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12/12/2018 | FRANCE | N°17-16419

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 décembre 2018, 17-16419


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, tel que rectifié, dans ses développements, des erreurs qu'il comporte quant aux revendications dont l‘annulation est critiquée :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 février 2017), que la société Jean Chéreau (la société Chéreau) est titulaire du brevet européen n° 1 612 126 désignant la France, intitulé « dispositif de châssis de véhicule automobile », déposé le 1er juillet 2004, dont elle a modifié les revendications au cours de la procédure d'examen par l'

Office européen des brevets (l'OEB), et dont la délivrance, sous sa forme modifiée, pu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, tel que rectifié, dans ses développements, des erreurs qu'il comporte quant aux revendications dont l‘annulation est critiquée :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 février 2017), que la société Jean Chéreau (la société Chéreau) est titulaire du brevet européen n° 1 612 126 désignant la France, intitulé « dispositif de châssis de véhicule automobile », déposé le 1er juillet 2004, dont elle a modifié les revendications au cours de la procédure d'examen par l'Office européen des brevets (l'OEB), et dont la délivrance, sous sa forme modifiée, publiée le 23 septembre 2009, a été suivie d'une opposition, qui fut rejetée par l'OEB ; qu'elle a assigné en contrefaçon des revendications 1, 3, 4, 5, 7, 8 et 10 de la partie française de ce brevet la société Frappa, qui a reconventionnellement demandé l'annulation desdites revendications, pour extension de l'objet du brevet au-delà de la demande ;

Attendu que la société Chéreau fait grief à l'arrêt de prononcer l'annulation des revendications 1, 3, 4, 5, 7, 8 et 10 de la partie française du brevet européen EP 1 612 126 et de rejeter sa demande de publication judiciaire alors, selon le moyen :

1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la revendication 1 telle que déposée portait sur un dispositif comportant un élément de butée monté sur le corps de châssis d'un véhicule automobile et un élément amortisseur apte à amortir les efforts d'un choc de l'élément de butée avec un élément extérieur, caractérisé par le fait que l'élément amortisseur était monté entre le corps de châssis et l'élément de butée ; que la revendication 2 telle que déposée portait sur un dispositif selon la revendication 1, dans lequel le bras de butée était mobile «sensiblement longitudinalement» par rapport au corps de châssis ; que la revendication 3 telle que déposée portait sur un dispositif selon la revendication 2, dans lequel la mobilité longitudinale du bras de butée était obtenue par son montage en rotation ; qu'il se déduisait des termes clairs et précis des revendications 2 et 3 telles que déposées que la première visait tout déplacement « sensiblement longitudinal » du bras de butée et que la seconde visait, dans un mode de réalisation particulier, une rotation du bras de butée autour d'un axe d'articulation assimilable à un déplacement longitudinal ; qu'en affirmant au contraire, pour annuler les revendications 1, 3, 4, 5, 7, 8 et 10 du brevet EP 1 612 126 pour extension de l'objet du brevet au-delà de la demande telle que déposée, que le déplacement « sensiblement longitudinal » de la revendication 2 telle que déposée ne pouvait être assimilé à un déplacement sans axe de rotation et que la caractéristique de la mobilité longitudinale était indissociable de celle du pivotement du bras de butée, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des revendications 2 et 3 telles que déposées, en violation de l'obligation précitée ;

2°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que, dans la demande de brevet telle que déposée, la description énonçait que le dispositif était pourvu d'un corps de châssis, d'un élément amortisseur apte à amortir les efforts lors d'un choc de l'élément de butée avec un élément extérieur et que l'élément amortisseur était monté entre le corps de châssis et l'élément de butée, l'élément amortisseur travaillant uniquement en compression, demande de brevet, p. 2, lignes 3 à 10 ; qu'il prévoyait encore que l'élément de butée pouvait comprendre un bras de butée mobile « sensiblement longitudinalement par rapport au corps de châssis », demande de brevet, p. 2, lignes 23 et 24 ; qu'il prévoyait enfin que le bras de butée était, « de préférence », « monté à rotation sur le corps de châssis autour d'un axe d'articulation », demande de brevet, p. 2, lignes 25 et 26 ; que le montage à rotation du bras de butée autour d'un axe d'articulation était décrit de manière détaillée et illustré par des dessins comme « un mode de réalisation pris à titre d'exemple nullement limitatif », demande de brevet, p. 4, lignes 24 et s. et p. 5, lignes 1 et s. ; qu'il résultait donc des termes clairs et précis de la description que le montage à rotation autour d'un axe d'articulation n'était qu'un mode de réalisation particulier, permettant la mobilité « sensiblement longitudinale » de l'élément de butée ; qu'en affirmant au contraire, pour annuler les revendications 1, 3, 4, 5, 7, 8 et 10 du brevet EP 1 612 126 pour extension de l'objet du brevet au-delà de la demande telle que déposée, que le déplacement « sensiblement longitudinal » ne pouvait être assimilé à un déplacement sans axe de rotation et que la caractéristique de la mobilité longitudinale était indissociable de celle du pivotement du bras de butée, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la description de la demande de brevet telle que déposée, en violation de l'obligation précitée ;

3°/ que les revendications doivent se fonder sur la description ; que les dessins, qui font partie de la description, ne sont ni obligatoires, ni exhaustifs ; que tout élément qui est revendiqué et décrit est protégé, quand bien même il ne serait illustré par aucun dessin ; qu'en énonçant, pour annuler les revendications 1, 3, 4, 5, 7, 8 et 10 du brevet EP 1 612 126 pour extension de l'objet du brevet au-delà de la demande telle que déposée, que tous les schémas et figures de la demande de brevet enseignaient la présence d'un axe de rotation commandant le pivotement du bras de butée autour d'un axe d'articulation, quand les dessins de la description de la demande de brevet telle que déposée n'illustraient que la revendication 3, caractérisé par un bras de butée monté à rotation autour d'un axe d'articulation, et non la revendication 2, laquelle visait plus largement à tout dispositif dans lequel l'élément de butée était mobile de manière sensiblement longitudinale, la cour d'appel a violé l'article 84 de la Convention du 5 octobre 1973 sur la délivrance de brevets européens, la règle 42 du règlement d'exécution de la convention et l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle ;

4°/ que la société Chéreau faisait valoir, à titre subsidiaire, que même si le terme « sensiblement » limitait la mobilité longitudinale du bras à un déplacement en rotation, la suppression de la caractéristique correspondante n'étendait pas l'objet de la revendication 1 du brevet EP 1 612 126 au-delà du contenu de la demande telle que déposée, la suppression d'une caractéristique d'une revendication n'ayant un tel effet que si la caractéristique était présentée comme essentielle et indispensable à la réalisation de l'invention au regard du problème technique posé, ce qui n'était pas le cas de la caractéristique « sensiblement » ; qu'en annulant les revendications 1, 3, 4, 5, 7, 8 et 10 du brevet EP 1 612 126 pour extension de l'objet du brevet au-delà de la demande telle que déposée, sans répondre à ce chef de conclusions pertinent, la cour d'appel a, en toute hypothèse, méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé que l'invention a pour but de proposer un dispositif de châssis de véhicule automobile permettant d'accroître la fiabilité et la durée de vie des éléments amortisseurs, l'arrêt relève, d'abord, que la description et les figures du brevet EP 1 612 126 enseignent un bras de butée, articulé autour d'un axe de rotation commandant le pivotement de ce bras de butée, lequel, lorsqu'il y a contact entre les rouleaux et le quai de chargement, se déplace vers l'avant, par rotation de quelques degrés autour de l'axe en écrasant l'amortisseur ; qu'il relève, ensuite, que le paragraphe 41 de la description précise que, si le véhicule automobile continue de reculer, le déplacement vers l'arrière du châssis provoque un pivotement des bras de butée, respectivement autour des axes d'articulations, vers l'avant par rapport au corps de châssis, à l'intérieur des guides, les bras de butée se rapprochant respectivement des longerons jusqu'à ce que l'élément amortisseur élastique de chacun desdits bras soit entièrement comprimé, qu'une telle compression correspond sensiblement à un déplacement longitudinal des bras de butée de l'ordre de 40 mm et que le déplacement des bras de butée correspond en réalité à une rotation de quelques degrés pouvant être assimilé à un déplacement longitudinal ; qu'il relève, enfin, que, dans la demande de brevet telle que déposée, la caractéristique de la mobilité longitudinale du bras de butée figure dans la revendication 2 qui porte sur un « dispositif selon la revendication 1, caractérisé par le fait que l'élément de butée comprend un bras de butée (19) mobile sensiblement longitudinalement par rapport au corps de châssis (2) » ; qu'il en déduit que, dans la demande telle que déposée, la caractéristique de la mobilité longitudinale du bras de butée a été divulguée comme étant indissociable de la caractéristique d'un pivotement du bras de butée ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, c'est par une interprétation souveraine de la demande de brevet, exclusive de dénaturation, que la cour d'appel, qui s'est à juste titre fondée sur les dessins illustrant l'invention et pas seulement la revendication 3, contrairement à ce qui est soutenu par la troisième branche, et qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions rendues inopérantes, a retenu qu'au lieu d'un déplacement sensiblement longitudinal correspondant à une rotation ou un pivotement de quelques degrés, la revendication 1 du brevet telle que modifiée protégeait désormais, grâce à l'omission de l'adverbe « sensiblement », toute mobilité longitudinale des bras de butée, et qu'elle a annulé cette revendication, ainsi que les revendications 3, 4, 5, 7, 8 et 10, couvrant également des dispositifs dans lesquels le déplacement du bras de butée est longitudinal, pour extension de l'objet au-delà de la demande ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Jean Chéreau aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Frappa la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Jean Chéreau

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait prononcé l'annulation des revendications 1, 3, 4, 5, 7, 8 et 10 de la partie française du brevet européen EP 1 612 216 et rejeté la demande de publication judiciaire de la société Jean Chéreau,

AUX MOTIFS PROPRES QUE les articles L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle et 138, 1 c) de la Convention de Munich du 5 octobre 1973 sur la délivrance de brevets européens prévoient que le brevet européen peut être déclaré nul si l'objet du brevet européen s'étend au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée ; qu'en vertu des articles L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle et 138,1 b) de la Convention sur le brevet européen, le brevet européen peut être déclaré nul s'il n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ; qu'en l'espèce, la description et les figures du brevet EP 126 enseignent un bras de butée (19) articulé autour d'un axe de rotation (21) commandant le pivotement de ce bras de butée, lequel, lorsqu'il y a contact entre les rouleaux (27, 28) et le quai de chargement, se déplace vers l'avant par rotation de quelques degrés autour de l'axe en écrasant l'amortisseur (26) ; que le paragraphe 41 de la description de la demande de brevet comme du brevet délivré enseigne que « si le véhicule automobile continue de reculer, le déplacement vers l'arrière du châssis (1) provoque un pivotement des bras de butée (19, 20), respectivement autour des axes d'articulation (21 et 22), vers l'avant par rapport au corps de châssis (2), à l'intérieur des guides (24 et 47), les bras de butée (19, 20) se rapprochent respectivement des longerons 5, 4 jusqu'à ce que l'élément amortisseur (26) élastique de chacun desdits bras (19, 20) soit entièrement comprimé ; qu'une telle compression correspond sensiblement à un déplacement longitudinal des bras de butée (19, 20) de l'ordre de 40 mm (
) Le déplacement des bras de butée (19, 20) correspond en réalité à une rotation de quelques degrés pouvant être assimilée à un déplacement longitudinal » ; que, dans la demande de brevet telle que déposée, la caractéristique de la mobilité longitudinale du bras de butée figure dans la revendication 2 qui est rédigée comme suit : « Dispositif selon la revendication 1, caractérisé par le fait que l'élément de butée comprend un bras de butée (19) mobile sensiblement longitudinalement par rapport au corps de châssis (2) » ; qu'ainsi, comme l'a relevé le tribunal, la caractéristique de la mobilité longitudinale du bras de butée a été divulguée comme étant indissociable de la caractéristique d'un pivotement du bras de butée ; que la société Chéreau fait valoir que la caractéristique relative à la mobilité longitudinale du bras de butée permettant d'obtenir la compression de l'élément amortisseur n'a pas été divulguée exclusivement en association avec le montage rotatif du bras, mais que ce montage à rotation a été présenté à plusieurs reprises dans la description de la demande de brevet (aux paragraphes 10, 23, 46) comme étant seulement une caractéristique optionnelle, le paragraphe 45 de la demande faisant d'ailleurs seulement mention d'un déplacement longitudinal ; que cependant, alors que le paragraphe 41 cité supra décrit précisément une mobilité du bras de butée liée à un pivotement de ce bras, les paragraphes de la demande de brevet invoqués par la société Chéreau ne permettent pas de déduire l'extension de l'invention à un mouvement purement longitudinal du bras de butée ; qu'ainsi, le paragraphe 10 de la description qui indique que "De préférence, le bras de butée est monté à rotation sur le corps de châssis autour d'un axe d'« articulation sensiblement vertical » ne suggère pas la possibilité d'un mouvement purement longitudinal ; qu'il en est de même du paragraphe 23 (« La présente invention sera mieux comprise à la lecture de la description détaillée d'un mode de réalisation pris à titre d'exemple nullement limitatif et illustré par les dessins annexés, sur lesquels : la figure 1 est une vue en perspective d'un dispositif de châssis de véhicule automobile selon un aspect de - les figures 2 et 3 sont des vues de dessus partielles du dispositif de châssis de la figure 1 ; - la figure 4 est une vue éclatée partielle du dispositif de châssis de la figure 1 ») ; que le paragraphe 46, qui vise les avantages procurés par l'invention « parmi lesquels, une durée de vie augmentée des éléments amortisseurs, par exemple par la réalisation d'un corps de châssis comprenant des bras de butée montés à rotation sur le corps de châssis et le montage desdits éléments amortisseurs sur une face arrière des bras de butée », ne décrit pas davantage un mouvement purement longitudinal ; que le paragraphe 45, qui indique notamment que, « Dans le cas d'un recul suivant une direction sensiblement inclinée par rapport à une direction normale au quai de chargement, seul un des bras de butée (19), par exemple le bras (20) comme illustré sur les figures 2 et 3, se déplace longitudinalement par rapport au corps de châssis (2) »", vise la situation toute particulière où seul l'un des bras de butée encaisse le mouvement de recul et l'on ne peut en retirer qu'il étend l'enseignement de l'invention à un mouvement purement longitudinal du bras de butée ; que dans le brevet tel que délivré, après modification de la revendication 1 au cours de la procédure d'examen suivie devant l'OEB, la caractéristique de la mobilité longitudinale du bras de butée figure dans la revendication 1, citée ci-dessus, qui indique que « le bras de butée (19) est mobile longitudinalement par rapport au corps de châssis (2) » ; que ce n'est que dans la revendication 2 dépendante qu'il est indiqué que « le bras de butée (19) est monté à rotation sur le corps de châssis (2) autour d'un axe d'articulation (21) sensiblement vertical » ; qu'il en résulte, comme le soutient la société Frappa et comme l'ont retenu les premiers juges, que grâce à l'omission de l'adverbe « sensiblement », la revendication 1 du brevet protège désormais une forme de mobilité exclusivement longitudinale, alors que, selon l'enseignement de la demande telle que déposée, seul était protégé un déplacement sensiblement longitudinal correspondant à une rotation ou un pivotement de quelques degrés ; qu'en conséquence, la revendication 1 du brevet sera annulée pour extension de l'objet au-delà de la demande ; que les revendications dépendantes 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 10 couvrant également des dispositifs dans lesquels le déplacement du bras de butée est longitudinal, comme la revendication 1, encourent également l'annulation pour extension de l'objet au-delà de la demande ; qu'en conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du brevet EP 126 pour extension de l'objet au-delà de la demande en ses revendications 1, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 10 et débouté la société Chéreau de l'ensemble de ses demandes relatives à la contrefaçon de ce brevet ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE toutes les figures et schémas du brevet EP 126 révèlent la présence d'un axe de rotation (21) commandant le pivotement du bras de butée (19) lequel lorsqu'il y a contact entre les rouleaux (28) et le quai de chargement, se déplace vers l'avant par rotation de quelques degrés autour de l'axe en écrasant l'amortisseur (26) ; qu'il ressort du paragraphe 41 de la description du brevet que « les bras de butée (19, 20) se rapprochent respectivement des longerons 5, 4 jusqu'à ce que l'élément amortisseur (26) élastique de chacun des dits bras (19, 20) soit entièrement comprimé. Une telle compression correspond sensiblement à un déplacement longitudinal des bras de butée (19, 20) de l'ordre de 40 mm. Le déplacement des bras de butée (19, 20) correspondent en réalité à une rotation de quelques degrés pouvant être assimilé à un déplacement longitudinal » ; que la caractéristique de la mobilité longitudinale a été divulguée de façon indissociable avec la caractéristique du pivotement du bras de butée ; que le fait d'avoir omis l'adverbe « sensiblement » permet à la société Chéreau de prétendre que la revendication 1 porte sur tout déplacement longitudinal et ce non plus d'un déplacement en rotation des bras de butée ; que du déplacement sensiblement longitudinal correspondant à une rotation de quelques degrés visée dans la description, la revendication 1 par la suppression de l'adverbe « sensiblement » couvre la mobilité longitudinale des bras de butée ; que ce n'est que dans la revendication 2 dépendante qu'il est indiqué que le bras de butée est monté à rotation sur le corps de châssis (2) autour d'un axe d'articulation (21) sensiblement vertical ; qu'il ressort donc de la description et des figures que le déplacement du bras de butée ne peut être assimilé comme le prétend la société Chéreau à un déplacement sans axe de rotation ; qu'en conséquence, la revendication 1 du brevet EP 126 est annulée pour extension de l'objet au-delà de la demande ;

1°/ ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la revendication 1 telle que déposée portait sur un dispositif comportant un élément de butée monté sur le corps de châssis d'un véhicule automobile et un élément amortisseur apte à amortir les efforts d'un choc de l'élément de butée avec un élément extérieur, caractérisé par le fait que l'élément amortisseur était monté entre le corps de châssis et l'élément de butée ; que la revendication 2 telle que déposée portait sur un dispositif selon la revendication 1, dans lequel le bras de butée était mobile « sensiblement longitudinalement » par rapport au corps de châssis ; que la revendication 3 telle que déposée portait sur un dispositif selon la revendication 2, dans lequel la mobilité longitudinale du bras de butée était obtenue par son montage en rotation ; qu'il se déduisait des termes clairs et précis des revendications 2 et 3 telles que déposées que la première visait tout déplacement « sensiblement longitudinal » du bras de butée et que la seconde visait, dans un mode de réalisation particulier, une rotation du bras de butée autour d'un axe d'articulation assimilable à un déplacement longitudinal ; qu'en affirmant au contraire, pour annuler les revendications 1, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 10 du brevet EP 1 612 216 pour extension de l'objet du brevet au-delà de la demande telle que déposée, que le déplacement « sensiblement longitudinal » de la revendication 2 telle que déposée ne pouvait être assimilé à un déplacement sans axe de rotation et que la caractéristique de la mobilité longitudinale était indissociable de celle du pivotement du bras de butée, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des revendications 2 et 3 telles que déposées, en violation de l'obligation précitée ;

2°/ ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que, dans la demande de brevet telle que déposée, la description énonçait que le dispositif était pourvu d'un corps de châssis, d'un élément amortisseur apte à amortir les efforts lors d'un choc de élément de butée avec un élément extérieur et que l'élément amortisseur était monté entre le corps de châssis et l'élément de butée, l'élément amortisseur travaillant uniquement en compression (demande de brevet, p. 2, lignes 3 à 10) ; qu'il prévoyait encore que l'élément de butée pouvait comprendre un bras de butée mobile « sensiblement longitudinalement par rapport au corps de châssis » (demande de brevet, p. 2, lignes 23 et 24) ; qu'il prévoyait enfin que le bras de butée était, « de préférence », « monté à rotation sur le corps de châssis autour d'un axe d'articulation » (demande de brevet, p. 2, lignes 25 et 26) ; que le montage à rotation du bras de butée autour d'un axe d'articulation était décrit de manière détaillée et illustré par des dessins comme « un mode de réalisation pris à titre d'exemple nullement limitatif » (demande de brevet, p. 4, lignes 24 et s. et p. 5, lignes 1 et s.) ; qu'il résultait donc des termes clairs et précis de la description que le montage à rotation autour d'un axe d'articulation n'était qu'un mode de réalisation particulier, permettant la mobilité « sensiblement longitudinale » de l'élément de butée ; qu'en affirmant au contraire, pour annuler les revendications 1, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 10 du brevet EP 1 612 216 pour extension de l'objet du brevet au-delà de la demande telle que déposée, que le déplacement « sensiblement longitudinal » ne pouvait être assimilé à un déplacement sans axe de rotation et que la caractéristique de la mobilité longitudinale était indissociable de celle du pivotement du bras de butée, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la description de la demande de brevet telle que déposée, en violation de l'obligation précitée ;

3°/ ALORS QUE les revendications doivent se fonder sur la description ; que les dessins, qui font partie de la description, ne sont ni obligatoires, ni exhaustifs ; que tout élément qui est revendiqué et décrit est protégé, quand bien même il ne serait illustré par aucun dessin ; qu'en énonçant, pour annuler les revendications 1, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 10 du brevet EP 1 612 216 pour extension de l'objet du brevet au-delà de la demande telle que déposée, que tous les schémas et figures de la demande de brevet enseignaient la présence d'un axe de rotation commandant le pivotement du bras de butée autour d'un axe d'articulation, quand les dessins de la description de la demande de brevet telle que déposée n'illustraient que la revendication 3, caractérisé par un bras de butée monté à rotation autour d'un axe d'articulation, et non la revendication 2, laquelle visait plus largement à tout dispositif dans lequel l'élément de butée était mobile de manière sensiblement longitudinale, la cour d'appel a violé l'article 84 de la Convention du 5 octobre 1973 sur la délivrance de brevets européens, la règle 42 du règlement d'exécution de la convention et l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle ;

4°/ ALORS QUE la société Jean Chéreau faisait valoir, à titre subsidiaire, que même si le terme « sensiblement » limitait la mobilité longitudinale du bras à un déplacement en rotation, la suppression de la caractéristique correspondante n'étendait pas l'objet de la revendication 1 du brevet EP 1 612 216 au-delà du contenu de la demande elle que déposée, la suppression d'une caractéristique d'une revendication n'ayant un tel effet que si la caractéristique était présentée comme essentielle et indispensable à la réalisation de l'invention au regard du problème technique posé, ce qui n'était pas le cas de la caractéristique « sensiblement » (conclusions récapitulatives d'appel de la société Jean Chéreau, p. 18 à 20) ; qu'en annulant les revendications 1, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 10 du brevet EP 1 612 216 pour extension de l'objet du brevet au-delà de la demande telle que déposée, sans répondre à ce chef de conclusions pertinent, la cour d'appel a, en toute hypothèse, méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-16419
Date de la décision : 12/12/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 28 février 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 12 déc. 2018, pourvoi n°17-16419


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.16419
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