LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Vu l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par un acte authentique reçu le 1er août 2005, la SCI SR, représentée par M. X..., cogérant et associé, a cédé un ensemble immobilier à la SCI Duplo, représentée par M. Y..., en sa qualité de gérant et principal associé ; q'un arrêt du 16 mars 2010 a annulé cette vente, condamné la SCI Duplo à restituer à la SCI SR les loyers perçus, et rejeté sa demande de remboursement des sommes réglées pour l'achat de l'immeuble et la réalisation de travaux ; que, par acte authentique du 1er avril 2010, M. X... a déclaré avoir conscience du préjudice considérable subi par la SCI Duplo, alors que celle-ci s'était acquittée du prix convenu et avait réalisé une rénovation complète de l'immeuble, et vouloir la garantir des conséquences de ce litige et de l'appauvrissement de son patrimoine, ainsi que de celui de ses associés à concurrence d'une somme évaluée à 1 000 000 d'euros ; qu'il s'est, en conséquence, engagé à nantir les parts sociales qu'il détenait dans la société SR au profit de la SCI Duplo pour en garantir le remboursement et à céder à M. Y... ces parts sociales, sous les conditions suspensives d'un rejet du pourvoi formé contre l'arrêt du 16 mars 2010 et d'un agrément de la cession conformément aux dispositions statutaires de la SCI SR ; qu'après le rejet de ce pourvoi, la SCI Duplo et M. Y... ont assigné M. X... en vue d'obtenir l'exécution de son engagement ; que celui-ci a opposé la nullité de cet engagement, en faisant valoir que son consentement avait été vicié par une erreur sur sa responsabilité quant aux pertes subies par la SCI Duplo et que, souffrant de problèmes psychiques, il n'avait pas la capacité de contracter ;
Attendu que, pour écarter la nullité de l'acte du 1er avril 2010 et déclarer régulière et parfaite la promesse de cession par M. X... de ses parts dans le capital de la SCI SR à M. Y... ainsi que le nantissement de ses parts au profit de la SCI Duplo, l'arrêt relève que, pendant six ans, M. X... n'a jamais contesté la validité de son engagement et a même invoqué sa validité à l'occasion des procédures engagées par la SCI SR pour en obtenir l'annulation ; qu'il en déduit qu'il l'a ainsi confirmé et purgé des irrégularités dont il pouvait être frappé, qu'elles soient relatives au consentement et à la capacité de l'intéressé ou à la cause de l'acte ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance d'un vice l'affectant et l'intention de le réparer, et que la réalisation de ces conditions ne peut résulter de l'absence de contestation de la validité de l'acte avant l'instance en cause ou même de l'invocation de sa validité dans une autre instance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. Y... et la SCI Duplo aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-huit et signé par lui et par Mme Pecquenard, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré régulière et parfaite la promesse de cession par M. X... de ses parts dans le capital de la SCI SR à M. Y... ; d'AVOIR dit que cette promesse sera notifiée à la SCI SR et à ses associés selon les conditions des articles 1861 du code civil et de l'article 11 des statuts ; d'AVOIR dit qu'elle sera ensuite notifiée à la commune d'Annemasse au titre de son droit de préemption urbain ; d'AVOIR dit qu'en cas d'agrément de M. Y..., la cession de parts sera réalisée au sens de l'article 11 des statuts ; d'AVOIR dit que le prix devra alors être fixé à dire d'expert conformément aux dispositions de l'article 1843-4 du code civil ; d'AVOIR déclaré régulier et parfait le nantissement des 250 parts détenues par M. X... dans le capital de la société SR au profit de la SCI Duplo en garantie du remboursement de la somme d'un million d'euros ; ainsi que la promesse de cession de ces parts à M. Y... ;
AUX MOTIFS QUE, sur la validité de la promesse de cession de parts et du nantissement de ces parts, aux termes de l'article 1108 du code civil, dans son ancienne rédaction applicable au litige, « quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention, le consentement de la partie qui s'oblige, sa capacité de contracter, un objet certain qui forme la malice de l'engagement, une cause licite dans l'obligation » ; que M. X..., soutient qu'il a faussement pensé être responsable et, à tout le moins, s'est trompé sur l'étendue de sa responsabilité, que son consentement était vicié par une erreur, la fausse croyance qu'il était responsable ; que M. X... ajoute qu'il n'était pas en capacité de s'engager comme en attesterait un certificat médical qu'il produit ; que la cause de cette promesse de cession de parts sociales et de ce nantissement est longuement caractérisée dans l'acte notarié qui en donne un exposé précis, il s'agit de la reconnaissance par M. X... de sa responsabilité dans les pertes subies par la SCI Duplo suite à l'annulation judiciaire de l'acte de vente de l'immeuble qui appartenait à la SCI SR ; mais que M. X... fait valoir que cette responsabilité n'existait pas, que l'acte est donc nul pour absence de cause ; que, pour autant, avant la présente instance et pendant 6 ans, M. X... n'a jamais contesté la validité de son engagement, il a même soutenu la validité de l'acte à l'occasion des procédures engagées par la SCI SR pour en obtenir l'annulation ; que, ce faisant M. X..., intervenant au soutien de l'acte, l'a confirmé et purgé des irrégularités dont il pouvait être frappé, qu'elles soient relatives au consentement et à la capacité de M. X... ou à la cause de l'acte ; que, certes, M. X... produit un certificat médical du docteur A..., psychiatre à Genève, en date du 11/06/2015, aux termes duquel il rencontre des problèmes psychiques depuis plusieurs années et est suivi en consultation depuis avril 2008, et qu'il a connu une rechute sévère en juin 2010 caractérisée par un effondrement thymique progressif et la résurgence d'angoisses quasi continues ; que le praticien précise qu'à la date du 01/08/2010, sa capacité de discernement était nulle, M. X... étant dans « l'incapacité de comprendre, d'apprécier et aussi de pouvoir envisager des décisions raisonnables à une situation un peu complexe » ; mais que l'acte litigieux est antérieur de plusieurs mois à cet épisode critique, il est extrêmement détaillé et précis sur les faits litigieux et quant à la volonté de M. X... de mettre fin de manière la plus équitable possible au litige, et il a été établi par devant notaire, c'est à dire devant un officier ministériel à même d'apprécier si les parties à l'acte étaient en capacité physique et psychique de comprendre et de signer l'acte en cause ; que celui-ci est clair, puisque sont bien distingués les bénéficiaires de la cession de parts (M. Y...) et ceux du nantissement (la SCI Duplo), le fait que M. X... dans sa déclaration liminaire ait cité la SCI Duplo comme cessionnaire des parts étant sans incidence, cette partie de l'acte notarié n'étant pas décisoire et relevant en réalité d'une erreur de plume ; que, dès lors, il convient de considérer que la promesse de cession de parts et leur nantissement sont valables et M. X... ne peut valablement en invoquer la nullité au soutien de ses prétentions ;
1) ALORS QUE la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer ; qu'en l'espèce, pour écarter la demande de M. X... en nullité pour erreur, de l'acte du 1er avril 2010, la cour d'appel a retenu que « pendant 6 ans, M. X... n'[avait] jamais contesté la validité de son engagement » et qu' « il [avait] même soutenu la validité de l'acte à l'occasion des procédures engagées par la SCI SR pour en obtenir l'annulation », pour en déduire qu'il l'avait « confirmé et purgé des irrégularités dont il pouvait être frappé, qu'elles soient relatives au consentement et à la capacité de M. X... ou à la cause de l'acte » ; qu'en statuant ainsi, tandis que l'absence de responsabilité de M. X... n'a été établie que par un arrêt de la cour d'appel de Chambéry en date du 10 octobre 2017, ce dont il résultait nécessairement que M. X... ne pouvait avoir eu, avant cette date, une connaissance certaine de l'erreur affectant son consentement à l'acte litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1338 du code civil, devenu l'article 1182 de ce code ;
2) ALORS QUE la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer ; qu'en l'espèce, pour écarter la demande de M. X... en nullité pour absence de cause, de l'acte du 1er avril 2010, la cour d'appel a retenu que « pendant 6 ans, M. X... n'[avait] jamais contesté la validité de son engagement » et qu' « il [avait] même soutenu la validité de l'acte à l'occasion des procédures engagées par la SCI SR pour en obtenir l'annulation », pour en déduire qu'il l'avait « confirmé et purgé des irrégularités dont il pouvait être frappé, qu'elles soient relatives au consentement et à la capacité de M. X... ou à la cause de l'acte » ; qu'en statuant ainsi, tandis que l'absence de responsabilité de M. X... n'avait été établie que par un arrêt de la cour d'appel de Chambéry en date du 10 octobre 2017, ce dont il résultait nécessairement que M. X... ne pouvait avoir eu, avant cette date, connaissance certaine du défaut de cause affectant l'acte litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1338 du code civil, devenu l'article 1182 de ce code ;
3) ALORS QUE la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer ; qu'en l'espèce, pour écarter la demande de M. X... en nullité, pour erreur et absence de cause, de l'acte du 1er avril 2010, la cour d'appel a retenu que « pendant 6 ans, M. X... n'[avait] jamais contesté la validité de son engagement » et qu' « il [avait] même soutenu la validité de l'acte à l'occasion des procédures engagées par la SCI SR pour en obtenir l'annulation », pour en déduire qu'il l'avait « confirmé et purgé des irrégularités dont il pouvait être frappé, qu'elles soient relatives au consentement et à la capacité de M. X... ou à la cause de l'acte » ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait de la procédure et en particulier des commémoratifs de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 15 octobre 2013 que, pour s'opposer à la demande de nullité de l'acte litigieux par la SCI SR et Serge Rosset, M. X... contestait essentiellement la qualité à agir en nullité des requérants, sans pour autant exprimer son intention de renoncer, en ce qui le concernait, à agir en nullité, la cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à caractériser l'intention de M. X... de purger l'acte du 1er avril 2010 des vices l'affectant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1338 du code civil, devenu l'article 1182 de ce code ;
4) ALORS QUE le silence ne vaut pas confirmation d'un acte nul ; qu'en l'espèce, pour écarter la demande de M. X... en nullité de l'acte du 1er avril 2010, la cour d'appel a retenu que « pendant 6 ans, M. X... n'[avait] jamais contesté la validité de son engagement », pour en déduire qu'il l'avait « confirmé et purgé des irrégularités dont il pouvait être frappé, qu'elles soient relatives au consentement et à la capacité de M. X... ou à la cause de l'acte » ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à établir la confirmation de l'acte par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1338 du code civil, devenu l'article 1182 de ce code ;
5) ALORS QUE, lorsque l'acte n'a reçu aucun commencement d'exécution, l'exception de nullité est perpétuelle ; qu'en l'espèce, pour écarter la demande de M. X... en nullité, soulevée par voie d'exception, de l'acte du 1er avril 2010, la cour d'appel a retenu que « pendant 6 ans, M. X... n'[avait] jamais contesté la validité de son engagement » ; qu'en statuant ainsi, quand, en l'absence de commencement d'exécution de l'acte litigieux, la nullité pouvait être soulevée à tout moment par voie d'exception, la cour d'appel a violé le principe selon lequel l'exception de nullité est perpétuelle.