LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, qu'un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article 64 du code des douanes, autorisé des agents de l'administration des douanes à procéder à des opérations de visites avec saisies dans les locaux de la société Y..., en vue de rechercher la preuve de faits susceptibles de constituer le délit d'importation de marchandises sans déclaration prévu et réprimé par les articles 414 et 426 du code des douanes ; qu'à l'issue des opérations, qui se sont déroulées le 17 mars 2015, et par procès-verbal séparé du même jour, les agents de l'administration des douanes ont procédé à l'audition de M. Y..., directeur général de cette société ; que la société Y... a fait appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et formé un recours contre les opérations de visite ;
Sur le moyen unique :
Attendu que la société Y... fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande d'annulation des opérations de visite et de saisies du 17 mars 2015 alors, selon le moyen, que les pouvoirs d'investigation conférés aux officiers et agents de police judiciaire ou à certains fonctionnaires par des lois spéciales ne peuvent être exercés que dans les conditions et dans les limites fixées par les textes qui les prévoient, sans qu'il leur soit permis de mettre en oeuvre, par un détournement de procédure, des pouvoirs que la loi ne leur a pas reconnus ; que les dispositions de l'article 64 du code des douanes, qui déterminent les pouvoirs des agents des douanes lors de la visite domiciliaire, n'autorisent pas les auditions ; que le fait, pour les agents des douanes, de profiter d'une visite domiciliaire et du titre leur donnant accès aux lieux pour effectuer dans la continuité de la visite domiciliaire une audition à domicile, fut-ce sous le régime de l'article 67 F du code des douanes, constitue un détournement de procédure, les deux mesures n'étant pas détachables ; qu'en l'espèce, les agents des douanes ont procédé, en vertu d'une ordonnance d'autorisation du juge des libertés et de la détention leur permettant d'y accéder, à une visite domiciliaire de 9 h 30 à 20 heures dans les locaux de la société Y... en présence de son représentant, puis, sur place et dans la continuité de cette visite, à une audition au fond de ce représentant de la société ; qu'en écartant néanmoins tout détournement de procédure, la cour d'appel a violé le principe sus-énoncé, ensemble l'article 64 du code des douanes ;
Mais attendu que si les agents de l'administration des douanes, autorisés à effectuer une visite domiciliaire sur le fondement de l'article 64 du code des douanes, ne peuvent, au cours de cette visite, procéder, en application de l'article 67 F du même code, à l'audition des personnes présentes lors des opérations, il résulte des procès-verbaux en cause que l'audition contestée, qui a fait l'objet d'un procès-verbal distinct, a été effectuée après l'achèvement des opérations de visite, lesquelles n'ont donc pas pu être viciées par cette circonstance, aucun détournement de procédure ne pouvant être retenu de ce seul fait ; que l'ordonnance, qui statue en ce sens, n'encourt pas les griefs du moyen ;
Mais sur le moyen relevé d'office, dans les conditions de l'article 620 du code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties :
Vu l'article 64 du code des douanes ;
Attendu qu'ayant rejeté la demande d'annulation des opérations de visite, faute de détournement de procédure établi, le premier président ne pouvait statuer sur la demande d'annulation du procès-verbal d'audition, qui ne relevait pas des pouvoirs qu'il tient du texte susvisé ; que la cassation est donc encourue de ce chef ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'elle dit n'y avoir lieu à l'annulation du procès-verbal d'audition du 17 mars 2015, l'ordonnance rendue le 14 septembre 2016, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Y... .
Il EST FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée D'AVOIR déclaré régulières les opérations de visite et saisie en date du 17 mars 2015 et dit n'y avoir lieu à annulation des procès-verbaux de visite domiciliaire et d'audition en date du 17 mars 2015,
AUX MOTIFS QUE l'audition réalisée le 17 mars 2014 (
) trouve son fondement dans les dispositions de l'article 67 F du code des douanes ; que cette audition est totalement détachable du cadre des visites domiciliaires ; que dans le procès-verbal d'audition, l'officier de police judiciaire n'est pas présent ; que M. Y... n'a pas été privé de sa liberté d'aller et venir et pouvait à tout moment quitter les locaux et/ou ne pas répondre aux questions posées, le cadre juridique n'étant pas celui de la retenue douanière ; que le procès-verbal d'audition ne fait état d'aucune observation de la part de la personne entendue (page 8) ; que le détournement de procédure n'est pas constitué dès lors que les deux mesures s'exercent dans un cadre juridique différent et bien identifié (article 64 pour la visite domiciliaire et article 67F du code des douanes), le lieu d'audition étant sans incidence sur la procédure ;
ALORS QUE les pouvoirs d'investigation conférés aux officiers et agents de police judiciaire ou à certains fonctionnaires par des lois spéciales ne peuvent être exercés que dans les conditions et dans les limites fixées par les textes qui les prévoient, sans qu'il leur soit permis de mettre en oeuvre, par un détournement de procédure, des pouvoirs que la loi ne leur a pas reconnus ; que les dispositions de l'article 64 du code des douanes, qui déterminent les pouvoirs des agents des douanes lors de la visite domiciliaire, n'autorisent pas les auditions; que le fait, pour les agents des douanes, de profiter d'une visite domiciliaire et du titre leur donnant accès aux lieux pour effectuer dans la continuité de la visite domiciliaire une audition à domicile, fut-ce sous le régime de l'article 67 F du code des douanes, constitue un détournement de procédure, les deux mesures n'étant pas détachables; qu'en l'espèce, les agents des douanes ont procédé, en vertu d'une ordonnance d'autorisation du juge des libertés et de la détention leur permettant d'y accéder, à une visite domiciliaire de 9h30 à 20h dans les locaux de la société Y... en présence de son représentant, puis, sur place et dans la continuité de cette visite, à une audition au fond de ce représentant de la société; qu'en écartant néanmoins tout détournement de procédure, la Cour d'appel a violé le principe sus-énoncé, ensemble l'article 64 du code des douanes.