La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/11/2018 | FRANCE | N°17-22627

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 29 novembre 2018, 17-22627


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 18 mai 2017), que, se prévalant d'une servitude de passage sur le fonds appartenant à M. X..., Mme Y..., propriétaire d'une parcelle voisine, a assigné celui-ci en démolition et enlèvement d'ouvrages obstruant le passage ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la servitude de passage avait été constit

uée par un acte du 27 août 1953, partageant les biens immobiliers de Mme A... B... entre...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 18 mai 2017), que, se prévalant d'une servitude de passage sur le fonds appartenant à M. X..., Mme Y..., propriétaire d'une parcelle voisine, a assigné celui-ci en démolition et enlèvement d'ouvrages obstruant le passage ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la servitude de passage avait été constituée par un acte du 27 août 1953, partageant les biens immobiliers de Mme A... B... entre ses héritiers, que les propriétés de Mme Y... et de M. X... provenaient de ce fonds unique et de cet auteur commun et que ce titre constitutif de servitude était connu de M. X..., la cour d'appel a pu déduire de ces seuls motifs que Mme Y... pouvait se prévaloir du bénéfice de la servitude litigieuse ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 954 du code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt condamne M. X... à payer à Mme Y... des dommages-intérêts au titre du préjudice de jouissance ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et que la demande de Mme Y... ne figurait pas dans le dispositif de ses conclusions, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X... à payer à Mme Y... la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice de jouissance, l'arrêt rendu le 18 mai 2017, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. Alain X... à enlever la porte fermant le passage sur lequel est instituée la servitude de passage bénéficiant au fonds de Mme Francine Y..., la construction à usage de barbecue implantée sur ce même passage ainsi que la partie de la cloison en bois s'inscrivant dans les limites de la servitude, dans un délai de quatre mois à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant une période de quatre mois, à l'issue de laquelle il pourrait être à nouveau statué sur l'astreinte et d'AVOIR condamné M. X... à payer à Mme Y... la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice de jouissance ;

AUX MOTIFS QUE selon les articles 688 et 691 du code civil, les servitudes de passage, par nature discontinues, ne peuvent s'établir que par titre ; que le fonds de Mme Y... a fait l'objet d'une vente à Mme Emilie B... suivant acte notarié du 9 octobre 1953 puis d'une donation par Mme B... à Mme Y... par acte notarié du 13 janvier 1984 ; que ces deux actes font référence à un acte de partage du 27 août 1953 ; qu'il ressort de cet acte que les propriétés de Mme Y... et de M. X... faisaient partie des biens immobiliers partagés entre les héritiers de Mme A... B... ; que l'acte de partage énonce dans une partie intitulée « règlement de servitude » que les héritiers partageants ont fait dresser le 16 mai 1953 par un géomètre un plan des propriétés actuelles des parties « en raison des servitudes afférentes à ces immeubles » et « que de ce plan il résulte : (
) il existe pour ces maisons et logements (
) une pompe commune – lettre A dudit plan qui se trouve dans la cour des maisons partagées, qu'il existe un passage commun sur le côté sud d'une largeur de 1m 20 lettre B pour permettre au propriétaire de la maison sur rue d'accéder au W.C au fond de la rue – qu'audit plan, il est stipulé ce qui suit textuellement rapporté : A pompe commune (...) la partie B, propriété de la maison C sera de possession commune entre les maisons C et D » ; que du plan visé dans l'acte de partage et qui est produit aux débats, il ressort que ce qui est désigné dans cet acte comme « logement » ou « maison C » correspond à la propriété actuelle de M. X... et que ce qui est désigné comme « maison D » correspond à la propriété de Mme Y... ; que les dispositions de l'acte de partage précitées concernant l'existence du « passage commun » sont rappelées tant dans l'acte de vente que dans l'acte de donation ci-dessus évoqués ; que les dispositions de l'acte de partage reprises dans les actes relatifs à la transmission de la propriété de Mme Y... manifestent qu'une servitude de passage a été instituée sur le fonds de M. X... au profit de celui de Mme Y... ; que le plan du 16 mai 1953 fait apparaître que la servitude longe la propriété de M. X... jusqu'au fond de celle-ci en conservant la même largeur fixée dans l'acte de partage de 1,20 m ; que Mme Y... peut ainsi légitimement se prévaloir du bénéfice d'une servitude de passage grevant la propriété de M. X... depuis la route nationale jusqu'à la partie de cette propriété située derrière l'immeuble, servitude instituée par l'acte de partage sus-analysé ; que le titre constitutif de la servitude étant identifié et connu, il importe peu que Mme Y... ne puisse étayer sa demande par un titre récognitif présentant les caractères définis par l'article 694 du code civil, ou que l'acte par lequel M. X... a acquis sa propriété ne fasse pas mention d'une servitude au profit de celle de Mme Y... ; que dans un procès-verbal de constat dressé le 14 janvier 2015, Me Luc C..., huissier de justice, se référant au plan du 16 mai 1953 précité, indique que le passage permettant d'accéder à la propriété de M. X... est fermé, au niveau du mur arrière de la maison de Mme Y... par une porte en bois à clairevoie munie d'un verrou et d'une sonnette ; que l'huissier de justice a constaté en outre « par les interstices de la porte » que dans « dans l'axe figurant sur le croquis joint comme étant la servitude de passage a été construit un barbecue en briques et que derrière celui-ci, perpendiculairement à la servitude, il existe un claustra en bois ; que l'ensemble étant manifestement conçu comme un espace privatif ; qu'en tout état de cause, je constate que la servitude de passage telle qu'elle m'a été présentée et justifiée, ne peut être utilisée » ; qu'il ressort des constations contenues dans le procès-verbal qu'une porte, une construction à usage de barbecue et une cloison ont été installées dans la partie de la propriété de M. X... devant constituer le passage profitant aux occupants de l'immeuble de Mme Y... et qu'elles en empêchent l'usage ; que la demande de Mme Y... tendant à la démolition des obstacles au passage est en conséquence fondée ; que M. X... sera condamnée à les enlever sous l'astreinte définie dans le dispositif ci dessous ; que Mme Y... produit une attestation par laquelle les locataires de son immeuble se plaignent d'être privés d'accès au terrain dépendant de la propriété de Mme Y... mais situé à l'extrémité du fonds de M. X... et desservi par le passage litigieux ; que les témoins ajoutent qu'en contrepartie de cette privation partielle de jouissance des biens loués, Mme Y... leur a consenti une réduction de loyer ; que Mme Y... fait ainsi la preuve de la réalité d'un préjudice lié à la condamnation du passage ; qu'il convient de condamner M. X... à lui payer, en réparation de ce préjudice, la somme de 1 500 euros ;

1°) ALORS QU'une servitude n'est opposable à l'acquéreur du fond servant que si elle a été publiée, ou si son acte d'acquisition en fait mention, ou encore s'il en connaissait l'existence au moment de l'acquisition ; qu'en retenant qu'il importait peu que l'acte par lequel M. X... avait acquis sa propriété ne fasse pas mention de la servitude de passage litigieuse bénéficiant au fond de Mme Y..., sans constater que celle-ci aurait été publiée ou que M. X... en aurait eu connaissance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 691 du code civil ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, une servitude n'est opposable à l'acquéreur du fond servant que si elle a été publiée, ou si son acte d'acquisition en fait mention, ou encore s'il en connaissait l'existence au moment de l'acquisition ; qu'en retenant que le titre constitutif de la servitude était identifié et connu, sans préciser si l'emploi du terme « connu » renvoyait à la simple identification du titre ayant créé la servitude ou à sa connaissance par M. X... ou encore à sa publication, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inintelligibles, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, la servitude conventionnelle qui est affectée à une destination déterminée s'éteint lorsque son objet a disparu ; qu'en l'espèce, il résulte de l'acte de partage du 27 août 1953 que la servitude de passage litigieuse avait été instituée afin de permettre au propriétaire de la maison sur rue d'accéder au W.C situé au fond de la cour ;
que dans ses conclusions d'appel, M. X... soutenait que les toilettes situées au fond de la cour n'existaient plus, de sorte que la servitude était désormais privée d'objet ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, pourtant pertinent, duquel il résultait que la servitude litigieuse était éteinte, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaquée d'AVOIR condamné M. X... à payer à Mme Y... la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice de jouissance ;

AUX MOTIFS QUE selon les articles 688 et 691 du code civil, les servitudes de passage, par nature discontinues, ne peuvent s'établir que par titre ; que le fonds de Mme Y... a fait l'objet d'une vente à Mme Emilie B... suivant acte notarié du 9 octobre 1953 puis d'une donation par Mme B... à Mme Y... par acte notarié du 13 janvier 1984 ; que ces deux actes font référence à un acte de partage du 27 août 1953 ; qu'il ressort de cet acte que les propriétés de Mme Y... et de M. X... faisaient partie des biens immobiliers partagés entre les héritiers de Mme A... B... ; que l'acte de partage énonce dans une partie intitulée « règlement de servitude » que les héritiers partageants ont fait dresser le 16 mai 1953 par un géomètre un plan des propriétés actuelles des parties « en raison des servitudes afférentes à ces immeubles » et « que de ce plan il résulte : (
) il existe pour ces maisons et logements (
) une pompe commune – lettre A dudit plan qui se trouve dans la cour des maisons partagées, qu'il existe un passage commun sur le côté sud d'une largeur de 1m 20 lettre B pour permettre au propriétaire de la maison sur rue d'accéder au W.C au fond de la rue – qu'audit plan, il est stipulé ce qui suit textuellement rapporté : A pompe commune (...) la partie B, propriété de la maison C sera de possession commune entre les maisons C et D » ; que du plan visé dans l'acte de partage et qui est produit aux débats, il ressort que ce qui est désigné dans cet acte comme « logement » ou « maison C » correspond à la propriété actuelle de M. X... et que ce qui est désigné comme « maison D » correspond à la propriété de Mme Y... ; que les dispositions de l'acte de partage précitées concernant l'existence du « passage commun » sont rappelées tant dans l'acte de vente que dans l'acte de donation ci-dessus évoqués ; que les dispositions de l'acte de partage reprises dans les actes relatifs à la transmission de la propriété de Mme Y... manifestent qu'une servitude de passage a été instituée sur le fonds de M. X... au profit de celui de Mme Y... ; que le plan du 16 mai 1953 fait apparaître que la servitude longe la propriété de M. X... jusqu'au fond de celle-ci en conservant la même largeur fixée dans l'acte de partage de 1,20 m ; que Mme Y... peut ainsi légitimement se prévaloir du bénéfice d'une servitude de passage grevant la propriété de M. X... depuis la route nationale jusqu'à) la partie de cette propriété située derrière l'immeuble, servitude instituée par l'acte de partage sus-analysé ; que le titre constitutif de la servitude étant identifié et connu, il importe peu que Mme Y... ne puisse étayer sa demande par un titre récognitif présentant les caractères définis par l'article 694 du code civil, ou que l'acte par lequel M. X... a acquis sa propriété ne fasse pas mention d'une servitude au profit de celle de Mme Y... ; que dans un procès-verbal de constat dressé le 14 janvier 2015, Me Luc C..., huissier de justice, se référant au plan du 16 mai 1953 précité, indique que le passage permettant d'accéder à la propriété de M. X... est fermé, au niveau du mur arrière de la maison de Mme Y... par une porte en bois à clairevoie munie d'un verrou et d'une sonnette ; que l'huissier de justice a constaté en outre « par les interstices de la porte » que dans « dans l'axe figurant sur le croquis joint comme étant la servitude de passage a été construit un barbecue en briques et que derrière celui-ci, perpendiculairement à la servitude, il existe un claustra en bois ; que l'ensemble étant manifestement conçu comme un espace privatif ; qu'en tout état de cause, je constate que la servitude de passage telle qu'elle m'a été présentée et justifiée, ne peut être utilisée » ; qu'il ressort des constations contenues dans le procès-verbal qu'une porte, une construction à usage de barbecue et une cloison ont été installées dans la partie de la propriété de M. X... devant constituer le passage profitant aux occupants de l'immeuble de Mme Y... et qu'elles en empêchent l'usage ; que la demande de Mme Y... tendant à la démolition des obstacles au passage est en conséquence fondée ; que M. X... sera condamnée à les enlever sous l'astreinte définie dans le dispositif ci dessous ; que Mme Y... produit une attestation par laquelle les locataires de son immeuble se plaignent d'être privés d'accès au terrain dépendant de la propriété de Mme Y... mais situé à l'extrémité du fonds de M. X... et desservi par le passage litigieux ; que les témoins ajoutent qu'en contrepartie de cette privation partielle de jouissance des biens loués, Mme Y... leur a consenti une réduction de loyer ; que Mme Y... fait ainsi la preuve de la réalité d'un préjudice lié à la condamnation du passage ; qu'il convient de condamner M. X... à lui payer, en réparation de ce préjudice, la somme de 1 500 euros ;

ALORS QUE les prétentions des parties formulées dans les conclusions d'appel sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; que dans le dispositif de ses conclusions d'appel, Mme Y... ne formulait aucune demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice de jouissance ; qu'en condamnant néanmoins M. X... à payer à Mme Y... la somme de 1 500 euros au titre de son préjudice de jouissance, la cour d'appel a violé l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-22627
Date de la décision : 29/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 18 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 29 nov. 2018, pourvoi n°17-22627


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Ghestin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.22627
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award