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05/12/2018 | FRANCE | N°17-18217;17-18296

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 décembre 2018, 17-18217 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° C 17-18.217 et P 17-18.296 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., engagé le 2 avril 2001 par la société Electro France Aquitaine devenue la société Eiffage énergie Aquitaine (la société), en qualité d'ouvrier d'exécution, a, à partir de 2005, occupé successivement les fonctions de délégué du personnel, d'élu au comité d'entreprise puis de délégué syndical ; qu'il a, le 16 mai 2013, saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de di

verses sommes ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° C 17-18.217 du salarié :

Attendu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° C 17-18.217 et P 17-18.296 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., engagé le 2 avril 2001 par la société Electro France Aquitaine devenue la société Eiffage énergie Aquitaine (la société), en qualité d'ouvrier d'exécution, a, à partir de 2005, occupé successivement les fonctions de délégué du personnel, d'élu au comité d'entreprise puis de délégué syndical ; qu'il a, le 16 mai 2013, saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de diverses sommes ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° C 17-18.217 du salarié :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement du temps de trajet excédentaire pour se rendre sur les chantiers alors, selon le moyen :

1°/ que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; que, pour le débouter de sa demande en paiement du temps de trajet excédentaire pour se rendre sur les chantiers, la cour d'appel a relevé que « le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est en effet pas considéré comme un temps de travail effectif dès lors que le salarié n'a pas l'obligation de passer par le siège de l'entreprise avant de se rendre sur le chantier » et qu'« il appartient en conséquence à M. Y... - qui ne soutient pas que ce temps de trajet serait « anormal » - de justifier du fondement juridique de sa demande : convention, accord, usage, ce qu'il ne fait pas » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'en l'absence de toute précision dans les écritures sur le fondement de la demande, les juges du fond doivent examiner les faits, sous tous leurs aspects juridiques, conformément aux règles de droit qui leur sont applicables, la cour d'appel a méconnu son office, violant l'article 12 du code de procédure civile ;

2°/ subsidiairement, qu'en relevant qu'il ne soutenait pas que ses temps de trajet étaient anormaux, cependant qu'il résultait des conclusions d'appel prises par le salarié que les temps de trajet en question étaient qualifiés par lui de temps « excédentaires » et « supplémentaires », la cour d'appel les a dénaturées en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 3121-4 du code du travail que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas considéré comme un temps de travail effectif dès lors que le salarié n'a pas l'obligation de passer par le siège de l'entreprise avant de se rendre sur le chantier ;

Et attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé, d'une part qu'il n'était pas démontré que la société obligeait le salarié à passer par le siège de l'entreprise avant de se rendre sur le lieu d'exécution du travail et qu'au contraire il résultait de ses propres écritures qu'il se rendait directement de son domicile aux chantiers concernés, d'autre part qu'il résultait des bulletins de paie produits que le salarié, pour les chantiers les plus éloignés de son domicile et pour lesquels le temps de trajet était plus long que le temps normal moyen de trajet entre le domicile et le lieu de travail, avait perçu tous les mois des indemnités de transport et de trajet calculées selon les zones dans lesquelles les chantiers étaient situés et avait ainsi déjà reçu une contrepartie financière, la cour d'appel a, par ces seuls motifs et hors toute dénaturation, légalement justifié sa décision ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi n° P 17-18.296 de la société, qui est recevable :

Vu l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction alors applicable, et l'article 8.10 de la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992 ;

Attendu que pour condamner la société à payer au salarié des sommes au titre de l'amplitude du temps de trajet selon le régime du grand déplacement et à titre de remboursement de frais de déplacement selon le même régime l'arrêt retient qu'il n'est ni soutenu ni établi que le salarié disposait de moyens de transports en commun utilisables, que ces moyens de transports aient été extérieurs ou mis à disposition par l'entreprise et que l'employeur ne soutenant pas que la condition déclarative posée par l'article 8.10 de la convention collective n'est pas remplie, le salarié est fondé à réclamer à la fois le versement de l'indemnité de sujétion et le remboursement des frais de transports afférents aux grands déplacements qu'il revendique et qui ne sont discutés ni dans leur méthode de calcul, ni dans leurs bases de référence ni dans leurs montants ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'article 8.10 de la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics définit les grands déplacements comme ceux dont l'éloignement interdit, compte tenu des transports en commun utilisables, de regagner chaque soir le lieu de résidence et que le salarié ne justifiait pas que l'éloignement des chantiers sur lesquels il travaillait lui interdisait, compte tenu des moyens de transport en commun utilisables, de regagner chaque soir son lieu de résidence, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Eiffage énergie Aquitaine à payer à M. Y... les sommes de 6 151,12 euros bruts au titre de l'amplitude du temps de trajet selon le régime du grand déplacement et 8 483,78 euros bruts à titre de remboursement de frais de déplacement selon le régime du grand déplacement, l'arrêt rendu le 16 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi n° C 17-18.217 par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de sa demande en paiement du temps de trajet excédentaire pour se rendre sur les chantiers ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE M. Y... souligne qu'outre : - le paiement de l'indemnité forfaitaire qui a pour objet d'indemniser la sujétion particulière qui est de se rendre au chantier quotidiennement ; - du remboursement des frais de transport engagés pour effectuer ces déplacements, qui ne sont pas ici en cause, il est en droit d'obtenir une indemnisation au titre de l'amplitude, c'est-à-dire le temps supplémentaire pour se rendre et revenir quotidiennement au chantier, dont il affirme qu'elle ne se confond pas avec l'indemnité forfaitaire de sujétion ; que la société Eiffage approuve les premiers juges d'avoir débouté M. Y... de cette demande qui ne se justifie ni au regard des dispositions légales et réglementaires ni par invocation des conventions et accords ; que selon l'article L. 3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est en effet pas considéré comme un temps de travail effectif dès lors que le salarié n'a pas l'obligation de passer par le siège de l'entreprise avant de se rendre sur le chantier ; qu'il appartient en conséquence à M. Y... - qui ne soutient pas que ce temps de trajet serait "anormal" - de justifier du fondement juridique de sa demande : convention, accord, usage, ce qu'il ne fait pas ; qu'il y a donc lieu de le débouter de sa demande et de confirmer le jugement dont appel sur ce point ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, selon l'article L 3121-4 du code du travail : « le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie, soit sous, la forme de repos, soit financière. Cette contrepartie est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe. » ; qu'en l'espèce, M. Y... sollicite le paiement du temps de trajet qu'il qualifie d'excédentaire par rapport au trajet entre son domicile et le siège social de la société Eiffage ; qu'il convient dans un premier temps de constater que le lieu d'exécution de son contrat de travail n'est pas le siège social de la société Eiffage mais bien selon les dispositions contractuelles "tous chantiers locaux et grands déplacements et ateliers dépendant de l'entreprise" ; que le raisonnement de M. Y... est donc inexact en ce que son temps de déplacement professionnel "normal" doit être calculé entre son domicile et les chantiers ou ateliers sur lesquels il est affecté et non pas entre son domicile et le siège de l'entreprise ; qu'il est encore inexact en ce que M. Y... calcule le temps excédentaire en heures de travail alors que le code du travail ne prévoit qu'une contrepartie en repos ou financière ; que par ailleurs, il n'est pas démontré que la société Eiffage oblige M. Y... à passer par le siège de l'entreprise avant de se rendre sur le lieu d'exécution du travail ; qu'au contraire même, il résulte de ses propres écritures que M. Y... se rend directement de son domicile aux chantiers ; qu'il résulte de la convention collective et de l'accord d'entreprise que les salariés en déplacement perçoivent une indemnité de frais de trajet et une indemnité de transport ; que ces indemnités sont selon la convention collective en son article 8. 1, journalières, forfaitaires et fixées en valeur absolue ; qu'elles sont selon l'article 8.2 versées aux ouvriers pour les petits déplacements qu'ils effectuent quotidiennement pour se rendre et revenir des chantiers ; que le montant de ces indemnités varie selon la zone dans laquelle est située le chantier ; que l'indemnité de frais de transport selon l'article 8.6 indemnise forfaitairement les frais de transport engagés quotidiennement par l'ouvrier pour se rendre et revenir de son lieu de travail ; que l'indemnité de trajet selon l'article 8.7 a pour objet d'indemniser la sujétion que représente pour le salarié, la nécessité de se rendre quotidiennement sur le chantier ; que cette indemnité est forfaitaire et n'est pas liée à la gestion du temps de travail effectif ; que c'est le fait de se rendre quotidiennement sur un chantier qui en déclenche le versement ; qu'il résulte des bulletins de paie produits que M. Y... a bien perçu tous les mois des indemnités de transport et de trajet calculées selon les zones dans lesquelles les chantiers sont situés ; qu'en conséquence M. Y... a déjà été indemnisé pour la sujétion particulière que représente son déplacement quotidien sur les chantiers ; qu'il a donc déjà reçu une contrepartie financière dont le montant varie selon la zone dans laquelle se situe le chantier ; que par conséquent, pour les chantiers les plus éloignés pour lesquels l'on pourrait considérer que le temps de trajet est plus long que le temps normal moyen de trajet entre domicile et lieu de travail, il a reçu des indemnités de trajet et de transport d'un montant plus important que pour les chantiers situés dans des zones plus proches ; qu'il convient par conséquent de débouter M. Y... de sa demande tendant au paiement du temps de trajet excédentaire pour se rendre sur les chantiers (régime des petits déplacements) ;

1°) ALORS QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; que, pour débouter M. Y... de sa demande en paiement du temps de trajet excédentaire pour se rendre sur les chantiers, la cour d'appel a relevé que « le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est en effet pas considéré comme un temps de travail effectif dès lors que le salarié n'a pas l'obligation de passer par le siège de l'entreprise avant de se rendre sur le chantier » et qu'« il appartient en conséquence à M. Y... - qui ne soutient pas que ce temps de trajet serait "anormal" - de justifier du fondement juridique de sa demande : convention, accord, usage, ce qu'il ne fait pas » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'en l'absence de toute précision dans les écritures sur le fondement de la demande, les juges du fond doivent examiner les faits, sous tous leurs aspects juridiques, conformément aux règles de droit qui leur sont applicables, la cour d'appel a méconnu son office, violant l'article 12 du code de procédure civile ;

2°) ET ALORS, subsidiairement, QU'en relevant que M. Y... ne soutenait pas que ses temps de trajet étaient anormaux, cependant qu'il résultait des conclusions d'appel prises par le salarié que les temps de trajet en question étaient qualifiés par lui de temps « excédentaires » et « supplémentaires » (cf. conclusions d'appel p. 12 § 2, p. 13 § 4 et 5), la cour d'appel les a dénaturées en violation de l'article 4 du code de procédure civile.

Moyen produit au pourvoi n° P 17-18.296 par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Eiffage énergie Aquitaine

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir condamné la société Eiffage à payer à M. Y... les sommes de 6.151,12 € bruts au titre de l'amplitude du temps de trajet selon le régime du grand déplacement, et de 8.483,78 € bruts à titre de remboursement de frais de déplacement selon le régime du grand déplacement ;

AUX MOTIFS QUE, « M. Y... revendique le paiement de l'amplitude du temps de trajet et les frais de transport par référence à la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics et de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 en faisant valoir que le dispositif découlant de l'accord du 28 mars 2008 et de son avenant est moins favorable ; que la société Eiffage oppose que comme tout accord négocié avec les organisations syndicales, celui de 2008 s'impose à M. Y... ; qu'en outre, selon la convention collective, le critère du grand déplacement n'est pas la distance mais l'impossibilité, pour un salarié qui travaille sur un chantier, de regagner chaque soir son lieu de résidence en raison de l'éloignement, et ce même si le chantier se situe à mois de 80 kms : qu'elle en déduit que l'accord est parfaitement conforme à la convention collective ; que M. Y... regagnant chaque soir son domicile, il ne peut prétendre aux dédommagements (trajet et transport) de grands déplacements ; que l'article 8.10 définit le « grand déplacement » ainsi qu'il suit : « Est réputé en grand déplacement l'ouvrier qui travaille dans un chantier métropolitain dont l'éloignement lui interdit – compte tenu des moyens de transport en commun utilisables – de regagner chaque soit le lieu de résidence, situé dans la métropole qu'il a déclaré lors de son embauchage et qui figure sur son bulletin d'embauche » ; que l'article 8.10 détermine ensuite un certain nombre d'exclusions qui sont sans incidence sur l'objet du litige ; que cet article conventionnel soumet le versement de l'indemnité dite de « grand déplacement » à trois conditions : * l'ouvrier qui travaille dans un chantier métropolitain, * l'éloignement de ce chantier lui interdit – compte tenu des moyens de transport en commun utilisables – de regagner chaque soir son lieu de résidence, * une déclaration lors de l'embauchage qui figure sur son bulletin d'embauche » ; que comme le fait à juste titre observer la société Eiffage, l'article 8.10 de la Convention collective nationale qui ne comporte aucune référence kilométrique n'interdit nullement d'instaurer au-delà des zones concernées par l'application du régime des petits déplacement de nouvelles « zones concentriques plus larges » (70, 80 kilomètres à partir du point de référence) pour les salariés qui ne relèvent pas de l'application du régime des grands déplacements, c'est-à-dire pour les salariés dont l'éloignement n'interdit pas – compte tenu des moyens de transport en commun utilisables – de regagner chaque soir leur lieu de résidence. Cependant, ce dispositif est sans emport sur le régime concernant les « grands déplacements » ; que l'article 5 de l'« Accord d'adaptation pour l'harmonisation des statuts au sein du Forclum Aquitaine Limousin » du 28 mars 2008 stipule : « Pour être réputé en grand déplacement, le salarié doit notamment remplir les deux conditions suivantes ; - opérer sur un chantier situé au-delà d'une distance de l'ordre de 100 km (selon la règle des cercles concentriques) ou qui ne permet pas un retour quotidien dans des conditions de circulation normales (par exemple cas des périodes estivales dans certaines zones géographiques) ; - résider sur place » ; que l'article 3 de l'avenant n° 1 à cet accord, signé le 5 décembre 2011, est ainsi rédigé : « Les dispositions de l'article 5 de l'accord initial à savoir « Grands déplacements » sont annulées et remplacées par les dispositions suivantes : Pour être réputé en grand déplacement, le salarié doit remplir les deux conditions cumulatives suivantes : - opérer sur un chantier situé au-delà d'une distance de l'ordre de 50 km (selon la règle des cercles concentriques) ou qui ne permet pas un retour quotidien dans des conditions de circulation normales (par exemple cas des périodes estivales dans certaines zones géographiques) ; - résider sur place » ; que le rapprochement de la convention et de l'accord (et de son avenant) fait ressortir que ceux-ci : * instaurent une condition kilométrique qui ne figure pas dans la convention collective, * substituent une appréciation aléatoire (conditions de circulation normales) à un critère clair et objectif (les moyens de transport en commun utilisables), * ajoutent une condition supplémentaire à savoir une obligation de résidence sur place, elle-même sujette à discussion et interprétation ; que comme le rappelle M. Y..., il résulte de l'article 45 de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 que la valeur hiérarchique accordée par leurs signataires aux conventions et accords conclus avant l'entrée en vigueur de cette loi demeure opposable aux accords de niveaux inférieurs ; que c'est donc à bon droit que le salarié soutient que l'article 5 de l'accord d'adaptation applicable à compter du 1er juillet 2008 ne lui est pas opposable et revendique l'application des dispositions de l'article 8.10 de la convention collective nationale ; que la société Eiffage soutient en second lieu qu'en toute hypothèse, M. Y... ne remplit pas l'ensemble des conditions posées par l'article 8.10 pour pouvoir bénéficier de l'indemnité de grand déplacement en ce qu'il n'est pas contesté qu'il a regagné chaque soir son domicile pour les trajets dont il demande à être indemnisé ; qu'il sera cependant rappelé que, contrairement à ce que soutient la société Eiffage, le critère conventionnel n'est pas l'impossibilité de regagner quotidiennement son domicile, mais « l'éloignement interdisant – compte tenu des moyens de transports en commun utilisables – de regagner chaque soir le lieu de résidence » ; qu'il n'est ni soutenu ni établi que M. Y... disposait de moyens de transports en commun utilisables, que ces moyens de transports aient été extérieurs ou mis à disposition de l'entreprise (Soc., 13 novembre 2014, n° 13-12.118, P + B) ; que l'employeur ne soutenant pas que la condition déclarative posée par l'article 8.10 n'est pas remplie, M. Y... est fondé à réclamer à la fois le versement de l'indemnité de sujétion et le remboursement des frais de transports afférents aux grands déplacements qu'il revendique et qui ne sont discutés ni dans leur méthode de calcul, ni dans leurs bases de référence, ni dans leurs montants » ;

1°/ ALORS QU' aux termes de l'article 8-10 de la Convention collective nationale des ouvriers des travaux publics, « est réputé en grand déplacement l'ouvrier qui travaille dans un chantier métropolitain dont l'éloignement lui interdit – compte tenu des moyens de transport en commun utilisables – de regagner chaque soir le lieu de résidence, situé dans la métropole, qu'il a déclaré lors de son embauchage » ; qu'il résulte de ces stipulations que le critère conventionnel est l'impossibilité de regagner quotidiennement son domicile, compte tenu des moyens de transport en commun utilisables ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand il n'était pas contesté que M. Y... avait regagné chaque soir son domicile pour les trajets dont il demandait à être indemnisé, et qu'il n'établissait pas avoir été dans l'impossibilité de rejoindre les chantiers auxquels il était affecté par des moyens de transport en commun, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble l'article 8-10 de la Convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992 ;

2°/ ALORS QU' il appartient au salarié qui sollicite le paiement de l'indemnité de « grand déplacement » définie par l'article 8.10 de la Convention collective nationale des ouvriers des travaux publics, de rapporter la preuve que l'éloignement des chantiers sur lesquels il est affecté lui interdit, compte tenu des moyens de transport en commun utilisables, de regagner chaque soir son lieu de résidence ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, qu'il n'était « ni soutenu ni établi que M. Y... disposait de moyens de transports en commun utilisables, que ces moyens de transports aient été extérieurs ou mis à disposition de l'entreprise », la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve, et violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble l'article 8-10 de la Convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-18217;17-18296
Date de la décision : 05/12/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 16 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 déc. 2018, pourvoi n°17-18217;17-18296


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.18217
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