LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 6 novembre 2015), que M. et Mme A... ont commandé à la société Comptoir pour les énergies renouvelables et l'amélioration de l'habitat (CRERAH) la fourniture et l'installation d'un système de chauffage central avec une pompe à chaleur dans leur maison en construction ; que, se plaignant d'un défaut de chauffage, ils ont, après expertise, assigné en indemnisation le mandataire à la liquidation judiciaire de la société CRERAH, ainsi que la société Comptoir régional de développement technique (CRDT), recherchée comme étant l'installateur du chauffage, et M. Y..., gérant des deux sociétés ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. et Mme A... font grief à l'arrêt de rejeter toutes leurs demandes à l'encontre de M. Y... ;
Mais attendu que tout écrit peut être utilisé comme moyen de preuve pour établir l'existence d'un contrat d'assurance ; qu'ayant relevé que M. Y... produisait un avenant à effet du 2 novembre 2014 relatif au contrat d'assurance couvrant la garantie décennale de la société CRERAH, auteur du bon de commande signé le 29 décembre 2004 par M. et Mme A... , la cour d'appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante et abstraction faite de motifs surabondants, que les demandes formées contre M. Y... devaient être rejetées et a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de M. et Mme A... contre la société CRDT, l'arrêt retient que cette société, présentée comme l'installateur de la pompe à chaleur, n'apparaît dans aucun document contractuel conclu avec M. et Mme A... ou avec la société CRERAH et qu'elle ne peut voir sa responsabilité engagée sur le fondement de la garantie légale des constructeurs, d'autant qu'elle n'a été appelée ni à l'expertise amiable, ni à l'expertise judiciaire dont les conclusions lui sont inopposables ;
Qu'en statuant ainsi, sans inviter préalablement les parties à s'expliquer sur ce moyen relevé d'office, alors que, dans ses conclusions, la société CRDT ne contestait pas avoir procédé à l'installation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette toutes les demandes de M. et Mme A... à l'encontre de la société CRDT, l'arrêt rendu le 6 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée ;
Condamne la société CRDT aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société CRDT à payer la somme de 3 000 euros à M. et Mme A... et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. et Mme A...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les époux A... de toutes leurs demandes à l'encontre de la société CRDT ;
AUX MOTIFS QUE « s'agissant de la SARL CRDT présentée comme l'installateur de la PAC, elle n'apparaît dans aucun document contractuel conclu avec les époux A... ou avec la société CRERAH et elle peut d'autant moins voir sa responsabilité engagée sur le fondement de la garantie légale des constructeurs qu'elle n'a été appelée ni à l'expertise amiable, ni à l'expertise judiciaire dont les conclusions ne lui sont dès lors pas opposables ; que pour ce qui concerne enfin Monsieur Y..., sa responsabilité personnelle est recherchée, en sa qualité de gérant de la SARL CRERAH PAYS DE LOIRE, pour n'avoir pas souscrit une assurance de garantie décennale ; que M. Y... produit toutefois (sa pièce 2) un avenant à effet du 2 novembre 2014 relatif au contrat d'assurance couvrant la garantie décennale de la société CRERAH domiciliée [...] auteur du bon de commande signé le 29 décembre 2004 par les époux A... ; qu'en tout état de cause, il doit être rappelé que la responsabilité personnelle d'un dirigeant de personne morale ne peut être engagée que s'il a commis une faute détachable de ses fonctions ; qu'en l'espèce, même si l'on considérait, comme le soutiennent les époux A... que le document produit par M. Y... ne fait pas foi de la couverture de la société au titre de la garantie décennale, faute de signature du souscripteur, il n'en reste pas moins que cette carence ne peut être considérée comme détachable de ses fonctions de gérant, les époux A... ne prétendant d'ailleurs pas qu'elle serait dictée par des mobiles personnels ; que les demandes formées contre M. Y... doivent ainsi être rejetées» ;
ALORS QUE, D'UNE PART, le juge ne peut méconnaître les termes du litige tel qu'ils sont déterminés par les prétentions et les moyens des parties, et ne peut notamment débouter une partie de ses demandes indemnitaires formées à l'encontre d'une société en retenant l'absence de tout lien contractuel des demandeurs avec celle-ci, quand cette société ne contestait aucunement dans ses écritures l'existence de tels liens contractuels ni ne réfutait avoir procédé à l'installation du matériel litigieux ; qu'en l'espèce, la société CRDT se bornait dans ses écritures d'appel à solliciter le rejet des prétentions des époux A... en faisant exclusivement valoir que la garantie décennale n'aurait pas été applicable et que les autres fondements permettant d'engager sa responsabilité seraient prescrits ; qu'en énonçant dès lors, pour débouter les époux A... de leurs demandes et écarter la responsabilité de la société CRDT que celle-ci « n'apparaît dans aucun document contractuel conclu avec les époux A... ou avec la société CRERAH », la Cour méconnait les termes du litige en violation du principe dispositif et des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
ET ALORS QUE, D'AUTRE PART, et en tout état de cause, la Cour ne pouvait ainsi méconnaître d'office les termes du litige dont elle était saisie, sans avoir, à tout le moins, préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur l'absence de liens contractuels entre la société CRDT et les époux A..., sur laquelle ces derniers n'avaient pas été mis en mesure de se défendre, d'où il suit qu'en statuant comme elle le fait, la Cour méconnaît son office au regard de l'article 16 du Code de procédure civile, ensemble viole l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les époux A... de toutes leurs demandes à l'encontre de Monsieur Y... ;
AUX MOTIFS QUE « s'agissant de la SARL CRDT présentée comme l'installateur de la PAC, elle n'apparaît dans aucun document contractuel conclu avec les époux A... ou avec la société CRERAH et elle peut d'autant moins voir sa responsabilité engagée sur le fondement de la garantie légale des constructeurs qu'elle n'a été appelée ni à l'expertise amiable, ni à l'expertise judiciaire dont les conclusions ne lui sont dès lors pas opposables ; que pour ce qui concerne enfin Monsieur Y..., sa responsabilité personnelle est recherchée, en sa qualité de gérant de la SARL CRERAH PAYS DE LOIRE, pour n'avoir pas souscrit une assurance de garantie décennale ; que M. Y... produit toutefois (sa pièce 2) un avenant à effet du 2 novembre 2014 relatif au contrat d'assurance couvrant la garantie décennale de la société CRERAH domiciliée [...] auteur du bon de commande signé le 29 décembre 2004 par les époux A... ; qu'en tout état de cause, il doit être rappelé que la responsabilité personnelle d'un dirigeant de personne morale ne peut être engagée que s'il a commis une faute détachable de ses fonctions ; qu'en l'espèce, même si l'on considérait, comme le soutiennent les époux A... que le document produit par M. Y... ne fait pas foi de la couverture de la société au titre de la garantie décennale, faute de signature du souscripteur, il n'en reste pas moins que cette carence ne peut être considérée comme détachable de ses fonctions de gérant, les époux A... ne prétendant d'ailleurs pas qu'elle serait dictée par des mobiles personnels ; que les demandes formées contre M. Y... doivent ainsi être rejetées» ;
ALORS QUE D'UNE PART le gérant d'une société à responsabilité limitée qui commet une faute constitutive d'une infraction pénale intentionnelle, séparable comme telle de ses fonctions sociales, engage sa responsabilité civile à l'égard des tiers à qui cette faute a porté préjudice ; qu'une telle faute détachable de ses fonctions sociales est ainsi caractérisée de la part du gérant d'une société qui accepte d'ouvrir un chantier sans que celle-ci soit couverte par une assurance garantissant la responsabilité décennale des constructeurs, faute constituant une infraction pénale intentionnelle ; qu'en décidant que Monsieur Y..., gérant de la SARL CRERAH, n'avait pas commis de faute intentionnelle séparable de ses fonctions en ne souscrivant pas l'assurance décennale obligatoire au profit de sa société, la Cour d'appel, ne tire pas les conséquences légales de ses constatations, et partant viole les articles L.223-22 du code de commerce ensemble les articles L.241-1 et L.241-3 du code des assurances ;
ET ALORS QUE D'AUTRE PART toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du Code civil, doit justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité ; qu'à supposer en l'espèce que la Cour d'appel ait entendu conférer valeur probante à la pièce n°2 produite par les sociétés CRERAH, CRDT et Monsieur Y... à l'appui de leurs écritures, correspondant à un avenant à effet du 2 novembre 2004 relatif à un prétendu contrat d'assurance couvrant la garantie décennale de la société CRERAH, elle ne pouvait retenir que ce document établissait la réalité de l'assurance qui aurait été souscrite au profit de cette société sans rechercher, comme elle y était expressément invitée par les écritures des époux A... (conclusions p.7 in fine) si l'absence de signature de ce document par le souscripteur ne privait pas celui-ci de toute valeur probante et de toute portée juridique ; la Cour d'appel prive sa décision de base légale au regard de l'article L.241-1 du Code des assurances.