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28/11/2018 | FRANCE | N°17-18482

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 novembre 2018, 17-18482


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 9 décembre 1975 par la Caisse régionale de crédit mutuel agricole de Guadeloupe en qualité d'opérateur pupitreur informatique ; que dans le dernier état de la relation de travail, il exerçait les fonctions de responsable d'unité immobilier ; qu'à l'issue d'une visite de reprise du 30 septembre 2013, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste ; qu'il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 21 novembre 201

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Sur le second moyen qui est préalable :

Attendu que l'employeur fait g...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 9 décembre 1975 par la Caisse régionale de crédit mutuel agricole de Guadeloupe en qualité d'opérateur pupitreur informatique ; que dans le dernier état de la relation de travail, il exerçait les fonctions de responsable d'unité immobilier ; qu'à l'issue d'une visite de reprise du 30 septembre 2013, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste ; qu'il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 21 novembre 2013 ;

Sur le second moyen qui est préalable :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement nul et de le condamner au paiement de dommages-intérêts pour licenciement illicite et à une indemnité compensatrice de préavis alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article R. 4624-31 du code du travail, dans sa version applicable au litige, que, dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat, un seul examen du médecin du travail suffit pour que son inaptitude puisse être constatée ; que rien n'impose que le médecin du travail vise formellement dans son avis d'inaptitude l'article R. 4624-31 du code du travail ou utilise les termes « danger immédiat » ; qu'il suffit qu'il ressorte de son avis qu'il entend faire usage du dernier alinéa de l'article R. 4623-31 en prononçant immédiatement l'inaptitude, en une seule fois, sans seconde visite ; qu'en l'espèce, le médecin du travail avait rendu le 30 septembre 2013 un avis d'inaptitude formulé en ces termes « Pas de reprise de travail possible. Inaptitude à tous les postes de travail de l'entreprise (Inaptitude posée en une seule fois) » ; qu'il mentionnait en outre les voies de recours applicables, indiquant ainsi d'autant plus clairement que l'inaptitude était prononcée sans seconde visite, en une seule fois ; qu'en jugeant cependant nul le licenciement au prétexte qu'en vertu des dispositions de l'article R. 4624-31 du code du travail dans sa version alors en vigueur, et en l'absence de visite de pré reprise organisée dans les trente jours précédant l'avis en question, la seule exception au principe de l'obligation d'organiser une seconde visite médicale réside dans le cas où le maintien du salarié dans son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l'intéressé ou celle des tiers et que le danger immédiat ne saurait se présumer, et que la seule mention « inaptitude posée en une seule fois » ne suffit pas à établir l'existence d'un tel danger, la cour d'appel a violé l'article R. 4624-31 du code du travail dans sa version applicable au litige ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté qu'aucun examen de préreprise n'avait été effectué dans les trente jours précédents l'avis d'inaptitude et que si cet avis mentionnait que l'inaptitude était posée en une seule fois, il ne se référait pas à l'article R. 4624-31 du code du travail et qu'il n'en ressortait pas l'existence d'un danger immédiat, en a exactement déduit que l'inaptitude n'ayant pas été constatée en respectant l'exigence du double examen médical, le licenciement était nul ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen annexé en ce qu'il vise le chef de dispositif condamnant l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour licenciement illicite qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen en ce qu'il vise le chef de dispositif condamnant l'employeur au paiement d'une indemnité de préavis :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu qu'après avoir retenu qu'en cas de licenciement nul, l'indemnité compensatrice de préavis, qui est de trois mois, est due au salarié, l'arrêt fixe cette indemnité à la somme de 28 445,88 euros sur la base d'un salaire mensuel brut moyen de 9 481,96 euros ;

Qu'en statuant ainsi alors qu'elle constatait que le salarié soutenait que son salaire mensuel brut moyen était de 9 207 euros et qu'il sollicitait le paiement de la somme de 25 500 euros, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la Caisse régionale de crédit mutuel agricole de Guadeloupe à payer à M. X... la somme de 28 445,88 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt rendu le 20 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision infirmative attaquée d'AVOIR condamné la CRCAM de Guadeloupe aux dépens et à verser à M. Fred X... la somme de 56 891,76 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement illicite, la somme de 28 445,88 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le salaire de référence M. X... soutient que son salaire mensuel brut moyen s'élève à la somme de 9207 € puisque l'ensemble des sommes perçues sur les douze derniers mois doit être pris en compte, y compris celles versées à titre de rappel de salaire postérieurement à la rupture du contrat de travail, ce qui porte son salaire annuel brut à la somme de 110 492,97 €. La CRCAM de Guadeloupe soutient que la moyenne des salaires doit être fixée à la somme de 8591 €. Le total des salaires mensuels bruts perçus par M. X... entre le 1er décembre 2012 et le 30 novembre 2013, date de la rupture de son contrat de travail (incluant les éléments versés tardivement en décembre 2013) s'élève à 126 861,04 €, somme à laquelle il convient de déduire la somme de 13 065,52 € perçue au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, soit un total annuel s'élevant à 113 795,51 €, correspondant à la somme de 9481,96 € par mois. Ce mode de calcul étant le plus favorable au salarié, il convient de fixer le salaire mensuel brut moyen à la somme de 9481,96 € » ;

ALORS QUE les juges du fond sont tenus par les limites du litige telles qu'elles sont fixées par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, comme l'a relevé la cour d'appel (arrêt page 5), M. X... entendait voir fixer son salaire brut moyen à la somme de 9207 euros (conclusions d'appel du salarié page 3 et 18) ; qu'en fixant cependant le salaire mensuel brut moyen à la somme supérieure de 9481,96 € pour ensuite juger que les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse devaient être de 56 891,76 € (six mois du salaire moyen fixé) et l'indemnité de préavis de 28 445,88 € (trois mois du salaire moyen fixé), la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision infirmative attaquée d'AVOIR dit que le licenciement prononcé à l'encontre de M. Fred X... est nul, condamné la CRCAM de Guadeloupe aux dépens et à verser à M. Fred X... la somme de 56 891,76 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement illicite, la somme de 28 445,88 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, enjoint sous astreinte la CRCAM de Guadeloupe de remettre à M. Fred X... le bulletin de salaire du mois de novembre 2013 rectifié, et condamné la CRCAM de Guadeloupe à verser à M. Fred X... la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU'« A l'occasion de la visite de reprise du 30 septembre 2013, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude sur lequel apparaissent les conclusions suivantes : "pas de reprise du travail possible. Inaptitude à tous les postes de travail de l'entreprise (inaptitude posée en une seule fois". Un tampon fait apparaître la mention suivante : "le présent avis médical peut faire l'objet d'une contestation du salarié ou de l'employeur. Ce recours doit être adressé par lettre recommandée avec AR à l'inspecteur du travail dont relève l'entreprise. Le délai de recours est de deux mois à compter de la date de l'avis. Art. R. 4624-34 du code du travail et R. 4624-35 du code du travail." L'article R. 4624-31 du code du travail, dans sa version au vigueur à la date de rédaction de l'avis, disposait : "le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé : 1° Une étude de ce poste ; 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires. Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen." M. X... fait valoir que puisque l'article R. 4624-31 du code du travail n'est pas mentionné, mais encore qu'aucun danger immédiat n'est expressément mentionné sur l'avis d'inaptitude, l'employeur aurait dû solliciter un second examen médical dans un délai de deux semaines, à défaut de quoi le licenciement est nul. La CRCAM de Guadeloupe soutient que la rédaction de l'avis d'inaptitude est claire et ne laisse aucune possibilité future de reprise du travail. Elle expose que M. X... ne conteste pas le fait que son état de santé nécessitait une inaptitude en une seule visite. La CRCAM de Guadeloupe fait valoir qu'il s'agissait de l'ancienne version de l'avis d'aptitude, laquelle ne comportait pas de cases à cocher concernant un danger immédiat. En vertu des dispositions de l'article R. 4624-31 du code du travail dans sa version alors en vigueur, et en l'absence de visite de pré reprise organisée dans les trente jours précédant l'avis en question, la seule exception au principe de l'obligation d'organiser une seconde visite médicale réside dans le cas où le maintien du salarié dans son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l'intéressé ou celle des tiers. Ce danger immédiat ne saurait se présumer et la seule mention "inaptitude posée en une seule fois" ne suffit pas à établir l'existence d'un tel danger. La CRCAM de Guadeloupe fait valoir que la fiche d'aptitude utilisée par le médecin du travail correspondait à l'ancien modèle, ne comportant pas de case "danger immédiat" à cocher le cas échéant. L'article R. 4624-47 du code du travail, dans sa version en vigueur à la date de réaction de la fiche d'aptitude, traite de la fiche médicale d'aptitude. L'arrêté du 20 juin 2013 fixant le modèle de fiche d'aptitude, entré en vigueur le 4 juillet 2013, vient modifier le modèle de la fiche de visite du travail. Le modèle conforme, annexé à l'arrêté, comporte une case "en un seul examen R. 4624-31 du code du travail" et le cas échéant deux sous-cases alternatives "danger immédiat" ou "examen de pré-reprise en date du". Dès lors que ce nouveau modèle de fiche d'aptitude aurait dû être utilisé par le médecin du travail, conformément aux textes applicables, et que tel n'a pas été le cas en l'espèce, l'intimée ne saurait s'en prévaloir en vue de justifier le fait que la mention "danger immédiat" n'apparaisse pas clairement sur l'avis l'inaptitude. En l'absence de danger immédiat, il appartient à l'employeur de veiller à ce que le second examen soit organisé, or tel n'a pas été le cas en l'espèce, puisque la CRCAM de Guadeloupe a engagé la procédure prévue en cas d'inaptitude et licencié M. X..., sur la base du seul avis d'inaptitude en date du 30 septembre 2009. Le licenciement de M. X..., intervenu sur la base du seul avis de la première visite de reprise, sans qu'une visite de pré reprise ait été effectuée dans les trente jours précédant la visite, et sans existence d'un danger immédiat ressortant de l'avis d'inaptitude du médecin du travail ni mention de l'article R. 4624-31 du code du travail, est nul » ;

ALORS QU'il résulte de l'article R. 4624-31 du code du travail, dans sa version applicable au litige, que, dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat, un seul examen du médecin du travail suffit pour que son inaptitude puisse être constatée ; que rien n'impose que le médecin du travail vise formellement dans son avis d'inaptitude l'article R. 4624-31 du code du travail ou utilise les termes « danger immédiat » ; qu'il suffit qu'il ressorte de son avis qu'il entend faire usage du dernier alinéa de l'article R. 4623-31 en prononçant immédiatement l'inaptitude, en une seule fois, sans seconde visite ; qu'en l'espèce, le médecin du travail avait rendu le 30 septembre 2013 un avis d'inaptitude formulé en ces termes « Pas de reprise de travail possible. Inaptitude à tous les postes de travail de l'entreprise (Inaptitude posée en une seule fois) » ; qu'il mentionnait en outre les voies de recours applicables, indiquant ainsi d'autant plus clairement que l'inaptitude était prononcée sans seconde visite, en un seule fois ; qu'en jugeant cependant nul le licenciement au prétexte qu'en vertu des dispositions de l'article R. 4624-31 du code du travail dans sa version alors en vigueur, et en l'absence de visite de pré reprise organisée dans les trente jours précédant l'avis en question, la seule exception au principe de l'obligation d'organiser une seconde visite médicale réside dans le cas où le maintien du salarié dans son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l'intéressé ou celle des tiers et que le danger immédiat ne saurait se présumer, et que la seule mention « inaptitude posée en une seule fois » ne suffit pas à établir l'existence d'un tel danger, la cour d'appel a violé l'article R. 4624-31 du code du travail dans sa version applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-18482
Date de la décision : 28/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 20 février 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 nov. 2018, pourvoi n°17-18482


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.18482
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