LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 17 octobre 2017), qu'un jugement a prononcé le divorce de M. B... et de Mme X... ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé :
Attendu que ce grief n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur les deuxième et troisième branches du moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. B... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une prestation compensatoire d'un montant de 400 000 euros ;
Attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation des articles 270 et 271 du code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, les appréciations souveraines de la cour d'appel qui, au regard de la durée de la vie commune, du patrimoine estimé et prévisible des époux, de leur état de santé et de leurs droits à retraite, a fixé, comme elle l'a fait, le montant de la prestation compensatoire ; qu'il ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. B... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Alain Bénabent , avocat aux Conseils, pour M. B....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. B... à payer à Mme X... la somme de 400.000 euros à titre de prestation compensatoire ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la prestation compensatoire :
Qu'aux termes de l'article 270 du code civil, si le divorce met fin au devoir de secours entre époux, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives, que cette prestation a un caractère forfaitaire, qu'elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge ;
Qu'aux termes de l'article 271 du code civil, "la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ;
Qu'à cet effet, le juge prend en considération notamment :
- la durée du mariage,
- l'âge et l'état de santé des époux,
- leur qualification et leur situation professionnelles,
- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne,
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux tant en capital qu'en revenu après la liquidation du régime matrimonial,
- leurs droits existants et prévisibles,
- leur situation respective en matière de pension de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à la retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au 6ème alinéa" ;
Que la prestation compensatoire n'a pas vocation à compenser les disparités de fortunes ou à corriger les conséquences du choix par les époux de leur régime matrimonial ;
Que pour apprécier le droit à prestation compensatoire et pour en fixer le montant, la cour doit se placer à la date à laquelle la décision prononçant le divorce est passée en force de chose jugée, soit dans l'hypothèse d'un appel général, au jour où elle statue :
Qu'au soutien de sa demande de prestation compensatoire, Mme X... fait valoir qu'elle s'est consacrée au développement de l'étude notariale de son époux sans être déclarée pendant deux ans, contribuant au-delà de la simple exécution de son contrat de travail, et qu'en sus elle se consacrait à son foyer et à son fils, permettant à son époux de se consacrer au développement de son étude en toute confiance, qu'à ce jour la différence de situation entre les époux est criante, que devant entretenir sa part sur l'immeuble en indivision (ravalement de façade à prévoir) cela absorbera ses revenus locatifs ;
Que M. B... expose pour sa part notamment que son épouse a travaillé dans son étude en qualité de clerc pendant 18 ans et qu'elle n'a pas contribué à l'expansion de son activité professionnelle, sa rémunération correspondant à sa qualification et à sa fonction, que la séparation date de plus de 25 ans et que la somme demandée par elle est disproportionnée ;
Que seul le quantum et non le principe de la prestation compensatoire est discuté par les parties devant la cour ;
Que les époux sont mariés depuis le 28 décembre 1970, soit depuis 41 ans à la date de l'ordonnance sur tentative de conciliation ;
Qu'ils sont en désaccord sur la durée de leur vie commune postérieure au mariage, l'épouse alléguant plusieurs réconciliations jusqu'en 2008 et l'époux une séparation depuis 1991, date à laquelle son épouse a quitté le domicile conjugal pour s'installer dans leur maison de campagne à [...] ;
Que la cour relève que dans son assignation en divorce, il est déclaré par Mme X... au paragraphe "sur le prononcé du divorce" que les époux vivent séparés depuis 1992/1993 "comme cela a été relevé dans l'ordonnance de non conciliation", que cependant, elle fait également état dans cet acte, au paragraphe "sur la prestation compensatoire", d'une durée de mariage de 43 ans ;
Qu'il résulte du dossier que si Mme X... a définitivement quitté le domicile conjugal à cette période, plusieurs attestations précises dans leurs termes font état de réconciliations de 96 à 99, puis de 2004 à 2008, l'époux séjournant à [...] avec son épouse ou [...], qu'au cours de cette dernière période, il est justifié que l'épouse assurait la gestion de l'immeuble [...] poursuivant la collaboration avec son époux, alors qu'elle lui avait cédé ses parts sur ce bien depuis plusieurs années (le 14 mars 2000) ;
Que ces pièces ne sont pas valablement contredites par celles versées par l'époux ;
Que la cour retiendra par conséquence une durée de vie commune de 38 ans ;
Que mariés sous le régime de la séparation de biens, les époux sont propriétaires en indivision d'un bien immobilier, sis [...] , étant précisé qu'il s'agit d'un immeuble de 5 étages composé de plusieurs appartements loués et dont l'un d'eux est occupé par l'épouse ;
Que l'épouse évalue ce bien à 2.500.000 euros, et l'époux à 1.083.402 euros, valeur qui a été retenue par l'administration fiscale dans le cadre d'un contrôle lié à l'ISF et que la cour retiendra donc ;
Que l'épouse a cédé à son époux ses parts indivises sur un autre immeuble rue Mercière en 2000 au prix de 1.200.000 F (225.000 euros) ;
Que M. B... est propriétaire en propre de plusieurs biens d'une valeur totale approximative nette de passif de l'ordre de 4.500.000 euros ;
Que Mme X... est âgée de 71 ans, qu'elle est très présente auprès de leur fils handicapé ce qui lui occasionne un état d'épuisement, constaté par son médecin ;
Qu'il n'est pas contesté qu'elle n'a pas de patrimoine propre ;
Qu'elle était clerc de notaire 2ème puis 1ère catégorie et a travaillé dans l'étude de son mari à partir de 1969 n'étant déclarée que depuis 1971 (pièce 26 de l'épouse), qu'elle a été à temps complet jusqu'en avril 1987, prenant en charge des dossiers importants (pièce 10, 26 et 48) pour le cabinet puis a exercé à mi-temps, qu'après la cession de son étude par son époux, elle a continué de travailler pour son successeur, "pour continuer à s'occuper et à mener à son terme les dossiers dont elle était la spécialiste" (attestation de Me A...) "succession ou partage importants" ce qui démontre bien la place importante qui était la sienne dans l'étude de son époux en dépit des dénégations de celui-ci ;
Que son salaire le plus élevé a été de 2.448 euros par mois selon la pièce 42 ;
Qu'il résulte de ces pièces que Mme X... s'est consacrée au développement de l'activité de son époux et à sa vie familiale au détriment de sa propre carrière ;
Qu'elle a perçu :
- en 2015 : 16.661 euros de pension retraite et 33.978 de revenus fonciers, soit un revenu mensuel moyen de 4.219 euros, qu'elle s'acquitte d'un impôt sur les revenus de 14.130 euros, soit de 1.177 euros par mois ;
- en 2016 : 16.667 euros de pension retraite et 37.237 euros de revenus fonciers, soit un revenu mensuel moyen de 4.493 euros, qu'elle s'acquitte d'un impôt sur les revenus de 11.741 euros, soit de 978 euros par mois ;
Que jusqu'en 2019, elle s'acquittera d'un crédit dont les mensualités sont de 300 euros, qu'elle disposait également en 2015 d'un crédit en réserve mais ne démontre pas qu'il est toujours en cours à ce jour ;
Qu'elle ne fait pas état au titre de ses charges du loyer prévu dans le contrat de bail signé avec son époux à hauteur de 2.000 F par mois à compter du 31 décembre 2002, ce dernier indiquant dans ses conclusions qu'il ne serait pas payé ;
Que M. B..., âgé de 89 ans, notaire ayant cessé son activité pour prendre sa retraite depuis 1989, a perçu :
- en 2015 : 60.090 euros de retraite, 116.440 euros de revenus fonciers et 2.014 euros de revenus de capitaux mobiliers soit un revenu mensuel moyen de 14.878 euros par mois, que son impôt sur le revenu s'élève à 37.764 euro et son ISF à 31.358 euros, soit une imposition mensuelle moyenne de 5.760 euros ;
- en 2016 : 60.261 euros de retraite, 56.223 euros de revenus fonciers et 2.442 euros de revenus de capitaux mobiliers soit un revenu mensuel moyen de 9.910 euros par mois, qu'il s'acquitte d'un impôt sur le revenu de 25.461 euros soit 2.121 euros par mois, le montant de l'ISF n'étant pas communiqué ;
Qu'il met à la disposition de son fils un appartement à [...] , dont il règle les charges,
Que jusqu'en 2020, il s'acquitte d'un crédit concernant un bien propre qui est pris en compte dans le cadre de son imposition, ainsi que d'un crédit concernant le bien indivis qui s'élève pour ce dernier à 1.559 euros par mois, ce qui conduira les parties à devoir faire des comptes lors des opérations de liquidation ;
Qu'il y a lieu au vu de ces éléments de fixer à 400.000 euros le montant de la prestation compensatoire due par M. B... à son épouse pour compenser la disparité résultant de leur divorce » ;
1°/ ALORS QUE la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que sont prises en compte, notamment, les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ; qu'en l'espèce, pour décider que « Mme X... s'est consacrée au développement de l'activité de son époux et à sa vie familiale au détriment de sa propre carrière » (v. arrêt p. 8§5), la Cour d'appel s'est bornée à relever que Mme X... avait travaillé dans l'étude de son mari à partir de 1969, à temps plein jusqu'en 1987, puis à mi-temps à compter de cette date, tout en constatant, qu'après la cession de l'étude par l'exposant intervenue en 1989, Mme X... avait « continué de travailler pour son successeur » (v. arrêt p. 8§3) ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser en quoi Mme X... s'était « consacrée au développement de l'activité de son époux et à sa vie familiale au détriment de sa propre carrière », la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil ;
2°/ ALORS QUE pour fixer le montant de la prestation compensatoire le juge doit notamment prendre en considération la durée du mariage entendue comme la durée effective de communauté de vie entre époux ; que la communauté de vie entre époux cesse lorsque les époux sont séparés de fait pendant le mariage, c'est-à-dire lorsqu'ils mettent un terme à leur collaboration et à leur cohabitation ; qu'en l'espèce, relevant que la vie commune des époux avait duré jusqu'en 2008, cependant qu'elle avait constaté que Mme X... indiquait dans son assignation être séparée de l'exposant depuis 1992/1993 et que celle-ci « avait définitivement quitté le domicile conjugal à cette période » (v. arrêt p. 7§6-7), la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 270, ensemble l'article 271 du code civil ;
3°/ ALORS QU'EN TOUT ETAT DE CAUSE lorsqu'il est avéré que les époux ont vécu plusieurs périodes de séparation pendant leur mariage, le juge chargé de déterminer la durée de la vie commune aux fins de fixer la prestation compensatoire, doit prendre en compte ces périodes de séparation afin de les déduire de la durée totale du mariage ; qu'en l'espèce, pour décider que les époux ont eu de 1970 à 2008, une « durée de vie commune de 38 ans » (v. arrêt p. 7§9), la Cour d'appel a retenu que plusieurs attestations faisaient état « de réconciliations de 96 à 99, puis de 2004 à 2008 » (v. arrêt p. 7§7) ; qu'en statuant ainsi, sans retrancher de la durée de la vie commune les périodes non contestées de séparations intervenues entre les époux, la Cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil.