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28/11/2018 | FRANCE | N°16-26446

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 28 novembre 2018, 16-26446


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 9 novembre 2016), qu'un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé les agents de l'administration fiscale à procéder à des visites et des saisies dans des locaux et dépendances situés à [...], susceptibles d'être occupés par la société Pharmacie A... et/ou le groupement d'intérêt économique Valphar

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 9 novembre 2016), qu'un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé les agents de l'administration fiscale à procéder à des visites et des saisies dans des locaux et dépendances situés à [...], susceptibles d'être occupés par la société Pharmacie A... et/ou le groupement d'intérêt économique Valpharma, et des locaux et dépendances situés à [...] (Val de Marne), susceptibles d'être occupés par M. A..., Mmes B..., C... A... et Maylis A... et par la société civile immobilière Espace Roger François, afin de rechercher la preuve de la fraude commise par la société Pharmacie A... au titre de l'impôt sur les bénéfices et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que cette société a relevé appel de l'ordonnance d'autorisation de visite ;

Attendu que le directeur général des finances publiques fait grief à l'ordonnance d'annuler l'ordonnance d'autorisation de visite et de saisie ainsi que les opérations de visite qui en ont été la suite alors, selon le moyen, qu'eu égard au libellé de l'article L 82 C du livre des procédures fiscales tel qu'applicable à l'époque des faits et compte tenu de l'esprit et de l'économie du texte, ainsi que de l'objectif poursuivi, le droit de communication du ministère public peut trouver à s'appliquer dans l'hypothèse où conformément aux règles du code de procédure pénale, et donc dans le cadre d'une procédure organisée, et à finalité judiciaire puisqu'elle prépare à l'engagement de l'action publique, le ministère public procède à une enquête préliminaire, peu important que l'action publique ne soit pas formellement engagée ; qu'en décidant le contraire, le juge du second degré a violé l'article L 82 C du livre des procédures fiscales, ensemble l'article L 16 B du livre des procédures fiscales ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé qu'aux termes de l'article L 82 C du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur, « à l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances », et constaté que l'ordonnance d'autorisation se fondait sur deux pièces d'une procédure d'enquête suivie au parquet de Paris, et communiquées par celui-ci à l'administration fiscale sur sa demande, c'est à bon droit que l'ordonnance retient que ces pièces, qui ne provenaient pas du dossier d'une instance civile ou pénale en cours, ont été communiquées irrégulièrement et ne pouvaient, dès lors, justifier l'autorisation accordée ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le directeur général des finances publiques aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la société Pharmacie A... la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour le directeur général des finances publiques

L'ordonnance attaquée encourt la censure ;

EN CE QU'elle a annulé l'autorisation de visite résultant de l'ordonnance du 15 septembre 2015, puis annulé les opérations de visite effectuées le 24 septembre 2015, sur le fondement de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales ;

AUX MOTIFS QUE « aux termes de l'article L 16 B du LPF, l'autorité judiciaire peut autoriser l'administration à effectuer une visite domiciliaire lorsqu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au payement de l'impôt sur le revenu ou les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée, pour rechercher la preuve de ces agissements ; que le juge de l'autorisation n'étant pas le juge de l'impôt, il n'avait pas à rechercher si les infractions étaient caractérisées, mais seulement s'il existait des présomptions de fraude justifiant l'opération sollicitée ; que le débat contradictoire et de l'accès effectif au juge se déroule devant le premier président de la cour d'appel, qu'à la suite de l'arrêt du 21 février 2008 (arrêt Ravon), la cour européenne des droits de l'homme avait estimé que les sociétés ou les personnes physiques devaient bénéficier d'un contrôle juridictionnel effectif tant sur l'ordonnance d'autorisation que les opérations de visite et de saisie ; que cette évolution jurisprudentielle s'est traduite dans la modification apportée par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008, qui a instauré dans les textes ce contrôle juridictionnel effectif devant le premier président, ce que l'appelante a effectué en contestant à la fois l'autorisation et en exerçant un recours contre les opérations de visite et de saisie ; qu'aux termes de l'article L 82 C du LPF (version antérieure à la loi du 29 décembre 2015), « à l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances » ; qu'aux termes de l'article 170 du LPF, pour l'application de cette disposition aux juridictions répressives, seule la saisie d'un juge d'instruction ou la saisie directe d'une juridiction pénale doivent être regardées comme un engagement de poursuite ouvrant une instance ; qu'a contrario, l'ouverture d'une enquête préliminaire ou l'examen des poursuites par le ministère public ne sauraient avoir un tel effet, la notion d'instance étant conditionnée par la présence d'un juge et de parties ; que le délégué du premier président doit, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, examiner l'autorisation querellée à la date à laquelle celle-ci a été rendue, à savoir le 15 septembre 2015 ; que l'ordonnance contestée se fonde sur les pièces 1-2 et 1-3 qui ont été demandées et obtenues auprès du parquet de Paris dans le dossier Pharmagest, référence n°15.036.000120, parquet de Paris, section F2, le 3 juin 2015 ; que l'examen de ces pièces fait apparaître que la société A... disposait du logiciel permissif LGPI depuis le 15 septembre 2008 et qu'un courriel de ladite pharmacie avait demandé le mot de passe nécessaire à l'utilisation de la fonction « cession d'officine » ; que les pièces obtenues suite au droit de communication susmentionné sont mentionnées dans la requête et l'autorisation et qu'elles constituent la motivation essentielle ayant déterminé le premier juge à délivrer son ordonnance de visite et de saisie ; qu'il est vain d'invoquer comme le fait l'administration les dispositions de l'ancien article 170 du LPF et notamment le droit de reprise exceptionnel, lequel ne s'applique pas au cas d'espèce ; que si la loi n°2015-1786 du 29 décembre 2015 – article 92 a modifié l'article L 188 C en substituant le terme « procédure judiciaire » à celui « d'instance » et venue également modifier l'article L 82 C du LPF dans les mêmes termes, celle-ci est postérieure à la fois à la demande de communication de l'administration et à l'ordonnance du juge de la liberté et de la détention ; qu'en conséquence, l'obtention des pièces précitées dans le cadre du droit de communication n'a pas respecté les dispositions de l'article L 82 C du LPF, ancienne rédaction, et a donc vicié la procédure ; qu'il convient de faire droit à la demande d'annulation de l'ordonnance délivrée le 15 septembre 2015 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Créteil et celle subséquente du juge des libertés et de la détention d'Évry » ;

ALORS QUE, eu égard au libellé de l'article L 82 C du livre des procédures fiscales tel qu'applicable à l'époque des faits et compte tenu de l'esprit et de l'économie du texte, ainsi que de l'objectif poursuivi, le droit de communication du ministère public peut trouver à s'appliquer dans l'hypothèse où conformément aux règles du code de procédure pénale, et donc dans le cadre d'une procédure organisée, et à finalité judiciaire puisqu'elle prépare à l'engagement de l'action publique, le ministère public procède à une enquête préliminaire, peu important que l'action publique ne soit pas formellement engagée ; qu'en décidant le contraire, le juge du second degré a violé l'article L 82 C du livre des procédures fiscales, ensemble l'article L 16 B du livre des procédures fiscales.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-26446
Date de la décision : 28/11/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 novembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 28 nov. 2018, pourvoi n°16-26446


Composition du Tribunal
Président : Mme Darbois (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.26446
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