public office d'équipement hydraulique de Corse (OEHC), suite à l'attribution par la communauté d'agglomération de Bastia des contrats d'affermage eau et assainissement dans le cadre d'une délégation de service public ; que le salarié s'est vu notifier par courrier en date du 10 janvier 2002 le transfert de son contrat de travail, ledit courrier précisant que « par dérogation aux dispositions de l'article L. 132-8 du code du travail, la convention collective dont vous avez bénéficié avant votre transfert sera maintenu pendant la durée du contrat d'affermage » ; que l'OEHC a notifié le 11 décembre 2002 à M. Frédéric Z... cette titularisation dans les fonctions d'ouvrier d'usine Groupe Fonctionnels 4 Niveau de Rémunération 4 à compter du 1er décembre 2002 ; que dès lors, M. Frédéric Z... n'ayant saisi le conseil des prud'hommes qu'en mars 2014, son action tendant à revendiquer son reclassement rétroactif au titre de l'application des dispositions statutaires de EDF à compter du 11 décembre 2002 est prescrite ; qu'il en est de même pour toute demande de réexamen de carrière pour la période antérieure à mars 2009 ainsi que pour les demandes en paiement de salaires et de dommages et intérêts ; qu'en conséquence, seules les demandes sur la période non prescrite de mars 2009 à décembre 2016 restent recevables ; que, sur les demandes tendant au reclassement rétroactif de M. Frédéric Z... : selon les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, les contrats de travail en cours sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise en cas de transfert d'une activité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise, étant entendu que constitue une entité économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ; que ces dispositions sont applicables en l'espèce au transfert du contrat de travail à un nouveau délégataire du service public, l'OEHC étant un établissement public à caractère industriel et commercial ; que le contrat d'affermage conclu au bénéfice de l'OEHC prévoit en son article 25 l'engagement de ce dernier à reprendre et maintenir la totalité des contrats des agents de l'ancien fermier en poste, ainsi que tous les avantages collectifs dont bénéficie le personnel, et notamment les dispositions relatives aux grilles, indices, à l'avancement et aux primes applicables à ce personnel en vertu de l'accord d'entreprise ou de la convention collective lui étendant le bénéfice de certaines dispositions du statut EDF ; que d'ailleurs, le courrier en date du 10 janvier 2002 notifiant à M. Frédéric Z... le transfert de son contrat de travail renvoie expressément aux stipulations de cet article ; que dès lors, M. Frédéric Z... est fondé à soutenir qu'il doit se voir appliquer l'ensemble des avantages collectifs dont il bénéficiait antérieurement, notamment les accords d'entreprise ou convention collective lui étendant certaines dispositions du statut EDF ; que toutefois, l'examen de la non-application de ces dispositions au cours de la période antérieure à 2009 ne peut être pris en compte au regard de la prescription ci-dessus constatée, la seule période non prescrite s'étendant de mars 2009 à décembre 2016 ; que la classification du salarié doit se définir par rapport aux fonctions réellement exercées, et que le salarié titulaire d'un diplôme embauché à un niveau inférieur à celui prévu pour un tel diplôme par une convention ne peut revendiquer son reclassement à un niveau supérieur lorsque les fonctions pour lesquelles il a été recruté et qu'il exerce réellement ne correspondent pas à ce niveau ; qu'en vertu des textes applicables, il bénéficie seulement de dispositions prioritaires pour son affectation en priorité lorsqu'un poste est vacant ou devient disponible ; qu'il résulte d'une attestation versée aux débats et non contestée que l'essentiel de la mission de M. Frédéric Z... avant juillet 2014 a été d'assurer un rôle d'exécutant sous l'autorité directe des différents agents de maîtrise de l'arrondissement ; qu'il a bénéficié en 2009 d'un avancement en ancienneté (NR 70) puis d'un avancement en groupe fonctionnel en 2012 ; qu'à compter du 1er novembre 2014, M. Frédéric Z... a bénéficié d'un avancement au poste d'agent technique d'instruments 1er degré au département exploitation et clients portant son classement à GF 7 NR 9 dans la catégorie des techniciens ; qu'à partir de la classification de techniciens, il ressort que M. Frédéric Z... a régulièrement avancé dans sa classification, et que depuis 2009, il a bénéficié d'un avancement et déroulement de carrière respectant l'ensemble des dispositions conventionnelles applicables ; qu'il est ainsi passé successivement au classement GF 5 NR 7 échelon 5 en 2009 jusqu'au classement GF8 NR 13 échelon 7 en 2016 ; que dès lors, sur la période non prescrite retenue, M. Z... n'est pas fondé à solliciter son reclassement et ne peut qu'être débouté de ses demandes à ce titre ;
1°) ALORS QUE, si la prescription interdit l'indemnisation de faits couverts par elle, elle n'interdit pas au juge, pour apprécier le bienfondé de demande de reclassement du salarié, de rechercher la date à compter de laquelle celui-ci aurait dû bénéficier d'un changement de classification conventionnelle, celle-ci fût-elle antérieure à la période non prescrite ; qu'après avoir relevé que la prescription des demandes de M. Z... pour la période antérieure au mois de mars 2009 lui interdisait d'examiner le défaut d'application des dispositions conventionnelles, au cours de cette période, comme se trouvant à l'origine de son retard en matière d'avancement, la cour d'appel a retenu que le salarié avait bénéficié d'une évolution et d'un déroulement de carrière conforme aux dispositions conventionnelles applicables, depuis l'année 2009 ; qu'en statuant ainsi, quand il lui appartenait de déterminer à quelle classification conventionnelle le salarié aurait dû être positionné en suite de sa titularisation au mois de décembre 2002, nonobstant l'antériorité de cette date à la période non prescrite, et de déterminer sur cette base le préjudice subi par le salarié au cours de la période non prescrite, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil dans leur rédaction applicable au litige ;
2°) ALORS QUE selon l'article 11 de la circulaire PERS 798 prise en application du statut des industries électriques et gazières, les jeunes techniciens sont placés dans un groupe de formation jeunes techniciens rattaché, pour les titulaires d'un Brevet de technicien supérieur (BTS) ou d'un diplôme universitaire de technologie (DUT) ou d'un diplôme équivalent, au GF 8, et pour les titulaires d'un diplôme d'études supérieures économiques (DESE) ou d'un diplôme d'études supérieures techniques (DEST) délivré par le CNAM ou d'un diplôme équivalent, au GF 9 ; que la circulaire précise que « leur affectation dans un poste (
) maîtrise (pour les jeunes techniciens et jeunes techniciens supérieurs) doit intervenir, en fonction des postes disponibles, dans un délai normal de 2 ans, à compter de leur date d'embauchage » et que « s'il n'en était pas ainsi, le cas des intéressés ferait obligatoirement l'objet d'un examen particulier devant la commission compétente afin que cette affectation soit réalisée dans le délai maximal de 3 ans » ; que M. Z... faisait valoir, non seulement qu'il n'avait pas été affecté à un emploi correspondant à son niveau de diplôme, mais encore qu'il n'avait pas bénéficié d'un examen particulier de sa situation, qui plus est dans les délais impartis par le texte (cf. conclusions d'appel p. 4 § antépénultième à dernier) ; qu'en s'abstenant de constater l'exécution par l'employeur des obligations mises à sa charge par la circulaire PERS 798, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ;
3°) ALORS QU'aux termes de l'article 21 de la circulaire DP 30.1 prise en application du statut des industries électriques et gazières, « il peut arriver que des titulaires de diplômes de jeunes techniciens aient été embauchés dans des postes vacants pour tenir des emplois de base. Les intéressés ont alors le classement correspondant à la fonction exercée et non celui auquel aurait ouvert droit leur diplôme s'ils avaient été recrutés au titre du contingent « jeunes techniciens » (
). Afin de régulariser progressivement la situation susvisée il y a lieu, chaque année, lors de l'embauchage de jeunes techniciens sur contingent, d'examiner le cas de ces agents conjointement avec les candidatures de l'extérieur, et, de les retenir par priorité dans les postes de jeunes techniciens à pourvoir, s'ils possèdent les aptitudes requises. Si leur situation ne peut être réglée dans ce cadre, ils pourront accéder à des postes de maîtrise par mutation dans des postes vacants par le jeu normal des appels de candidature » ; que M. Z... faisait également valoir qu'il n'avait pas bénéficié de ces dispositions ; qu'en le déboutant de ces demandes, sans constater que l'employeur établissait avoir rempli cette obligation, soit en proposant au salarié de manière prioritaire les emplois de maîtrise disponibles, soit en démontrant qu'il ne bénéficiait pas des compétences et aptitudes requises pour occuper les emplois vacants en question, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la circulaire susvisée ;
4°) ALORS, subsidiairement, QU'en énonçant, pour débouter M. Z... de l'ensemble de ses demandes, que le salarié avait bénéficié d'un avancement et d'un déroulement de carrière conforme aux dispositions conventionnelles applicables depuis l'année 2009, la cour d'appel, qui n'a pas motivé sa décision autrement que par cette affirmation et s'est abstenue de viser les éléments de preuve sur lesquels elle aurait fondé sa décision, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) ET ALORS, subsidiairement, QU'en l'espèce, M. Z... faisait valoir qu'il était, en dernier lieu, positionné au GF 7 NR 9 échelon 7 (cf. conclusions d'appel p. 3) ; qu'en affirmant, après avoir constaté que le salarié avait été placé au GF 7 NR9 à compter du 1er novembre 2014, qu'il était classé GF 8 NR 13 en 2016, sans préciser l'origine de cette constatation, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile.