La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/12/2018 | FRANCE | N°17-22593

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 05 décembre 2018, 17-22593


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que selon traité de nomination du 15 juillet 1999, MM. Pierre et Georges X... (MM. X...) se sont vus confier un mandat d'agent général par les sociétés AGF IARD et AGF vie, aux droits desquelles viennent les sociétés Allianz IARD et Allianz vie (l'assureur), pour gérer l'agence de Mauriac ; que, le 28 octobre 2013, l'assureur leur a notifié la révocation de leur mandat à compter du 30 avril 2014 et, le 21 novembre suivant, la déchéance de tout droit à indemnité de

cessation de fonction du fait du non-respect de la clause de non-concur...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que selon traité de nomination du 15 juillet 1999, MM. Pierre et Georges X... (MM. X...) se sont vus confier un mandat d'agent général par les sociétés AGF IARD et AGF vie, aux droits desquelles viennent les sociétés Allianz IARD et Allianz vie (l'assureur), pour gérer l'agence de Mauriac ; que, le 28 octobre 2013, l'assureur leur a notifié la révocation de leur mandat à compter du 30 avril 2014 et, le 21 novembre suivant, la déchéance de tout droit à indemnité de cessation de fonction du fait du non-respect de la clause de non-concurrence ; que MM. X..., invoquant une contre-lettre du 24 juin 1999 qui les aurait dispensés de toute obligation de non-rétablissement et de non-concurrence, l'ont assigné en paiement de cette indemnité et de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de MM. X..., l'arrêt énonce que la lettre du 24 juin 1999, qui ne vise que la clause de non-réinstallation prévue au mandat, ne peut être étendue à l'obligation distincte de ne pas faire souscrire de nouveaux contrats aux anciens assurés et retient que, dès lors que l'assureur établit que MM. X... ont fait souscrire de nouveaux contrats à d'anciens assurés AGF, ils sont nécessairement déchus de leur droit à indemnité de cessation de fonction ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la lettre du 24 juin 1999 énonçait, d'une part, qu'en cas de rupture du mandat à l'initiative de l'assureur, la clause de non-réinstallation prévue au contrat de mandat ne serait pas appliquée, d'autre part, que la clause de non-concurrence resterait applicable et conserverait tous ses effets si les intéressés décidaient eux-mêmes de cesser leur activité d'agent général des AGF, la cour d'appel, qui a dénaturé par omission cet écrit, a violé le principe susvisé ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation de l'arrêt sur la première branche du premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif critiqué par le second moyen, relatif à la condamnation solidaire de MM. X... au paiement de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne les sociétés Allianz IARD et Allianz vie aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à MM. Pierre et Georges X... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour MM. Pierre et Georges X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué

d'Avoir débouté MM. Pierre et Georges X... de leurs demandes d'indemnité de cessation de fonction ;

Aux motifs que « aux termes de l'article 5. C de la convention homologuée par le décret du 15 avril 1996, il est indiqué que l'agent qui perçoit l'indemnité s'engage : - à ne pas se rétablir pendant trois ans dans la circonscription de son ancienne agence, - et à ne pas faire souscrire des contrats d'assurance auprès de ses anciens assurés. Par courrier du 21 novembre 2014, la société Allianz a notifié à MM. X... la perte de tout droit à indemnité de cessation de fonction « pour non-respect de la clause de non-concurrence ». Dans ses conclusions, la société Allianz a invoqué en outre un non-respect de la clause de non-réinstallation. Sur l'obligation de non-réinstallation. En ce qui concerne la non réinstallation : La possibilité de réinstallation de MM. X... a fait l'objet d'une négociation entre les parties. Ainsi, dans un courrier du 7 janvier 1999, MM. X... écrivaient à la société AGF : « Il est inconcevable que la survie de l'agence de Mauriac dépende de la réalisation des objectifs farfelus qui nous été présentés (
). Nous voulons nous prémunir dans le contexte de ce nouveau statut contre une révocation pour insuffisance de production qui du fait de ce que je viens de dire, pèserait sur notre tête en permanence comme une épée de Damoclès. C'est pourquoi nous demandons absolument la suppression de la CLAUSE DE NON CONCURRENCE [en majuscule dans le texte] en cas de rupture DU FAIT DES AGF [en majuscule dans le texte] ». Par un courrier du 30 avril 1999, la société AGF a alors proposé l'établissement d'une « contre-lettre autorisant la réinstallation si non titularisation à l'initiative de la compagnie ». Cependant, la contre-lettre du 24 juin 1999 est rédigée de manière différente, à savoir : «
en cas de rupture de mandat (ou de non-titularisation à l'issue de la période probatoire) à l'initiative des AGF, la clause de non-réinstallation ne serait pas appliquée ». Il résulte de cette stipulation : - que c'est la clause de non-réinstallation qui est seule visée, - que cette clause ne sera pas appliquée en cas de rupture du mandat ou en cas de non titularisation à l'issue de la période probatoire. Les termes ainsi employés ne peuvent être le fruit d'une banale « erreur de plume » au regard des exigences antérieurement exprimées par MM. X.... Elle traduit au contraire l'aboutissement d'une négociation à l'issue de laquelle la société AGF a accepté que MM. X... puissent exercer de nouveau leur ancienne activité sur le secteur de Mauriac en cas de non titularisation à l'issue de la période probatoire ou, en cas de titularisation, en cas de rupture du mandat postérieurement à la période probatoire. En conséquence, les sociétés Allianz sont mal fondées à opposer à MM. X... une déchéance de leur droit à indemnité compensatrice fondée sur une violation de l'obligation de non-réinstallation. En ce qui concerne l'interdiction de faire souscrire des contrats d'assurances auprès des anciens assurés : La lettre du 24 juin 1999 ne visant que la « clause de non réinstallation prévue au mandat », elle ne peut être étendue à l'obligation distincte « de ne pas faire souscrire de nouveaux contrats aux anciens assurés ». Les sociétés Allianz produisent : - des lettres de résiliation issues de formulaires à la présentation identique ou voisine et utilisant les mêmes bordereaux de souches recommandés, - un listing des résiliations reçues entre mai et décembre 2014, - une lettre adressée par la société X..., à l'attention d'Allianz Iard, comportant un ordre de placement exclusif, signé le 26 mai 2014 par M. Maurice A..., à partir d'un modèle pré-rédigé. Ces pièces établissent que MM. X... ont bien fait souscrire de nouveaux contrats à d'anciens assurés AGF de sorte qu'ils sont nécessairement déchus de leur droit à indemnité de cessation de fonction. Leurs demandes complémentaires subordonnées au succès de leur demande principale ne peuvent qu'être rejetées » ;

1°) Alors, d'une part, que le juge ne peut dénaturer le contenu d'un écrit soumis à son examen ; qu'en l'espèce, le courrier adressé le 24 juin 1999 par les sociétés AGF Iard et AGF Vie à MM. Pierre et Georges X... indiquait, d'une part, « qu'en cas de rupture du mandat (ou de non-titularisation à l'issue de la période probatoire) à l'initiative des AGF, la clause de non-réinstallation prévue au mandat ne sera pas appliquée », d'autre part, que « la clause de non-concurrence resterait applicable et conservera tous ses effets au cas où les agents décideraient eux-mêmes de cesser leur activité d'agent général des AGF » (prod. n°3); que pour déclarer MM. Pierre et Georges X... « déchus de leur droit à indemnité de cessation de fonction » pour avoir fait souscrire de nouveaux contrats à d'anciens assurés AGF (arrêt p. 6, §18), l'arrêt attaqué retient que « la lettre du 24 juin 1999 ne visant que la clause de non réinstallation prévue au mandat, elle ne peut être étendue à l'obligation distincte de ne pas faire souscrire de nouveaux contrats aux anciens assurés » (arrêt p ; 6, § 13) ; qu'en faisant ainsi abstraction des termes clairs et précis de cette contre-lettre qui, en réservant l'application de « la clause de non-concurrence» prévue par le statut des agents au cas où « les agents décideraient eux-mêmes de cesser leur activité », les en dispensaient nécessairement en cas de rupture du mandat à l'initiative des AGF, la cour d'appel les a dénaturés, par omission, et a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°) Alors, d'autre part, et en tout état de cause, que dans leurs écritures d'appel (prod. n° 2, pp. 5 et 6), MM. Pierre et Georges X... faisaient expressément valoir qu'en leur écrivant, le 24 juin 1999, que « la clause de non-concurrence resterait applicable et conservera tous ses effets au cas où les agents décideraient eux-mêmes de cesser leur activité d'agent général des AGF », ces dernières les avaient dispensés, dans l'hypothèse où elles prendraient l'initiative de révoquer leur mandat, de la clause de non-concurrence prévue par l'article 5. C de la convention homologuée par le décret du 15 avril 1996 ; qu'en se bornant à relever que « la lettre du 24 juin 1999 ne visant que la clause de non réinstallation prévue au mandat, elle ne peut être étendue à l'obligation distincte de ne pas faire souscrire de nouveaux contrats aux anciens assurés », sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué

d'Avoir condamné solidairement MM. Pierre et Georges X... à verser aux sociétés Allianz Iard et Allianz Vie la somme de 50 000 euros de dommages intérêts pour violation de la clause de non concurrence ;

Aux motifs que « les pièces susvisées produites par la sociétés Allianz établissent que MM. X..., en ayant fait souscrire de nouveaux contrats à d'anciens assurés AGF, après les avoir assistés à cet effet en prenant en charge les démarches de résiliation, ont commis des faits de concurrence déloyale, en lien de causalité avec le préjudice subi par la société AGF, qui a enregistré une perte de clientèle injustifiée. Seul le préjudice consécutif à la perte des cotisations des clients déloyalement démarchés peut être indemnisée. Au vu des éléments produits et de la baisse du montant des cotisations, il sera alloué au titre des faits fautifs de concurrence déloyale une indemnité de 50 000 euros en réparation des préjudices subis, résultant de la perte de bénéfice sur le montant des cotisations nettes de commissions, sur une année » ;

1°) Alors qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure du chef de l'arrêt déboutant les consorts X... de leur demande d'indemnité compensatrice après les en avoir déclarés déchus du fait d'un manquement à leur obligation de ne pas faire souscrire de nouveaux contrats aux anciens assurés entraînera, par voie de conséquence, celle de son chef de l'arrêt qui les condamne solidairement à verser aux sociétés Allianz Iard et Allianz Vie la somme de 50 000 euros de dommages intérêts « pour violation de la clause de non concurrence » ;

2°) Alors que les juges du fond sont liés par les prétentions des parties et ne peuvent modifier l'objet du litige dont ils sont saisis; qu'en condamnant solidairement MM. Pierre et Georges X... à verser aux sociétés Allianz Iard et Allianz Vie la somme de 50 000 euros de dommages intérêts « pour violation de la clause de non concurrence », cependant que, dans leurs écritures, ces dernières l'avaient saisie d'une demande reconventionnelle aux fins de dommages et intérêts au titre d'une concurrence déloyale, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°) Alors que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en condamnant solidairement, dans le dispositif de son arrêt, MM. Pierre et Georges X... à verser aux sociétés Allianz Iard et Allianz Vie la somme de 50 000 euros de dommages intérêts pour violation de la clause de non concurrence, tout en constatant, dans ses motifs, qu'ils avaient commis des faits de « concurrence déloyale », la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) Alors, enfin, et en tout état de cause, que la responsabilité pour concurrence déloyale suppose une faute caractérisée par des agissements distincts de la seule violation d'une éventuelle obligation de non-concurrence sanctionnée par la perte de l'indemnité compensatrice ; que pour retenir que MM. X... avaient commis des faits de concurrence déloyale au préjudice de la société AGF, l'arrêt attaqué se borne à relever qu'ils avaient fait « souscrire de nouveaux contrats à d'anciens assurés AGF après les avoir assistés à cet effet en prenant en charge les démarches de résiliation » (arrêt p. 7, §3) ; qu'en statuant par ces motifs impropres à établir que les consorts X... auraient pu inciter la clientèle concernée à résilier ses contrats pour la détourner à leur profit, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1240 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-22593
Date de la décision : 05/12/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 16 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 05 déc. 2018, pourvoi n°17-22593


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Zribi et Texier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.22593
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award