LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 18-86.210 F-D
N° 3571
11 DÉCEMBRE 2018
FAR
NON LIEU À RENVOI
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, le onze décembre deux mille dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller X... et les conclusions de M. l'avocat général Y... ;
Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité formulée par mémoire spécial reçu le 26 octobre 2018 et présentée par :
-
M. Philippe Z..., partie civile,
à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 18 septembre 2018, qui, dans la procédure suivie du chef de dénonciation calomnieuse, a ordonné la jonction de la procédure portant sur l'appel du jugement du tribunal correctionnel du 26 avril 2016 fixant la consignation mise à la charge de l'intéressé avec celle relative à l'appel du jugement de cette juridiction du 13 septembre 2016 ayant ordonné le renvoi de l'affaire, dit que par ce dernier jugement le tribunal s'est dessaisi de l'affaire, constaté que la partie civile n'a pas effectué dans le délai qui lui était imparti la consignation mise à sa charge par le jugement du 26 avril 2016 et déclaré non recevable la citation directe délivrée le 15 avril 2016 par la partie civile ;
Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité est ainsi
rédigée :
"Les articles 392-1, 497,3°, 507 et 508 du code de procédure pénale (CPP) portent-ils atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et notamment :
- au droit à la liberté en général comme droit naturel de l'homme consacré par les articles 4 et 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 Août 1789, ci-après « DDH ») ;
- au droit à la justice et aux droits de la défense garantis par l'article 16 DDH ;
- au droit à la liberté d'expression garanti par l'article 11 DDH ;
- à l'article 34 de la Constitution du 4 Octobre 1958 fixant, en partie, le domaine de la loi ;
- au principe d'égalité garanti par l'article 6 DDH et l'article 1er de la Constitution du 4 Octobre 1958 ;
- au principe de la légalité des délits et des peines consacré par les articles 7 et 8 DDH,
en ce que :
1°) l'article 392-1 CPP crée une suspicion illégitime d'abus de droit à l'encontre de la partie civile qui saisit directement le Tribunal correctionnel, comme la loi l'y autorise, à laquelle partie civile il impose, à peine d'irrecevabilité de la citation directe, le dépôt d'une consignation garantissant le paiement de l'amende civile susceptible d'être prononcée contre elle en cas d'abus de constitution de partie civile ;
2°) l'article 497,3° CPP conduit, sans motif légitime, à priver la victime d'une infraction pénale de l'action publique lorsque l'appel d'un jugement de relaxe est interjeté par la seule partie civile ;
3°) les articles 507 et 508 CPP font obstacle à la saisine effective du tribunal correctionnel sans que soit irrévocablement tranchée la question du principe et du montant de la consignation exigée par l'article 392-1 CPP ?" ;
Attendu que les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure ;
Attendu que l'article 497du code de procédure pénale, pris en son troisième alinéa, a été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n°2013-363 QPC, en date du 31 janvier 2014, du Conseil constitutionnel, sans qu'il y ait eu, depuis lors, un changement de circonstances au sens de l'article 23-2 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, la jurisprudence constante de la Cour de cassation, à compter du 5 février 2014, selon laquelle le dommage dont la partie civile, seule appelante d'un jugement de relaxe, peut obtenir réparation de la part de la personne relaxée, résulte de la faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, ne pouvant être analysé comme un tel changement ;
Attendu que les articles 392-1, 507 et 508 du code de procédure pénale n'ont pas déjà été déclarés conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;
Attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas
encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;
Et attendu que la question posée, en ce qu'elle porte sur les articles 392-1, 507 et 508 du code de procédure pénale ne présente pas un caractère sérieux ; qu'en ce qu'elle vise le premier de ces textes, la question critique l'obligation de verser une consignation fixée en fonction de ses ressources, faite, sauf dispense, à toute personne portant plainte et se constituant partie civile devant le tribunal correctionnel et la possibilité de prononcer des amendes civiles en cas de plaintes abusives ou dilatoires, alors que ces dispositions sont la contrepartie du droit accordé à la victime d'exercer l'action publique aux lieu et place du ministère public et tendent à limiter les abus de l'exercice de ce droit ; que les deux derniers de ces textes, en ce qu'ils imposent, en cas d'appel d'un jugement distinct du jugement sur le fond de déposer une requête, tendant à faire déclarer cet appel immédiatement recevable par le président de la chambre des appels correctionnels, lequel statue par ordonnance non motivée dans les huit jours de la réception du dossier, répondent à l'objectif de valeur constitutionnelle d'une bonne administration de la justice ;
D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ;
Par ces motifs :
DÉCLARE IRRECEVABLE la question prioritaire de constitutionnalité en ce qu'elle porte sur l'article 497du code de procédure pénale, pris en son troisième alinéa ;
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité en ce qu'elle porte
sur les articles 392-1, 507 et 508 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. X..., conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Darcheux ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.