LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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M. Hamid X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 5e section, en date du 18 décembre 2017, qui a prononcé sur la recevabilité de sa requête en incident d'exécution ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 octobre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Y..., conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Darcheux ;
Sur le rapport de M. le conseiller Y..., les observations de la société civile professionnelle SEVAUX et MATHONNET, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Z... ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'homme, 710, 712-17 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la chambre de l'instruction, siégeant en formation collégiale, a déclaré irrecevable la requête tendant à faire constater l'illégalité de la reprise d'écrou de M. X... et à faire ordonner la remise en liberté du condamné ;
"aux motifs que le 23 mai 2017, Maître A... substituant Maître B..., avocat de M. X..., a déposé une requête aux fins d'annulation de pièces pour voir juger que la reprise d'écrou de M. X... par le procureur de la République pour exécution des peines visées par le mandat d'arrêt délivré par le juge de l'application des peines de Lille était illégale ; qu'il est en effet exposé dans cette requête que faute d'avoir été présenté au juge de l'application des peines ou au tribunal d'application des peines en application de l'article 712-17 du code de procédure pénale lors de son retour sur le territoire français puisqu'il avait été remis aux autorités françaises par les autorités espagnoles sur la base de deux mandats d'arrêt européens, la reprise de l'exécution de la condamnation n'est pas régulière ; qu'en conséquence, M. X... devrait être remis en liberté par le chambre de l'instruction ; que l'article 173 du code de procédure pénale, texte intégré dans la partie de ce code relative aux juridictions d'instruction, confère à la chambre de l'instruction le pouvoir de se prononcer, dans le cadre de l'instruction uniquement, sur les nullités dont seraient affectés un acte ou une pièce de la procédure ; que donc, ainsi que le relève le procureur général dans ses réquisitions, la présente requête, relative à une irrégularité alléguée de reprise d'exécution d'une peine, n'entre pas dans les prévisions de l'article 173 (
) ; que par ailleurs il ne peut être considéré, comme il est exposé au mémoire, que la chambre de l'instruction est saisie d'une demande de mise en liberté sur la base de l'article 148-1 du code de procédure pénale, car la mise en liberté est demandée par le requérant comme étant la conséquence d'une constatation de l'irrégularité de la reprise d'exécution de la peine ;
"1°) alors que la chambre de l'instruction connaît des incidents d'exécution auxquels peut donner lieu l'exécution des arrêts de cour d'assises ; que constitue un tel incident la contestation de la légalité de la reprise d'écrou d'une personne condamnée à plusieurs peines dont une prononcée par une cour d'assises, fondée sur la circonstance que cette reprise a pour support nécessaire l'exécution d'un mandat d'arrêt délivré par le juge d'application des peines sans que la personne concernée ait été présentée au juge de l'application des peines ou au tribunal d'application des peines dans les quatre jours de la notification dudit mandat comme l'impose l'article 712-17, alinéa 8, du code de procédure pénale ; qu'en refusant d'examiner cet incident, au motif inopérant que la requête ne relevait ni des dispositions de l'article 173 du code de procédure pénale, ni de celles de l'article 148-1 du même code, et en statuant en formation collégiale et non composée de son seul président comme l'impose l'article 710 précité, la chambre de l'instruction a méconnu les articles précités ;
"2°) alors qu'il résulte de la requête soumise à la chambre de l'instruction que la demande présentée sous le fondement des seuls articles 712-6, 712-8, 712-18 et 730 du code de procédure pénale tendait à faire constater l'illégalité la reprise d'écrou en raison de l'exécution illégale du mandat d'arrêt, et à ce que la remise en liberté soit ordonnée en conséquence, de sorte qu'en en déduisant qu'il s'agissait d'une requête aux fins d'annulation de pièces présentée sur le fondement de l'article 173 dudit code, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs" ;
Vu les articles 710 à 712 du code de procédure pénale ;
Attendu que tous les incidents contentieux relatifs à l'exécution des sentences pénales pour lesquels aucune autre procédure n'est prévue par la loi relèvent des articles susvisés ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. Hamid X... n'a pas réintégré l'établissement pénitentiaire à l'issue d'une permission de sortir ; que le juge de l'application des peines du tribunal de grande instance de Lille a délivré un mandat d'arrêt
le 10 décembre 2015 ; que le 18 décembre 2015, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lille a émis à sa suite un mandat d'arrêt européen, visant le reliquat de peine restant à subir, soit 3 ans et 28 jours ; que le 18 octobre 2016, le tribunal correctionnel de Lille a condamné, pour évasion, M. X... à la peine de 1 an et 6 mois d'emprisonnement et a délivré à cette date un mandat d'arrêt, fondement d'un second mandat d'arrêt européen émis le 26 octobre 2016 par le procureur de la République de Lille ; que, interpellé en Espagne, M. X... a été remis par les autorités judiciaires espagnoles aux autorités françaises le 6 février 2017 en exécution de ces deux mandats d'arrêt européens ; qu'après avoir été présenté au procureur de la République de Bobigny, il a été écroué au centre de détention de Fleury-Mérogis, où ont été portés le reliquat de peine restant à subir et sa condamnation pour évasion ; qu'il a déposé le 23 mai 2017 une requête pour faire juger sa reprise d'écrou, faisant suite au mandat d'arrêt délivré par le juge de l'application des peines de Lille illégale, en l'absence de comparution devant ce juge en application des dispositions de l'article 712-17 du code de procédure pénale, et ordonner sa mise en liberté ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la requête, l'arrêt relève que l'irrégularité alléguée de reprise d'exécution d'une peine n'entre pas dans les prévisions de l'article 173 du code de procédure pénale et qu'il ne peut être considéré que la chambre de l'instruction est saisie d'une demande de mise en liberté sur la base de l'article 148-1 du code de procédure pénale ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui incombait, comme elle en était requise, de s'assurer que les prescriptions de l'article 712-17 du code de procédure pénale avaient été observées, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 5e section, en date du 18 décembre 2017, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit novembre deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.