LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Nader X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 6 mars 2018, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de complicité d'escroquerie en bande organisée, recel en bande organisée, association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 octobre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Y..., conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Darcheux ;
Sur le rapport de M. le conseiller Y..., les observations de la société civile professionnelle OHL et VEXLIARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Z... ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 16 juillet 2018, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1 et § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, préliminaire, 100 à 100-7, 114 et 116, 171, 173, 174, 175, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté la requête de M. X... en annulation d'actes de la procédure ;
"aux motifs qu'il résulte de l'enquête et de l'information présomption des faits suivants : le 6 février 2017, un camion était volé à Marseille ; que son propriétaire l'avait équipé antérieurement d'un dispositif de géolocalisation, ce qui menait les enquêteurs jusqu'à un terrain appartenant à M. Michel A... où ils découvraient trois personnes : M. A..., qui s'affairait sur ledit camion ; M. Stéphane B... qui se trouvait sur le terrain ; un individu occupé à monter de fausses plaques sur le véhicule qui parvenait à prendre la fuite à la vue des enquêteurs ; qu'étaient découverts de multiples véhicules volés, des pièces de véhicules volés et un ordinateur portable pouvant servir au démarrage ou au « réencodage » des véhicules ; que M. A... reconnaissait s'adonner à l'activité de recel de vol il était mis en examen des chefs de recel de vol en bande organisée ; que M. A... dénonçait M. B... comme étant coauteur des infractions commises ; qu'il précisait notamment que ce dernier avait conduit le camion volé ; que néanmoins, M. B... contestait les infractions reprochées ; que ses explications étaient floues ; qu'il déclarait s'être trouvé là pour aider M. A... à couper du bois ; qu'il disait ne connaître que le prénom de la personne ayant pris la fuite et affirmait ignorer l'existence d'activités illicites sur le terrain ; qu'il était également mis en examen ; que les investigations réalisées sur commission rogatoire démontraient l'existence d'un large trafic fonctionnant sur le modèle suivant : des personnes déclaraient faussement le vol de leur véhicule, elles entreposaient le véhicule dans une casse, le véhicule était ensuite démonté par les agents des casses, les pièces étant finalement emportées par une équipe d'individus polonais pour être vendues en Pologne ; que le magistrat instructeur était saisi supplétivement de ces faits par réquisitoires des 28 septembre et 4 octobre 2017 ; que les surveillances des enquêteurs permettaient l'identification d'un entrepôt à Marseille dont l'exploitation était assurée par M. X... ; que les Polonais qui récupéraient les pièces automobiles volées à l'aide d'un véhicule "Mercedes" s'arrêtaient fréquemment dans cet entrepôt où des livraisons étaient opérées ; que M. X... était interpellé le 3 octobre 2017 ; qu'il était trouvé porteur d'une somme de 1040 euros et qu'un fusil de chasse était saisi à son domicile ; que le 5 octobre 2017, M. X... était mis en examen des chefs de complicité d'escroqueries commises en bande organisée et de recel de véhicules et pièces automobiles en bande organisée ; qu'il reconnaissait avoir convoyé des voitures pour le compte des polonais de Marseille à Miramas depuis le début de l'année 2017 évaluant leur nombre à six ou sept ; que les véhicules provenaient d'un réseau organisé établi selon lui [...] ; que les investigations amenaient également, le 3 octobre 2017, à l'interpellation des "Polonais" MM. J... C..., K... D... et L... E... ; que le même jour étaient interpellés MM. F... G..., H... M..., N..., qui, à l'issue de leur garde à vue étaient mis en examen ; que par réquisitoire supplétif du 16 janvier 2018, le magistrat était saisi de faits d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes ou délits ; que le 31 janvier 2018, le magistrat instructeur a notifié à M. X... sa mise en examen supplétive pour ces faits ; qu'il a reconnu avoir remis des véhicules aux "Polonais" sachant qu'ils provenaient de "coups d'assurance" ; qu'il a précisé que son activité principale avec eux concernait des catalyseurs ;
"et aux motifs qu'aux termes de la requête, le conseil de M. X... sollicite la nullité du procès-verbal de synthèse, de l'interrogatoire de première comparution, et dès lors de la mise en examen de celui-ci, ainsi que chacun des actes, pièces et mentions qui trouvent leur support nécessaire dans cet acte, en l'espèce l'intégralité de la procédure subséquente et particulièrement l'ordonnance de placement en détention provisoire ; qu'après avoir rappelé les principes et la jurisprudence applicable, il demande à la cour de constater que : - la défense n'a pas eu accès à un dossier complet et effectif en ce que le procès-verbal de synthèse fait mention d'écoutes téléphoniques et de conversations téléphoniques attribuées à M. X... sans que les retranscriptions de ces écoutes n'aient été versées au dossier et mises à la disposition de la défense le jour de l'interrogatoire de première comparution, - la défense n'a pas eu accès à un dossier complet effectif en ce qu'au cours de sa garde à vue M. X... a été interrogé sur des conversations téléphoniques interceptées sur une ligne lui étant attribuée par les enquêteurs, sans que les retranscriptions de ces écoutes n'aient été versées au dossier mis à la disposition de la défense le jour de l'interrogatoire de première comparution, - la défense n'a pas eu accès effectif aux dossiers de procédure, le procès-verbal de synthèse fait mention de déclarations, incriminant le requérant, de personnes gardées à vue au moment de la première comparution de celui-ci devant le juge d'instruction sans que ces auditions n'aient été versées au dossier mis à la disposition de la défense le jour de l'interrogatoire de première comparution, - la défense n'a pas eu accès un dossier de procédure complet en ce que le procès-verbal de synthèse fait mention de déclarations incriminant le requérant par des personnes placées en garde à vue au moment de la première comparution devant le juge d'instruction sans que ces auditions n'aient été versées au dossier mis à la disposition de la défense lors de son interrogatoire de première comparution, - constater que la défense n'a pu s'exercer utilement et que de ce fait le droit de M. X... de ne pas s'auto-incriminer a été violé, - la défense n'a pu examiner ni discuter contradictoirement les interceptions téléphoniques en cause, - le procédé employé doit être qualifié de déloyal ; qu'il explique en effet que le procès-verbal de synthèse figurant en procédure fait référence aux interceptions téléphoniques, sans que les procès-verbaux de retranscription ne soient versés, ni la commission rogatoire, de sorte que la régularité de la procédure n'a pu être vérifiée, et que la véracité des propos ne pouvait être vérifiée ; que la loyauté qui doit gouverner toute instruction commande que le juge joigne au dossier aussitôt que cela est possible toutes les pièces, et notamment les pièces d'exécution des commissions rogatoires, que tout retard injustifié s'analyse nécessairement en une dissimulation ; que le ministère public requiert le rejet de la requête et le renvoi de la procédure au magistrat instructeur ; que M. X... a comparu devant le magistrat instructeur à l'issue de sa garde à vue ; qu'aux termes du procès-verbal établi par le juge d'instruction le 5 octobre 2017, il apparaît que conformément aux dispositions de l'article 116 du code de procédure pénale, et après avoir constaté son identité, le magistrat instructeur a fait connaître à M. X... chacun des faits dont il était saisi, ainsi que leur qualification juridique, puis lui a indiqué qu'il envisageait une mise en examen de ce chef ; il l'a alors avisé de son droit de choisir un avocat ; que M. X... ayant fait le choix de ses conseils, il a été mentionné au procès-verbal que ces derniers, à la disposition desquels la procédure avait été mise avant l'interrogatoire, avaient pu s'entretenir librement avec leur client ; qu'enfin, le juge d'instruction a informé M. X... de ce qu'il avait le droit soit de faire des déclarations, soit de répondre aux questions qui lui seraient posées, soit de se taire ; que M. X... a indiqué qu'il acceptait de répondre à des questions ; que le magistrat instructeur a donc parfaitement notifié l'ensemble de ses droits à M. X..., et ainsi respecté les formalités de l'article 116 code de procédure pénale ; qu'à l'issue de l'interrogatoire de première comparution, M. X... a été mis en examen pour des faits de complicité d'escroqueries réalisées en bande organisée et des faits de recel en bande organisée de véhicules et pièces automobiles provenant d'un crime ou un délit, en l'espèce de vol en bande organisée ; qu'au cours de cet interrogatoire, répondant aux question du magistrat instructeur, il a reconnu pour partie sa participation aux faits en précisant qu'il était « l'un des interlocuteurs de ce téléphone », qu'il avait « convoyé des voitures pour les polonais de Marseille à Miramas » et « leur avait livré plusieurs fois des catalyseurs » précisant que parmi les voitures qu'il avait convoyées pour eux, il y en avait deux à lui, « des coups d'assurance », récupér[ées] au travers d'un réseau rue de Lyon ; qu'il a en outre précisé à la demande du juge qu'il avait transporté pour les polonais quatre ou cinq véhicules au cours de l'été et un ou deux auparavant, et qu'il connaissait ces polonais depuis deux ou trois ans ; que le conseil de M. X... a fait observer, lorsque la parole lui a été donnée, qu'il n'avait pas eu connaissance des auditions des autres personnes qui étaient évoquées dans le procès-verbal de synthèse, sans aucune autre remarque, notamment sur les interceptions téléphoniques ; qu'il apparaît donc qu'au cours de cet interrogatoire de première comparution, au demeurant peu exhaustif, aucune question relative aux interceptions téléphoniques n'a été effectivement posée à M. X... ; que ce dernier a simplement déclaré spontanément qu'il était bien « l'un des interlocuteurs de ce téléphone » ; qu'au cours de la garde à vue il avait effectivement été fait état d'un téléphone au nom de Marius I... (qui s'est avéré être une identité inexistante), faisant l'objet d'interceptions téléphoniques et qui apparaissait comme ayant pu être utilisé par M. X..., ce que celui-ci a contesté en garde à vue ; que M. X... a également été interrogé par les enquêteurs sur les éléments recueillis à partir de la géolocalisation et des interceptions, tant sur la ligne [...] ouverte au nom de Marius I... (commission rogatoire du 13 juin 2017), que sur la ligne [...] utilisée par M. X... (CRT du 12 septembre 2017 clôturée le 5 octobre 2017) ; que si effectivement en l'état de la cotation actuelle du dossier, il apparaît incontestablement qu'au jour de l'interrogatoire de première comparution, l'ensemble des procès-verbaux établis dans le cadre des commissions rogatoires techniques d'interceptions téléphoniques et de géolocalisation n'avaient pas été cotées par le greffier, aucun élément de la procédure ne permet de démontrer que ces éléments n'étaient pas parmi ceux mis à disposition des conseils de M. X... ; qu'aucune observation n'a d'ailleurs été faite par les conseils de M. X... sur ce point lors de l'interrogatoire de première comparution ; qu'en outre, même à supposer que ces éléments n'aient pas été mis à disposition, il apparaît que le magistrat instructeur n'a fait aucune référence à ces interceptions téléphoniques et n'a pas interrogé M. X... sur la teneur de celles-ci, comme il a pu le faire ultérieurement le 31 janvier 2018 ; que M. X... a simplement spontanément indiqué qu'il était l'un des interlocuteurs de ce téléphone ; qu'ainsi, si effectivement le respect des droits de la défense suppose que la transcription d'écoutes téléphoniques puisse être contradictoirement discutée, il n'est nullement établi en l'espèce que de façon déloyale le juge ait attendu pour joindre au dossier des commissions rogatoires et les actes d'exécution litigieux et ait ainsi dissimulé des éléments de preuve en sa possession, pour obtenir des déclarations de M. X... ; que le droit pour ce dernier de ne pas s'auto-incriminer n'a donc pas été violé ; qu'au surplus, il sera observé que toutes les auditions en garde à vue, ont été faites en présence des conseils du mis en examen qui ont donc eu connaissance de ce qui était reproché à celui-ci, et ce qui pouvait être considéré comme élément à charge, et notamment de la teneur des éléments issus des interceptions téléphoniques ; que d'autre part, les enquêteurs ont effectivement établi un procès-verbal de synthèse le 5 octobre 2017, jour de la comparution de M. X..., faisant référence à l'ensemble des éléments connus à cette date, et reprenant les éléments pouvant être considérés comme étant à charge ; qu'il n'est pas contesté que cette synthèse ait été portée à la connaissance des conseils des mis en examen, qui pouvaient utilement en discuter la teneur, voire solliciter les procès-verbaux, sur lesquels elle était fondée ; que si comme le soutient le requérant, le magistrat instructeur s'est effectivement fondé sur cette synthèse, il apparaît que les avocats de la défense avaient à leur disposition les mêmes éléments que celui-ci, puis le juge des libertés et de la détention ; qu'il n'y a donc eu aucune violation du principe du contradictoire ou de l'égalité des armes ; qu'enfin, au vu des questions posées et de la teneur des déclarations de M. X... au cours de l'interrogatoire de première comparution, il ne peut être soutenu que les interceptions téléphoniques litigieuses aient pu être un élément déterminant pour motiver la mise en examen notifiée par le magistrat instructeur ; que de même, en ce qui concerne les déclarations des deux autres personnes gardées à vue, en même temps que M. X..., et dont il est fait état dans le procès-verbal de synthèse, il apparaît également que le magistrat instructeur n'a opposé à M. X... aucune de ces déclarations et n'a posé aucune question en relation avec ces déclarations ; qu'aucune déloyauté ne peut être reprochée au magistrat instructeur, dès lors que s'agissant d'une opération importante d'interpellation, il y avait en garde à vue plusieurs personnes en même temps qui lui ont été présentées les 5 et 6 octobre 2017 ; qu'il ne peut en effet être fait grief au magistrat instructeur de ne pas avoir mis à la disposition de chacun des avocats de chacun des mis en examen, l'ensemble des déclarations faites par les autres au cours des gardes à vue, celles-ci étant concomitantes pour ceux qui ont été déférés le 5 octobre, voire postérieures pour les autres, de sorte que ces déclarations n'étaient pas en sa possession les procès-verbaux n'ayant pas été clôturés par les enquêteurs ; que le procès-verbal de synthèse a repris certaines de ces déclarations, de sorte qu'elles étaient connues des avocats de la défense, qui ont donc eu à leur disposition les mêmes éléments que le magistrat instructeur ; que M. X... n'a donc subi aucun grief de cette situation ; qu'au surplus, si effectivement, les conseils de M. X... estimaient que les éléments mis à leur disposition étaient insuffisants, ce dernier aurait pu refuser de s'exprimer avant d'avoir connaissance de l'ensemble de la procédure, faculté dont il n'a pas usé, sans qu'aucun grief ne puisse en être fait au magistrat instructeur, ce dernier ayant régulièrement notifié ses droits à l'intéressé ; qu'il convient en conséquence de rejeter la requête ;
"1°) alors que la procédure mise à disposition de la défense au jour de l'interrogatoire de première comparution doit, à peine de nullité, être complète et porter sur l'ensemble des pièces de la procédure en l'état où elle se trouve au moment où a lieu la communication ; que la chambre de l'instruction est tenue de répondre aux articulations essentielles des mémoires déposés devant elle par les parties ; qu'en s'abstenant de répondre au grief opérant soulevé devant elle, pris de ce que la défense n'avait pas été en mesure de vérifier la légalité des conditions d'interception de la ligne téléphonique ouverte au nom de M. Marius I... – et dont M. X... niait, au cours de sa garde à vue, être l'utilisateur –, faute de versement au dossier, avant l'interrogatoire de première comparution, des commissions rogatoires techniques délivrées par le juge d'instruction aux fins d'interception de ladite ligne, la chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs ;
"2°) alors que s'agissant du versement au dossier des procès-verbaux de retranscription d'écoutes téléphoniques, la chambre de l'instruction, qui a constaté « qu'au jour de l'interrogatoire de première comparution, l'ensemble des procès-verbaux établis dans le cadre des commissions rogatoires techniques d'interceptions téléphoniques et de géolocalisation n'avaient pas été cotées par le greffier », s'est contredite en énonçant néanmoins « qu'aucun élément de la procédure ne permet[tait] de démontrer que ces éléments n'étaient pas parmi ceux mis à disposition des conseils de M. X... » ;
"3°) alors que si le versement à la procédure des retranscriptions d'une écoute, postérieurement à un interrogatoire peut n'être pas constitutif d'une violation des droits de la défense, c'est à la double condition que ces retranscriptions puissent être contestées utilement et qu'il n'en soit pas fait mention dans l'interrogatoire en cause ; que l'absence au dossier mis à disposition de la défense des procès-verbaux de retranscription d'écoutes téléphoniques faisait nécessairement grief au prévenu, lesdites retranscriptions ne pouvant, dès lors, être utilement contestées par la défense lors de l'interrogatoire de première comparution à l'issue duquel a été prononcée la mise en examen de M. X..., suivie de son placement en détention provisoire ; qu'en retenant le contraire, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés ;
"4°) alors que la privation de la possibilité de discuter contradictoirement des pièces de la procédure, telles des retranscriptions d'écoutes téléphoniques, déterminantes pour la mise en examen, méconnaît les dispositions de l'article 116 du code de procédure pénale et porte ainsi nécessairement atteinte aux droits de la défense ; qu'en relevant que M. X... avait, lors de l'interrogatoire de première comparution, indiqué qu'il était « l'un des interlocuteurs de ce téléphone [sur la ligne ouverte au nom de M. I...] », et en inférant de cette constatation que l'interrogatoire de première comparution n'avait pas porté sur les interceptions téléphoniques dont la transcription n'était pas versée au dossier, la chambre de l'instruction s'est contredite ;
"5°) alors que s'agissant des déclarations des autres personnes gardées à vue auxquelles se réfère explicitement le procès-verbal de synthèse, aux termes duquel notamment «
les polonais reconnaissent formellement [la]voix sur les interceptions comme étant celle de M. X... », et faute de versement à la procédure des procès-verbaux d'audition des individus à l'origine de ces déclarations, M. X... se trouvait par là même privé de la possibilité de les discuter contradictoirement, ce qui portait nécessairement atteinte aux droits de la défense ; que l'arrêt frappé de pourvoi s'expose encore à la censure, en ce qu'il retient le contraire" ;
Sur le moyen, pris en ses trois premières branches :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'une enquête a établi l'existence d'un trafic de véhicules dans la région de Marseille depuis le début de l'année 2017, des personnes déclarant faussement le vol de leur véhicule, l'entreposant ensuite dans une "casse" automobile, où il était démonté par les employés de ces établissements, les pièces étant finalement emportées par une équipe de ressortissants polonais pour être vendues en Pologne ; que, dans le cadre de l'information ouverte sur ces faits, M. Rachid X..., gérant de l'un de ces entrepôts, a été mis en examen, le 5 octobre 2017, du chef de complicité d'escroqueries commises en bande organisée et recel en bande organisée, qu'il a reconnu avoir convoyé six ou sept véhicules automobiles pour le compte des "polonais", de Marseille à Miramas, depuis le début de l'année 2017, qu'à la suite de l'interpellation de plusieurs autres personnes, en octobre 2017, M. X... a également été mis en examen du chef d'association de malfaiteurs ; que, le 7 décembre 2017, son conseil a déposé une requête en nullité de l'interrogatoire de première comparution de l'intéressé et du procès-verbal de synthèse établi par les enquêteurs ;
Attendu que, pour rejeter la demande tendant à voir constater le caractère incomplet du dossier de la procédure mis à disposition de la défense de M. X... lors de l'interrogatoire de première comparution de l'intéressé, l'arrêt relève que, si au cours de la garde à vue, il a été fait état d'interceptions téléphoniques sur une ligne ouverte au nom de M. Marius I..., qui apparaissait avoir pu être utilisée par M. Nacer X..., ce que celui-ci avait contesté pendant la garde à vue, aucune question relative aux interceptions téléphoniques sur cette ligne n'a été posée par le magistrat instructeur lors de l'interrogatoire de première comparution de l'intéressé, que le mis en cause a simplement déclaré spontanément qu'il était bien "l'un des interlocuteurs de ce téléphone", que si, en l'état de la cotation, il apparaît incontestablement qu'au jour de l'interrogatoire de première comparution, l'ensemble des procès-verbaux établis dans le cadre des commissions rogatoires techniques d'interceptions téléphoniques et de géolocalisation n'avaient pas été cotés par le greffier, aucun élément de la procédure ne permet de démontrer que ces éléments n'étaient pas parmi ceux mis à disposition des conseils de M. X..., qu'aucune observation n'a d'ailleurs été faite par ses conseils sur ce point lors de cet interrogatoire ; que les juges ajoutent qu'il n'est nullement établi en l'espèce que, de façon déloyale, le magistrat instructeur ait attendu pour joindre au dossier des commissions rogatoires et les actes d'exécution litigieux et ait ainsi dissimulé des éléments de preuve en sa possession ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors que, d'une part, à défaut de preuve contraire, le dossier communiqué aux avocats est réputé identique à l'original, l'avocat de M. X... n'ayant pas fait valoir, lors de l'interrogatoire de première comparution de son client, que les pièces relatives aux écoutes téléphoniques réalisées sur la ligne attribuée à M. I... ne lui avaient pas été communiquées, d'autre part, le magistrat instructeur n'a pas interrogé le mis en cause sur ces pièces, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
Sur les quatrième et cinquième branches du moyen :
Attendu que, pour rejeter la demande en nullité du rapport de synthèse et de l'interrogatoire de première comparution, l'arrêt énonce que les enquêteurs ont établi un procès-verbal de synthèse le 5 octobre 2017, jour de la comparution de M. X..., faisant référence à l'ensemble des éléments connus à cette date, qu'il n'est pas contesté que cette synthèse a été portée à la connaissance des conseils des mis en examen, qui pouvaient utilement en discuter la teneur, voire solliciter les procès-verbaux sur lesquels elle était fondée, que les avocats de la défense avaient à leur disposition les mêmes éléments que le magistrat instructeur, puis le juge des libertés et de la détention ; qu'il ne peut être fait grief au magistrat instructeur de ne pas avoir mis à la disposition de chacun des avocats des mis en examen l'ensemble des déclarations faites par les autres au cours des gardes à vue, celles-ci étant concomitantes pour ceux qui ont été déférés le 5 octobre, voire postérieures pour les autres, de sorte que ces déclarations n'étaient pas en sa possession, les procès verbaux n'ayant pas été clôturés par les enquêteurs ; que les juges concluent qu'il n'y a donc eu aucune violation du principe du contradictoire ou de l'égalité des armes ;
Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit novembre deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.