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05/12/2018 | FRANCE | N°17-26325;17-26326;17-26327;17-26328;17-26329;17-26330;17-26331;17-26332;17-26333;17-26334;17-26335;17-26336;17-26337;17-26338

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 décembre 2018, 17-26325 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° R 17-26.325 à E 17-26.338 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que, nommé le 25 avril 2006 par le tribunal de commerce de Beauvais, le mandataire liquidateur de la société Goossens Beauvais a procédé au licenciement collectif du personnel ; que les salariés protégés ont été licenciés après autorisation de l'inspecteur du travail en date du 24 juillet 2006, annulée le 19 janvier 2007 par décision du ministre du travail ; qu'estimant que les licenciements é

taient privés de tout effet pour avoir été prononcés à l'occasion du transfert d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° R 17-26.325 à E 17-26.338 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que, nommé le 25 avril 2006 par le tribunal de commerce de Beauvais, le mandataire liquidateur de la société Goossens Beauvais a procédé au licenciement collectif du personnel ; que les salariés protégés ont été licenciés après autorisation de l'inspecteur du travail en date du 24 juillet 2006, annulée le 19 janvier 2007 par décision du ministre du travail ; qu'estimant que les licenciements étaient privés de tout effet pour avoir été prononcés à l'occasion du transfert d'une entité économique autonome dont l'activité avait été poursuivie par la société VG Goossens, l'ensemble des salariés ont saisi la juridiction prud'homale le 1er février 2007 ; que les salariés protégés ont adressé une demande de réintégration à la société Goossens Beauvais et à la société VG Goossens le 2 février 2009 ; que par arrêt du 3 novembre 2009, la cour d'appel a déclaré les licenciements économiques sans effet au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ; que la décision d'annulation de l'autorisation du licenciement des salariés protégés ayant été confirmée le 1er avril 2010 par la cour administrative d'appel, ces derniers ont saisi la juridiction prud'homale le 9 novembre 2010 pour obtenir une indemnisation à ce titre ; que le syndicat CGT Goossens Beauvais et la fédération Filpac CGT sont intervenus à l'instance pour réclamer la réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession ; que, le 4 septembre 2013, a été prononcée la liquidation judiciaire de la société VG Goossens ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les salariés et les syndicats font grief aux arrêts de constater qu'ils n'ont pas usé de leur droit à réintégration dans le délai fixé par l'article L. 2422-1 du code du travail et de les débouter de leurs demandes subséquentes, alors, selon le moyen :

1°/ que le salarié protégé dont l'autorisation administrative de licenciement a été annulée et qui n'est pas réintégré malgré sa demande faite dans le délai de deux mois à compter de la décision d'annulation, a droit à une indemnité correspondant au préjudice subi entre son licenciement et sa réintégration effective ; que l'existence d'un litige prud'homal sur la notion de co-emploi ou de concert frauduleux entre les sociétés destiné à écarter l'application des dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail entraîne nécessairement le report du délai de demande de réintégration fixé par les articles L. 2422-1 et L. 2422-4 du code du travail ; qu'en affirmant l'inverse pour juger que les salariés n'avaient pas exprimé dans le délai fixé par la loi leur droit à réintégration et rejeter en conséquence leur demande en paiement d'une indemnité couvrant la période écoulée entre leur licenciement illicite et la mise en liquidation judiciaire de la société cessionnaire VG GOOSSENS, la cour d'appel a violé les articles L. 1224-1, L. 2422-1 et L. 2422-4 du code du travail ;

2°/ que le transfert des contrats de travail en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail s'effectue de plein droit, par le seul effet de la loi, indépendamment de la volonté des parties ; que pour rejeter la demande des salariés tendant à démontrer que leur demande de réintégration, consécutive à l'annulation de leur autorisation de licenciement, avait été faite dans les délais impartis par l'article L. 2422-1 du code du travail, la cour d'appel, après avoir relevé que « dans [leurs] écriture[s], le[s] salarié[s] soutien[nent] qu'il[s] ne pouvai[en]t pas demander [leur] réintégration auprès de la Goossens Beauvais du fait de l'incertitude existante quant à savoir qui étaient réellement [leur] employeur, soit la SA Goossens soit la SA VG Goossens, que cette incertitude n'a cessé qu'après le jugement du conseil de prud'hommes de Beauvais du 28 janvier 2009 qui a validé le fait que les activités de cartonnage et de mécanisation avaient été reprises par la société VGT Goossens, devenant ainsi l'employeur de l'ensemble des salariés dès le mois de février 2006 et qu'il[s] ont alors adressé le 2 février 2009, concomitamment un courrier au mandataire liquidateur de la Goossens Beauvais et à la SA VT Goossens dans lequel il[s] [ont] exprimé [leur] droit à réintégration, lettre restée sans réponse », a jugé que « les dispositions relatives au droit à réintégration ne prévoient pas un report du délai quand il existe un litige prud'homal sur une notion de co-emploi ou de concert frauduleux de ces sociétés pour écarter l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'en l'espèce, si le[s] salarié[s] avai[en]t voulu manifester [leur] droit à réintégration, il l[eur] appartenait d'adresser au mandataire liquidateur de la Goossens Beauvais , qui avait procédé à son licenciement illégitime, un courrier dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision d'annulation de son licenciement, quitte ensuite à mettre en cause la SA VG Goossens suite à la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Beauvais du 29 octobre 2008, confirmée par la cour d'appel d'Amiens du 3 novembre 2009, dès lors qu'il était établi que cette société étaient devenue de plein droit son employeur par l'effet des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail » ; qu'en statuant ainsi, alors que dans le cadre d'un transfert de contrats de travail, la société cédante n'a plus la qualité d'employeur et ne peut dès lors réintégrer les salariés licenciés, la cour d'appel a violé les dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail, ensemble les articles L. 2422-1 et L. 2422-4 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant justement rappelé que le délai prévu par l'article L. 2422-1 du code du travail n'est susceptible d'aucun report, peu important l'existence d'un litige sur l'application de l'article L. 1224-1 du même code, lequel n'était pas de nature à empêcher les salariés de solliciter leur réintégration dans le délai légal, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt RG/ 17/02677 du 25 juillet 2017 de déclarer irrecevable l'intervention volontaire des syndicats alors, selon le moyen, que les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; que pour déclarer irrecevable l'intervention volontaire de la Fédération Filpac CGT et du syndicat CGT de la société Goossens Beauvais , la cour d'appel a affirmé que celle-ci « ne relève pas de l'intérêt collectif de la profession » ; qu'en statuant ainsi, alors que l'action de ces syndicats ne tendait pas au paiement de sommes déterminées à des personnes nommément désignées, mais visait à garantir à tout salarié protégé, dont l'autorisation de licenciement a été annulée, le droit au versement de l'indemnité prévue par l'article L. 2422-4 du code du travail, peu important la perception par ce dernier de dommages-intérêts au titre du caractère injustifié ou illicite de son licenciement, de sorte qu'elle poursuivait la réparation d'un préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'action pour laquelle les organisations syndicales entendaient intervenir concernait uniquement le paiement de sommes déterminées à des personnes nommément désignées et que les organisations syndicales n'invoquaient aucun préjudice professionnel, la cour d'appel en a exactement déduit que leur action n'avait pas pour objet la défense de l'intérêt collectif de la profession ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article L. 2422-4 du code du travail ;

Attendu que pour juger que les salariés ont déjà été remplis de leurs droits quant à leur demande d'indemnisation sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail, les arrêts retiennent qu'ils ont droit à la réparation du préjudice matériel et moral subi entre le 24 juillet 2006, date du licenciement, et le 19 mars 2007, date d'expiration du délai de deux mois, que cette indemnisation constitue un complément de salaire devant tenir compte de l'ensemble des sommes perçues par l'intéressé au cours de la période litigieuse y compris les indemnités allouées au titre de l'illégitimité du licenciement, qu'il a été alloué aux salariés par jugement du 28 janvier 2009, confirmé par arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 3 novembre 2009, une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse supérieure à celle à laquelle ils pouvaient prétendre au vu de l'examen des pièces et documents versés par eux pour la période considérée, déduction faite des allocations chômage et nouveau salaire, qu'au surplus les salariés n'apportent pas d'éléments établissant un préjudice particulier et qu'en conséquence la demande d'indemnisation au titre de l'article L. 2422-4 du code du travail n'est pas fondée, le préjudice invoqué ayant déjà été indemnisé lors de la première instance opposant les parties ;

Attendu, cependant, que le salarié protégé, licencié en vertu d'une autorisation administrative qui a été annulée, peut demander, dans les deux mois à compter de la notification de la décision d'annulation, sa réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent ; qu'il a droit, lorsque l'annulation est devenue définitive, au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration ; que s'il ne demande pas sa réintégration, il a droit à une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi depuis son licenciement jusqu'à l'expiration du délai de deux mois, et, le cas échéant, aux indemnités dues au salarié selon le droit commun en cas de licenciement, s'il en remplit les conditions ;

Qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu que la cassation à intervenir sur le deuxième moyen entraîne, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif critiqué par le troisième moyen relatif à la mise hors de cause du CGEA d'Amiens et du CGEA de Lille ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils constatent que les salariés ont été remplis de leurs droits quant à leur demande d'indemnisation sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail, les déboutent de leurs demandes à ce titre et mettent hors de cause le CGEA d'Amiens et le CGEA de Lille, les arrêts rendus le 25 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne MM. L... et M..., ès qualités, les CGEA d'Amiens et de Lille aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros aux salariés ou leurs ayants droit et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens communs produits aux pourvois par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour MM. Y..., Z..., A..., B... , C..., ès qualités, Frédéric E..., ès qualités, Julien E..., ès qualités, F..., G..., O... , I..., J..., Mmes C..., ès qualités, D..., veuve E..., ès qualités, H... et K..., le syndicat CGT Goossens Beauvais et la fédération Filpac CGT.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'avoir constaté que les salariés n'avaient pas usé de leur droit à réintégration dans le délai fixé par l'article L 2422-1 du Code du travail et d'avoir débouté les salariés de leurs demandes subséquentes ;

Aux motifs que l'article L 2422-1 du Code du travail dispose que lorsque le Ministre compétent annule, sur recours hiérarchique, la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié investi d'un mandat protecteur, le salarié concerné a le droit, s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, d'être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent ; que la Cour rappelle que le délai de deux mois court à compter de la première décision prononçant l'annulation de l'autorisation, peu importe la mise en oeuvre de recours ultérieurs ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que le[s] salarié[s] [ont] eu connaissance le 6 février 2007 de la décision du Ministre du travail du 19 janvier 2007 annulant l'autorisation administrative de licenciement le[s] concernant et qu'il[s] [ont] fait parvenir au mandataire judiciaire de la Goossens Beauvais un courrier dans lequel il[s] ne compte[nt] pas demander [leur] réintégration ; que dans [leurs] écriture[s], le[s] salarié[s] soutien[nent] qu'il[s] ne pouvai[en]t pas demander [leur] réintégration auprès de la Goossens Beauvais du fait de l'incertitude existante quant à savoir qui étaient réellement [leur] employeur, soit la SA GOOSSENS soit la SA VG GOOSSENS, que cette incertitude n'a cessé qu'après le jugement du Conseil de prud'hommes de Beauvais du 28 janvier 2009 qui a validé le fait que les activités de cartonnage et de mécanisation avaient été reprises par la société VGT GOOSSENS, devenant ainsi l'employeur de l'ensemble des salariés dès le mois de février 2006 et qu'il[s] ont alors adressé le 2 février 2009, concomitamment un courrier au mandataire liquidateur de la Goossens Beauvais et à la SA VT GOOSSENS dans lequel il[s] [ont] exprimé [leur] droit à réintégration, lettre restée sans réponse ; que cependant la Cour rappelle que les dispositions relatives au droit à réintégration ne prévoient pas un report du délai quand il existe un litige prud'homal sur une notion de co-emploi ou de concert frauduleux de ces sociétés pour écarter l'application de l'article L 1224-1 du Code du travail ; qu'en l'espèce, si le[s] salarié[s] avai[en]t voulu manifester [leur] droit à réintégration, il l[eur] appartenait d'adresser au mandataire liquidateur de la Goossens Beauvais , qui avait procédé à son licenciement illégitime, un courrier dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision d'annulation de son licenciement, quitte ensuite à mettre en cause la SA VG GOOSSENS suite à la décision rendue par le Conseil de prud'hommes de Beauvais du 29 octobre 2008, confirmée par la Cour d'appel d'Amiens du 3 novembre 2009, dès lors qu'il était établi que cette société étaient devenue de plein droit son employeur par l'effet des dispositions de l'article L 1224-1 du Code du travail ; qu'en conséquence, la Cour considère que le[s] salarié[s] n'[ont] pas exprimé dans le délai fixé par la loi [leur] droit à réintégration ;

ALORS, D'UNE PART QUE, le salarié protégé dont l'autorisation administrative de licenciement a été annulée et qui n'est pas réintégré malgré sa demande faite dans le délai de deux mois à compter de la décision d'annulation, a droit à une indemnité correspondant au préjudice subi entre son licenciement et sa réintégration effective ; que l'existence d'un litige prud'homal sur la notion de co-emploi ou de concert frauduleux entre les sociétés destiné à écarter l'application des dispositions d'ordre public de l'article L 1224-1 du Code du travail entraîne nécessairement le report du délai de demande de réintégration fixé par les articles L 2422-1 et L 2422-4 du Code du travail ; qu'en affirmant l'inverse pour juger que les salariés n'avaient pas exprimé dans le délai fixé par la loi leur droit à réintégration et rejeter en conséquence leur demande en paiement d'une indemnité couvrant la période écoulée entre leur licenciement illicite et la mise en liquidation judiciaire de la société cessionnaire VG GOOSSENS, la Cour d'appel a violé les articles L 1224-1, L 2422-1 et L 2422-4 du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE le transfert des contrats de travail en application des dispositions de l'article L 1224-1 du Code du travail s'effectue de plein droit, par le seul effet de la loi, indépendamment de la volonté des parties ; que pour rejeter la demande des salariés tendant à démontrer que leur demande de réintégration, consécutive à l'annulation de leur autorisation de licenciement, avait été faite dans les délais impartis par l'article L 2422-1 du Code du travail, la Cour d'appel, après avoir relevé que « dans [leurs] écriture[s], le[s] salarié[s] soutien[nent] qu'il[s] ne pouvai[en]t pas demander [leur] réintégration auprès de la Goossens Beauvais du fait de l'incertitude existante quant à savoir qui étaient réellement [leur] employeur, soit la SA GOOSSENS soit la SA VG GOOSSENS, que cette incertitude n'a cessé qu'après le jugement du Conseil de prud'hommes de Beauvais du 28 janvier 2009 qui a validé le fait que les activités de cartonnage et de mécanisation avaient été reprises par la société VGT GOOSSENS, devenant ainsi l'employeur de l'ensemble des salariés dès le mois de février 2006 et qu'il[s] ont alors adressé le 2 février 2009, concomitamment un courrier au mandataire liquidateur de la Goossens Beauvais et à la SA VT GOOSSENS dans lequel il[s] [ont] exprimé [leur] droit à réintégration, lettre restée sans réponse », a jugé que « les dispositions relatives au droit à réintégration ne prévoient pas un report du délai quand il existe un litige prud'homal sur une notion de co-emploi ou de concert frauduleux de ces sociétés pour écarter l'application de l'article L 1224-1 du Code du travail ; qu'en l'espèce, si le[s] salarié[s] avai[en]t voulu manifester [leur] droit à réintégration, il l[eur] appartenait d'adresser au mandataire liquidateur de la Goossens Beauvais , qui avait procédé à son licenciement illégitime, un courrier dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision d'annulation de son licenciement, quitte ensuite à mettre en cause la SA VG GOOSSENS suite à la décision rendue par le Conseil de prud'hommes de Beauvais du 29 octobre 2008, confirmée par la Cour d'appel d'Amiens du 3 novembre 2009, dès lors qu'il était établi que cette société étaient devenue de plein droit son employeur par l'effet des dispositions de l'article L 1224-1 du Code du travail » ; qu'en statuant ainsi, alors que dans le cadre d'un transfert de contrats de travail, la société cédante n'a plus la qualité d'employeur et ne peut dès lors réintégrer les salariés licenciés, la Cour d'appel a violé les dispositions d'ordre public de l'article L 1224-1 du Code du travail, ensemble les articles L 2422-1 et L2422-4 du Code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'avoir jugé que les salariés avaient été remplis de leurs droits quant à leur demande d'indemnisation sur le fondement de l'article L 2422-4 du Code du travail, le préjudice invoqué ayant déjà été indemnisé lors de la première instance opposant les parties et d'avoir, en conséquence, rejeté leur demande tendant à fixer au passif solidaire des sociétés VG GOOSSENS et GOOSENS Beauvais les indemnités litigieuses ;

Aux motifs que l'article L 2422-4 du Code du travail dispose que le salarié protégé dont l'annulation d'une décision d'autorisation de licenciement est devenue définitive a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration ; qu'ainsi, le[s] salarié[s] [ont] droit en l'espèce à la réparation du préjudice matériel et moral subi entre le 24 juillet 2006 (date de [leur] licenciement) et le 19 mars 2007 (date d'expiration du délai de deux mois) ; que la Cour rappelle que cette indemnisation constitue un complément de salaire, imposant à l'employeur le paiement de cotisations et doit tenir compte de l'ensemble des sommes perçues par l'intéressé au cours de la période litigieuse (allocation chômage, salaire perçu si le salarié a retrouvé un nouvel emploi) y compris les indemnités allouées au titre de l'illégitimité du licenciement ; qu'en l'espèce, il a été alloué à ce[s] salarié[s] par le Conseil de prud'hommes de Beauvais par jugement du 28 janvier 2009, confirmé par arrêt de la Cour d'appel d'Amiens du 3 novembre 2009, décision devenue définitive suite au désistement de son pourvoi par la société VG GOOSSENS, une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, supérieure à celle à laquelle il[s] pouvai[en]t prétendre au vu de l'examen des pièces et documents versés par le[s] salarié[s] pour la période considérée, déduction faite des allocations chômage et nouveau salaire ; qu'au surplus le[s] salarié[s] n'apporte[nt] pas d'éléments établissant un préjudice particulier ; qu'en conséquence la Cour considère que la demande d'indemnisation basée sur l'article L 2422-4 du Code du travail n'est pas fondée, le préjudice invoqué ayant déjà été indemnisé lors de la première instance opposant les parties ;

ALORS QUE le salarié protégé, qui a été licencié en vertu d'une autorisation administrative annulée à la suite d'un recours hiérarchique ou contentieux, a droit, s'il ne demande pas ou plus sa réintégration, d'une part, en application de l'article L. 2422-4 du Code du travail, au paiement d'une indemnité égale à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois suivant la notification de la décision d'annulation et, d'autre part, au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du Code du travail, s'il est établi que son licenciement était illicite ou injustifié au moment où il a été prononcé ; qu'en affirmant, pour juger que « la demande d'indemnisation basée sur l'article L 2422-4 du Code du travail n'est pas fondée, le préjudice invoqué ayant déjà été indemnisé lors de la première instance par les parties », que « cette indemnisation constitue un complément de salaire (
) et doit tenir compte de l'ensemble des sommes perçues par l'intéressé au cours de la période litigieuse (
) y compris les indemnités allouées au titre de l'illégitimité du licenciement », et qu'« il a été alloué [aux] salarié[s] (
) une somme à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, supérieure à celle à laquelle il[s] pouvai[en]t prétendre au vu de l'examen des pièces et documents versés par le[s] salarié[s] pour la période considérée », quand les deux indemnités litigieuses pouvaient se cumuler compte tenu de leur différence d'objet, la Cour d'appel a violé l'article L 2422-4 du Code du travail, ensemble les articles L 1224-1 et L1234-9 du Code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'avoir mis hors de cause le CGEA d'Amiens et le CGEA de Lille et d'avoir, en conséquence, rejeté la demande des salariés tendant à ce que les AGS garantissent l'intégralité des créances réclamées ;

Aux motifs que compte tenu qu'aucune nouvelle somme n'est inscrite au passif de la procédure collective de l'une ou l'autre société concernée, il n'y a pas lieu de statuer sur un partage de responsabilité sur la garantie des CGEA d'Amiens et de Lille ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur les premier et/ou deuxième moyens de cassation entraînera, par voie de conséquence, la cassation sur le troisième moyen, en application de l'article 625 du Code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'intervention volontaire de la Fédération FILPAC CGT et du Syndicat CGT de la société Goossens Beauvais ;

Aux motifs qu'il résulte de la combinaison des articles 66 et 329 du Code de procédure civile qu'un tiers aux parties peut s'associer à une instance ; que l'article L 2132-3 du Code du travail dispose que les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent, le préjudice invoqué devant être d'ordre professionnel, c'est-à-dire intéressant la profession représentée par le syndicat agissant ; qu'en l'espèce, la Cour constate que l'action pour laquelle les organisations syndicales entendent intervenir concerne uniquement le paiement de sommes déterminées à des personnes nommément désignées ; que cette action ne relève pas de l'intérêt collectif de la profession ; qu'en conséquence, il convient de déclarer irrecevable l'intervention volontaire de la Fédération FILPAC CGT et du syndicat CGT de la Goossens Beauvais ;

ALORS QUE les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; que pour déclarer irrecevable l'intervention volontaire de la Fédération FILPAC CGT et du Syndicat CGT de la société Goossens Beauvais , la Cour d'appel a affirmé que celle-ci « ne relève pas de l'intérêt collectif de la profession » ; qu'en statuant ainsi, alors que l'action de ces syndicats ne tendait pas au paiement de sommes déterminées à des personnes nommément désignées, mais visait à garantir à tout salarié protégé, dont l'autorisation de licenciement a été annulée, le droit au versement de l'indemnité prévue par l'article L 2422-4 du Code du travail, peu important la perception par ce dernier de dommages et intérêts au titre du caractère injustifié ou illicite de son licenciement, de sorte qu'elle poursuivait la réparation d'un préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, la Cour d'appel a violé l'article L 2132-3 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-26325;17-26326;17-26327;17-26328;17-26329;17-26330;17-26331;17-26332;17-26333;17-26334;17-26335;17-26336;17-26337;17-26338
Date de la décision : 05/12/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 25 juillet 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 déc. 2018, pourvoi n°17-26325;17-26326;17-26327;17-26328;17-26329;17-26330;17-26331;17-26332;17-26333;17-26334;17-26335;17-26336;17-26337;17-26338


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.26325
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