LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé le 1er janvier 2009 en qualité d'agent des services hospitaliers de nuit par la société Les Parrans, gérant une maison de retraite à Contes ; qu'à la suite de la fermeture de cette résidence, une partie de la capacité d'accueil a été transférée à l'établissement Les citronniers, situé à Roquebrune-Cap-Martin et appartenant à la société Orpea ; que le 30 août 2013, la société Orpea a notifié au salarié le transfert automatique de son contrat de travail au sein de l'établissement Les citronniers, par application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ; que l'intéressé a refusé de travailler dans cet établissement ; qu'il a saisi le 9 janvier 2014 la juridiction prud'homale de demandes tendant à voir juger que la société Les Parrans était toujours son employeur, au prononcé de la résolution judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et à la condamnation au paiement de la société Les Parrans notamment de rappel de salaires, indemnités de rupture et indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'il a été licencié pour faute grave le 25 février 2014 par la société Orpea, motif pris de son absence injustifiée ;
Sur la recevabilité, examinée d'office, du pourvoi formé par la société Les Parrans, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu que la société Les Parrans est sans intérêt à la cassation de la décision qui l'a mise hors de cause ; que son pourvoi n'est pas recevable ;
Sur la recevabilité, examinée d'office, du moyen unique en ce qu'il fait grief à l'arrêt de constater le transfert du contrat de travail de M. Y... à la société Orpea à compter du 1er septembre 2013, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu que la société Orpea est sans intérêt à la cassation de la décision qui, conformément à sa demande, a constaté que le contrat de travail du salarié lui avait été transféré par application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ; que le moyen, en ce qu'il critique ce chef de dispositif, n'est pas recevable ;
Mais sur le moyen, pris en ses autres griefs :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que l'objet du litige est fixé par les prétentions respectives des parties ;
Attendu que l'arrêt prononce la mise hors de cause de la société Les Parrans, la résiliation du contrat de travail aux torts de la société Orpea et condamne celle-ci au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement, de rappels de salaires pour la période du 1er juillet 2013 au 27 février 2014 et congés payés afférents ;
Qu'en statuant ainsi, alors que dans ses conclusions écrites, reprises oralement à l'audience, le salarié n'avait formulé aucune demande contre la société Orpea, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi de la société Les Parrans ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la mise hors de cause de la société Les Parrans, la résiliation du contrat de travail de M. Y... aux torts de la société Orpea, condamne celle-ci au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement, de rappels de salaires pour la période du 1er juillet 2013 au 27 février 2014 et congés payés afférents, l'arrêt rendu le 14 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la société Orpea et la société Les Parrans.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté le transfert du contrat de travail de M. Georges Y... à la société Orpéa à compter du 1er septembre 2013 et prononcé, en conséquence, la mise hors de cause de la société Les Parrans, prononcé la résiliation du contrat de M. Georges Y... aux torts de la société Orpéa, et condamné en deniers ou quittance la société Orpéa à payer à M. Georges Y... les sommes de 10 856,04 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3 618,68 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 361,86 euros au titre des congés payés afférents, 3 075,88 euros à titre d'indemnité de licenciement, 14 349,93 euros au titre des salaires dus pour la période du 1er juillet 2013 au 27 février 2014, et 1 434,99 euros au titre des congés payés afférents,
AUX MOTIFS QUE
Attendu que M, Georges Y... a saisi avant son licenciement notifié le 27 février 2014, par requête reçue au greffe le 8 janvier 2014, le conseil de prud'hommes de Nice aux fins, notamment, de résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur ; que cette demande, compte tenu de son antériorité, doit être examinée en priorité,
Attendu que M. Georges Y..., embauché le 1er janvier 2009 par la Snc Des Parrans en vue d'exercer les fonctions d'agent hospitalier de nuit au sein d'une maison de retraite située à Contes, soutient à titre principal, à l'appui de sa demande de résiliation de son contrat de travail, qu'il lui a été imposé de venir travailler à compter du 30 août 2013 au sein de l'établissement « Les Citronniers » situé à Roquebrune-Cap Martin et appartenant à la société Orpéa dont il conteste la qualité d'employeur, les appelantes objectant que le contrat de travail de M. Georges Y... a été régulièrement transféré à l'établissement « Les Citronniers », en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, à la suite de l'autorisation d'exploiter 28 lits de l'établissement « Les Parrans » obtenue par arrêté de l'agence régionale de santé du 26 août 2013,
Attendu qu'il doit être retenu que la fermeture définitive de l'établissement « Les Parrans » au mois de juillet 2013 où M. Georges Y... était initialement affecté et le transfert, sur autorisation administrative, d'une partie de sa capacité d'accueil à l'établissement Les Citronniers appartenant à la société Orpéa, constitue, compte tenu de la transformation d'activité intervenue et quand bien même la Snc Des Parrans n'est-elle pas dissoute à ce jour, une modification de sa situation juridique au sens de l'article L. 1224-1 du code du travail ayant conduit au transfert du contrat de travail à la société Orpéa qui revendique la qualité d'employeur de M. Georges Y... à compter du 31 août 2013 ; que la décision déférée ayant retenu que la SNC Des Parrans demeurait l'employeur de M. Georges Y... sera sur ce point infirmée,
Attendu cependant que le transfert d'un contrat de travail par application de l'article L. 1224-1 du code du travail suppose son maintien dans tous ses éléments ; qu'en demandant, par lettre du 30 août 2013 (pièce 5), à M. Georges Y... de venir travailler au sein de l'établissement « Les Citronniers » situé à Roquebrune Cap-Martin alors que son contrat de travail du 1er janvier 2009 fixait, en son article 1, le lieu du travail à Contes et ne prévoyait aucune possibilité de mutation dans un autre établissement - l'Ehpad « Les Citronniers » est distant de celui de Contes d'une trentaine de kilomètres et est plus éloigné du domicile du salarié situé à Drap - il doit être considéré que la société Orpéa a entendu apporter, peu important les raisons, une modification à un élément essentiel du contrat de travail transféré que M. Georges Y... était en droit de refuser, à charge pour l'employeur, en cas de refus, d'engager si nécessaire une procédure de licenciement économique,
Attendu que l'attitude de la société Orpéa qui n'a pas reconnu à M. Georges Y... la possibilité de refuser sa mutation à Roquebrune-Cap-Martin, n'a pas maintenu intégralement son salaire postérieurement au 1er septembre 2013 (les heures de nuit et du dimanche n'ont pas été payées ainsi qu'elle le reconnaît dans ses conclusions en cause d'appel, page 20) et l'a licencié disciplinairement pour absence injustifiée, caractérise un manquement à ses obligations contractuelles dont la gravité justifie que la résiliation du contrat de travail soit prononcée à ses torts, laquelle produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Attendu que compte tenu de l'ancienneté de M. Georges Y..., supérieure à 2 ans au service d'une entreprise qui ne soutient pas employer moins de 11 salariés, du salaire mensuel moyen brut qu'il a perdu (1 809, 34 euros), il y a lieu de faire droit à sa demande en paiement de 10 856,04 euros à titre d'indemnité de licenciement abusif en application de l'article L. 1235-3 du code du travail ; qu'il lui sera également accordé une indemnité de préavis de 3 618,68 euros (1 809,34 euros x 2 mois), outre 1'indemnité de congés payés afférente et une indemnité de licenciement dc 3 075,88 euros (1 809,34 euros/5 x8 et 6 mois),
Attendu que le contrat de travail étant tenu pour résilié à compter du 27 février 2014, date de notification de la lettre de licenciement, il doit être considéré que l'employeur reste devoir l'intégralité des salaires du 1er juillet 2013 au 27 février 2014, que la créance de salaire pour cette période sera fixée à 14 349,93 euros (7 mois x 1 809,34 euros + 1 809,34 euros x 27/29 jours), outre l'indemnité de congés payés afférente,
Attendu que la demande en paiement d'un solde d'indemnité de congés payés pour la période postérieure au 28 février 2014 (page 9 des conclusions du salarié) sera rejetée dès lors que le contrat de travail est considéré comme résilié à compter du 27 février 2014,
Attendu que compte tenu des règlements effectués par l'employeur en cours de procédure dont le détail comme l'imputabilité ne peuvent être vérifiés avec une quelconque précision à l'examen des pièces produites, les condamnations fixées par cette décision seront prononcées en deniers ou quittance,
Attendu qu'il sera enjoint à la société Orpea de délivrer au salarié, sans qu'il y ait lieu à astreinte, des bulletins de salaires et documents de fin de contrat rectifiés compte tenu de cette décision,
1° ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties telles qu'elles résultent de leurs écritures et que le juge ne peut le modifier ; qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel, M. Y... sollicitait que la cour d'appel écarte l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, qu'elle dise que M. Y... était toujours salarié de la société Les Parrans et qu'elle prononce la résolution judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, à savoir la société Les Parrans (cf. prod n° 12, p. 8) ; qu'en jugeant que la société Orpéa était l'employeur de M. Y... et qu'il convenait de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Orpéa et de la condamner au paiement d'indemnités de rupture outre des rappels de salaires, cependant que M. Y... ne faisait pas état d'un tel moyen dans ses écritures d'appel, la cour d'appel qui a modifié les termes du litige a violé l'article 4 du code de procédure civile,
2° ALORS QUE le lieu du travail ne constitue pas un élément essentiel du contrat ; que la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d'information, à moins qu'il soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu ; qu'à défaut de clause contractuelle claire et précise, le changement de lieu de travail intervenu dans le même secteur géographique constitue un simple changement des conditions de travail et non une modification du contrat de travail ; qu'en décidant que l'employeur avait modifié unilatéralement le contrat de travail de M. Y... aux motifs que son contrat de travail du 1er janvier 2009 fixait, en son article 1er, le lieu du travail à Contes sans prévoir aucune possibilité de mutation dans un autre établissement, quand le contrat de travail ne stipulait pas par une clause claire et précise que le salarié exécuterait exclusivement son travail dans ce lieu, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,
3° ALORS QUE la mutation d'un salarié non soumis à une obligation conventionnelle ou contractuelle de mobilité, ou dont le contrat ne prévoit pas de manière claire et précise que l'intéressé exécutera son travail exclusivement dans ce lieu, n'emporte modification du contrat de travail que si le nouveau lieu de travail se situe dans un secteur géographique différent à défaut de clause contractuelle claire et précise ; qu'en énonçant que l'employeur avait modifié unilatéralement le contrat de travail de M. Y... en lui demandant de venir travailler au sein de l'établissement « Les Citronniers » situé à Roquebrune Cap-Martin aux motifs que son contrat de travail du 1er janvier 2009 fixait, en son article 1er, le lieu du travail à Contes et ne prévoyait aucune possibilité de mutation dans un autre établissement, et que l'Ehpad « Les Citronniers » était distant de celui de Contes d'une trentaine de kilomètres et était plus éloigné du domicile du salarié situé à Drap, sans même rechercher, si la nouvelle affectation était située dans le même secteur géographique, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,
4° ALORS QUE seul un manquement de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail peut justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ; qu'en énonçant, pour dire l'action en résiliation judiciaire du contrat de travail de M. Y... fondée, que la société Orpéa n'avait pas maintenu intégralement son salaire postérieurement au 1er septembre 2013, quand ce manquement ne pouvait s'analyser en un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat aux torts de la société Orpéa, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016,
5° ALORS QUE seul un manquement de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail peut justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ; qu'en énonçant, pour dire l'action en résiliation judiciaire du contrat de travail de M. Y... fondée, que la société Orpéa n'avait pas reconnu à M. Georges Y... la possibilité de refuser sa mutation à Roquebrune-Cap-Martin , cependant qu'à défaut de clause contractuelle claire et précise, le changement de lieu de travail intervenu dans le même secteur géographique constitue un simple changement des conditions de travail et non une modification du contrat de travail, de sorte que l'employeur n'avait commis aucun manquement de nature à justifier la résiliation judiciaire du contrat à ses torts, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016,
6° ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en énonçant, d'une part, dans son dispositif que le transfert de contrat de travail de M. Y... à la société Orpéa était intervenu à compter du 1er septembre 2013 (cf. arrêt attaqué p. 4, 3ème attendu), tout en relevant, d'autre part, dans ses motifs qu'il y avait lieu de condamner la société Orpéa à verser au salarié des rappels de salaire pour la période allant du mois de juillet 2013 à février 2014 et en la condamnant à verser à M. Y... la somme de 14 349,93 euros au titre des salaires pour la période du 1er juillet 2013 au 27 février 2014, la cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du code de procédure civile,
7° ALORS QU'en tout état de cause, l'employeur rapporte la preuve du paiement du salaire, notamment par la production de pièces comptables ; qu'en condamnant la société Orpéa à payer à M. Y... la somme de 14 349,93 euros à titre de rappel de salaire pour la période allant du 1er juillet 2013 au 27 février 2014, quand il ressortait des pièces produites par l'employeur et notamment des fiches de paye des mois de juillet 2013 à janvier 2014 que l'employeur avait réglé le salaire de base du salarié, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu l'article 1353 du code civil,
8° ALORS QUE en cas de litige relatif au paiement des salaires, l'employeur n'est pas tenu au versement d'un salaire lorsqu'il démontre que le salarié a refusé d'exécuter son travail ou ne s'est pas tenu à sa disposition ; qu'en fixant le salaire moyen brut du salarié à la somme de 1 809,34 euros comprenant les indemnités pour travail le dimanche, les indemnités pour travail de nuit ainsi que les indemnités au titre des pauses indemnisées, quand l'employeur établissait que le salarié n'avait pas accompli d'heures de nuit, de travail le dimanche, ni de pauses indemnisées, la cour d'appel a violé l'article 1221-1 du code du travail et l'article 1315, devenu l'article 1353 du code civil.