LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 juillet 2017), qu'à la suite d'un contrôle du service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) dépendant du centre communal d'action sociale de Vitry-sur-Seine (CCAS), opéré sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2011, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la caisse) lui a notifié un indu correspondant au montant d'actes d'infirmiers ou de pédicures-podologues dispensés à des patients suivis par ce service, estimant qu'il aurait dû les prendre en charge au titre de la dotation globale qu'il perçoit ; que le CCAS a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que le centre communal d'action sociale fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors, selon le moyen, que l'action en répétition de l'indu peut être engagée soit contre celui qui a reçu le paiement, soit contre celui pour le compte duquel il a été reçu ; que les dépenses liées à l'activité sociale et médico-sociale des établissements et services, dont relève le (SSIAD) municipal géré par le (CCAS), sont prises en charge par l'assurance maladie, pour les services de soins infirmiers à domicile, sous la forme d'une dotation globale ; que n'entre en compte dans le calcul de la dotation globale que les soins dispensés par le service lui-même et réalisés pour le compte de ce service sous son contrôle dans le cadre d'une convention conclue entre le centre et les infirmiers ; que si la dotation doit prendre en compte tous les soins nécessités par l'état des personnes prises en charges, elle ne peut, sauf faute du service, imposer la prise en charge de soins qui n'ont pas été prévus dans la dotation pour avoir été prodigués à la suite d'une initiative personnelle des bénéficiaires de soins, sur lesquels aucun contrôle ne peut être exercé dans la mesure où ils ne sont pas hébergés par le service, par des prestataires qui ne relevaient pas d'une convention conclue avec le centre ; qu'en retenant que les soins litigieux étaient nécessairement inclus dans la dotation et devaient être remboursés par le CCAS sur le fondement d'une répétition de l'indu, quand il n'était pas contesté que lesdits soins n'avaient fait l'objet d'aucune ligne budgétaire au titre de la dotation globale et que ni le CCAS, ni le SSIAD n'avaient été destinataires d'une quelconque somme au titre desdits soins, la cour d'appel a violé les articles R. 314-105, R. 314-37 et R. 314-138 du code de l'action sociale et des familles, ensemble l'article 1302 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé la teneur des articles R. 314-105, R. 314-137, R. 314-138 et D. 312-4 du code de l'action sociale et des familles, l'arrêt retient qu'il se déduit de ces textes que le versement d'une dotation globale au SSIAD exclut que la caisse prenne en charge, en plus de ce forfait, des soins prodigués par des praticiens libéraux, même s'ils interviennent à la demande expresse des personnes prises en charge par le service, faisant ainsi payer à la caisse une dette qui n'aurait pas dû exister ;
Que de ces constatations et énonciations dont il résulte que le financement des actes litigieux relevait de la dotation globale du service, la cour d'appel a exactement déduit qu'il incombait à celui-ci d'en rembourser le montant à la caisse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le centre communal d'action sociale de Vitry-sur-Seine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du centre communal d'action sociale de Vitry-sur-Seine ; le condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour le centre communal d'action sociale de Vitry-sur-Seine.
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté le Centre communal d'action social de Vitry-sur-Seine de toutes ses demandes et de l'avoir condamné à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne la somme de 94 961,26 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2013 ;
AUX MOTIFS QUE l'indu réclamé aujourd'hui par la caisse correspond au coût de prestations d'infirmiers ou de pédicurespodologues remboursés par elle soit aux assurés sociaux, soit aux professionnels de santé, pour des bénéficiaires d'une prise en charge par le SSIAD, et ce, en plus de la dotation globale annuelle versée au service en contrepartie de cette prise en charge ;
Que l'article R.314-105 du code d'action sociale et des familles dispose :
Les dépenses liées à l'activité sociale et médico-sociale des établissements et services régis par le présent chapitre sont, sous réserve de l'habilitation mentionnée à l'article L.313-6, prises en charge :
3° Pour les services de soins infirmiers à domicile, par l'assurance maladie, sous la forme d'une dotation globale établie dans les conditions fixées au paragraphe 6 de la sous-section 4 de la présente section et versée dans les conditions fixées aux articles R.174-16-1 à R.174-16-5 du code de la sécurité sociale ;
Que l'article R.314-137 précise que les dépenses afférentes aux soins dispensés à domicile aux assurés sociaux par un service relevant du 6° ou du 7° du I de l'article L.312-1 font l'objet d'une dotation globale de soins versée dans les conditions fixées au sous-paragraphe 2 du paragraphe 2 de la sous-section 3 de la présente section ;
Que l'article R.314-138 ajoute que pour l'approbation des dépenses d'un service mentionné à R. 314-137, l'autorité de tarification tient compte
1° Des charges relatives à la rémunération des infirmiers libéraux, ainsi que des charges relatives à la rémunération des salariés du service ayant qualité de psychologue, d'auxiliaire médical et notamment d'infirmier ou d'infirmier coordonnateur, d'aide-soignant, ou d'aide médico-psychologique ;
2° Des frais de déplacement de ces personnels ;
3° Des charges relatives aux fournitures et au petit matériel médical dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et de l'action sociale ;
4° Des autres frais généraux de fonctionnement du service.
Qu'enfin, l'article D.312-4 mentionne que les infirmiers et pédicures-podologues libéraux peuvent exercer au sein d'un service de soins infirmiers à domicile, sous réserve d'avoir conclu une convention avec l'organisme gestionnaire de ce service ;
Que le CCAS reconnaît dans ses conclusions gérer le SSIAD qui comporte 57 places depuis 2009, et prend en charge les personnes les plus fragiles aux fins de leur assurer les soins nécessaires à leur maintien à domicile avec des interventions de plus en plus lourdes au fur à mesure de leur vieillissement, il s'agit donc d'une prise en charge globale de ces 57 bénéficiaires ;
Qu'il se déduit de cette situation et des textes précités que le versement au SSIAD de la dotation globale exclut que la caisse prenne en charge en plus de ce forfait, des soins prodigués par des praticiens libéraux intervenant même à la demande expresse des personnes prises en charge par le service, que la dotation globale n'aurait aucune raison d'être si la caisse devait multiplier les prises en charge en parallèle ;
Que certes, dans ce cas, les prestations réalisées le sont en dehors de toute convention avec le service, indépendamment de son intervention et pas non plus pour son compte ; que cependant, la dotation annuelle globale versée par l'assurance maladie inclut pendant toute l'année concernée, tous les soins nécessités par l'état de santé de la personne prise en charge, de sorte que les soins en cause relevaient bien de la prise en charge du SSIAD, et le coût de ces actes d'infirmiers ou de pédicures-podologues dispensés même hors du SSIAD et remboursés par la CPAM soit aux assurés sociaux, soit aux professionnels de santé, étaient nécessairement inclus dans la dotation, et la caisse ne devait pas les payer de nouveau ; qu'en ce sens, le SSIAD a bien été rémunéré pour des soins qu'il n'aurait pas dispensés, ni financés ;
Que le CCAS ne peut prétendre que la pathologie des patients pris en charge peut s'aggraver et nécessiter une intervention extérieure en dehors du SSIAD, alors même qu'il reconnaît que la prise en charge nécessite des interventions de plus en plus lourdes sans que pour autant la dotation ne soit révisée en fonction du taux de dépendance du patient, la dotation étant liée exclusivement au nombre de patients pris en charge, soit 57 ;
Que si la circulaire du 28 février 2005 invoquée par le CCAS indique que l'infirmier coordonnateur apprécie au regard des besoins des personnes prises en charge par le service et des moyens alloués à ce dernier, l'opportunité de passer une convention avec les pédicures-podologues libéraux ou de laisser l'intervention de ces professionnels hors la prise en charge par le SSIAD, elle ne peut déroger aux principes dégagés par les textes précités, pas plus que des réponses dans le cadre d'une foire aux questions ;
Que le principe du libre choix par le patient de ses professionnels de santé tels qu'il résulte des articles R.4312-8 et L.1110-8 du code de la santé publique et l'article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne âgée dépendante, n'est nullement remis en cause ; qu'ainsi le bénéficiaire potentiel d'une prise en charge du CCAS a le choix entre soit recevoir gratuitement les soins reconnus par l'infirmier coordonnateur comme nécessaires à son état et dispensés par des professionnels liés par une convention au SSIAD, soit refuser cette prise en charge, choisir lui-même les professionnels à charge pour lui de supporter un éventuel surcoût non pris en charge par la caisse ; qu'il ne s'agit donc aucunement d'interdire une prise en charge en violation de la déontologie infirmière et de l'article L.1110-3 du code de la santé publique, celle-ci restant possible en dehors du service ;
Que si le CCAS doit bien présenter un budget équilibré, il lui appartient en arrêtant la liste des bénéficiaires de sa prise en charge de tenir compte de ces éléments ; que l'infirmier coordonnateur en évaluant la situation a nécessairement connaissance des besoins du bénéficiaire de la prise en charge, de sorte qu'il ne peut ignorer l'intervention régulière d'infirmiers libéraux en dehors de son service ;
Qu'en payant pour un même bénéficiaire, à la fois une part de dotation globale (1/57ème de celle-ci), et les actes facturés par le professionnel de santé hors cadre du SSIAD, la caisse n'a pas payé par erreur car seul un contrôle lui permettait de savoir qu'il y avait identité entre les bénéficiaires de la prise en charge par le SSIAD et des prestations facturées à part, mais elle a bien payé une dette qui n'aurait pas dû exister ;
Que comme il a été déjà indiqué, la dotation annuelle globale versée par l'assurance maladie incluait pendant toute l'année concernée, tous les soins nécessités par l'état de santé de la personne prise en charge, de sorte que la part de la dotation correspondant à ces actes d'infirmiers ou de pédicures-podologues dispensés hors du SSIAD et remboursés par la CPAM constitue un indu dont l'organisme est fondé à demander la répétition au service bénéficiaire de la dotation, peu important l'erreur éventuelle de la caisse et l'absence de faute de l'établissement, ou de responsabilité dans l'intervention des professionnels libéraux ; que raisonner autrement amènerait à réclamer soit aux assurés sociaux, soit aux professionnels de santé, le remboursement alors même que les premiers ont réglé les prestations et les seconds, les ont dispensés ;
Que l'action en répétition d'indu est donc recevable, et le CCAS tenu de rembourser les paiements faits aux bénéficiaires d'une prise en charge de son service ou aux professionnels libéraux au titre des prestations facturés hors du service ;
Que si la caisse a remboursé de façon constante depuis 2009 un nombre important d'actes effectués par les infirmiers libéraux qu'elle estime aujourd'hui indus, sans élever à aucun moment la moindre contestation, ni alerter le SSIAD, cela ne constituait pas une erreur comme il a été vu précédemment, et encore moins une faute ; qu'en l'absence de faute, les difficultés financières générées par l'obligation de remboursement ne peuvent à être seules justifier l'allocation de dommages et intérêts ;
Que le jugement entrepris sera donc infirmé en toutes ses dispositions, le CCAS de Vitry-sur-Seine débouté de toutes ses demandes et condamné à rembourser à la CPAM la somme de 94 961,26 euros ; que s'agissant des intérêts au taux légal, la caisse demande à ce qu'ils commencent à courir à compter du 16 janvier 2013 correspondant à la date de notification de l'indu, cette demande sera reçue ;
ALORS QUE l'action en répétition de l'indu peut être engagée soit contre celui qui a reçu le paiement, soit contre celui pour le compte duquel il a été reçu ; que les dépenses liées à l'activité sociale et médico-sociale des établissements et services, dont relève le service des soins infirmiers à domicile (SSIAD) municipal géré par le centre communal d'action sociale (CCAS) de Vitry-sur-Seine, sont prises en charge par l'assurance maladie, pour les services de soins infirmiers à domicile, sous la forme d'une dotation globale ; que n'entre en compte dans le calcul de la dotation globale que les soins dispensés par le service lui-même et réalisés pour le compte de ce service sous son contrôle dans le cadre d'une convention conclue entre le centre et les infirmiers ; que si la dotation doit prendre en compte tous les soins nécessités par l'état des personnes prises en charges, elle ne peut, sauf faute du service, imposer la prise en charge de soins qui n'ont pas été prévus dans la dotation pour avoir été prodigués à la suite d'une initiative personnelle des bénéficiaires de soins, sur lesquels aucun contrôle ne peut être exercé dans la mesure où ils ne sont pas hébergés par le service, par des prestataires qui ne relevaient pas d'une convention conclue avec le centre ; qu'en retenant que les soins litigieux étaient nécessairement inclus dans la dotation et devaient être remboursés par le CCAS de Vitry-sur-Seine sur le fondement d'une répétition de l'indu, quand il n'était pas contesté que lesdits soins n'avaient fait l'objet d'aucune ligne budgétaire au titre de la dotation globale et que ni le CCAS, ni le SSIAD n'avaient été destinataires d'une quelconque somme au titre desdits soins, la cour d'appel a violé les articles R.314-105, R.314-37 et R.314-138 du code de l'action sociale et des familles, ensemble l'article 1302 du code civil.