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05/12/2018 | FRANCE | N°17-26431

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 décembre 2018, 17-26431


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Cedibio-Unilabs aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cedibio-Unilabs à payer la somme de 1 000 euros à Mme

Y... ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son aud...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Cedibio-Unilabs aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cedibio-Unilabs à payer la somme de 1 000 euros à Mme Y... ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Cedibio-Unilabs

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé nul le licenciement de Mme Y... et d'AVOIR condamné la société Cedibio-Unilabs à payer à la salariée les sommes de 88 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et de 5 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral ainsi que d'AVOIR condamné la société à rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à la salariée dans la limite de six mois ;

AUX MOTIFS QUE Mme Y... présente à la cour les éléments de fait suivants qui laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral :
- une sanction injustifiée,
- deux propositions de rupture conventionnelle, notamment étayées par une attestation d'une autre salariée, Mme A... qui indique avoir été témoin d'une discussion entre Mme Y... et M. B..., ce dernier « lui demandant si elle avait réfléchi à sa demande de rupture conventionnelle car il l'a trouvé fatiguée et que pour elle c'était une bonne opportunité financière. Elle lui a répondu qu'il était trop tôt pour elle pour donner sa réponse car l'entretien datait du matin même »,
- l'absence de formation de la salariée au cours de 40 ans de présence dans l'entreprise alors qu'en application de l'article L. 6321-1 du code du travail, alors applicable, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations,
- l'absence d'entretien professionnel en application de l'article 1 de l'accord national interprofessionnel du 5 décembre 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle, Mme Y... produit les attestations de quatre autres salariées notamment un élu du CHSCT qui font état de réclamations de Mme Y... pour prendre en compte son âge et sa situation de famille afin d'aménager son poste de travail notamment au regard de son statut de senior,
- le non-paiement de l'indemnité complémentaire prévue par l'article D. 1226-1 du code du travail pour la période du 2 octobre au 1er décembre 2013 qui n'a été effectuée que sur le bulletin de paie de mars 2014, la période du 24 septembre au 30 septembre 2013 n'ayant pas été régularisée malgré trois courriers adressés par Mme Y... à la société ainsi que la période du 29 mai au 8 juin 2013,
- la dégradation de son état de santé décrite par des attestations de ses collègues de travail de cette dernière, certains indiquant une dégradation de ses conditions de travail, son épuisement nerveux et physique, son stress ;
son dossier médical faisant état sur le vécu au travail en janvier 2013 d'une « forte charge de travail » « on est épuisé, je ne sais pas jusqu'où ça va aller, on craque à tour de rôle, on pleure régulièrement [...] je suis très stressée à mon poste de réception » et le médecin a arrêté la salariée pendant 145 jours en raison d'un « état dépressif réactionnel lié à la situation professionnelle réactivation idées suicidaires » ;
En réponse à ces arguments, la société évoque :
- pour la rupture conventionnelle, que le fait de se voir proposer ou refuser une rupture conventionnelle ne peut en aucun cas relever d'un harcèlement moral et que Mme Y... ne se fonde que sur le témoignage de Mme A...,
- pour l'avertissement, le fait que la salariée n'a jamais contesté cette sanction devant les juridictions,
- pour la formation que Mme Y... a occupé ses fonctions sans la moindre difficulté technique,
- pour la dégradation de l'état de santé que la salariée n'a jamais saisi sa direction de ses difficultés,
- pour les indemnités journalières, que l'employeur lui a proposé un rendez-vous pour le décompte des sommes et que la salariée n'a pas donné suite ;
qu'il apparaît dès lors que Mme Y... évoque des différents agissements répétés au cours de l'année 2013 qui ont entraîné une dégradation de son état de santé nécessitant un arrêt de travail de 145 jours ; que l'employeur, dans ses conclusions, n'évoque que l'avertissement et la rupture conventionnelle et met en avant la politique managériale de l'entreprise et le caractère complaisant des attestations de Mme C..., Mme D... et Mme A..., également en contentieux avec la société pour des demandes similaires ; que néanmoins, le fait que certains témoins soient en conflit prud'homal avec la société est insuffisant à faire perdre aux attestations circonstanciées leur caractère probatoire, la cour constatant que ces témoins font également valoir dans le cadre de ces instances des faits de harcèlement moral à l'encontre de la société Cedibio-Unilabs ; qu'il est démontré par les attestations produites aux débats la volonté de la salariée d'échanger à plusieurs reprises avec sa direction pour évoquer ses conditions de travail et le fait que la société n'a jamais pris en compte la situation de sa salariée ; que de plus, les attestations des témoins en contentieux avec l'employeur sont confirmées par l'attestation de Marc E..., élu du CHSCT, lequel précise « J'ai quotidiennement côtoyé Mme Y... et j'ai pu constater au fil des années la dégradation de ses conditions de travail du fait de la direction, surtout M. B... et de sa chef de service Madame F.... Harcèlement moral, manque de considération et de respect de la personne sont devenus au fil des années monnaie courante » ; qu'il apparaît aussi que la société n'apporte aucun élément et aucune justification relatifs au grief du défaut de formation, d'entretien professionnel et du versement tardif de l'indemnité complémentaire alors même que l'absence de versement de salaire a pu créer des difficultés financières ; qu'il est patent également que la sanction disciplinaire, contestée par courrier rapidement après sa notification, prononcée à l'encontre de Mme Y... est dénuée de tout élément probant permettant de démontrer les faits reprochés à la salariée et la question de l'annulation de la sanction a été évoquée en première instance et en appel ; qu'enfin, les justificatifs médicaux produits par Mme Y..., notamment le dossier médical auprès du médecin du travail, permettent d'identifier clairement un lien entre son état de santé et les conditions de travail ; que dans ces conditions, la cour estime que, pris dans leur ensemble, les éléments versés aux débats établissent la réalité d'agissements répétés de harcèlement moral qui ont dégradé les conditions de travail de Mme Y... ;

Et aux motifs éventuellement adoptés du jugement qu'en l'espèce, Mme Y... se plaint des agissements suivants :
-le 23 juillet 2013, on lui a notifié un avertissement injustifié, le premier en 40 ans de présence dans l'entreprise ; que ce grief est avéré : l'employeur le juge d'un intérêt réduit dans ses écritures, mais il est certain qu'une mauvaise appréciation non fondée est de nature à atteindre un salarié dans sa fierté professionnelle, a fortiori quand on a comme Mme Y..., embauchée au sortir de l'adolescence, grandi dans une entreprise pendant près de 40 ans sans autre reproche,
- la société Cedibio-Unilabs l'a totalement délaissée, ne lui proposant aucune formation pour maintenir son employabilité, n'organisant aucun entretien professionnel depuis 2003 ; que ce fait n'est pas contesté par l'employeur : il n'en dit rien ; qu'il doit donc être considéré comme acquis que la société Cedibio-Unilabs n'a pas accordé beaucoup d'attention à sa salariée, même imposée par l'article L.6321-1 du contrat de travail dans sa rédaction alors en vigueur,
- les deux propositions de rupture conventionnelle lui ont fait comprendre qu'elle n'avait plus sa place dans l'entreprise ; que l'employeur ne reconnaît pas avoir fait de telles propositions : cela a été une demande de la salariée selon lui et il n'a pas souhaité y donner suite, par prudence ; que pour autant, Mme A... atteste qu'elle a été témoin de l'une de ces propositions en avril 2013, relatant que l'employeur pressait Mme Y... de donner sa réponse à la proposition de rupture conventionnelle faite le matin même ; que si l'employeur invite à relativiser la portée des attestations des autres salariés ayant éventuellement saisi le conseil de prud'hommes, force est de constater qu'il n'a pas pour autant déposé plainte pour faux témoignage ; que la défenderesse est bien fondée à écrire page 4 que proposer une rupture conventionnelle n'est pas en soi harcelant : il en va différemment si la réponse est demandée le jour-même,
- l'indemnité complémentaire aux indemnités journalières à laquelle elle avait droit ne lui a pas été versée et le maintien de 40 % de sa rémunération brute n'a pas été assuré ; que Mme Y... se plaint d'un retard de plusieurs mois dans le versement du complément d'octobre et novembre 2013 (1.741,55 euros bruts mentionnés sur son bulletin de salaire de mars 2014) ainsi que d'un impayé encore persistant depuis juin et septembre 2013 (225,61 et 143,57 euros) ; que l'employeur ne le conteste pas, et n'en dit d'ailleurs rien ; que pour autant, rapportées au salaire de la salariée au moins, ce ne sont pas des sommes négligeables et leur absence a pu lui créer ou compliquer des difficultés financières ;
qu'ainsi, ces différents agissements, répétés notamment tout au long de l'année 2013, ont dégradé sérieusement le contexte de travail de Mme Y..., si ancien pour elle et central dans son parcours de vie, et elle établit que sa santé s'en est trouvée altérée : la production de son dossier auprès du médecin du travail montre notamment qu'elle a été arrêtée en juillet 2013 pour « état dépressif réactionnel lié à la situation professionnelle », que le vécu au travail était très négatif dès janvier 2013 (épuisement, pleurs, pénibilité psychologique) et que le stress professionnel était évalué à 8 ; que le courrier du médecin du travail en date du 15 octobre 2013 confirme le lien de l'inaptitude de Mme Y... non seulement avec le travail mais avec le travail dans cette société ; qu'or, l'employeur, qui n'évoque que l'avertissement et la question de la rupture conventionnelle et se désintéresse des autres difficultés déplorées par la salariée, ne fait pas valoir de justification à ses agissements, se bornant à évoquer la nouvelle politique managériale indispensable à laquelle même le Président doit se soumettre en justifiant ses décisions auprès des actionnaires : si objectif que puisse être cet élément, il ne saurait venir justifier des agissements harcelants, qui plus est à l'encontre d'une salariée qui contrairement à son Président n'a pas choisi d'y adhérer ; que dans ces conditions, en l'absence de justification valable de ces agissements au vu de leurs conséquences néfastes sur les conditions de travail et la santé de Mme Y..., il y a lieu de dire que le harcèlement moral reproché est constitué : il justifie l'octroi d'une indemnisation de 8.000 euros au vu de l'impact important et durable sur la santé et la qualité de vie de la salariée ; qu'en conséquence, et en application de l'article L.1152-3, le licenciement pour inaptitude intervenu le 18 novembre 2013 est nul ;

1°- ALORS QUE le harcèlement moral ne peut résulter de la seule altération de l'état de santé du salarié mais exige que soient constatés des agissements répétés visant directement le salarié et ayant pour effet ou pour objet une dégradation de ses conditions de travail ; qu'en se bornant à relever un défaut de formation et d'entretien professionnel au cours de 40 ans de présence dans l'entreprise, le versement tardif de l'indemnité complémentaire pendant certains arrêts maladie ou encore une sanction disciplinaire injustifiée, pour en déduire que Mme Y... avait été victime d'un harcèlement moral , la cour d'appel qui n'a pas caractérisé une telle situation et ne pouvait s'en tenir à une dégradation de l'état de santé de la salariée, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2° ALORS de plus que sauf abus, l'exercice par l'employeur de son pouvoir de direction et de contrôle qui l'autorise à donner de nouvelles directives et à modifier l'organisation en place, ne constitue pas un harcèlement moral du seul fait que les salariés n'acceptent pas un tel changement de leurs habitudes de travail ; qu'en l'espèce, la société Cedibio-Unilabs a fait valoir qu'à la suite de son intégration au sein du groupe Unilabs, avaient été mises en place de nouvelles procédures répondant aux exigences d'une grande structure , que certaines salariées, dont Mme Y..., fortes d'une grande ancienneté, n'avaient pas supporté de changer leurs habitudes de travail et d'avoir à respecter les directives de la direction parisienne ; que la prétendue situation de harcèlement qu'elles dénonçaient n'était fondée que sur les attestations croisées qu'elles s'étaient établies mutuellement dans le cadre d'un contentieux identique ; qu'en ne vérifiant pas si la situation de harcèlement moral alléguée par Mme Y... qui comptait 39 ans et deux mois d'ancienneté, ne présentait pas un caractère artificiel et n'avait pas pour seul objet de masquer le refus de la salariée de se soumettre à une nouvelle politique managériale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-26431
Date de la décision : 05/12/2018
Sens de l'arrêt : Rejet non spécialement motivé
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 27 juillet 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 déc. 2018, pourvoi n°17-26431


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.26431
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