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05/12/2018 | FRANCE | N°17-22350

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 décembre 2018, 17-22350


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 18 mai 2017), rendu sur déféré, que l'EARL X... (l'EARL) a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 10 octobre 2014 et 1er octobre 2015 ; que la créance déclarée par la société Calvet agrofournitures (la société Calvet) a été admise par une ordonnance du juge-commissaire du 15 avril 2016 dont l'EARL a fait appel le 26 avril 2016 en intimant la seule société Calvet ; que celle-ci a soulevé l'irrecevabilité de l'ap

pel en raison de l'absence d'intimation de M. Y..., en sa qualité de liquidateur ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 18 mai 2017), rendu sur déféré, que l'EARL X... (l'EARL) a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 10 octobre 2014 et 1er octobre 2015 ; que la créance déclarée par la société Calvet agrofournitures (la société Calvet) a été admise par une ordonnance du juge-commissaire du 15 avril 2016 dont l'EARL a fait appel le 26 avril 2016 en intimant la seule société Calvet ; que celle-ci a soulevé l'irrecevabilité de l'appel en raison de l'absence d'intimation de M. Y..., en sa qualité de liquidateur de l'EARL ; que par une ordonnance du 26 janvier 2017, le conseiller de la mise en état a invité l'EARL à mettre en cause M. Y..., ès qualités, et à en justifier lors d'une audience d'incident ultérieure, les parties étant invitées à conclure pour cette date sur la recevabilité de l'appel de l'EARL, au regard de l'accomplissement de cette formalité, et a réservé sa décision quant à la demande d'irrecevabilité de l'appel ; que par un acte du 6 février 2017, l'EARL a assigné M. Y..., ès qualités, en intervention forcée afin de voir ordonner la jonction de l'assignation avec la procédure pendante devant la cour d'appel et voir déclarer la procédure opposable au liquidateur ; que par une ordonnance du 9 mars 2017, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel de l'EARL ;

Attendu que l'EARL fait grief à l'arrêt de confirmer cette ordonnance alors, selon le moyen :

1°/ que si, en cas d'indivisibilité, l'appel formé contre l'une des parties n'est recevable que si toutes ont été appelées à l'instance et qu'il existe un tel lien d'indivisibilité en matière de vérification du passif entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire, lorsque le débiteur a omis d'intimer le liquidateur, l'appel peut être régularisé par une assignation en intervention forcée de ce mandataire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 552 et 553 du code de procédure civile ;

2°/ qu'à supposer que l'irrégularité de la mise en cause de M. Y... soit avérée, une partie ne peut être privée de son droit d'accès au juge ou de son droit au recours par l'effet de la sanction disproportionnée de la méconnaissance d'une règle procédurale ; qu'en se fondant, pour déclarer l'appel irrecevable, sur la circonstance que M. Y... ne pouvait pas être intimé par la voie de l'intervention forcée relative à la mise en cause des tiers, quand cette procédure était mise en oeuvre à la demande du conseiller de la mise en état qui avait, dans son ordonnance du 26 janvier 2017, invité l'EARL à mettre en cause le liquidateur au visa de l'article 332 du code de procédure civile et partant par la délivrance d'une assignation en intervention forcée et quand cette procédure mise en oeuvre à la demande du juge avait permis d'appeler le liquidateur à l'instance en répondant ainsi aux exigences de l'article 553 du code de procédure civile, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit du débiteur à un accès au juge en violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

3°/ qu'en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel dirigé contre l'une des parties réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance ; que dès lors l'appelant qui a formé, dans les délais légaux, appel contre l'une des parties, peut appeler les autres à l'instance, même après l'expiration du délai d'appel ; qu'en l'espèce, l'EARL ayant interjeté appel dans le délai de dix jours imparti par l'article R. 661-3 du code de commerce à l'encontre de l'une des parties, pouvait régulièrement appeler le liquidateur dans la cause nonobstant l'expiration de ce délai ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 552 du code de procédure civile et R. 661-3 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que le lien d'indivisibilité existant en matière de vérification des créances au cours d'une procédure de liquidation judiciaire, entre le créancier, le débiteur et le liquidateur, impose au débiteur, conformément aux dispositions de l'article 553 du code de procédure civile, lorsqu'il forme seul appel de la décision d'admission d'une créance, d'intimer, non seulement le créancier, mais aussi le liquidateur et de respecter à l'égard de chacun d'eux les règles de la procédure d'appel ; qu'il résulte de l'article 552, alinéa 2, du même code que l'appelant, dès lors que son appel est recevable à l'égard d'au moins une partie et que l'instance est encore en cours, a la faculté d'appeler les parties omises après l'expiration du délai pour interjeter appel ; qu'ayant retenu à bon droit que le liquidateur était partie devant le juge-commissaire chargé de statuer sur l'admission de la créance de la société Calvet, l'arrêt en déduit exactement, abstraction faite des motifs erronés, mais surabondants, critiqués par la troisième branche, que M. Y..., ès qualités, ne pouvait être appelé à l'instance d'appel par la voie d'une assignation en intervention forcée, réservée à la mise en cause de tiers, mais devait être intimé par une nouvelle déclaration d'appel ;

Et attendu, en second lieu, qu'après avoir énoncé que le lien d'indivisibilité unissant les parties à l'instance imposait au débiteur appelant d'intimer, non seulement le créancier mais aussi le mandataire judiciaire, le conseiller de la mise en état a, par sa première ordonnance, demandé aux parties de conclure sur la recevabilité de l'appel au regard de la mise en cause du liquidateur, qu'il a invité la société débitrice à effectuer, et a réservé sa décision sur la fin de non-recevoir ; qu'en conséquence, en sanctionnant le non-respect des formes prévues par le code de procédure civile pour régulariser l'appel à l'égard d'une partie qui n'a pas été intimée par la déclaration d'appel initiale, dans le but légitime de permettre qu'une décision unique, opposable à l'ensemble des parties liées par l'indivisibilité du litige, soit rendue, cependant que la régularisation requise par la voie d'une nouvelle déclaration d'appel pouvait intervenir, même après la seconde ordonnance du conseiller de la mise en état jusqu'à ce que la cour d'appel statue, la cour d'appel n'a porté aucune atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge du débiteur appelant ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'EARL X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour l'EARL X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 9 mars 2017 ayant déclaré irrecevable l'appel de l'Earl X... à l'encontre de l'ordonnance du 15 avril 2016 selon déclaration d'appel n° 16/0 18 33 ;

Aux motifs que l'Earl X... soutient qu'en l'invitant à mettre en cause le mandataire judiciaire, le conseiller de la mise en état avait considéré que la présence aux débats du mandataire judiciaire était nécessaire au titre du lien d'indivisibilité, par application de l'article 553 du code civil. Et du fait de cette régularisation, toutes les parties avaient été appelées à l'instance de sorte que l'irrecevabilité initiale de l'action doit être écartée puisque sa cause aura disparu au moment où le juge sera amené à statuer. Soulignant la contradiction manifeste existant entre l'ordonnance du 26 janvier 2017 et celle du 9 mars 2017, elle estime que cette dernière ne pourra qu'être infirmée puisque le conseiller de la mise en état faisant application des pouvoirs donnés par l'article 332 du code de procédure civile avait permis une régularisation offerte par l'article 553 du même code en demandant la mise en cause de Me Y.... Elle ajoute que cette régularisation n'est donc pas enfermée dans le délai d'appel par application de l'article 552, qu'elle peut s'effectuer par une intervention volontaire mais également par une intervention forcée ainsi que l'a décidé la Cour de cassation dans un arrêt du 11 octobre 2016 (n° de pourvoi 14-28 889).
La société Calvet Agrofournitures soutient à l'inverse que l'Earl X... aurait dû intimer Me Y... dans le délai de 10 jours prévu à l'article R. 661-3 du code de commerce sans que l'accomplissement de cette formalité à l'expiration des délais d'appel puisse permettre de régulariser la procédure, puisque Me Y... successivement désigné comme mandataire judiciaire puis comme mandataire liquidateur était partie au litige dès la première instance et qu'il existait un lien d'indivisibilité entre les parties à l'instance de vérification du passif incompatible avec une régularisation tardive. Ainsi Me Y... aurait dû être intimé dans le cadre d'une déclaration d'appel formée en application des articles 901 du code de procédure civile et R. 661-3 précité sans possibilité de déroger aux règles d'ordre public, relatives aux délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours, de sorte qu'une mise en cause tardive de Me Y... postérieure à l'expiration du délai d'appel est inopérante, quand bien même elle résulterait d'une invitation du conseiller de la mise en état. Elle invoque pour sa part le dernier arrêt de la Cour de cassation du 2 novembre 2016 pour conclure à l'impossibilité d'une régularisation par voie d'intervention forcée du mandataire liquidateur d'autant que l'assignation correspondante a été délivrée hors délai de l'article R. 661-3 et à l'encontre de Me Y... qui n'exerce plus à titre individuel mais sous la forme d'une Selarl dénommée « étude Balincourt ». L'article 552 du code de procédure civile alinéa 2 prévoit qu'en cas d'indivisibilité à l'égard des parties, l'appel dirigé contre l'une des parties réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance. L'article 553 prévoit en substance que si la pluralité se trouve du côté des gagnants, l'appel formé contre l'un d'eux n'est recevable que s'ils sont tous appelés à l'instance. Enfin, il s'évince des articles 554 et 555 du Code de procédure civile, que ne peuvent être appelées en intervention forcée que les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité et quand l'évolution du litige implique leur mise en cause. Il est constant qu'il existe un lien d'indivisibilité en matière de vérification de passif, entre le créancier, le mandataire judiciaire et le débiteur. Il résulte de ce lien qu'en cas d'appel contre une décision d'admission du juge commissaire, formé par le débiteur seul, il appartient à ce dernier d'intimer non seulement le créancier mais aussi le mandataire judiciaire sans pouvoir s'en dispenser en invoquant une prétendue communauté d'intérêts qui l'unirait à ce dernier (Cass. Com. 29 septembre 2015 n° 14-13 257). Or le mandataire judiciaire est considéré une partie à la procédure d'admission des créances en ce qu'il représente l'intérêt collectif et que la vérification du passif entre dans ses missions au visa de l'article L. 624-2 du code de commerce (Cass. Com. 16 octobre 1990). Il en résulte que Me Y... ne pouvait pas être intimé par la voie de l'intervention forcée relative à la mise en cause des tiers (Cour de cassation 2ème Civ. 13 juillet 2005) qui se définissent comme les personnes qui ne sont ni parties ni représentées. L'Earl X... ne peut invoquer le bénéfice de la jurisprudence issue de l'arrêt du 11 octobre 2016 (n° 14-28889) qui se rapporte à l'hypothèse particulière dans laquelle l'intervention forcée du liquidateur a été admise dès lors que ce dernier venait d'être désigné dans le jugement faisant l'objet de l'appel. En l'occurrence, Me Y... est partie à l'instance depuis sa désignation en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de l'Earl X... et a fortiori depuis l'instance en contestation devant le juge-commissaire au cours de laquelle il a demandé l'admission de la créance pour un montant de 720.970,02 euros. Ainsi l'assignation en intervention forcée dirigée à son encontre le 6 février 2017 n'est pas de nature à régulariser la procédure. De plus, l'article R. 661-3 du code de commerce prévoit que le délai d'appel des parties est de 10 jours à compter de la notification qui leur est faite des décisions rendues en matière de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire. Ces dispositions sont exclusives du droit commun, étant constant qu'en matière de redressement et de liquidation judiciaire, les voies de recours restent soumises aux conditions de forme et de délais qui leur sont propres. L'Earl X... ne peut donc se prévaloir de l'effet conservatoire attaché aux dispositions de l'article 552 alinéa 2 du code de procédure civile. Les délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours sont d'ordre public et l'irrecevabilité résultant d'un non-respect ne peut être écartée que dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée. Il en résulte que l'Earl X... aurait dû intimer Me Y... dans le délai de 10 jours suivant la notification de l'ordonnance qui lui a été faite le 19 avril 2016. Or elle n'a pas visé Me Y... dans sa déclaration d'appel du 26 avril 2016 lequel aurait dû être intimé selon les règles applicables à la procédure d'appel, notamment en termes de délais. Et le fait que le conseiller de la mise en état ait dans un premier temps, par ordonnance du 26 janvier 2017, invité l'Earl X... à mettre en cause Me Y... mandataire judiciaire et d'en justifier à l'audience d'incident du lundi 20 février 2017 à 14 heures ne permet pas de considérer que la procédure aurait été régularisée, le juge de la mise en état n'ayant jamais décidé que l'accomplissement de cette formalité régulariserait l'appel mais seulement invité les parties à conclure pour cette date sur cette recevabilité au regard de cet accomplissement et réservant expressément la demande d'irrecevabilité présentée par la société Calvet Agrofournitures. En conséquence de ce qui précède, l'ordonnance déférée du 9 mars 2017 ne pourra qu'être confirmée dans toutes ses dispositions ;

1°- Alors que si en cas d'indivisibilité, l'appel formé contre l'une des parties n'est recevable que si toutes ont été appelées à l'instance et qu'il existe un tel lien d'indivisibilité en matière de vérification du passif entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire, lorsque le débiteur a omis d'intimer le liquidateur, l'appel peut être régularisé par une assignation en intervention forcée de ce mandataire ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 552 et 553 du code de procédure civile ;

2°- Alors en tout état de cause, à supposer que l'irrégularité de la mise en cause de Maître Y... soit avérée, une partie ne peut être privée de son droit d'accès au juge ou de son droit au recours par l'effet de la sanction disproportionnée de la méconnaissance d'une règle procédurale ; qu'en se fondant pour déclarer l'appel irrecevable, sur la circonstance que Maître Y... ne pouvait pas être intimé par la voie de l'intervention forcée relative à la mise en cause des tiers, quand cette procédure était mise en oeuvre à la demande du conseiller de la mise en état qui avait dans son ordonnance du 26 janvier 2017, invité l'Earl X... à mettre en cause le liquidateur au visa de l'article 332 du code de procédure civile et partant par la délivrance d'une assignation en intervention forcée et quand cette procédure mise en oeuvre à la demande du juge avait permis d'appeler le liquidateur à l'instance en répondant ainsi aux exigences de l'article 553 du code de procédure civile, la Cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit du débiteur à un accès au juge en violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

3°- Alors qu'en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel dirigé contre l'une des parties réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance ; que dès lors l'appelant qui a formé, dans les délais légaux, appel contre l'une des parties, peut appeler les autres à l'instance, même après l'expiration du délai d'appel ; qu'en l'espèce, l'Earl X... ayant interjeté appel dans le délai de dix jours imparti par l'article R. 661-3 du code de commerce à l'encontre de l'une des partie, pouvait régulièrement appeler le liquidateur dans la cause nonobstant l'expiration de ce délai ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 552 du code de procédure civile et R. 661-3 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-22350
Date de la décision : 05/12/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 18 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 déc. 2018, pourvoi n°17-22350


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.22350
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