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06/12/2018 | FRANCE | N°17-28842

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 06 décembre 2018, 17-28842


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 octobre 2017), qu'un immeuble de bureaux ayant été partiellement détruit par un incendie, deux ans après sa réception, la société Chubb Insurance Company of Europe (la société Chubb), assureur multirisques, après indemnisation de son assuré, a assigné en remboursement les tiers responsables du sinistre, la société Cegelec, chargée des travaux d'électricité, assurée auprès de la société Allianz, la société Bureau Véritas construction (la sociétÃ

© Bureau Véritas), contrôleur technique, assurée auprès de la société QBE Insurance...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 octobre 2017), qu'un immeuble de bureaux ayant été partiellement détruit par un incendie, deux ans après sa réception, la société Chubb Insurance Company of Europe (la société Chubb), assureur multirisques, après indemnisation de son assuré, a assigné en remboursement les tiers responsables du sinistre, la société Cegelec, chargée des travaux d'électricité, assurée auprès de la société Allianz, la société Bureau Véritas construction (la société Bureau Véritas), contrôleur technique, assurée auprès de la société QBE Insurance Europe Limited, ainsi que la société Cofely GDF Suez, devenue la société Engie énergie services (la société Engie), chargée d'assurer la maintenance de l'immeuble ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatre premières branches, ci-après annexé, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les demandes de la société Chubb contre les sociétés Cegelec et Bureau Véritas et leurs assureurs :

Attendu que la société Chubb fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en ses demandes fondées sur la subrogation légale formées contre les sociétés Cegelec et Bureau Véritas et leurs assureurs ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'incendie avait pour origine le maintien, dans les armoires électriques, de tiges filetées oubliées par le constructeur et retenu que ces désordres, affectant l'ouvrage, le rendaient impropre à sa destination, la cour d'appel en a déduit à bon droit, sans dénaturation, que la responsabilité décennale des sociétés Cegelec et Bureau Véritas était engagée et que la société Chubb, qui avait réglé une indemnité pour des dommages dont sa police excluait la prise en charge, n'était pas recevable à agir à leur encontre sur le fondement de la subrogation légale ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les demandes de la société Chubb contre la société Engie :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 121-12 du code des assurances ;

Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes de la société Chubb contre la société Engie, l'arrêt retient que l'assureur, ayant réglé une indemnité à son assuré, alors que sa police en excluait la prise en charge, n'est pas légalement subrogé dans les droits et actions de son assuré et ne peut pas agir sur le fondement de la subrogation légale contre les sociétés qu'il estime responsables du sinistre ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la responsabilité de la société Engie était recherchée sur un fondement contractuel en raison de l'inexécution du contrat de maintenance conclu après la réception des travaux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société Chubb Insurance Company of Europe irrecevable en ses demandes contre la société Engie et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Engie énergie services, l'arrêt rendu le 3 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Engie énergie services aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

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Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Chubb European Group Limited.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré la société Chubb Insurance Company of Europe irrecevable en ses demandes, faute de subrogation légale et de l'AVOIR condamnée à diverses indemnités au titre de l'article 700 au profit des défendeurs à l'action ;

AUX MOTIFS que les sociétés Cegelec et la SA Allianz IARD soutiennent une fin de non-recevoir tirée de l'absence de preuve d'une subrogation légale de la société Chubb Insurance faisant valoir qu'il n'est nullement démontré que le paiement allégué a été fait en exécution de la police produite, eu égard à l'exclusion de l'article 6-3 des conditions générales portant sur les dommages relevant des articles 1792 et suivants du code civil ; que l'appelante objecte qu'elle est légalement subrogée par les justificatifs qu'elle produit afférents au règlement d'une avance en novembre 2013 et du solde, en avril 2014, le tout ayant fait l'objet d'une quittance signée le 23 avril 2014 tirant des termes de cette quittance, la preuve d'un versement au titre de la garantie incendie prévue au contrat qu'elle produit ; que pour justifier du règlement à son assurée, la société Chubb Insurance produit deux ordres de virement en date des 25 novembres 2013 et 17 avril 2014 et une quittance subrogatoire du 23 avril 2013, dont l'appelante admet implicitement qu'elle ne peut conventionnellement la subroger dans les droits de son assuré, faute de concomitance entre le paiement et la régularisation de la quittance (page 6 § 1 et 2) ; que si la police « tous risques sauf » stipule au chapitre 1 A « dommages aux biens » que sont garantis tous les dommages matériels directs d'origine accidentelle causés aux biens assurés, l'article 6-3 du même chapitre exclut « les dommages ou désordres relevant des articles 1792 à 1792-6 du code civil » ; que dès lors, la société Chubb Insurance ne peut pas se contenter d'arguer d'un paiement au titre d'un événement accidentel, l'incendie du 16 février 2011 ; que force est de constater qu'elle affirme, citant le rapport du laboratoire du cabinet IC 2000 qu'elle produit que le « départ du feu est la conséquence d'un phénomène de grésillement survenu entre la tige d'acier filetée trouvée coincée à proximité du bornier de raccordement des câbles à l'entrée de l'armoire (en contact avec la masse) et l'une des phases » ajoutant que les tiges filetées n'avaient pas vocation à rester dans les armoires électriques et que les constats effectués ont révélés qu'elles avaient été oubliées par le constructeur ; que le maintien de ces tiges dans l'armoire électrique constitue l'impropriété de l'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, puisqu'il crée un risque pour la sécurité de l'immeuble et ses occupants, risque qui s'est d'ailleurs réalisé le 16 février 2011 ; que la cour ne peut suivre le raisonnement de la société Chubb Insurance qui dissocie les désordres qui entachent l'ouvrage (que les constructeurs seraient contraints de réparer en application de la garantie légale) des dommages par l'immeuble (qui relèveraient de la responsabilité de droit commun), l'intégralité des dommages résultant de l'impropriété à destination, cause de l'incendie, relevant de la garantie légale qu'ils affectent l'ouvrage ou ses avoisinants ; qu'ayant réglé une indemnité d'assurance alors que sa police en excluait la prise en charge, la société Chubb Insurance n'est pas légalement subrogée dans les droits et actions de son assurée ; qu'elle ne peut dès lors, poursuivre une action subrogatoire à l'encontre des sociétés qu'elle estime responsable du sinistre, la décision déférée devant être infirmée en ce qu'elle déboute la société Chubb Insurance de ses demandes, celles-ci devant être déclarées irrecevables ;

1°) ALORS QUE, dans ses conclusions, la compagnie Chubb Insurance expliquait simplement que, pour la subrogation légale de l'article L. 121-12 du code des assurances, il importait peu que le règlement de l'indemnité ait été fait concomitamment à la régularisation de la quittance subrogatoire (§. 1, p. 6), se contentant de la sorte de rappeler une condition de la subrogation légale sans pour autant écarter une éventuelle subrogation conventionnelle ; que, dès lors, en affirmant que la société Chubb Insurance admettait implicitement que la quittance subrogatoire du 23 avril 2014 ne pouvait conventionnellement la subroger dans les droits de son assuré, faute de concomitance entre le paiement et la régularisation de la quittance, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de conclusions de la compagnie Chubb Insurance, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le paiement de l'indemnité est concomitant à la subrogation, lorsque la quittance subrogative a été régularisée dans des délais administratifs normaux consécutifs au paiement par virement du solde de l'indemnité, l'assureur et l'assuré n'étant pas en présence l'un de l'autre lors de ce paiement ; que dès lors en écartant toute subrogation conventionnelle de la société Chubb Insurance dans les droits de son assurée, la société EPL, faute de concomitance entre le paiement et la régularisation de la quittance, tout en relevant que le solde de l'indemnité avait été versé par virement le 17 avril 2014 et la quittance régularisée le 23 avril 2014, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article 1250, 1°) du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°) ALORS QUE la responsabilité décennale des constructeurs suppose un dommage qui compromette la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rende impropre à sa destination ; que la responsabilité du constructeur à raison d'une non-conformité à l'origine d'un dommage causé par l'ouvrage ne peut être recherchée que sur le fondement de la responsabilité de droit commun ; que dès lors, en écartant la subrogation légale de la société Chubb Insurance dans les droits de son assurée, la société EPL, en estimant que le dommage relevait des articles 1792 à 1792-6 du code civil et n'était pas garantie par la compagnie d'assurance, après avoir pourtant constaté que le départ du feu résultait de tiges filetées non endommagées en elles-mêmes mais oubliées par la société CEGELEC, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations violant de la sorte les articles 1147 et 1792 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 121-12 du code des assurances ;

4°) ALORS QUE la responsabilité décennale des constructeurs n'est engagée que pour les dommages ayant leur siège dans l'immeuble lui-même ou dans un des éléments d'équipements de celui-ci ; que les dommages qui ne sont pas provoqués par un vice de l'immeuble lui-même ou de l'un de ses éléments d'équipements, ne relèvent que de la responsabilité contractuelle de droit commun ; qu'en l'espèce l'immeuble et ses éléments d'équipements étaient parfaitement sains ; que le dommage, en l'occurrence la destruction de l'immeuble par un incendie, n'a été provoqué que par un instrument extérieur à l'immeuble et oublié dans une armoire électrique ; qu'en affirmant que le dommage ainsi provoqué relevait de la responsabilité décennale, la cour d'appel de violé les articles 1147 et 1792 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 121-12 du code des assurances ;

5°) ALORS QUE la police multirisques souscrite par la société EPL auprès de la compagnie Chubb Insurance garantissait tous les dommages matériels directs d'origine accidentelle causés aux biens assurés à l'exclusion des « dommages ou désordres relevant des articles 1792 à 1792-6 du code civil » ; que la responsabilité de la société Engie Energie Services, exerçant sous le nom commercial Engie Cofely anciennement Cofely, était recherchée sur le fondement d'une inexécution de son contrat de maintenance conclu le 12 octobre 2009, soit postérieurement à la réception des travaux, et donc en raison d'un dommage relevant à son égard de l'article 1147 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; que, dès lors, en décidant que la compagnie Chubb Insurance était irrecevable en sa demande contre la société Engie Energie Services faute de subrogation légale, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 121-12 du code des assurances ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-28842
Date de la décision : 06/12/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 06 déc. 2018, pourvoi n°17-28842


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.28842
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