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05/12/2018 | FRANCE | N°17-18218

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 décembre 2018, 17-18218


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 16 mars 2017), que M. Y..., engagé le 2 avril 2001 par la société Electro France Aquitaine devenue la société Eiffage énergie Aquitaine (la société), en qualité d'ouvrier d'exécution, a, à partir de 2005, occupé successivement les fonctions de délégué du personnel, d'élu au comité d'entreprise puis de délégué syndical ; qu'il a, le 12 décembre 2012, reçu notification d'une mise à pied disciplinaire à effet du 9 janvier 2013 qu'il a contestée par courrier du

17 janvier 2013 et a, le 16 mai 2013, saisi la juridiction prud'homale pour obten...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 16 mars 2017), que M. Y..., engagé le 2 avril 2001 par la société Electro France Aquitaine devenue la société Eiffage énergie Aquitaine (la société), en qualité d'ouvrier d'exécution, a, à partir de 2005, occupé successivement les fonctions de délégué du personnel, d'élu au comité d'entreprise puis de délégué syndical ; qu'il a, le 12 décembre 2012, reçu notification d'une mise à pied disciplinaire à effet du 9 janvier 2013 qu'il a contestée par courrier du 17 janvier 2013 et a, le 16 mai 2013, saisi la juridiction prud'homale pour obtenir l'annulation de cette mise à pied et des dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en annulation de la mise à pied disciplinaire prononcée à son encontre le 12 décembre 2012 et, en conséquence, de rejeter sa demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, ainsi que celle formulée par l'union départementale CGT des Landes au titre de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession, alors, selon le moyen :

1°/ qu'une sanction disciplinaire ne peut être prononcée qu'en raison de faits constituant un manquement du salarié à ses obligations professionnelles envers l'employeur ; qu'en jugeant la mise à pied disciplinaire prononcée à son encontre justifiée, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les faits sanctionnés n'avaient pas été commis par le salarié dans l'exercice de ses fonctions représentatives et/ou syndicales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1331-1 et 1333-2 du code du travail ;

2°/ subsidiairement, que le salarié, qui s'est approprié les motifs du jugement entrepris en sollicitant sa confirmation, soutenait encore que la mise à pied prononcée à son encontre sanctionnait sa « pratique syndicale », soit l'exercice de ses mandats ; qu'en ne réfutant pas ces conclusions, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 alinéa 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que le salarié n'a pas qualité pour critiquer le rejet d'une demande formée par l'Union départementale CGT des Landes contre la société au titre de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession ;

Attendu, ensuite, que sous le couvert des griefs non fondés de manque de base légale et de vice de la motivation, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui, ayant constaté le mal être des salariés travaillant avec M. Y... et les comportements critiquables de celui-ci ainsi que la multiplication des altercations et des injures, a estimé que rien ne démontrait que les dysfonctionnements dénoncés un mois et demi plus tôt par le salarié aient eu un quelconque lien avec la sanction prononcée et que le comportement perturbateur du salarié justifiait la sanction qui, au regard des faits de la cause, n'apparaissait ni excessive, ni disproportionnée ;

D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et, en conséquence, de débouter l'union départementale CGT des Landes de sa propre demande de dommages et intérêts au titre de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il appartient au juge d'examiner l'ensemble des faits présentés par le salarié comme laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale ; qu'il faisait valoir et offrait de prouver par la production d'une attestation d'un tiers à l'entreprise que l'employeur l'avait réaffecté, après plusieurs changements successifs dans différents services, sur le chantier placé sous la responsabilité de M. A... et que ce dernier, à son arrivée, avait refusé de lui donner du travail, lui ordonnant de rester dans son véhicule, ce qui n'avait appelé aucune réaction de l'employeur ou contrordre ; qu'en s'abstenant de rechercher si ces éléments laissaient présumer la discrimination invoquée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

2°/ subsidiairement, que, lorsque les éléments établis par le salarié, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination, il appartient à l'employeur de justifier ses décisions par des éléments objectifs et étrangers à toute discrimination ; qu'en se bornant à retenir que sa tentative de retour sur un chantier, en novembre 2016, avait « tourné court », la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser que l'absence de fourniture de travail au salarié le 21 novembre 2016 était étrangère à toute discrimination, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

3°/ que l'absence d'évolution professionnelle du titulaire d'un mandat syndical pendant plusieurs années constituant un élément de nature à laisser supposer l'existence d'une situation de discrimination syndicale, l'employeur est tenu de justifier de la stagnation de carrière du salarié par des éléments objectifs et étrangers à toute discrimination couvrant l'intégralité de la période considérée ; qu'en se fondant dès lors exclusivement sur des attestations datant de l'année 2010 ou de faits survenus postérieurement, pour dire que l'évolution professionnelle du salarié était imputable à son « comportement perturbateur (
) peu compatible avec une augmentation d'échelon ou une progression de carrière », cependant qu'elle constatait l'absence d'évolution professionnelle du salarié depuis l'année 2005, la cour d'appel, qui n'a constaté aucune justification objective à la stagnation de carrière de l'intéressé pour les années 2005 à 2009, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

4°/ que, lorsque les éléments établis par le salarié, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination, il appartient à l'employeur de justifier ses décisions par des éléments, non seulement objectifs, mais surtout étrangers à toute discrimination ; que, pour dire que l'affectation du salarié au service « magasin » et les tensions relationnelles qui en étaient découlées n'étaient pas imputables à l'employeur, la cour d'appel a énoncé que « s'il n'est pas contestable que l'arrivée « en surnombre » d'un quatrième salarié dans ce service a posé un problème de « redistribution des tâches », cette difficulté qui n'explique pas, et de loin, la « dégradation du climat social de l'entité magasin » en moins d'une année, est clairement imputée par le rédacteur du rapport, au temps de présence réduit et « imprévisible » de l'un des quatre salariés (« la charge de travail au sein du magasin étant calibrée pour un collectif de trois et nécessitant une organisation cadrée (régulière et répétée) trouve difficilement concordance avec les possibilités de déléguer certaines tâches au quatrième du fait de ne pouvoir prévoir ses temps de présence et/ou d'absence au sein du collectif de travail ») », ce dont elle a déduit que « ce n'est donc pas la décision d'affecter M. Eric Y... à ce service - dans un contexte de contraintes liées aux aptitudes de ce salarié et à l'impossibilité de l'affecter à un poste de chantier - qui est à l'origine des tensions relationnelles mais bien l'imprévisibilité de son temps de travail dont il porte la responsabilité » ; qu'en admettant ainsi la justification de l'employeur, quand elle faisait explicitement référence à l'utilisation par le salarié de ses heures de délégation, en sorte qu'elle n'était nullement étrangère aux activités représentatives et syndicales du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-15 du code du travail ;

5°/ que le salarié faisait valoir qu'« au cours d'une réunion statutaire des délégués du personnel, le représentant de la direction offrit à M. Y... une BD d'Astérix et Obélix dont le titre était « la zizanie » ; qu'après avoir constaté que la matérialité de ce fait était établie, la cour d'appel a estimé que, « quant aux brimades, injures et autres réactions inappropriées dont le salarié a effectivement régulièrement fait l'objet à compter de 2012 de la part de collègues de travail - mais dont la portée doit être atténuée par les propos tout aussi dénigrants et injurieux de M. Eric Y... à leur encontre - la réaction de l'employeur qui a consisté à organiser des réunions et à recueillir les excuses de ces collègues, constituait une réponse adaptée propre à apaiser les tensions » ; qu'en statuant ainsi, sans viser le ou les éléments de preuve sur lesquels elle fondait ses constatations, d'une part, que le salarié aurait tenu à l'endroit de ce représentant de l'employeur des propos dénigrants et injurieux, d'autre part, que ce dernier lui aurait présenté des excuses au cours d'une réunion quelconque, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ qu'en statuant ainsi, après avoir encore constaté que le salarié établissait qu'au cours de la réunion du 27 avril 2012 il avait été l'objet d'insultes à raison de l'exercice de ses fonctions représentatives et syndicales, la cour d'appel, qui n'a pas précisé l'origine de ses constatations relatives au prétendu comportement dénigrant et injurieux du salarié à l'égard des auteurs de ces insultes et à l'existence de leurs excuses, a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°/ qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que, « s'agissant de la convocation à un entretien préalable fixé au 17 juillet 2015 qui a été envoyée le 6 juillet 2015 à M. Eric Y..., en vue d'une mesure de licenciement, il s'est révélé que les accusations d'escroquerie sur lesquelles étaient fondées la procédure mise en oeuvre reposaient sur une fausse note de frais portant la signature au demeurant mal imitée du salarié » ; qu'en jugeant que ce fait n'était pas constitutif de discrimination syndicale, cependant qu'elle constatait qu'« aucune explication satisfaisante n'a été donnée par la société Eiffage à l'élaboration et à l'usage d'un faux document qui ne peut trouver sa source dans une simple « erreur comptable » », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations de fait en violation des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

8°/ qu'en statuant comme elle a fait, motif pris que cette procédure avait été interrompue et qu'aucune sanction n'avait été prononcée à sa suite, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que le salarié n'a pas qualité pour critiquer le rejet d'une demande formée par l'Union départementale CGT des Landes contre la société au titre de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession ;

Attendu, ensuite, qu'appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et sans avoir à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, la cour d'appel, après avoir retenu que certains éléments laissaient présumer l'existence d'une discrimination syndicale, a estimé que l'attitude dénigrante et de stigmatisation systématique de ses collègues de travail auprès de la direction, adoptée par le salarié, ne pouvait en rien s'expliquer par la mission de protection des intérêts des salariés dévolue à un représentant du personnel ou à un délégué syndical et que l'employeur fournissait ainsi des éléments objectifs démontrant que ses décisions étaient étrangères à toute discrimination syndicale ;

D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de sa demande en annulation de la mise à pied disciplinaire prononcée à son encontre le 12 décembre 2012 et d'AVOIR, en conséquence, rejeté la demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale formulée par le salarié, ainsi que celle formulée par l'Union Départementale CGT des Landes au titre de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession ;

AUX MOTIFS QUE, sur la discrimination syndicale : en application des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en outre, l'appréciation de l'existence d'une discrimination syndicale, dont l'appréciation diffère de l'appréciation d'une méconnaissance du principe d'égalité de traitement, n'implique pas nécessairement l'existence d'une comparaison avec la situation d'autres salariés ; que pour étayer sa demande M. Eric Y... invoque divers éléments qui établissent selon lui la discrimination syndicale dont il a été victime, à savoir, la stagnation de sa carrière à partir de 2005 et sa mise au placard à partir de novembre 2012, l'inertie de la direction face aux menaces proférées à son encontre ; qu'il ressort en effet des pièces produites que dans les trois premières années de sa carrière l'appelant est passé du coefficient 110 au coefficient 140, alors que depuis 2005 ce coefficient n'a plus évolué, et qu'il existait une marge de progression jusqu'au coefficient 180 dans sa catégorie ; que de plus, M. Eric Y... fait valoir qu'il n'a bénéficié d'aucun entretien d'évaluation ; qu'il ajoute qu'ayant exercé des fonctions de monteur électricien et travaillé sur les chantiers jusqu'au mois de novembre 2012, il a, à compter de cette date fait l'objet de changement d'affectation à répétition (affectation en janvier 2013 sur un poste de magasinier puis à compter du mois de février 2014, à l'atelier de préparation de chantiers, avec une tentative en 2016 de réaffectation sur site) qui ne correspondent pas à sa formation qui ne sont conformes ni aux intérêts du service, ni à ses attentes personnelles, et qui ont généré pour lui la perte d'avantages financiers (primes, heures supplémentaires) ; qu'il précise que ces modifications sont intervenues dans un contexte de dénonciation par lui-même (lettre du 27 octobre 2012 envoyée à la société Eiffage dont copie à l'inspection du travail et au secrétaire du CHSCT) de nombreux dysfonctionnements aux règles de sécurité qu'il avait constatés dans l'entreprise ; que M. Eric Y... fait également valoir des atteintes systématiques à sa personne, auxquelles il considère que la direction n'a pas ou insuffisamment réagi : - à l'issue d'une réunion du 19 mars 2010 ayant eu pour principal sujet l'exercice par M. Eric Y... de ses attributions syndicales, où il a été menacé par deux collègues de travail (M. A... et M. B...) ayant déclaré qu'ils ne voulaient plus de lui dans leur équipe ; - le 27 avril 2012, où il a retrouvé son casque de chantier maculé de graffitis obscènes et haineux (un sexe masculin et une croix gammée) ce qui a donné lieu à une nouvelle réunion organisée le jour-même par la direction au cours de laquelle M. Eric Y... a une nouvelle fois été la cible d'insultes visant expressément ses fonctions syndicales et de représentation ; - le 24 octobre 2012, lors d'une réunion préparatoire de comité d'entreprise il s'est une nouvelle fois vu menacer par un autre élu (Je vais te coller une bouffe") ; - la remise lors d'une réunion statutaire des délégués du personnel de la BD d'Uderzo et Goscinny "La Zizanie" qu'il interprète comme une brimade ; - des accusations infondées de vol avant généré la mise en oeuvre (interrompue) d'une procédure de licenciement de la part de la direction ; que la matérialité des faits relatés par M. Eric Y... (et non l'interprétation qu'il en donne) n'étant pas contestée par la société Eiffage il n'est pas contestable que pris dans leur ensemble, ces éléments laissent présumer l'existence d'une discrimination syndicale ; qu'il appartient en conséquence à la société Eiffage de démontrer que les éléments dénoncés sont étrangers à toute discrimination syndicale ; qu'à cet égard, l'employeur affirme que les multiples altercations, attitudes de rejet, changements de poste auxquels M. Eric Y... a été confronté sont principalement imputables à son attitude dénigrante, agressive et provocatrice, que dans le cadre de l'obligation de santé et de sécurité qui lui incombe il a pris à la fois les mesures nécessaires au rétablissement du bon fonctionnement des services et les sanctions appropriées lorsqu'elles étaient nécessaires ; qu'il ressort en effet des nombreuses attestations produites par l'employeur, mais aussi des propres courriers de M. Eric Y... adressés à la société Eiffage - voir lettre du 27 octobre 2012 - que ce salarié n'avait de cesse, lorsqu'il travaillait sur les chantiers de scruter le comportement de ses collègues de travail pour relever - photographies à l'appui - les manquements de ces derniers aux règles de sécurité, intervenir auprès de ces derniers pendant l'exécution de leur travail, les dénoncer à la direction de l'entreprise, voire porter plainte à leur encontre ou menacer de le faire (voir attestation de M. C...) ; qu'il est également établi par les attestations de Mmes D... et E..., que lors d'un déplacement de M. Eric Y... dans l'établissement IEG à Villeneuve de Marsan ayant pour objet la consultation du registre du personnel, celui-ci s'est autorisé à faire des observations désobligeantes sur la qualité du travail de la secrétaire chargée de la tenue de ce registre et sur sa supérieure hiérarchique ; qu'outre les sanctions que n'ont pas manqué d'entraîner pour certains de ses collègues (avertissement délivré à M. F... le 14 décembre 2012), les dénonciations sinon nominatives en tous cas parfaitement ciblées et identifiables de M. Eric Y..., l'attitude dénigrante et de stigmatisation systématique de celui-ci - qui ne peut en rien s'expliquer par la mission de protection des intérêts des salariés dévolue à un représentant du personnel ou à un délégué syndical - a généré une réaction d'exaspération et de rejet précisément illustrée par les attestations d'une dizaine de salariés ayant écrit à l'employeur qu'ils refusaient désormais de travailler avec M. Eric Y... ; que contrairement à l'appréciation des premiers juges qui ont considéré que les courriers de MM. G..., H..., F..., I..., B..., J..., étaient dépourvus de valeur probante parce qu'ils étaient rédigés de "façon quasi identique" ces pièces, qui certes sont similaires dans leur forme et leur contenu, ont le même objet et sont largement confortées par d'autres attestations, rédigées à une autre époque (2010) ou émanant d'autres salariés qui décrivent des situations précises et circonstanciées traduisant les mêmes excès et le même désarroi (attestation de MM. C... et K...) ; que le conseil de prud'hommes ne pouvait pas en conséquence les écarter ; que cette situation de conflit ayant des répercussions tant sur l'organisation du travail que sur la santé et la sécurité des salariés, il appartenait à l'employeur de réagir, ce qu'il a fait d'abord en convoquant M. Eric Y... en novembre 2012 (annexe n° 47 de la société Eiffage) à une réunion à laquelle participaient des membres de la direction de l'entreprise et des représentants du syndicat CGT auquel adhère M. Eric Y..., afin "d'échanger et définir les mesures à prendre" ; puis, cette réunion étant restée sans effet (voir mise à pied du 12 décembre 2012 motivée par les propos et agissements excessifs et inappropriés de M. Eric Y...) à déplacer M. Eric Y... dans un autre service (magasin) ; que M. Eric Y... n'a pas contesté cette affectation qui était au demeurant conforme aux fonctions qu'il pouvait exercer au regard de son contrat de travail ; qu'il affirme cependant qu'il s'est alors trouvé "isolé" et "coupé" des salariés qui le soutenaient dans sa démarche ; que cependant, ayant été nommé au sein d'une équipe de trois personnes dans un service faisant un peu office de "plaque tournante" dans l'entreprise, M. Eric Y... ne peut alléguer d'un isolement ; que quant au soutien de ses collègues, il n'en justifie par aucune lettre ou attestation, pas même de ses collègues syndiqués ; qu'or, force est de constater que de nouveaux incidents (lettre de M. C... du 30 juin 2013) se sont très rapidement reproduits dans ce service (distributions de tracts syndicaux pendant le temps du travail, utilisation des heures de délégation sans en aviser préalablement son supérieur, menaces de représailles en justice, climat de suspicion...) générant à nouveau un climat de tension et de mal-être tel parmi les salariés du service concerné, qu'à l'initiative du médecin du travail, un audit a été confié à une psychologue du service de santé au travail des Landes, Mme L... ; que les conclusions de son rapport du 15 janvier 2014 sont les suivantes : "Nous sommes en présence d'un climat social fortement dégradé au sein de cette équipe. La poursuite de celle collaboration, vécue douloureusement par l'ensemble des membres de l'équipe, me paraît délicate à maintenir au risque de favoriser une dégradation de la santé mentale des personnes concernées" ; que M. Eric Y... ne conteste pas les conclusions de ce rapport dont il se prévaut pour étayer la situation de souffrance au travail qu'il a subie et l'inadéquation de la décision de la direction de l'entreprise de l'avoir affecté à ce service, dont il déduit qu'elle constitue bien la preuve d'une discrimination syndicale à son encontre ; qu'il importe cependant de relever qu'avant l'arrivée de M. Eric Y... dans ce service de trois personnes, essentiellement composé de salariés ayant une longue ancienneté et au moins 5 ans de présence dans ce poste, aucune difficulté relationnelle n'avait été relevée ; que s'il n'est pas contestable que l'arrivée "en surnombre" d'un quatrième salarié dans ce service a posé un problème de "redistribution des tâches", cette difficulté qui n'explique pas, et de loin, la "dégradation du climat social de l'entité magasin" en moins d'une année, est clairement imputée par le rédacteur du rapport, au temps de présence réduit et "imprévisible" de l'un des quatre salariés ("la charge de travail au sein du magasin étant calibrée pour un collectif de trois et nécessitant une organisation cadrée (régulière et répétée) trouve difficilement concordance avec les possibilités de déléguer certaines tâches au quatrième du fait de ne pouvoir prévoir ses temps de présence et/ou d'absence au sein du collectif de travail" ) ; que ce n'est donc pas la décision d'affecter M. Eric Y... à ce service - dans un contexte de contraintes liées aux aptitudes de ce salarié et à l'impossibilité de l'affecter à un poste de chantier - qui est à l'origine des tensions relationnelles mais bien l'imprévisibilité de son temps de travail dont il porte la responsabilité ; que le risque pour la santé des salariés étant une nouvelle fois avéré, l'employeur n'avait pas d'autre choix que d'affecter M. Eric Y... à un troisième poste de travail, ce qu'il a fait dès le mois de février 2014, c'est-à-dire à la suite de la communication du rapport de Mme L..., remplissant ainsi son obligation de préservation de la santé et de la sécurité des salariés de l'entreprise ; que quant aux brimades, injures et autres réactions inappropriées dont M. Eric Y... a effectivement régulièrement fait l'objet à compter de 2012 de la part de collègues de travail - mais dont la portée doit être atténuée par les propos tout aussi dénigrants et injurieux de M. Eric Y... à leur encontre - la réaction de l'employeur qui a consisté à organiser des réunions et à recueillir les excuses de ces collègues, constituait une réponse adaptée propre à apaiser les tensions ; qu'il en va de même de la note de service diffusée par la direction, immédiatement après les faits, sur le caractère intolérable de l'agression dont M. Eric Y... avait fait l'objet le 27 avril 2012 et les sanctions qui seraient prises en cas d'identification du responsable ; que cette évolution professionnelle chaotique, dont il vient d'être démontré qu'elle est étrangère à toute discrimination syndicale mais consécutive au comportement perturbateur de M. Eric Y..., apparaît peu compatible avec une augmentation d'échelon ou une progression de carrière, et ce d'autant que ce salarié a fait l'objet d'avertissements et mise à pied et que son terrain de prédilection est celui du chantier ; que d'ailleurs, une tentative de retour sur un chantier, en novembre 2016, a tourné court ; que l'employeur démontre au demeurant que le niveau de rémunération de M. Eric Y... est supérieur à celui de son coefficient de base (140) et que des salariés ayant une ancienneté supérieure à celle de M. Eric Y... sont au même coefficient que lui ; que s'agissant des entretiens d'évaluation annuels dont il sera précisé qu'ils ne sont pas prévus par les accords collectifs s'appliquant à l'entreprise, la société Eiffage affirme qu'ils ne faisaient pas partie, jusqu'à une date récente, de la culture de l'entreprise ; qu'il ressort de ses propres pièces que cette pratique s'est néanmoins développée dans la société à partir de 2010 ; que cependant, au regard du faible pourcentage d'ouvriers qui en a bénéficié jusqu'en 2012 (- de 25 %) et du refus opposé par ce dernier à s'y soumettre lorsqu'un tel entretien lui a été proposé en 2015 (voir attestation de MM. riscadieu et M...) la circonstance que M. Eric Y... fasse partie des 75 % qui n'en ont pas encore bénéficié ne permet pas de considérer cotte omission comme la preuve d'une discrimination syndicale ; que s'agissant enfin de la convocation à un entretien préalable fixé au 17 juillet 2015 qui a été envoyée le 6 juillet 2015 à M. Eric Y..., en vue d'une mesure de licenciement, il s'est révélé que les accusations d'escroquerie sur lesquelles étaient fondées la procédure mise en oeuvre reposaient sur une fausse note de frais portant la signature au demeurant mal imitée du salarié ; qu'aucune explication satisfaisante n'a été donnée par la société Eiffage à l'élaboration et à l'usage d'un faux document qui ne peut trouver sa source dans une simple "erreur comptable" ; que cependant, la procédure de licenciement ayant été interrompue avant qu'une sanction ne soit prise M. Eric Y... n'allègue, ni ne justifie de la mesure discriminatoire qui lui aurait été appliquée à la suite de cette convocation ; qu'il en découle que les éléments de preuve fournis par l'employeur démontrent que les mesures prises avant le mois de juillet 2015 étaient étrangères à toute discrimination syndicale et que la convocation à un entretien préalable à un licenciement du 6 juillet 2015 n'a eu aucune suite ; que dès lors, pris dans leur ensemble, les faits allégués par M. Eric Y... ne permettent pas de juger que ce salarié a été victime de discrimination syndicale ; que le jugement du conseil de prud'hommes devra en conséquence être infirmé de ce chef et M. Eric Y... débouté de ses prétentions tendant à l'indemnisation de faits de discrimination syndicale ; que sur la mise à pied prononcée le 12 décembre 2012 ayant pris effet le 9 janvier 2013 : le juge prud'homal tient de l'article L. 1333-1 du code du travail le pouvoir d'apprécier et d'annuler une sanction disciplinaire, autre qu'un licenciement, lorsqu'elle est irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise ; qu'en l'occurrence, la mise à pied d'une journée prononcée le 12 décembre 2012 à l'encontre de M. Eric Y... est fondée sur le motif suivant : « votre attitude excessive est dorénavant systématique tant à l'égard de vos collègues de travail qu'à l'égard de vos homologues représentants du personnel, constitue une forme de harcèlement moral dans la mesure où toutes les personnes qui travaillent avec vous se plaignent successivement à la direction. Vos propos et agissements, excessifs ou inappropriés selon les cas d'espèce, conduisent à déprécier leurs conditions de travail et à porter atteinte à leur intégrité mentale. Lors de notre entretien du mardi 20 novembre 2012, vous avez nié toute responsabilité dans les perturbations provoquées au sein des équipes. Pire, vous avez refusé de manière radicale de vous remettre en question, ne serait-ce que partiellement. (...) » ; que contrairement aux allégations de la société Eiffage, la prescription n'a été invoquée ni par le salarié, ni par le conseil de prud'hommes, lequel a seulement considéré que la mise à pied devait être annulée parce que cette sanction visait la pratique syndicale de M. Eric Y... ; qu'or, il a déjà été expliqué ci-dessus, que les courriers rédigés par les collègues de travail de M. Eric Y..., traduisaient non seulement un mal-être réel et généralisé des salariés travaillant sur les mêmes chantiers que ce dernier, mais aussi la réalité de comportements critiquables (harcèlement, photographies de collègues notamment) ; que le nombre de courriers reçus par la direction et la multiplication des incidents (altercations, injures) et la récurrence des plaintes n'imposaient pas la mise en oeuvre d'une enquête, les faits sur lesquels le salarié a été mis en mesure de s'expliquer, étant suffisamment avérés ; que rien ne démontre en revanche que les dysfonctionnements dénoncés un mois et demi plus tôt par M. Eric Y... dans sa lettre du 27 octobre 2012, qui n'était pas la première que recevait la direction de la société Eiffage et à laquelle elle a d'ailleurs en partie donné suite, aient eu un quelconque lien avec la sanction prononcée ; qu'au regard de ses répercussions sur l'organisation du travail au sein de l'entreprise, sur la santé et la sécurité des salariés, le comportement perturbateur de M. Eric Y... justifiait une sanction, qui au regard des faits de la cause, n'apparaît ni excessive, ni disproportionnée (mise à pied d'une journée) ; que le jugement du conseil de prud'hommes sera là encore infirmé ; que, sur l'intervention du syndicat Union Départementale CGT des Landes : cette intervention étant nécessairement accessoire à la demande de M. Y... fondée sur la discrimination syndicale laquelle n'a pas été retenue par la cour, il y a lieu de débouter ce syndicat de ses prétentions ;

1°) ALORS QU'une sanction disciplinaire ne peut être prononcée qu'en raison de faits constituant un manquement du salarié à ses obligations professionnelles envers l'employeur ; qu'en jugeant la mise à pied disciplinaire prononcée à l'encontre de M. Y... justifiée, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (cf. conclusions d'appel p. 18 à 20), si les faits sanctionnés n'avait pas été commis par le salarié dans l'exercice de ses fonctions représentatives et/ou syndicales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1331-1 et 1333-2 du code du travail ;

2°) ET ALORS, subsidiairement, QUE M. Y..., qui s'est approprié les motifs du jugement entrepris en sollicitant sa confirmation, soutenait encore que la mise à pied prononcée à son encontre sanctionnait sa « pratique syndicale », soit l'exercice de ses mandats (cf. jugement entrepris p. 8 § 1 à 7) ; qu'en ne réfutant pas ces conclusions, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 alinéa 4 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale formulée par le salarié et d'AVOIR, en conséquence, débouté l'Union Départementale CGT des Landes de sa propre demande de dommages et intérêts au titre de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession ;

AUX MOTIFS QUE, sur la discrimination syndicale : en application des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en outre, l'appréciation de l'existence d'une discrimination syndicale, dont l'appréciation diffère de l'appréciation d'une méconnaissance du principe d'égalité de traitement, n'implique pas nécessairement l'existence d'une comparaison avec la situation d'autres salariés ; que pour étayer sa demande M. Eric Y... invoque divers éléments qui établissent selon lui la discrimination syndicale dont il a été victime, à savoir, la stagnation de sa carrière à partir de 2005 et sa mise au placard à partir de novembre 2012, l'inertie de la direction face aux menaces proférées à son encontre ; qu'il ressort en effet des pièces produites que dans les trois premières années de sa carrière l'appelant est passé du coefficient 110 au coefficient 140, alors que depuis 2005 ce coefficient n'a plus évolué, et qu'il existait une marge de progression jusqu'au coefficient 180 dans sa catégorie ; que de plus, M. Eric Y... fait valoir qu'il n'a bénéficié d'aucun entretien d'évaluation ; qu'il ajoute qu'ayant exercé des fonctions de monteur électricien et travaillé sur les chantiers jusqu'au mois de novembre 2012, il a, à compter de cette date fait l'objet de changement d'affectation à répétition (affectation en janvier 2013 sur un poste de magasinier puis à compter du mois de février 2014, à l'atelier de préparation de chantiers, avec une tentative en 2016 de réaffectation sur site) qui ne correspondent pas à sa formation qui ne sont conformes ni aux intérêts du service, ni à ses attentes personnelles, et qui ont généré pour lui la perte d'avantages financiers (primes, heures supplémentaires) ; qu'il précise que ces modifications sont intervenues dans un contexte de dénonciation par lui-même (lettre du 27 octobre 2012 envoyée à la société Eiffage dont copie à l'inspection du travail et au secrétaire du CHSCT) de nombreux dysfonctionnements aux règles de sécurité qu'il avait constatés dans l'entreprise ; que M. Eric Y... fait également valoir des atteintes systématiques à sa personne, auxquelles il considère que la direction n'a pas ou insuffisamment réagi : - à l'issue d'une réunion du 19 mars 2010 ayant eu pour principal sujet l'exercice par M. Eric Y... de ses attributions syndicales, où il a été menacé par deux collègues de travail (M. A... et M. B...) ayant déclaré qu'ils ne voulaient plus de lui dans leur équipe ; - le 27 avril 2012, où il a retrouvé son casque de chantier maculé de graffitis obscènes et haineux (un sexe masculin et une croix gammée) ce qui a donné lieu à une nouvelle réunion organisée le jour-même par la direction au cours de laquelle M. Eric Y... a une nouvelle fois été la cible d'insultes visant expressément ses fonctions syndicales et de représentation ; - le 24 octobre 2012, lors d'une réunion préparatoire de comité d'entreprise il s'est une nouvelle fois vu menacer par un autre élu (Je vais te coller une bouffe") ; - la remise lors d'une réunion statutaire des délégués du personnel de la BD d'Uderzo et Goscinny "La Zizanie" qu'il interprète comme une brimade ; - des accusations infondées de vol avant généré la mise en oeuvre (interrompue) d'une procédure de licenciement de la part de la direction ; que la matérialité des faits relatés par M. Eric Y... (et non l'interprétation qu'il en donne) n'étant pas contestée par la société Eiffage il n'est pas contestable que pris dans leur ensemble, ces éléments laissent présumer l'existence d'une discrimination syndicale ; qu'il appartient en conséquence à la société Eiffage de démontrer que les éléments dénoncés sont étrangers à toute discrimination syndicale ; qu'à cet égard, l'employeur affirme que les multiples altercations, attitudes de rejet, changements de poste auxquels M. Eric Y... a été confronté sont principalement imputables à son attitude dénigrante, agressive et provocatrice, que dans le cadre de l'obligation de santé et de sécurité qui lui incombe il a pris à la fois les mesures nécessaires au rétablissement du bon fonctionnement des services et les sanctions appropriées lorsqu'elles étaient nécessaires ; qu'il ressort en effet des nombreuses attestations produites par l'employeur, mais aussi des propres courriers de M. Eric Y... adressés à la société Eiffage - voir lettre du 27 octobre 2012 - que ce salarié n'avait de cesse, lorsqu'il travaillait sur les chantiers de scruter le comportement de ses collègues de travail pour relever - photographies à l'appui - les manquements de ces derniers aux règles de sécurité, intervenir auprès de ces derniers pendant l'exécution de leur travail, les dénoncer à la direction de l'entreprise, voire porter plainte à leur encontre ou menacer de le faire (voir attestation de M. C...) ; qu'il est également établi par les attestations de Mmes D... et E..., que lors d'un déplacement de M. Eric Y... dans l'établissement IEG à Villeneuve de Marsan ayant pour objet la consultation du registre du personnel, celui-ci s'est autorisé à faire des observations désobligeantes sur la qualité du travail de la secrétaire chargée de la tenue de ce registre et sur sa supérieure hiérarchique ; qu'outre les sanctions que n'ont pas manqué d'entraîner pour certains de ses collègues (avertissement délivré à M. F... le 14 décembre 2012), les dénonciations sinon nominatives en tous cas parfaitement ciblées et identifiables de M. Eric Y..., l'attitude dénigrante et de stigmatisation systématique de celui-ci - qui ne peut en rien s'expliquer par la mission de protection des intérêts des salariés dévolue à un représentant du personnel ou à un délégué syndical - a généré une réaction d'exaspération et de rejet précisément illustrée par les attestations d'une dizaine de salariés ayant écrit à l'employeur qu'ils refusaient désormais de travailler avec M. Eric Y... ; que contrairement à l'appréciation des premiers juges qui ont considéré que les courriers de MM. G..., H..., F..., I..., B..., J..., étaient dépourvus de valeur probante parce qu'ils étaient rédigés de "façon quasi identique" ces pièces, qui certes sont similaires dans leur forme et leur contenu, ont le même objet et sont largement confortées par d'autres attestations, rédigées à une autre époque (2010) ou émanant d'autres salariés qui décrivent des situations précises et circonstanciées traduisant les mêmes excès et le même désarroi (attestation de MM. C... et K...) ; que le conseil de prud'hommes ne pouvait pas en conséquence les écarter ; que cette situation de conflit ayant des répercussions tant sur l'organisation du travail que sur la santé et la sécurité des salariés, il appartenait à l'employeur de réagir, ce qu'il a fait d'abord en convoquant M. Eric Y... en novembre 2012 (annexe n° 47 de la société Eiffage) à une réunion à laquelle participaient des membres de la direction de l'entreprise et des représentants du syndicat CGT auquel adhère M. Eric Y..., afin "d'échanger et définir les mesures à prendre" ; puis, cette réunion étant restée sans effet (voir mise à pied du 12 décembre 2012 motivée par les propos et agissements excessifs et inappropriés de M. Eric Y...) à déplacer M. Eric Y... dans un autre service (magasin) ; que M. Eric Y... n'a pas contesté cette affectation qui était au demeurant conforme aux fonctions qu'il pouvait exercer au regard de son contrat de travail ; qu'il affirme cependant qu'il s'est alors trouvé "isolé" et "coupé" des salariés qui le soutenaient dans sa démarche ; que cependant, ayant été nommé au sein d'une équipe de trois personnes dans un service faisant un peu office de "plaque tournante" dans l'entreprise, M. Eric Y... ne peut alléguer d'un isolement ; que quant au soutien de ses collègues, il n'en justifie par aucune lettre ou attestation, pas même de ses collègues syndiqués ; qu'or, force est de constater que de nouveaux incidents (lettre de M. C... du 30 juin 2013) se sont très rapidement reproduits dans ce service (distributions de tracts syndicaux pendant le temps du travail, utilisation des heures de délégation sans en aviser préalablement son supérieur, menaces de représailles en justice, climat de suspicion...) générant à nouveau un climat de tension et de mal-être tel parmi les salariés du service concerné, qu'il l'initiative du médecin du travail, un audit a été confié à une psychologue du service de santé au travail des Landes, Mme L... ; que les conclusions de son rapport du 15 janvier 2014 sont les suivantes : "Nous sommes en présence d'un climat social fortement dégradé au sein de cette équipe. La poursuite de celle collaboration, vécue douloureusement par l'ensemble des membres de l'équipe, me paraît délicate à maintenir au risque de favoriser une dégradation de la santé mentale des personnes concernées" ; que M. Eric Y... ne conteste pas les conclusions de ce rapport dont il se prévaut pour étayer la situation de souffrance au travail qu'il a subie et l'inadéquation de la décision de la direction de l'entreprise de l'avoir affecté à ce service, dont il déduit qu'elle constitue bien la preuve d'une discrimination syndicale à son encontre ; qu'il importe cependant de relever qu'avant l'arrivée de M. Eric Y... dans ce service de trois personnes, essentiellement composé de salariés ayant une longue ancienneté et au moins 5 ans de présence dans ce poste, aucune difficulté relationnelle n'avait été relevée ; que s'il n'est pas contestable que l'arrivée "en surnombre" d'un quatrième salarié dans ce service a posé un problème de "redistribution des tâches", cette difficulté qui n'explique pas, et de loin, la "dégradation du climat social de l'entité magasin" en moins d'une année, est clairement imputée par le rédacteur du rapport, au temps de présence réduit et "imprévisible" de l'un des quatre salariés ("la charge de travail au sein du magasin étant calibrée pour un collectif de trois et nécessitant une organisation cadrée (régulière et répétée) trouve difficilement concordance avec les possibilités de déléguer certaines tâches au quatrième du fait de ne pouvoir prévoir ses temps de présence et/ou d'absence au sein du collectif de travail" ) ; que ce n'est donc pas la décision d'affecter M. Eric Y... à ce service - dans un contexte de contraintes liées aux aptitudes de ce salarié et à l'impossibilité de l'affecter à un poste de chantier - qui est à l'origine des tensions relationnelles mais bien l'imprévisibilité de son temps de travail dont il porte la responsabilité ; que le risque pour la santé des salariés étant une nouvelle fois avéré, l'employeur n'avait pas d'autre choix que d'affecter M. Eric Y... à un troisième poste de travail, ce qu'il a fait dès le mois de février 2014, c'est-à-dire à la suite de la communication du rapport de Mme L..., remplissant ainsi son obligation de préservation de la santé et de la sécurité des salariés de l'entreprise ; que quant aux brimades, injures et autres réactions inappropriées dont M. Eric Y... a effectivement régulièrement fait l'objet à compter de 2012 de la part de collègues de travail - mais dont la portée doit être atténuée par les propos tout aussi dénigrants et injurieux de M. Eric Y... à leur encontre - la réaction de l'employeur qui a consisté à organiser des réunions et à recueillir les excuses de ces collègues, constituait une réponse adaptée propre à apaiser les tensions ; qu'il en va de même de la note de service diffusée par la direction, immédiatement après les faits, sur le caractère intolérable de l'agression dont M. Eric Y... avait fait l'objet le 27 avril 2012 et les sanctions qui seraient prises en cas d'identification du responsable ; que cette évolution professionnelle chaotique, dont il vient d'être démontré qu'elle est étrangère à toute discrimination syndicale mais consécutive au comportement perturbateur de M. Eric Y..., apparaît peu compatible avec une augmentation d'échelon ou une progression de carrière, et ce d'autant que ce salarié a fait l'objet d'avertissements et mise à pied et que son terrain de prédilection est celui du chantier ; que d'ailleurs, une tentative de retour sur un chantier, en novembre 2016, a tourné court ; que l'employeur démontre au demeurant que le niveau de rémunération de M. Eric Y... est supérieur à celui de son coefficient de base (140) et que des salariés ayant une ancienneté supérieure à celle de M. Eric Y... sont au même coefficient que lui ; que s'agissant des entretiens d'évaluation annuels dont il sera précisé qu'ils ne sont pas prévus par les accords collectifs s'appliquant à l'entreprise, la société Eiffage affirme qu'ils ne faisaient pas partie, jusqu'à une date récente, de la culture de l'entreprise ; qu'il ressort de ses propres pièces que cette pratique s'est néanmoins développée dans la société à partir de 2010 ; que cependant, au regard du faible pourcentage d'ouvriers qui en a bénéficié jusqu'en 2012 (- de 25 %) et du refus opposé par ce dernier à s'y soumettre lorsqu'un tel entretien lui a été proposé en 2015 (voir attestation de MM. N... et M...) la circonstance que M. Eric Y... fasse partie des 75 % qui n'en ont pas encore bénéficié ne permet pas de considérer cotte omission comme la preuve d'une discrimination syndicale ; que s'agissant enfin de la convocation à un entretien préalable fixé au 17 juillet 2015 qui a été envoyée le 6 juillet 2015 à M. Eric Y..., en vue d'une mesure de licenciement, il s'est révélé que les accusations d'escroquerie sur lesquelles étaient fondées la procédure mise en oeuvre reposaient sur une fausse note de frais portant la signature au demeurant mal imitée du salarié ; qu'aucune explication satisfaisante n'a été donnée par la société Eiffage à l'élaboration et à l'usage d'un faux document qui ne peut trouver sa source dans une simple "erreur comptable" ; que cependant, la procédure de licenciement ayant été interrompue avant qu'une sanction ne soit prise M. Eric Y... n'allègue, ni ne justifie de la mesure discriminatoire qui lui aurait été appliquée à la suite de cette convocation ; qu'il en découle que les éléments de preuve fournis par l'employeur démontrent que les mesures prises avant le mois de juillet 2015 étaient étrangères à toute discrimination syndicale et que la convocation à un entretien préalable à un licenciement du 6 juillet 2015 n'a eu aucune suite ; que dès lors, pris dans leur ensemble, les faits allégués par M. Eric Y... ne permettent pas de juger que ce salarié a été victime de discrimination syndicale ; que le jugement du conseil de prud'hommes devra en conséquence être infirmé de ce chef et M. Eric Y... débouté de ses prétentions tendant à l'indemnisation de faits de discrimination syndicale ; que, sur l'intervention du syndicat Union Départementale CGT des Landes : cette intervention étant nécessairement accessoire à la demande de M. Y... fondée sur la discrimination syndicale laquelle n'a pas été retenue par la cour, il y a lieu de débouter ce syndicat de ses prétentions ;

1°) ALORS QU'il appartient au juge d'examiner l'ensemble des faits présentés par le salarié comme laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale ; que M. Y... faisait valoir et offrait de prouver par la production d'une attestation d'un tiers à l'entreprise que l'employeur l'avait réaffecté, après plusieurs changements successifs dans différents services, sur le chantier placé sous la responsabilité de M. A... et que ce dernier, à son arrivée, avait refusé de lui donner du travail, lui ordonnant de rester dans son véhicule, ce qui n'avait appelé aucune réaction de l'employeur ou contrordre (cf. conclusions d'appel p. 17 et 18) ; qu'en s'abstenant de rechercher si ces éléments laissaient présumer la discrimination invoquée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

2°) ALORS, subsidiairement, QUE, lorsque les éléments établis par le salarié, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination, il appartient à l'employeur de justifier ses décisions par des éléments objectifs et étrangers à toute discrimination ; qu'en se bornant à retenir que la tentative de retour de M. Y... sur un chantier, en novembre 2016, avait « tourné court », la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser que l'absence de fourniture de travail à M. Y... le 21 novembre 2016 était étrangère à toute discrimination, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

3°) ALORS QUE l'absence d'évolution professionnelle du titulaire d'un mandat syndical pendant plusieurs années constituant un élément de nature à laisser supposer l'existence d'une situation de discrimination syndicale, l'employeur est tenu de justifier de la stagnation de carrière du salarié par des éléments objectifs et étrangers à toute discrimination couvrant l'intégralité de la période considérée ; qu'en se fondant dès lors exclusivement sur des attestations datant de l'année 2010 ou de faits survenus postérieurement, pour dire que l'évolution professionnelle de M. Y... était imputable à son « comportement perturbateur (
) peu compatible avec une augmentation d'échelon ou une progression de carrière », cependant qu'elle constatait l'absence d'évolution professionnelle du salarié depuis l'année 2005, la cour d'appel, qui n'a constaté aucune justification objective à la stagnation de carrière de l'intéressé pour les années 2005 à 2009, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

4°) ALORS QUE, lorsque les éléments établis par le salarié, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination, il appartient à l'employeur de justifier ses décisions par des éléments, non seulement objectifs, mais surtout étrangers à toute discrimination ; que, pour dire que l'affectation de M. Y... au service « magasin » et les tensions relationnelles qui en étaient découlées n'étaient pas imputables à l'employeur, la cour d'appel a énoncé que « s'il n'est pas contestable que l'arrivée "en surnombre" d'un quatrième salarié dans ce service a posé un problème de "redistribution des tâches", cette difficulté qui n'explique pas, et de loin, la "dégradation du climat social de l'entité magasin" en moins d'une année, est clairement imputée par le rédacteur du rapport, au temps de présence réduit et "imprévisible" de l'un des quatre salariés ("la charge de travail au sein du magasin étant calibrée pour un collectif de trois et nécessitant une organisation cadrée (régulière et répétée) trouve difficilement concordance avec les possibilités de déléguer certaines tâches au quatrième du fait de ne pouvoir prévoir ses temps de présence et/ou d'absence au sein du collectif de travail") », ce dont elle a déduit que « ce n'est donc pas la décision d'affecter M. Eric Y... à ce service - dans un contexte de contraintes liées aux aptitudes de ce salarié et à l'impossibilité de l'affecter à un poste de chantier - qui est à l'origine des tensions relationnelles mais bien l'imprévisibilité de son temps de travail dont il porte la responsabilité » ; qu'en admettant ainsi la justification de l'employeur, quand elle faisait explicitement référence à l'utilisation par le salarié de ses heures de délégation, en sorte qu'elle n'était nullement étrangère aux activités représentatives et syndicales du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

5°) ALORS QUE M. Y... faisait valoir qu'« au cours d'une réunion statutaire des délégués du personnel, le représentant de la direction offrit à M. Y... une BD d'Astérix et Obélix dont le titre était « la zizanie » » (cf. conclusions d'appel p. 15 § 1) ; qu'après avoir constaté que la matérialité de ce fait était établie, la cour d'appel a estimé que, « quant aux brimades, injures et autres réactions inappropriées dont M. Eric Y... a effectivement régulièrement fait l'objet à compter de 2012 de la part de collègues de travail - mais dont la portée doit être atténuée par les propos tout aussi dénigrants et injurieux de M. Eric Y... à leur encontre - la réaction de l'employeur qui a consisté à organiser des réunions et à recueillir les excuses de ces collègues, constituait une réponse adaptée propre à apaiser les tensions » ; qu'en statuant ainsi, sans viser le ou les éléments de preuve sur lesquels elle fondait ses constatations, d'une part, que M. Y... aurait tenu à l'endroit de ce représentant de l'employeur des propos dénigrants et injurieux, d'autre part, que ce dernier lui aurait présenté des excuses au cours d'une réunion quelconque, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°) ALORS QU'en statuant ainsi, après avoir encore constaté que M. Y... établissait qu'au cours de la réunion du 27 avril 2012 il avait été l'objet d'insultes à raison de l'exercice de ses fonctions représentatives et syndicales, la cour d'appel, qui n'a pas précisé l'origine de ses constatations relatives au prétendu comportement dénigrant et injurieux du salarié à l'égard des auteurs de ces insultes et à l'existence de leurs excuses, a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°) ALORS QU'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que, « s'agissant de la convocation à un entretien préalable fixé au 17 juillet 2015 qui a été envoyée le 6 juillet 2015 à M. Eric Y..., en vue d'une mesure de licenciement, il s'est révélé que les accusations d'escroquerie sur lesquelles étaient fondées la procédure mise en oeuvre reposaient sur une fausse note de frais portant la signature au demeurant mal imitée du salarié » ; qu'en jugeant que ce fait n'était pas constitutif de discrimination syndicale, cependant qu'elle constatait qu'« aucune explication satisfaisante n'a été donnée par la société Eiffage à l'élaboration et à l'usage d'un faux document qui ne peut trouver sa source dans une simple "erreur comptable" », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations de fait en violation des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

8°) ET ALORS QU'en statuant comme elle a fait, motif pris que cette procédure avait été interrompue et qu'aucune sanction n'avait été prononcée à sa suite, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-18218
Date de la décision : 05/12/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 16 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 déc. 2018, pourvoi n°17-18218


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.18218
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