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28/11/2018 | FRANCE | N°17-82100

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 novembre 2018, 17-82100


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. E... F... X... G...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 9e chambre, en date du 6 mars 2017, qui, pour agression sexuelle aggravée, l'a condamné à quinze mois d'emprisonnement, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 octobre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Y..., conseiller rappo

rteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Darcheux ;

Sur le ra...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. E... F... X... G...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 9e chambre, en date du 6 mars 2017, qui, pour agression sexuelle aggravée, l'a condamné à quinze mois d'emprisonnement, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 octobre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Y..., conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Darcheux ;

Sur le rapport de M. le conseiller Y..., les observations de la société civile professionnelle LE GRIEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Z... ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de Convention européenne des droits de l'homme, 111-4, 121-4, 121-5, 222-22, 222-27, 222-28, 222-31, 222-44, 222-45, 222-47 et 222-48-1 du code pénal, 2, 3, 388, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit que les faits initialement qualifiés de tentative d'agression sexuelle constituent en réalité l'infraction d'agression sexuelle et a déclaré le prévenu coupable de cette infraction ;

"aux motifs que Mme Mandy A... expose qu'elle a sollicité un jeune homme dont elle venait de faire la connaissance pour la raccompagner à son domicile et qu'en cours de route celui-ci s'est jeté sur elle pour tenter de lui imposer une relation sexuelle, qu'il l'a partiellement déshabillée, qu'il l'a frappée, et qu'elle a fini par sauter de la voiture pour échapper à son emprise ; que les déclarations de Mme A... sont étayées par plusieurs éléments du dossier ; qu'ainsi les circonstances très particulières de la dénonciation démontrent l'état d'affolement de la plaignante et excluent toute mise en scène ou volonté de malveillance ; qu'il apparaît que Mme A... a été prise en charge par les secours alors qu'elle venait de se réfugier au milieu de la nuit, partiellement dénudée, chez une femme qu'elle ne connaissait pas ; qu'elle était décrite par Mme B... comme terrifiée au point de s'uriner dessus, état de choc constaté également par les militaires de la gendarmerie ; que Mme B... indique que la jeune fille lui a dit immédiatement qu'elle venait de se faire violer par un homme noir, qu'elle pleurait et ne cessait de dire que c'était horrible ; que les vêtements de Mme A... ont été retrouvés par les enquêteurs à quelques centaines de mètres du domicile de Mme B... et qu'il ne présentaient pas de traces de souillure ; que la plaignante indique que ses vêtements ont été arrachés par son agresseur et étaient restés dans la voiture de celui-ci, et qu'il est donc vraisemblable que M. E... F... X... G... les a jetés à l'extérieur du véhicule après sa fuite ; que l'expertise médicale et les photographies de Mme A... objectivent des lésions sur son visage et sur son corps, lésions que l'expert estime parfaitement compatibles avec les circonstances de l'agression telles que rapportées par la plaignante ; que les photographies de Mme A... révèlent notamment des traces de brûlures parfaitement compatibles avec une expulsion dévêtue d'une voiture en marche ; que les accusations de Mme A... ne s'inscrivent pas dans un contexte de vengeance ou de mise en scène dans la mesure où elle n'avait aucun conflit avec son agresseur qu'elle ne connaissait pas avant les faits et dont elle n'avait même pas pu révéler l'identité ; qu'au surplus, l'expertise psychologique de Mme A... met en évidence une personnalité bien structurée mais avec une souffrance massive, avec des sentiments de honte et d'angoisse majeurs ; qu'en revanche, les explications de M. F... X... G... selon lesquelles une violente dispute l'a opposé à Mme A... qui lui a demandé de sortir du véhicule qu'elle prenait pour le sien, qui l'a frappé pendant qu'il conduisait et l'a contraint à la faire sortir de force du véhicule se heurtaient aux éléments matériels du dossier ; qu'ainsi ont été découverts sur les vêtements de Mme A... des traces d'ADN appartenant à M. F... X... G... , notamment sur le tee-shirt au niveau de la poitrine et au niveau du string ; que celui-ci indique avoir eu un flirt avec la jeune fille dans la boîte de nuit et qu'il a donc pu laisser son ADN sur ses vêtements mais qu'il convient de noter qu'outre le fait que Mme A... conteste ce point, aucune personne présente dans la boîte de nuit, ni les amis de la plaignante, ni même M. Fabien C..., ami de M. F... X... G... qui était resté jusqu'au bout de la soirée dans la boîte de nuit, n'a fait état d'un quelconque flirt entre eux ; que M. Erwan D..., vigile de l'établissement, indiquait avoir bien vu les deux personnes partir ensemble et le jeune homme mettre la main aux fesses de la jeune femme, mais qu'il précisait que celle-ci avait écarté la main du garçon ; que les déclarations de M. F... X... G... sur le fait que la jeune femme serait tombée du véhicule à l'arrêt alors qu'elle était habillée sont incompatibles avec l'absence de traces de souillures ou de déchirures sur les vêtements retrouvés au sol ; qu'interrogé sur ce point, il avait précisé qu'il avait fait tomber la jeune femme du véhicule à l'arrêt et l'avait vu se relever, ce qui ne pouvait en aucun cas expliquer l'ensemble des lésions et brûlures qu'elle présentait sur le corps ; que M. F... X... G... exposait que Mme A... l'avait violemment frappé dans la voiture, mais que sa femme n'avait fait état dans son audition d'aucune trace sur son mari, et son ami M. Fabien C... n'avait fait état que d'une trace gonflée sur le côté droit du visage ; que celui-ci indiquait également que son ami avait dit avoir eu une altercation avec la jeune fille blonde de la boîte de nuit et qu'en la sortant du véhicule, il lui avait déchiré ses vêtements ; qu'en conséquence, les déclarations de Mme A... qui affirme que M. F... X... G... l'a déshabillée pour tenter de lui imposer une relation sexuelle et qu'il n'a pas réussi à parvenir à ses fins car elle s'est violemment défendue, étayées par les circonstances de la révélation des faits, par son arrivée au milieu de la nuit en pleurs et en partie déshabillée au domicile d'une riveraine, par son état de choc attesté par les témoins, par l'examen médical faisant état de nombreuses lésions compatibles avec ses déclarations, par l'examen psychologique faisant état d'une personnalité bien structurée mais en état de souffrance massive, par l'absence de raisons objectives permettant de suspecter une volonté malveillante, établissent de façon formelle la réalité de l'agression sexuelle et ne sauraient être mises en doute par les dénégations de M. F... X... G... qui ne sont étayées par aucun élément objectif du dossier ; qu'il convient de constater que les faits initialement qualifiés de tentative d'agression sexuelle constituent bien une agression sexuelle et en conséquence confirmer le jugement sur la culpabilité ;

"1°) alors que tout accusé ayant conformément aux dispositions de l'article 6, § 3, a) de la Convention européenne des droits de l'homme – le droit d'être informé des faits matériels qui lui sont imputés et de la qualification juridique donnée à ces faits, ainsi que le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, la juridiction pénale qui opère une requalification des faits poursuivis doit en informer préalablement le prévenu et le mettre en mesure de présenter utilement sa défense sur la nouvelle qualification envisagée ; que le respect de ces formalités doit résulter des termes de la décision entreprise qui doit faire preuve par elle-même de sa régularité formelle ; qu'en l'espèce, il résulte des termes de la prévention, tels qu'ils sont reproduits par l'arrêt attaqué et énoncés dans l'ordonnance de renvoi du 5 décembre 2013, qu'il est reproché à M. F... X... G... d'avoir, le 2 avril 2011, tenté de commettre une agression sexuelle au préjudice de Mme A..., ladite tentative étant manifestée par un commencement d'exécution, en l'espèce d'avoir retiré des vêtements de la victime et exercé des violences à son encontre, n'ayant manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur, en l'espèce la résistance de la jeune femme, avec cette circonstance que les faits ont entraîné des blessures ou lésions de la victime, en l'espèce dix jours d'ITT ; que, dès lors, en se bornant à énoncer, pour déclarer le demandeur coupable d'agression sexuelle, que les faits initialement qualifiés de tentative d'agression sexuelle constituaient en réalité une agression sexuelle, quand le prévenu n'était poursuivi que du chef de tentative de ce délit, sans inviter le prévenu à s'expliquer sur cette requalification, la cour d'appel a violé l'article 388 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"2°) alors que seule peut constituer une agression sexuelle, au sens de l'article 222-22 du code pénal, une atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ; qu'en l'espèce, pour déclarer le prévenu coupable d'agression sexuelle sur la personne de Mme A..., la cour d'appel s'est déterminée par la circonstance qu'il résultait des déclarations de la partie civile que M. F... X... G... l'avait partiellement déshabillée pour tenter de lui imposer une relation sexuelle, sans parvenir à ses fins car elle s'est violemment défendue ; qu'en statuant ainsi, sans indiquer en quoi de tels faits étaient de nature à constituer une atteinte sexuelle, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 222-22 du code pénal ;

"3°) alors qu'à supposer que le fait de déshabiller une personne puisse présenter un caractère sexuel, il ne saurait caractériser le délit d'agression sexuelle et ne pourrait constituer, si les conditions légales en sont réunies, qu'une tentative de ce délit ; que, dès lors, en requalifiant les faits reprochés au prévenu d'agression sexuelle et en déclarant le demandeur coupable de cette infraction, tout en relevant que les faits imputables à M. F... X... G... consistaient à avoir partiellement déshabillé la partie civile pour tenter de lui imposer une relation sexuelle, sans parvenir à ses fins car elle s'était violemment défendue, ce qui ne pouvait caractériser qu'une tentative d'agression sexuelle au sens des articles 121-4, 121-5 et 222-31 du code pénal, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes susvisés" ;

Vu les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale ;

Attendu que, s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition que le prévenu ait été en mesure de se défendre sur la nouvelle qualification envisagée ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. F... X... G... a été poursuivi pour tentative d'agression sexuelle ayant entraîné une blessure ou une lésion ; qu'il a interjeté appel du jugement du tribunal correctionnel le condamnant pour agression sexuelle aggravée après avoir énoncé, dans ses motifs, qu'il convenait de le déclarer coupable de la tentative lui étant reprochée ;

Attendu que, pour requalifier les faits en agression sexuelle et confirmer le jugement, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne résulte d'aucune mention de l'arrêt que M. F... X... G... ou son avocat aient été invités à s'expliquer sur cette requalification, à laquelle il n'avait pas été régulièrement procédé par le tribunal correctionnel, et qui n'a pas été mise dans le débat devant elle, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 6 mars 2017, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit novembre deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-82100
Date de la décision : 28/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 06 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 nov. 2018, pourvoi n°17-82100


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Le Griel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.82100
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